Fil d'Ariane
CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME: RÉUNION-DÉBAT SUR L'ÉLIMINATION DES MARIAGES D'ENFANTS, DES MARIAGES PRÉCOCES ET DES MARIAGES FORCÉS
Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une réunion-débat sur la prévention et l'élimination des mariages d'enfants, des mariages précoces et des mariages forcés. Le débat a été ouvert par Mme Flavia Pansieri, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme.
Les panélistes, animés par Mme Yvette Stevens, Représentante permanente de Sierra Leone auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, étaient les suivants: Mme Violetta Neubauer, présidente du groupe de travail sur les pratiques néfastes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes; Mme Kate Gilmore, Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP); Mme Pooja Badarinath, Coordinatrice de programme à Advocacy and Research; Mme Soyata Maiga, Rapporteuse spéciale sur les droits des femmes de la Commission des droits de l'homme et de peuples de l'Union africaine; M. Ayman Sadek, responsable de programme pour Plan International en Haute-Égypte. Mme Nyaradzayi Gumbonzvanda, Ambassadrice de bonne volonté de l'Union africaine pour la campagne visant à mettre fin aux mariages précoces et forcés a également pris la parole.
La Haut-Commissaire adjointe a déclaré que les racines du mal sont à chercher dans les inégalités et les rapports de force entre les sexes, ainsi que dans la pauvreté. Pour combattre les mariages d'enfants, les mariages précoces et les mariages forcés, les États doivent veiller à imposer un âge minimum pour le mariage, interdire les pratiques néfastes et inciter les jeunes filles à poursuivre leur scolarité.
Mme Neubauer a pour sa part déclaré que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes avait récemment décidé de changer sa terminologie et de parler désormais de «mariage d'enfants» pour tout mariage de personnes de moins de 18 ans et de «mariages forcés» pour d'autres type de mariages sous contrainte. Mme Gilmore a chiffré à 39 000 filles par jour le nombre de filles contraintes de se marier. Cette situation conduit évidement à une violation des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles, a ajouté Mme Badarinath; en outre, le risque de violence sexuelle est plus élevé pour les jeunes filles qui ont été forcées de se marier. Elle a souligné que souvent, les efforts de prévention ne se sont pas attaqués aux causes profondes et ont donc eu des résultats peu satisfaisants. À ce égard, en dépit de lois, 23% des jeunes filles égyptiennes se marient avant leurs 18 ans, a observé M. Sadek, qui a souligné que c'est avec les chefs communautaires qu'il faut instaurer un dialogue. Pour sa part, la Commission des droits de l'homme et de peuples de l'Union africaine ne manque jamais de recommander à ses membres de prendre des mesures urgentes pour supprimer les comportements néfastes, assurer la scolarisation des filles, imposer un âge minimal du mariage et sensibiliser les policiers, magistrats et les communautés du bien-fondé des mesures de protection des filles. Mme Gumbonzvanda a ajouté qu'il est de la responsabilité de tous de s'attaquer à ce problème et elle a suggéré que le Conseil adopte chaque année une résolution sur le sujet.
Dans le tour de débat qui a suivi, toutes les délégations ont exprimé leur rejet et leur condamnation du mariage précoce et forcé. Pour de nombreuses délégations, ces pratiques ne sont rien de moins qu'une des pires formes de violation des droits de l'homme, une atteinte grave aux droits des filles et des femmes, assimilable à l'esclavage et qui perpétue et condamne les sociétés qui la pratiquent au sous-développement. Quoi qu'il en soit, elles ne sont ni prescrites, ni recommandées par aucune religion. Si ces pratiques persistent, c'est que les pays n'ont pas pris toutes les mesures pour les combattre. De surcroît, certains pays sont même tentés par la régression et veulent réduire l'âge minimum du mariage. Des délégations ont en outre présenté les mesures prises par leurs autorités pour lutter contre ce phénomène, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation et de prévention, ou de mesures répressives à l'encontre des personnes qui poussent au mariage forcé ou précoce. Certains pays ont en outre plaidé de s'en prendre aux cause profondes de ce fléau, notamment la pauvreté.
Les délégations suivantes ont participé à ce débat: Union africaine , Éthiopie (Groupe africain), Union européenne, Autriche, Norvège (pays nordiques), Costa Rica (Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Égypte (Groupe arabe ), Canada, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Monténégro, Spain, Maldives, Belgique, Israël, États-Unis, Congo, France, Italie, Pays Bas, Honduras, Estonie, Royaume-Uni, Iran, Angola, Syrie. Ont également participé aux échanges le Conseil national des droits de l'homme du Maroc et plusieurs organisations non gouvernementales: Plan International, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Centre for Reproductive Rights, Verein Sudwind Entwicklungspolitik et British Humanist Association.
Demain matin à 9 heures, le Conseil doit conclure le débat sur l'Examen périodique universel, avant d'ouvrir le débat général sur la situation des droits de l'homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés. Il a été indiqué qu'en raison de questions logistiques, le débat interactif sur le Soudan du Sud ne pourra probablement pas se tenir comme prévu demain après-midi.
Réunion-débat sur les mariages d'enfants, les mariages précoces et les mariages forcés
Introduction
MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a déclaré que les mariages d'enfants, les mariages précoces et les mariages forcés ont des effets profonds sur les filles et les jeunes femmes concernées. D'ici à 2020, 142 millions de femmes – soit 39 000 par jour – auront été mariées dans de telles conditions si rien n'est fait. La racine du mal est à chercher d'abord dans les inégalités et les rapports de force entre les sexes qui entraînent la soumission des femmes; puis dans la pauvreté, qui motive une volonté d'assurer la sécurité économique des jeunes filles. Mais en réalité, le mariage et les grossesses précoces constituent bel et bien des obstacles à l'emploi et à l'éducation des filles et des jeunes femmes, de même qu'ils sont à l'origine de problèmes de santé pour les jeunes mères.
Au chapitre des remèdes, les États doivent veiller absolument à ce que les jeunes mariés, hommes et femmes, soient âgés d'au moins 18 ans et qu'ils donnent leur consentement éclairé. Les États doivent aussi interdire les pratiques néfastes, notamment le mariage d'enfants et les mariages précoces, et prévoir des sanctions contre les responsables de violations de la loi. Il faut également inciter les jeunes filles à poursuivre leur scolarité. Des cours d'éducation sexuelle adaptés aux différents publics doivent être dispensés. Femmes et filles doivent aussi être en mesure de connaître et de faire valoir leurs droits au regard du mariage. Les réseaux électroniques facilitent le dialogue en permettant la création d'espaces sécurisés virtuels au sein desquels les filles et les jeunes femmes peuvent se rassembler et militer pour le changement.
Le Conseil des droits de l'homme est saisi du rapport du Haut-Commissariat sur la prévention et élimination des mariages d'enfants, des mariages précoces et des mariages forcés (A/HRC/26/22).
MME YVETTE STEVENS (Sierra Leone), animatrice du débat, a rappelé que la question des mariages précoces et forcés est une question de droits de l'homme. Ce type de mariage doit être éliminé car il empêche la réalisation de six objectifs du Millénaire pour le développement sur huit. Le débat se déroule à point nommé alors que se prépare le programme de développement pour l'après-2015, dans lequel il est impératif d'inclure l'élimination des mariages forcés et précoces.
Exposés des experts
MME VIOLETTA NEUBAUER, Présidente du Groupe de travail sur les pratiques néfastes du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a rappelé que, malgré le caractère imprescriptible des droits de l'homme, les atteintes aux droits des femmes commencent souvent dès la naissance. Des fillettes deviennent des fiancées dès leur plus jeune âge. Le Comité constate combien est courante la pratique du mariage forcé ou précoce des enfants. Les fillettes sont en outre souvent vendues pour payer les dettes de la famille. Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a décidé récemment de changer sa terminologie et de parler désormais de «mariage d'enfants» pour tout mariage de personnes de moins de 18 ans et de «mariages forcés» pour d'autres types de mariages sous contrainte.
MME KATE GILMORE, Directrice exécutive adjointe du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a déclaré que les conséquences des mariages précoces et forcés sur les droits de l'homme sont énormes. Ainsi, près de des 39 000 filles par jour sont contraintes de contracter une union non choisie. Cela fait 2 filles par seconde, a-t-elle chiffré, insistant sur le caractère excessif et discriminatoire de ce phénomène. Le mariage forcé prive une fille de son enfance, de sa participation active dans ce monde, de la réalisation de soi dans ce monde. Une jeune fille est davantage susceptible d'être retirée de l'éducation et susceptible de devenir enceinte. Dans les pays en développement, un quart des adolescentes mariées ou vivant en union n'ont pas accès aux contraceptifs. Nombreuses sont celles qui sont victimes de violences sexuelles.
MME POOJA BADARINATH, Coordinatrice de programme à Advocacy and Research (CREA) a souligné que souvent, les efforts de prévention ne se sont pas attaqués aux causes profondes et ont donc eu des résultats peu satisfaisants. Les mariages précoces et forcés conduisent à une violation des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles. L'impact du mariage des enfants en matière de santé sexuelle et reproductive est bien connu; et le risque de violence sexuelle est plus élevé pour les jeunes filles qui ont été forcées de se marier. En même temps, beaucoup de pays ne condamnent pas cette forme de violence. Les filles mariées sont également à risque de subir la violence sous la forme de coercition en matière de reproduction. En portant l'attention sur les mariages précoces et forcés, il faut aussi se pencher sur la question du consentement, notamment dans un contexte où le consentement des enfants et adolescents évolue. Dans la plupart des pays il est fixé à 16 ou 18 ans.
MME SOYATA MAIGA, Rapporteuse spéciale sur les droits des femmes de la Commission des droits de l'homme et des peuples de l'Union africaine, a déclaré que la persistance des pratiques néfastes pour les femmes et les filles est une source de préoccupation constante pour la Commission. La Commission ne manque jamais d'aborder ce problème lors de l'examen des rapports périodiques des États membres. Elle leur recommande notamment de prendre des mesures urgentes pour supprimer les comportements néfastes pour la santé des filles, pour assurer leur scolarisation et pour interdire toute dispense à l'âge minimal du mariage, qui doit être porté à 18 ans pour les deux sexes. La Commission recommande en outre que les magistrats et policiers soient sensibilisés aux droits des jeunes filles. Plus généralement, la Commission recommande que les États agissent pour convaincre les communautés du bien-fondé des mesures de protection des filles, notamment en mettant à contribution les chefs religieux.
M. AYMAN SADEK, responsable de programme pour Plan International en Haute-Égypte, a observé que malgré les dispositions de la loi, 23% des jeunes filles égyptiennes se marient avant leurs 18 ans. Plan International s'efforce d'abord de briser le silence contre cette pratique profondément ancrée dans la culture et la tradition. L'organisation informe, pour ce faire, les chefs communautaires des effets négatifs du mariage d'enfants. Elle œuvre aussi à l'autonomisation des femmes et des filles en appliquant une méthode basée sur la dynamique de groupe. De son expérience Plan International tire la conclusion qu'il ne suffit pas de travailler avec les filles: il faut aussi atteindre les garçons et les hommes, qui jouent un rôle déterminant pour briser le cycle du mariage précoce. L'organisation constate aussi qu'il faut nouer un dialogue avec les chefs traditionnels et communautaires, dont l'influence sur les familles et les communautés est très forte.
MME NYARADZAYI GUMBONZVANDA, Ambassadrice de bonne volonté de l'Union africaine pour la campagne visant à mettre fin aux mariages précoces et forcés, a déclaré qu'il est de la responsabilité de tous de s'attaquer à ce problème qui touche des millions de filles et de femmes dans le monde. Selon elle, le Conseil doit adopter une résolution annuelle interdisant cette pratique. La communauté internationale doit s'engager à mettre cette question à l'ordre du jour du programme de développement pour l'après-2015, en insistant sur le lien avec la pauvreté. Il faut par ailleurs que le débat ait lieu dans les sociétés. Mme Gumbonzvanda a appelé les chefs de file, notamment religieux, à se saisir de la question et à se mobiliser pour que les fillettes puissent jouir de leurs droits humains.
Débat interactif
Le phénomène des mariages précoces et forcés n'est rien de moins qu'une des pires formes de violation des droits de l'homme, a dit l'Espagne, pour qui ce phénomène n'a pas de répercussions que pour les seules victimes, mais aussi pour l'ensemble de la société concernée, qui se contraint elle-même au sous-développement en perpétuant cette pratique. Cette pratique est néfaste pour les droits des filles, a renchéri l'Égypte au nom du Groupe arabe, ajoutant aussi qu'aucun précepte religieux ne justifie ou n'encourage cette pratique.
Le Costa Rica, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a observé que la première cause de mortalité chez fillettes dans le monde est la grossesse précoce et les complications qui en résultent. Cette pratique sape en effet les droits des filles et des femmes, a également reconnu l'Éthiopie au nom du Groupe africain. Cependant, elle reste liée à des situations de pauvreté qu'il faut combattre. C'est pourquoi l'Union africaine a lancé une campagne pour mettre fin à ces pratiques, aboutissant à ce que des États prennent des mesures à la fois de prévention et répressives. L'Union européenne, dont la lutte contre cette pratique est inscrite parmi ses priorités, a mis en place un plan stratégique qui vise à éliminer les pratiques néfastes et les normes sociales qui autorisent le mariage forcé et précoce.
L'Autriche au nom d'un groupe de pays, s'est pour sa part félicitée de ce débat, en raison du nombre important des victimes de ce phénomène. Si les conséquences sont importantes chez les filles, les garçons aussi sont touchés; il faut s'attaquer aux sources de cette pratique, à savoir la pauvreté et les discriminations. Le Honduras a déclaré que la lutte contre le mariage précoce passe, notamment, par des mesures contre la pauvreté et l'exclusion, ainsi que par le soutien à la scolarisation des jeunes filles. Les jeunes filles mariées doivent avoir accès à des possibilités d'emploi et de formation. La Norvège, au nom des pays nordiques, a observé que l'interdiction ne suffit pas en elle-même à éliminer ce fléau. Il faut aller au-delà et chercher d'autres moyens. Le mariage forcé n'est en tout cas pas l'apanage des milieux pauvres. Les familles riches y ont également recours dans le but de perpétuer une forme de noblesse, ont de leur côté nuancé les Maldives, pays où la pratique a cours.
Le Canada a déclaré que maintenant que la communauté internationale est sensibilisée et engagée à faire quelque chose, il faut maintenant qu'elle passe à l'action, se félicitant des initiatives déjà prises par certains. Mais comment faire en sorte que les bonnes pratiques puissent être mise en œuvre ailleurs? Pour que les programmes soient efficaces, il faut que les acteurs et parties prenantes locales se les approprient, a souligné le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, acteur majeur de la protection des droits de l'enfant.
Les États-Unis ont observé que ces pratiques sont bien souvent assimilables à l'esclavage. Les États-Unis remarquent en outre que les filles scolarisées dans le secondaire courent six fois moins de risque de mariage précoce que les autres. Pour l'Italie, le Royaume-Uni, le Honduras et les Pays-Bas, la lutte contre le mariage précoce devrait figurer à titre d'objectif indépendant, accompagné de cibles spécifiques, dans le programme de développement pour l'après-2015. L'Angola a observé que le mariage précoce a des conséquences négatives sur l'intégration économique des jeunes femmes concernées.
Au Monténégro, comme en Belgique, l'âge minimum du mariage est de 18 ans et la loi punit de prison quiconque contraint une fille au mariage, ont déclaré les deux représentants. Le Congo a déclaré avoir fixé à 21 et 18 ans l'âge du mariage pour les hommes et les femmes, respectivement, des exceptions étant possibles. Malheureusement, les enquêtes démographiques montrent que ces dispositions sont mal respectées. Pour y remédier, les autorités misent sur l'information, la sensibilisation et le renforcement des compétences des personnes concernées. La Syrie impose comme conditions au mariage, outre un plancher fixé à 18 ans, un autre critère formel lié à la différence d'âge entre les deux époux: un juge peut refuser d'enregistrer une union si cette différence ne lui semble pas raisonnable. Israël a relevé que de nombreux pays n'ont pas encore modifié les lois et politiques contre les facteurs sous-jacents qui expliquent la persistance du problème des mariages précoces. En cas de demande de mariage par un mineur, la loi israélienne prévoit un encadrement et un contrôle stricts par le système judiciaire et les services sociaux.
La France a présenté les mesures qu'elle a déjà prises pour éradiquer les mariages précoces: soutien aux agences gouvernementales des Nations Unies, ratification du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes, réforme du code civil et adoption d'une loi, en 2013, pour pénaliser les manœuvres visant à contraindre une personne à contracter un mariage à l'étranger. Le Royaume-Uni punit ce même délit de l'emprisonnement. L'Estonie a déclaré qu'il faut donner aux femmes et aux jeunes filles les moyens de prendre en mains leur vie privée. Les Pays-Bas ont plaidé pour l'accès libre et gratuit à l'avortement, afin de limiter les conséquences médicales du mariage précoce. La loi de l'Iran permet au juge d'annuler purement et simplement un mariage précoce. L'Iran a par ailleurs souligné que le mariage précoce n'est pas seul en cause : les relations sexuelles précoces ont elles aussi des effets délétères sur le développement des jeunes, notamment au plan scolaire.
S'agissant des institutions nationales des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales, le Conseil national des droits de l'homme du Maroc a constaté avec inquiétude la forte augmentation des mariages de mineurs favorisée par la tendance des juges marocains d'accorder des dispenses systématiques. Dix pourcent des mariages au Maroc concernent de jeunes mineures. Le consentement au mariage des mineures étant impossible, le Centre recommande au gouvernement de modifier les articles du code de la famille pour interdire cette pratique.
L'Alliance internationale d'aide à l'enfance a souligné l'isolement social et psychologique dans lequel vivent souvent les jeunes filles mariées trop jeunes. Une étude dans les camps de réfugiés syriens en Jordanie montre qu'une jeune fille sur cinq a été mariée avant l'âge de 18 ans: on a clairement affaire à une stratégie de survie économique. Plan International s'est dit convaincu qu'il serait possible de supprimer les mariages précoces en une génération moyennant la volonté politique nécessaire. Le Centre for Reproductive Rights a observé qu'il y a souvent un fossé entre les lois et les mécanismes de mise en œuvre. C'est pour cela que les États doivent être rendus responsables des lois qu'ils adoptent. Les lois ne suffisent en effet pas, surtout si elles sont plutôt régressives comme en Iran et en Iraq où des lois réduisant l'âge du mariage à 9 ans ont été proposées, a observé la British Humanist Association, rejointe dans cette critique par Verein Sudwind Entwicklungspolitik, qui a également attiré l'attention sur la situation en Iran.
Conclusions
MME MAIGA a déclaré que la persistance du problème s'explique par plusieurs facteurs, notamment la faiblesse du statut juridique des femmes et des enfants au sein de la famille et des communautés, l'existence de dispositions discriminatoires dans les textes juridiques et la coexistence de plusieurs sources de droit, dont le droit coutumier. La Rapporteuse spéciale a espéré que la campagne de sensibilisation lancée par l'Union africaine permettrait de mobiliser une volonté politique forte en faveur du respect de droits des filles, volonté politique qui fait défaut à l'heure actuelle.
Mme Maiga a rappelé qu'il fallait aller plus loin dans le partage des bonnes pratiques. Le débat a montré l'existence d'un climat positif mais, au-delà de la vision, il faut une synergie de stratégie et d'action qui doivent être soutenues par des ressources financières suffisantes. Le Conseil des droits de l'homme devrait continuer de soutenir et mobiliser les organes de droits de l'homme sur la question, mais la collaboration des États, des institutions nationales des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales. Les États devraient notamment soutenir les initiatives prises au niveau de l'Union africaine, l'Afrique étant le continent le plus affecté par les mariages précoces.
M. SADEK, s'agissant de l'impact des programmes de lutte contre les mariages d'enfants et précoces qui ont eu du succès en Haute Égypte, a cité le cas d'une fillette promise au mariage que son père a finalement, après des consultations dans le village, renoncé à marier et a renvoyé à l'école. M. Sadek a expliqué que des familles sélectionnées font du porte à porte pour informer la population des risques liés aux mariages précoces et tenter de les convaincre. On parvient ainsi à créer des zones exemptes de mariages précoces avec le soutien des communautés, ce qui suppose aussi un travail auprès des dignitaires religieux et traditionnels.
En conclusion, M. Sadek a souligné le lien étroit entre les mariages d'enfants et forcés, les mutilations génitales féminines et l'abandon scolaire. Pour combattre les mariages précoces, la meilleure voie consiste à mobiliser les chefs traditionnels et religieux. La plupart d'entre eux manquent de l'information appropriée et il faut donc la leur apporter. Il faut aussi inclure les dirigeants dans les comités de protection de l'enfant. M. Sadek a ajouté qu'il ne pourrait y avoir de changement effectif dans les familles sans participation des enfants, garçons et fillettes, eux-mêmes, ainsi que des hommes. Quant à l'éducation, elle joue un rôle primordial mais doit être connectée à la société.
MME BARINATH a estimé que l'éducation est la clef qui permet aux jeunes filles de se déterminer sur les mariages précoces. Les différents programmes des institutions onusiennes telles que le Fonds des Nations Unies pour l'enfance ou le Fonds des Nations Unies pour la population sont précieux pour les programmes d'éducation sexuelle, qui sont décisifs pour les programmes mis en œuvre.
Mme Bararinath a rappelé qu'il fallait inscrire la question des mariages précoces et forcés dans un cadre plus large de droits de l'homme, et notamment celui des violences sexuelles et sexistes. Elle a mis l'accent sur la nécessité de travailler avec les jeunes filles elles-mêmes dans la cadre d'un vrai partenariat et non d'une approche paternaliste, en mettant l'accent sur l'information.
MME NEUBAUER a rappelé que la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes impose des mesures qui doivent être efficaces, c'est-à-dire permettre d'atteindre les objectifs fixés par la Convention. Dans le domaine des mariages précoces, l'objectif est que les États imposent un âge minimum du mariage qui devrait être celui de la majorité, soit 18 ans. Il peut y avoir des exceptions en matière d'âge du mariage mais celui-ci ne devrait jamais être de moins de 16 ans. En outre, pour toute exception à l'âge légal normal, un juge doit pouvoir entendre la jeune fille et recevoir son consentement éclairé.
Mme Neubauer a rappelé la recommandation générale préparée conjointement par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et le Comité des droits de l'enfant et qui devrait être adoptée cette année par les comités. Les deux comités ont désormais des procédures leur permettant de demander des comptes au niveau international en cas de violations graves ou systématiques de l'une ou l'autre convention. Elle a toutefois regretté que le nombre des adhésions aux Protocoles facultatifs des deux Conventions restent sensiblement plus faible que celui des adhésions aux Conventions elles-mêmes, qui sont presque universelles.
MME GILMORE a déclaré que lorsque les parents comprennent les risques des mariages précoces pour leurs filles, les mentalités changent. Toutefois, il faut pour cela que l'environnement social et politique soit favorable. L'éducation est décisive. Une jeune fille ne peut pas en même temps être en âge d'être mariée mais pas en âge d'avoir accès à l'éducation sexuelle; avoir l'âge d'être mère mais pas celui de prendre des décisions. Pour le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), on se trouve dans une époque charnière: si on change demain la vie des fillettes menacées d'un mariage précoce, on sauve l'humanité.
Mme Gilmore a ensuite souligné que la question des mariages précoces et forcés montre à quel point les droits de l'homme concernent des domaines de la sphère privée et intime. Il faudrait éviter, dans le contexte du programme de développement pour l'après-2015, de séparer le développement de la paix et la sécurité. Les droits de l'homme doivent être au cœur du programme de développement pour l'après-2015. La parité devra être un pilier de ce programme et il faudra assurer la scolarisation des filles et adolescentes, y compris l'accès à l'éducation sur la santé sexuelle et reproductive.
L'animatrice, MME STEVENS, a résumé le débat en notant que la question des mariages précoces et forcés est avant tout une question de droits de l'homme, et dont le Conseil doit rester saisi. Les lois sont certes nécessaires mais ne suffisent pas et une approche globale est indispensable. Même si la question fait bien partie du programme de développement pour l'après-2015, il faudra encore définir les indicateurs de progrès. Il reste donc beaucoup de travail pour éliminer les mariages précoces et forcés.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC14/084F