Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR L'INDÉPENDANCE DES JUGES ET DES AVOCATS ET SUR LES DROITS DE L'HOMME DES MIGRANTS
Le Conseil des droits de l'homme a examiné, cet après-midi, les rapports présentés par la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance de la justice et des avocats, Mme Gabriela Knaul, et par le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. François Crépeau.
Mme Knaul, dont le rapport thématique traite, cette année, des mécanismes de redevabilité dans le domaine judiciaire, est partie du constat que de nombreux pays sont aujourd'hui confrontés au sentiment que leur système judiciaire est corrompu ou soumis à des influences indues: il en résulte une insatisfaction croissante du public face au secteur judiciaire. Juges, procureurs et avocats doivent certes bénéficier de certains privilèges et immunités pour s'acquitter en toute indépendance de leur fonction, mais leur pouvoir n'est pas illimité: ils sont aussi redevables devant la loi et doivent se conformer aux codes d'éthique et de conduite de leur profession. Certains intervenants doivent donc exercer un pouvoir de supervision et de contrôle sur le personnel judiciaire et, pour éviter que ces structures de supervision elles-mêmes n'abusent de leur pouvoir, des normes claires doivent régir leur action. La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté la visite qu'elle a effectuée en Fédération de Russie. La délégation de ce pays a fait une déclaration.
Au cours du débat, les délégations ont généralement admis, avec la Rapporteuse spéciale, qu'une administration efficace de la justice et qu'une justice indépendante et impartiale sont des éléments essentiels pour garantir le plein respect de l'état de droit. Il a également été souligné que Le principe de responsabilité judiciaire ne doit pas être utilisé comme un moyen visant à faire pression sur le travail de la justice. Plusieurs délégations ont fait état des mesures prises par leurs pays pour renforcer les capacités de leurs systèmes judiciaires. D'autres ont observé que si les normes internationales en matière de responsabilité judiciaires sont importantes, il appartient au premier chef à chaque État de mettre en place des mécanismes de responsabilisation judiciaire efficaces et conformes à ces normes.
M. Crépeau porte l'attention, dans son rapport de cette année, sur l'exploitation des travailleurs migrants, constatant que ces travailleurs occupent bien souvent des emplois peu gratifiants, pénibles ou dangereux, et qu'ils sont également confrontés à des difficultés administratives, à la discrimination, à la xénophobie et à nombre d'autres formes d'abus de la part de recruteurs ou d'intermédiaires. La plupart des travailleurs domestiques subissent une double discrimination, en tant que migrants d'abord, puis en tant femmes ou enfants, majoritaires dans le secteur domestique. Au nombre des remèdes, le Rapporteur spécial estime que l'inspection du travail, associée à une sévère répression de l'exploitation, sont des moyens efficaces pour combattre les abus contre les travailleurs migrants. M. Crépeau ayant également rendu compte de sa mission au Qatar, ce pays a fait une déclaration.
Plusieurs États et groupes d'États ont appelé à ouvrir davantage les voies de la migration régulière afin de réduire les risques de migration irrégulière et ainsi mieux protéger les travailleurs migrants. Des pays de destination des migrants ont dit lutter contre les migrations irrégulières dans le respect des droits des personnes. Le Rapporteur spécial a par ailleurs été invité à porter une attention particulière à la sensibilisation des partis politiques qui mènent campagne contre les migrants.
Les délégations suivantes ont participé au débat avec les deux experts: Union européenne, Pakistan (Organisation de la coopération islamique), Égypte (Groupe arabe), Éthiopie (Groupe africain), Namibie, France, Nicaragua, Algérie, Indonésie, République de Corée, Paraguay, Égypte, République tchèque, Australie, Chine, Italie, Sierra Leone, Burkina Faso, Maroc, Bolivie, Népal, États Unis, Suisse, Turquie, Estonie, Saint Siège, Portugal, Ordre souverain militaire de Malte, Guatemala, Venezuela, Afrique du Sud, Chili, Hongrie, Ghana, Nigéria, Cuba, Angola, Iran, Brésil, Botswana, Maldives. En fin de séance, l'Iraq a exercé le droit de réponse s'agissant de l'intervention d'une organisation non gouvernementale lors de la séance précédente.
Lundi matin à partir de 9 heures, le Conseil tiendra une réunion-débat de haut niveau consacrée à «l'identification de bonnes pratiques pour combattre les mutilations génitales féminines». Le Conseil reprendra l'examen des rapports de Mme Knaul et de M. Crépeau à la mi-journée. Il a été annoncé que le débat général concernant le suivi et l'application de la Déclaration et du Plan d'action de Durban serait avancé au mercredi 18 juin prochain.
Indépendance des juges et des avocats et droits de l'homme des migrants
Présentation des rapports
MME GABRIELA KNAUL, Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, a expliqué que son rapport mettait l'accent sur la notion de responsabilité judiciaire dans le contexte du principe fondamental de l'indépendance de la magistrature et que ces deux éléments sont essentiels à l'existence d'un système judiciaire indépendant, impartial et efficace. Or, dans de nombreux pays, il existe un sentiment croissant que le système judiciaire est corrompu ou soumis à des influences diverses, a-t-elle fait observer, soulignant qu'il en est résulté une insatisfaction croissante du public face au secteur judiciaire. La responsabilité judiciaire implique que personne n'est au-dessus de la loi, a rappelé la Rapporteuse spéciale. Les juges, les procureurs et les avocats doivent se voir accorder un certain nombre de privilèges et immunités pour être en mesure de s'acquitter en toute indépendance de leur fonction; mais leur pouvoir n'est pas illimité, a-t-elle ajouté. Ils sont aussi redevables devant la loi et les codes d'éthique et de conduite de leur profession, a-t-elle indiqué. Ceci implique que certaines parties exercent un pouvoir de supervision et de contrôle sur d'autres; et pour éviter que les structures de supervision elles-mêmes n'abusent arbitrairement de leur pouvoir, des normes claires doivent être définies, a expliqué Mme Knaul.
Les mécanismes de redevabilité dans le domaine de judiciaire peuvent prendre des formes multiples, mais il faut veiller à ce que les différents acteurs judicaires agissent individuellement en conformité avec des normes acceptées, à tous les niveaux et durant toute la carrière des personnes concernées, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Les normes doivent concerner aussi la vie extra-professionnelle de ces acteurs, a-t-elle précisé, avant d'insister sur les instruments importants que constituent l'éducation et la formation des acteurs judiciaires du point de vue de la clarification des devoirs et responsabilités. Par ailleurs, existe également une redevabilité institutionnelle, afin que le système de justice fonctionne de manière indépendante, compétente, objective et impartiale. À cette fin, les États doivent améliorer la transparence du système de justice dans ses relations avec les autres pouvoirs d'État, la police, les media, la société civile, les procureurs publics et les commissions des droits de l'homme, a souligné la Rapporteuse. De manière générale, ces mécanismes de responsabilité judiciaire devraient être limités à sanctionner des conduites individuelles inexcusables qui portent préjudice à la réputation de la justice, a-t-elle précisé. Toutes les procédures doivent être menées dans le respect des droits et garanties fondamentaux et menées par un organe indépendant faisant preuve de transparence dans l'ensemble de ses procédures disciplinaires, a-t-elle ajouté.
Lorsque des individus subissent des dommages dus à des condamnations erronées ou tout autre manquement de la justice, les États doivent veiller à fournir des compensations, car le système judiciaire dans son ensemble engage la responsabilité de l'État, a par ailleurs rappelé Mme Knaul. Elle a ensuite indiqué avoir observé avec préoccupation de nombreux obstacles à l'application concrète de la responsabilité judiciaire. À cet égard, elle a notamment cité le corporatisme, l'utilisation de la responsabilité comme moyen de représailles ou de pressions internes ou externes, la perception négative du secteur judiciaire par l'opinion publique ou encore l'absence de normes internationales acceptées pour permettre aux États de mieux surmonter ces défis. Mme Knaul a encouragé les États à prendre dûment en compte le concept de responsabilité judiciaire quand ils mettent en place ou réforment leur système de justice et à adopter des normes internationales de responsabilité judiciaire.
La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté les conclusions d'une visite qu'elle a effectuée en Fédération de Russie, où elle a indiqué avoir noté de sérieuses difficultés, malgré des efforts réels pour renforcer l'indépendance du secteur de la justice. Elle a, en particulier, fait état de multiples formes de pressions, ingérences et influences affectant l'indépendance et l'impartialité du secteur et créant de graves atteintes à l'état de droit en Fédération de Russie. Mme Knaul a dit avoir noté une baisse de confiance du public dans le système judiciaire du pays et un sentiment de politisation et de corruption de la justice, que les autorités doivent traiter au plus vite. Elle s'est également dite préoccupée par le manque de respect de principes aussi fondamentaux que la présomption d'innocence, pourtant inscrite dans la Constitution du pays et dans le Code de procédure pénale. Elle a notamment demandé à ce que la défense puisse avoir accès à l'intégralité des documents de l'instruction. Elle a aussi fait état de listes interminables de préoccupations rencontrées au quotidien par les avocats, lesquels sont soumis à des menaces, intimidations, attaques, poursuites de toutes sortes dans certaines régions de la Fédération de Russie. Face à cette situation, Mme Knaul a rendu hommage au travail inestimable des ONG et s'est inquiétée des obstacles mis à leur travail, en particulier sous le couvert de la loi sur les «agents de l'étranger». La Rapporteuse a noté que l'une des ONG qu'elle avait rencontrées lors de sa visite a dû, depuis lors, cesser ses activités.
Mme Knaul a par ailleurs indiqué qu'elle s'était rendue au Qatar et aux Émirats arabes unis en début d'année et qu'elle présenterait ses rapports sur ces deux missions en juin 2015.
Enfin, la Rapporteuse spéciale a réitéré ses graves préoccupations face aux représailles dont peuvent faire l'objet les juges, les procureurs et les avocats, ainsi que d'autres acteurs de justice ou les ONG qui travaillent ou cherchent à coopérer avec les mécanismes de droits de l'homme des Nations Unies et autres mécanismes régionaux similaires. En conclusion, Mme Knaul a rappelé qu'elle avait, l'an dernier, présenté un rapport thématique mettant en lumière l'importance de l'assistance juridique en tant qu'élément d'un système de justice équitable et a annoncé que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) avaient lancé cette année une étude mondiale sur l'assistance juridique.
Le Conseil est saisi du rapport sur l'indépendance des juges et des avocats (A/HRC/26/32), consacré à la notion de responsabilité judiciaire, ainsi que d'un rapport sur la mission de la Rapporteuse spéciale en Fédération de Russie (A/HRC/26/32/Add.1).
M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a indiqué que son rapport de cette année est axé sur l'exploitation des travailleurs migrants. Il a précisé que ce rapport a été réalisé sur la base d'informations collectées au cours de ses visites de terrain, ainsi que des plaintes et informations qu'il a reçues de la part des migrants eux-mêmes, de la société civile et d'autres sources. Il a ainsi constaté que les travailleurs migrants – qui souvent occupent des emplois sales, durs ou dangereux que les nationaux refusent d'occuper – sont également confrontés à des difficultés administratives, à la discrimination, à la xénophobie et à toutes sortes d'abus de la part des recruteurs ou d'intermédiaires. Très souvent, les travailleurs migrants n'ont pas de contrat de travail ni ne bénéficient de protection sociale, ne connaissent pas les cultures et langues locales, ni même leurs droits, ou – pire – se voient confisquer leurs papiers voire ne perçoivent aucune rémunération. Dans certains pays, le droit de s'organiser ou de syndiquer, voire de choisir leur propre emploi leur est même refusé, a insisté le Rapporteur spécial.
M. Crépeau a rappelé que la plupart des travailleurs migrants domestiques sont des femmes et des enfants. Ces populations subissent donc une double discrimination, en tant que migrants, et tant que femmes et/ou enfants. Cela les expose à toutes sortes d'abus de la part de leurs employeurs ou des autres adultes, a souligné le Rapporteur spécial. Les travailleurs migrants irréguliers, pour leur part, subissent également des discriminations spécifiques, parmi lesquelles l'obligation d'accepter des conditions de travail inférieures, a-t-il fait observer. M. Crépeau s'est dit d'avis que l'inspection du travail, si elle est judicieusement utilisée dans une démarche préventive et s'accompagne d'une sévère répression contre les cas d'exploitation, constitue un moyen efficace pour combattre ces phénomènes, permettant notamment de diminuer l'attractivité du travail non déclaré. Le Rapporteur spécial a préconisé la mise en place, au sein des administrations, de mécanismes permettant aux travailleurs migrants de se défendre sans craindre d'être dénoncés, détenus ou expulsés.
Rendant compte de sa visite au Qatar, le Rapporteur spécial s'est ensuite félicité des mesures prises par ce pays – qui est celui qui compte le plus grand nombre de travailleurs migrants en proportion de sa population totale. Cependant, l'exploitation y est fréquente, a aussitôt ajouté M. Crépeau. Les migrants qui arrivent au Qatar sont souvent fortement endettés, dès leur arrivée; ils travaillent souvent sans salaires, sont exclus du droit de travail voire se font confisquer leurs documents administratifs. Le système de parrainage dit de la «kafala» - qui lie le travailleur migrant à son employeur - est un facteur d'exploitation a déploré le Rapporteur spécial, avant de se féliciter de l'intention du Gouvernement d'abolir ce système.
Concernant sa visite à Sri Lanka, M. Crépeau a indiqué qu'il en présenterait le résultat dans son prochain rapport.
Le Conseil est saisi du rapport sur les droits de l'homme des migrants (A/HRC/26/35), consacré cette année à l'exploitation des migrants par le travail, ainsi que de rapports sur les mission que le Rapporteur spécial a effectuées au Qatar (A/HRC/26/35/Add.1 et commentaires du Gouvernement: A/HRC/26/32/add.2).
Pays concerné par le rapport sur l'indépendance des juges et avocats
La Fédération de Russie s'est félicitée de «l'appréciation positive» de la Rapporteuse spéciale, Mme Knaul, concernant la situation de l'indépendance des juges en Fédération de Russie. Grâce aux efforts menés par le Gouvernement russe en matière de lutte contre la corruption et grâce aux améliorations apportées au système judiciaire russe, la population est désormais beaucoup plus confiante dans son système de justice, a assuré la délégation russe, ajoutant que le pays s'inspire de l'expérience internationale dans le domaine de l'administration de la justice. La surcharge des tribunaux demeure un problème important en Russie, a toutefois admis la délégation. Elle a indiqué que la Fédération de Russie appuie le mandat de la Rapporteuse spéciale et entend poursuivre sa collaboration avec Mme Knaul.
Parties concernées par le rapport sur les droits de l'homme des migrants
Le Qatar a remercié M. Crépeau d'avoir fait l'éloge de l'action de la Commission nationale qatarienne des droits de l'homme. Le Qatar se félicite de la contribution des travailleurs immigrés, qui sont considérés comme des partenaires du développement du pays, a indiqué la délégation. Les autorités qatariennes procèdent actuellement à une révision du dispositif juridique concernant ces personnes, prévoyant notamment la réforme du système de parrainage et l'abolition des visas de sortie, ainsi que des sanctions contre les employeurs qui confisquent le passeport de leurs employés. Les travailleurs étrangers auront également, à terme, le droit de changer d'employeurs, a ajouté la délégation.
La Commission nationale de droits de l'homme du Qatar a déclaré que les recommandations du Rapporteur spécial – qui portent notamment sur la réforme du système de parrainage et sur l'application effective des lois en vigueur – étaient examinées en ce moment même par cette Commission, ainsi que par les ministères du travail et de l'intérieur et par le Centre de formation et de documentation des droits de l'homme des Nations Unies, basé à Doha. L'examen a pour but de renforcer les capacités des intervenants concernés et de donner effet à certaines des recommandations.
Débat interactif sur l'indépendance des juges et des avocats
L'Union européenne a rappelé le caractère essentiel de la responsabilité judiciaire pour l'état de droit. Elle a noté que certains mécanismes redditionnels sont pervertis et utilisés pour empêcher le travail des juges. L'Union européenne est préoccupée par les représailles exercées à l'encontre des personnes qui rencontrent des Rapporteurs spéciaux et a souhaité obtenir davantage d'informations sur cet aspect de la visite de Mme Knaul en Fédération de Russie. Les États-Unis se sont pour leur part félicités de la visite de la Rapporteuse spéciale en Russie, observant que les juges de ce pays sont souvent influencés par le pouvoir exécutif, l'armée ou d'autres forces de sécurité. Les États-Unis observent de plus que l'on ne sait toujours pas qui a commandité l'exécution de Mme Politkovskaya. L'Estonie a demandé à Mme Knaul de donner des exemples d'abus des mécanismes de contrôle du pouvoir judiciaire, évoqués dans son rapport, et des corrections qui ont été apportés.
La France a estimé avec la Rapporteuse spéciale qu'une administration efficace de la justice et qu'une justice indépendante et impartiale sont des éléments essentiels pour garantir le plein respect de l'état de droit. Elle a souligné que le principe de responsabilité judiciaire ne doit pas être utilisé comme un moyen visant à faire pression sur le travail de la justice, ce qui constituerait une atteinte caractérisée au principe de la séparation des pouvoirs et aux droits de l'homme, en particulier au droit à un procès équitable. La France estime qu'il appartient au premier chef à chaque État de mettre en place des mécanismes de responsabilisation judiciaire efficaces et conformes aux normes internationales. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a également estimé que, si les normes internationales en matière de responsabilité judiciaire sont importantes, il appartient avant tout aux États de renforcer leurs mécanismes nationaux.
L'Égypte a déclaré que les instruments internationaux des droits de l'homme ne comportent pas à ce jour de normes concrètes en matière de responsabilité judiciaire, ajoutant que lesdits systèmes judiciaires à travers le monde ont développé leurs propres systèmes d'autocorrection et de responsabilité institutionnelle.
L'Algérie a expliqué avoir mis en place un Conseil national de la magistrature qui dispose de prérogatives permettant de préserver l'indépendance de la justice et pour traiter des accusations d'abus de pouvoir de la part de juges. La Namibie a affirmé que sa constitution protège l'indépendance du secteur judiciaire, condition nécessaire pour que le grand public ait confiance en la justice. L'indépendance judiciaire s'entend à l'égard tant des autres pouvoirs que de groupes ou individus. La Namibie s'est dotée d'un judiciaire fort qui a su faire preuve de son indépendance. La République de Corée a indiqué qu'elle avait pris depuis longtemps des mesures pour défendre l'indépendance du judiciaire contre des influences politiques. L'Indonésie a expliqué avoir amendé en 2001 sa Constitution pour créer une commission judiciaire chargée de définir le processus de sélection des juges, et avoir mis en place en 2005 une commission chargée de superviser le travail des procureurs. En outre, une commission d'éradication de la corruption a été mise en place en 2003. Le Maroc a indiqué avoir engagé une réforme de la justice qui repose sur une vision générale, axée sur le développement des capacités du système judiciaire, sa moralisation et sa mise à niveau. Le Maroc estime que la proposition de la Rapporteuse spéciale relative à l'adoption de normes internationales de reddition de comptes mérite un examen attentif de la part des États.
La Chine a estimé que l'obligation de rendre compte et l'indépendance du pouvoir judiciaire ne sont pas mutuellement exclusives mais bien complémentaires. L'Australie a demandé à la Rapporteuse spéciale de dire quelles démarches les États pourraient adopter pour assurer que le personnel judiciaire rend compte de ses actes, tout en respectant le principe de la séparation des pouvoirs. La République tchèque a jugé inquiétant que certains juges rechignent, de peur de représailles de la part des autorités, d'appliquer des décisions qui pourraient être contraires aux intérêts du pouvoir. Elle a demandé à Mme Knaul de dire quelles mesures spécifiques ou quels garde-fous pourraient remédier à ce problème. La Sierra Leone a demandé à la Rapporteuse spéciale d'informer le Conseil des pratiques optimales en matière d'obligation redditionnelle des juges et avocats. Le Népal a demandé des précisions sur le contenu des codes de conduite et de déontologie pour avocats et magistrats.
Le Portugal s'est réjoui d'accueillir prochainement la Rapporteuse spéciale sur les juges et avocats et lui a demandé quel rôle le Conseil des droits de l'homme pourrait jouer dans l'établissement de normes internationales pour la responsabilisation judiciaire. Le Venezuela a déclaré que le code de conduite des titulaires de mandat de procédures spéciales avait été créé dans l'esprit des instances de responsabilisation judiciaire, avant de dénoncer la publication de communiqués de presse contenant des allégations infondées, subjectives et non vérifiées sur le système judiciaire vénézuélien. Le Venezuela est un État de droit et toute sa population en bénéficie.
Le Ghana a rappelé que les juges et avocats ne sont pas au-dessus des lois du fait de leur statut, avant de souligner que tout instrument juridiquement contraignant qui pourrait être envisagé ne saurait interférer avec la justice. L'Iran a souligné que les procureurs jouent un rôle clé dans l'administration de la justice et doivent exercer leur fonction sans entrave ni influence; le système juridique iranien, très perfectionné, est tout à fait indépendant, a en outre assuré le pays. Le Botswana a également expliqué que nul n'est au-dessus des lois dans le pays. Si les juges ont le devoir d'agir en toute impartialité, la Constitution prévoit leur limogeage en cas de manquement, tout en offrant des garanties que ce mécanisme ne soit utilisé à des fins politiques. Les Maldives ont également des mécanismes d'obligation redditionnelle judiciaire.
La Hongrie s'est enquise auprès de la Rapporteuse spéciale des mesures particulières prises aux fins de la protection des juges et avocats qui coopèrent (ou cherchent à coopérer) avec les Nations Unies.
Cuba a salué l'analyse poussée réalisée par la Rapporteuse spéciale et a voulu savoir si Mme Knaul avait reçu une réponse des États-Unis concernant le sort de cinq ressortissants cubains détenus aux États-Unis, afin qu'ils puissent rentrer dans leur pays.
Débat interactif sur les droits de l'homme des migrants
De nombreuses délégations ont estimé que l'ampleur du phénomène des migrations illégales provenait d'une mauvaise appréciation dans les pays d'accueil des besoins en main d'œuvre, notamment non qualifié. Le Costa Rica, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes l'Indonésie, le Paraguay, l'Algérie et l'Égypte, intervenant également au nom du Groupe arabe) ont appelé à ouvrir davantage les voies de la migration régulière afin de réduire les risques de migration irrégulière et ainsi mieux protéger les travailleurs migrants. Ces pays ont également regretté le faible nombre de ratifications de la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et de leur famille, qui offre, selon l'Algérie, un cadre essentiel également pour la formulation des politiques migratoires et la coopération internationale.
La Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes s'est dite préoccupée de l'exploitation dont font l'objet les travailleurs migrants, qui relève parfois de la traite, et a constaté une aggravation du phénomène ces dernières années du fait de la crise économique et d'une volonté de réduire le coût du travail. Comme l'Éthiopie au nom du Groupe africain, elle estime que la migration ne devrait pas être perçue uniquement du point de vue national ou bilatéral, mais aussi international, et qu'il faut reconnaître sa contribution au développement économique mondial.
Le Nicaragua a rappelé que la situation irrégulière d'un migrant ne le prive pas de ses droits, mais constaté que la migration est trop souvent associée à l'exploitation dans le travail. Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a condamné les actes de racisme, de xénophobie et de discrimination à l'égard des migrants, affirmant qu'elles sont souvent appuyées par les législations nationales. L'Égypte a demandé aux États d'adopter des politiques offrant aux migrants des conditions dignes.
La Sierra Leone a observé que le nombre des migrants fuyant la violence et la pauvreté n'a cessé de croître ces dernières années. La Sierra Leone est préoccupée par la montée de la xénophobie dans les pays d'accueil, qui a déjà entraîné des expulsions de migrants. La Sierra Leone a fait part également de sa préoccupation devant l'exploitation dont sont victimes nombre de migrants. Elle a demandé aux gouvernements de prendre des décisions conformes aux lois et de respecter les droits des migrants. La Bolivie s'est dite préoccupée par le rôle joué par les agences de recrutement et a demandé au Rapporteur spécial comment il serait possible de réglementer le secteur privé en l'absence d'instrument juridique contraignant. Le Népal a demandé au Rapporteur spécial de proposer des méthodes d'éducation du grand public des pays de destination aux droits des migrants.
L'Union européenne, dont les États membres sont des pays de destination des migrants, a dit lutter contre les migrations irrégulières dans le respect des droits des personnes et avoir adopté une politique concernant les travailleurs migrants. En outre, l'Union européenne met en œuvre les conventions existantes sur le travail domestique et a adopté une directive visant à sanctionner les employeurs fautifs. La France a reconnu la fragilité dans laquelle peuvent se trouver les migrants, qu'elle a attribuée à la précarité de leur statut, à une mauvaise information ou encore à une mauvaise connaissance de la langue. La France soutient les efforts européens et internationaux pour lutter contre l'exploitation des migrants. Elle aimerait savoir quelles mesures permettraient de favoriser une plus grande implication du secteur privé dans la lutte contre l'exploitation des migrants.
Le Paraguay a demandé aux États d'accueil d'adopter des législations qui protègent les groupes de migrants vulnérables comme les femmes et les enfants, et de prévoir le transfert des prestations sociales des migrants. L'Indonésie a demandé qu'on veille à ce que les contrats signés par les migrants dans le pays de départ soient ensuite respectés dans le pays d'accueil. Elle a en outre expliqué que depuis 2007 ont été mis en pace 24 bureaux à l'étranger chargés de fournir conseil et assistance aux Indonésiens travaillant à l'étranger. La République de Corée a dit pratiquer une politique reposant sur l'ouverture, l'intégration, les droits de l'homme, la sécurité.
La Chine a recommandé que les politiques de prise en charge et de gestion des flux de migrants soient basées sur les dispositions internationales en matière de droit du travail. La Turquie a déclaré qu'il importe que tous les migrants, indépendamment de leur statut juridique dans les pays d'accueil, jouissent de l'intégralité des droits de l'homme. La Suisse a indiqué qu'elle s'apprêtait à ratifier la convention n° 189 de l'Organisation internationale du travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques. La Suisse a mis la question des droits de l'homme des migrants sur l'agenda de l'OSCE, qu'elle préside en 2014, dans le but de renforcer la collaboration et les synergies entre les organisations régionales et l'ONU.
L'Italie a déclaré être confrontée à des difficultés gigantesques: assurer la sécurité de ses frontières tout en portant secours aux personnes vulnérables en mer, qui sont en majorité des demandeurs d'asile en quête de protection internationale. En 2013, l'Italie a sauvé plus de 37 000 personnes en mer. Plus de 16 000 requérants ont obtenu l'asile ou une autre forme de protection. L'Italie accorde une protection particulière à des milliers de mineurs non accompagnés, qui ont droit à un permis de séjour jusqu'à leur majorité. Mais l'ampleur des flux migratoires exige une collaboration internationale renforcée.
Le Burkina Faso est confronté, pour sa part, aux problèmes propres aux pays qui sont à la fois source et destination des flux migratoires. Pour y faire face, le Burkina Faso s'est doté d'un cadre institutionnel et normatif de promotion et de protection des droits de tous les migrants. Il a conclu plusieurs accords bilatéraux avec ses voisins et avec la France, ainsi que Malte, en matière de migrations. Le Burkina Faso mise aussi sur le renforcement des compétences des administrations en charge des questions migratoires. Le Maroc a indiqué, pour sa part, avoir été l'un des premiers États à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, en 1993. Le Maroc a ratifié, de plus, un grand nombre de conventions de l'Organisation internationale du travail.
Les États-Unis se félicitent de l'accent mis par le rapport de M. Crépeau sur les besoins spécifiques de certains migrants. Ils soulignent par ailleurs l'importance de respecter la liberté syndicale des migrants.
Le Saint Siège a attiré attention sur le nombre croissant de mineurs non accompagnés, que ce soit vers l'Union européenne ou les États-Unis particulièrement exposés aux violations des droits de l'homme et dont le Rapporteur spécial devrait s'occuper au plus vite. Il s'agit là d'une question humanitaire, que la solidarité internationale pourrait contribuer à réduire, et qui est autrement plus importante que le respect de règlementations administratives frontalières. L'Ordre militaire souverain de Malte a expliqué son action en faveur des migrants et les mesures prises pour leur permettre de faire valoir leurs droits. Il a annoncé la tenue d'une réunion parallèle, le mardi 17 juin, sur le thème «migrer dans la dignité et la sécurité».
Le Portugal a expliqué avoir mis en place des politiques en matière de soins de santé et d'éducation pour les migrants. L'Afrique du Sud a expliqué avoir établi un régime migratoire permettant d'organiser les migrations aux fins d'emploi dans l'ordre et le respect des droits des migrants. En ce sens, les autorités travaillent à la fois avec la société civile et les entreprises, en vue de faire respecter la législation nationale et les normes de l'Organisation internationale du travail. En outre, au niveau régional, les pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe ont mis en place une politique migratoire commune. L'Afrique du Sud ratifiera dès que possible la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants, même si sa législation actuelle comprend des dispositions qui vont déjà au-delà de celles de la Convention. Les Maldives, dont le tiers de la population est constitué de travailleurs migrants, ont ratifié 8 conventions principales de l'Organisation internationale du travail et ont érigé la traite des êtres humains en crime. Les législations relatives au travail ont également été revues pour les conformer au droit international.
Le Guatemala, qui a rappelé que la plupart des conventions internationales de l'Organisation internationale du travail concernent tous les travailleurs, quel que soit le statut migratoire, a souhaité savoir quels sont les progrès réels dans la reconnaissance des droits aux prestations sociales des travailleurs en situation irrégulière. Le Chili a demandé une gouvernance internationale des processus migratoires au plan bilatéral entre pays d'origine et pays d'accueil, au niveau régional et au niveau mondial, pour renforcer le travail des institutions spécialisées. Il a plaidé pour une ratification par de nombreux pays de la Convention internationale sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille et a souhaité que la question des droits des travailleurs migrants soit inscrite au programme de développement pour l'après-2015. Il s'est inquiété de la monté de mouvements racistes et xénophobes dans certains pays.
Le Venezuela a dénoncé le système capitaliste mondial injuste et prédateur qui contribue à une migration internationale massive et à des politiques restrictives, racistes et xénophobes des États d'accueil, notamment à l'encontre des migrants irréguliers. Cuba a insisté pour que la communauté internationale prenne à bras le corps les problèmes rencontrés par les migrants, en particulier les migrants en situation irrégulière. Le Brésil s'est dit préoccupé par les conséquences de la criminalisation des migrants en situation irrégulière au détriment du respect des obligations des États en matière de droits de l'homme. Les États devraient plutôt consacrer des ressources à la protection des droits des migrants, notamment en soumettant les lieux de travail des migrants à la surveillance de l'inspection du travail, a affirmé la délégation brésilienne. Elle a par ailleurs recommandé que les gouvernements prêtent attention à la situation des travailleurs ruraux, souvent astreints à des horaires épuisants et hors du contrôle des autorités du travail.
Le Ghana a invité le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants à porter une attention particulière à la sensibilisation des partis politiques qui mènent campagne contre les migrants. On ne peut traiter de cette question de manière isolée et il est de la responsabilité des États de sensibiliser leurs ressortissants quant au traitement des migrants, a ajouté le Nigéria. L'Angola, qui a indiqué être aujourd'hui confronté à une inversion des flux migratoires, a regretté que cette question importante des droits de l'homme des migrants ne soit pas traitée de manière spécifique dans le cadre d'un forum de niveau international.
Conclusion
M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, répondant à la France, a déclaré que le secteur privé peut contribuer à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs migrants, prenant exemple de ce qui s'est fait au Qatar ou à Sri Lanka, où un code de bonne conduite a été adopté par les recruteurs. S'agissant des accords bilatéraux, question posée par l'Indonésie, le Rapporteur spécial a estimé qu'ils devaient inclure des mécanismes de plainte et de recours, comme cela se fait au Portugal, ou encore à Sri Lanka qui fournit des cartes pour téléphones portables à ses ressortissants migrants pour qu'ils puissent communiquer avec leurs familles. Le Rapporteur spécial a également estimé qu'il faudra réfléchir à la manière de faire en sorte que des secteurs spécifiques comme le travail domestique n'aient pas besoin de recourir au travail illégal. Il y a des progrès en la matière, notamment depuis l'adoption de la Convention de 2011, a conclu le Rapporteur spécial.
Droit de réponse
L'Iraq, en réponse à la délégation faite aujourd'hui par une organisation non gouvernementale, a affirmé ne pas s'ingérer dans les affaires du camp d'Ashraf, mais travaille à ce sujet en étroite coopération avec les Nations Unies et le Haut-Commissariat pour les réfugiés. L'Iraq est par ailleurs favorable à la tenue d'enquêtes pour faire la lumière sur toute allégation.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC14/068F