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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine sur la mise en œuvre, par le pays, des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine, Mme Saliha Ðuderija, a notamment indiqué que la Bosnie-Herzégovine avait créé une institution fonctionnelle unique de Médiateur pour les droits de l'homme, dont la compétence s'exerce sur l'ensemble du pays. La discrimination est interdite explicitement tant par la Constitution de la Bosnie-Herzégovine que par les chartes fondamentales des entités fédérées, a précisé Mme Ðuderija. La loi sur l'interdiction de la discrimination, basée sur les normes européennes en vigueur et adoptée en 2009, impose à l'État et à ses institutions de s'opposer concrètement à la discrimination et à adopter ou amender les lois nécessaires. La Bosnie-Herzégovine applique par ailleurs des politiques publiques ciblées sur les besoins particuliers des Roms dans le cadre de la «Décennie pour l'intégration des Roms» (2005-2015). Favorable au multiculturalisme, le pays mise sur le dialogue en tant que vecteur de la diversité et de la tolérance. La Vice-Ministre a indiqué que l'élaboration du rapport de son pays avait bénéficié de contributions importantes de représentants de tous les niveaux du gouvernement ainsi que des organisations non gouvernementales.

La délégation était composée, en majorité, de fonctionnaires du Ministère des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine. Étaient aussi représentés le Ministère des affaires civiles de la Bosnie-Herzégovine, le Gouvernement de la République serbe de Bosnie et le Centre pour l'égalité entre les sexes de la République serbe de Bosnie. La délégation a répondu à des questions du Comité portant sur la stratégie de prise en charge et de logement des personnes rapatriées en Bosnie-Herzégovine après la guerre, la protection des droits en matière d'emploi, la promotion des droits des Roms, le financement des politiques sociales et la lutte contre la discrimination dans le système scolaire.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport, Mme Heisoo Shin, s'est félicitée de la ratification par la Bosnie-Herzégovine du Protocole facultatif se rapportant au Pacte ainsi que l'action qu'elle mène dans le cadre de la Décennie pour l'intégration des Roms. L'experte a noté avec satisfaction que la Bosnie-Herzégovine pense avoir terminé le déminage du pays d'ici à 2019, un facteur important de la sécurité du retour des réfugiés. Cela étant, la structure administrative et politique de la Bosnie-Herzégovine est très complexe, ce qui entraîne immanquablement des problèmes d'efficacité. Elle a regretté, en outre, la faible visibilité du Pacte dans le système juridique de la Bosnie-Herzégovine et la faiblesse des moyens mis à la disposition de l'institution du Médiateur.

Le Comité adoptera, avant la fin de la session, le vendredi 29 novembre prochain, des observations finales sur le rapport de la Bosnie-Herzégovine.


Lors de sa prochaine séance, lundi 11 novembre à 10 heures, le Comité doit auditionner des institutions nationales de droits de l'homme et des organisations non gouvernementales qui témoigneront de la situation des droits de l'homme dans des pays dont les rapports seront examinés pendant la semaine, à commencer par Djibouti, qui présentera dès lundi après-midi son rapport initial (E/C.12/DJI/1-2), dont l'examen se poursuivra au cours de deux séances supplémentaires le mardi.


Présentation du rapport

Le rapport de la Bosnie-Herzégovine (E/C.12/BIH/2) a été présenté par la Vice-Ministre des droits de l'homme et des réfugiés de la Bosnie-Herzégovine, Mme SALIHA ÐUDERIJA. Elle a notamment indiqué que la Bosnie-Herzégovine a créé une institution fonctionnelle de médiateur pour les droits de l'homme unique pour l'ensemble du pays. L'Agence pour l'égalité entre les sexes, qui fonctionne depuis plusieurs années maintenant, contribue de manière importante à l'élimination de la discrimination contre les femmes en Bosnie-Herzégovine, surtout dans les domaines de l'emploi, de la vie publique et politique et d'autres secteurs où se prennent les décisions importantes. Le Parlement de Bosnie-Herzégovine a créé une Commission chargée des droits de l'homme, de l'immigration, des réfugiés et de l'asile, dont la mission première est la protection des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution et la loi nationales.

La loi sur l'interdiction de la discrimination, basée sur les normes européennes en vigueur et adoptée en 2009, interdit la discrimination dans l'emploi, la protection sociale et la santé, la justice et l'administration, le logement, l'information publique, l'éducation, notamment. Elle interdit aussi toutes les formes de harcèlement et l'incitation à la discrimination. La loi impose à l'État et à ses institutions de s'opposer concrètement à la discrimination et à adopter ou amender les lois nécessaires. L'État n'a pas réussi encore à résoudre tous les problèmes que rencontrent les personnes rapatriées après le conflit dans les domaines du logement, de la santé, de l'éducation, ou encore des infrastructures. Toutefois, grâce à l'aide internationale, la Bosnie-Herzégovine estime être en mesure de remédier pleinement à la situation en 2014.

La question de la mention d'«autres minorités» dans la Constitution, qu'un arrêt de la Cour européenne de Strasbourg a jugée discriminatoire, sera résolue très bientôt sur la base des attendus de cet arrêt, a assuré la Vice-Ministre. La Bosnie-Herzégovine s'est associée à la «décennie pour l'intégration des Roms» (2005-2015) et applique des politiques publiques ciblées sur leurs besoins particuliers. La Bosnie-Herzégovine est favorable au multiculturalisme: elle mise à cet égard sur le dialogue en tant que vecteur de la diversité et de la tolérance. La Constitution intègre les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, qui s'appliquent de ce fait directement dans le système juridique du pays. La discrimination est interdite explicitement tant par la Constitution de la Bosnie-Herzégovine que par les Chartes fondamentales des entités fédérées, a précisé Mme Ðuderija. La Vice-Ministre a précisé, enfin, que le rapport de son pays avait bénéficié de contributions importantes de représentants de tous les niveaux du Gouvernement ainsi que des organisations non gouvernementales.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME HEISOO SHIN, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, s'est félicitée de la ratification par la Bosnie-Herzégovine du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et de son action dans le cadre de la Décennie pour l'intégration des Roms. L'experte a noté avec satisfaction que la Bosnie-Herzégovine pense avoir terminé le déminage du pays d'ici à 2019, un facteur important pour le retour en sécurité des réfugiés. Cela étant, la structure administrative et politique de la Bosnie-Herzégovine est très complexe: le pays compte pas moins de 160 ministres dans ses deux pays fédérés et ses dix cantons, ce qui entraîne certainement des problèmes d'efficacité, a observé la rapporteuse. Mme Shin a estimé que cette organisation appelle une réforme radicale. Elle a en outre regretté la faible visibilité du Pacte dans le système juridique de la Bosnie-Herzégovine et le manque de moyens mis à la disposition du Médiateur pour les droits de l'homme. Enfin, l'obligation d'interdiction légale de la discrimination de certaines catégories de la population est insuffisamment appliquée: des explications seront nécessaires sur cet aspect.

Une experte a voulu savoir quel montant figure au budget 2014 pour le fonctionnement du Médiateur. L'experte a demandé, en outre, pour quels motifs les ministres n'ont toujours pas appliqué le Plan d'action national en faveur des droits de l'homme qu'ils ont pourtant validé. D'autres experts ont estimé qu'une commission indépendante des droits de l'homme pourrait jouer un rôle particulièrement utile en Bosnie-Herzégovine. Une experte a demandé des précisions sur la formation des magistrats et policiers aux dispositions du Pacte.

Le rapport montre que 45 000 logements ne sont toujours pas reconstruits, a noté une experte, ce qui oblige un grand nombre de réfugiés de retour à vivre dans des centres d'hébergement: quelles mesures le Gouvernement prend-il pour accélérer le rythme de la reconstruction? Des experts ont relevé que les réfugiés de retour sont victimes de nombreuses discriminations et difficultés d'intégration. Une experte a demandé à la délégation si la Bosnie-Herzégovine était prête à reconnaître le statut des femmes victimes des campagnes de viol systématique menées pendant le conflit armé.

Le Gouvernement coopère-t-il avec les organisations non gouvernementales pour protéger les intérêts des femmes et des enfants? Les organisations non gouvernementales ont-elles participé à la rédaction du rapport?

Une experte a demandé s'il existait en Bosnie-Herzégovine un système de santé complet, ouvert à tous et couvrant l'ensemble du territoire national de manière identique sur un pied d'égalité. D'autre part, le rapport ne cache pas l'inefficacité du système social, a noté une autre experte, suggérant une action renforcée en direction des secteurs les plus vulnérables et une augmentation du budget de fonctionnement des institutions concernées.

Certaines sources montrent que la situation du chômage en Bosnie-Herzégovine est préoccupante, s'est inquiété un expert, estimant que le rapport n'est pas assez précis sur cette question. L'expert a prié la délégation de communiquer au Comité les chiffres du chômage entre 2010 et 2012, ventilés par sexe et par âge. L'expert a demandé d'autres précisions chiffrées concernant les activités et le fonctionnent de l'inspection du travail. Il s'est dit étonné de lire l'évaluation de la Confédération internationale des syndicats selon laquelle les autorités freinent la création et l'action des syndicats. Or, ces institutions, en tant que partenaires sociaux, peuvent contribuer utilement aux efforts des autorités visant à améliorer la protection des droits des salariés, a souligné l'expert.

Un expert a noté que 18 ans après la guerre, plus de 8000 personnes rapatriées sont toujours confrontées à des difficultés de logement. Il a aussi déploré que de nombreuses autres personnes déplacées résidant en Bosnie-Herzégovine vivent sous le seuil de pauvreté. L'expert a demandé s'il avait été fait droit aux demandes de dédommagement formulées par des membres de la communauté rom victimes du conflit. On a aussi relevé que d'autres victimes d'atrocités commises pendant la guerre, notamment de violences sexuelles, n'ont pas encore obtenu justice. Le rapport ne dit rien, de plus, du sort des enfants nés après les viols systématiques commis à l'époque.

La délégation a été priée de décrire son troisième plan de lutte contre la traite des personnes et de dire si, à son avis, ce problème est imputable à l'activité de la criminalité transnationale organisée. Un expert a demandé à la délégation si une évaluation avait été faite des différentes stratégies pour prévenir et combattre la violence familiale en Bosnie-Herzégovine mentionnées au paragraphe 105 du rapport.

Un expert a suggéré que la Bosnie-Herzégovine demande l'aide de la communauté internationale pour réaliser le droit des citoyens à l'eau potable. Une experte a voulu savoir si la Bosnie-Herzégovine garantissait un niveau de soins de santé de base et universel. Un membre du Comité relevé que le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation avait montré que la fragmentation et la politisation du système éducatif en Bosnie-Herzégovine compromettent la réalisation de ce droit. D'autre part, le pays est confronté à un fort taux d'abandon scolaire chez les enfants roms. Quelles mesures l'État prendra-t-il pour remédier à tous ces problèmes?

D'autres questions ont porté sur l'ampleur du problème des enfants des rues, sur la lutte contre le mariage précoce des enfants roms et sur la place de la culture dans le processus de reconstruction nationale après la guerre.

Un expert a observé que les Accords de Dayton, qui sont à l'origine de la création de la Bosnie-Herzégovine, accordent peu de place aux droits économiques, sociaux et culturels: peut-être s'agit-il là du défaut originel qui complique la tâche de la Bosnie-Herzégovine.

Réponses

La délégation de Bosnie-Herzégovine, tout en confirmant la complexité de la structure politique de son pays, a souligné que les Accords de Dayton avaient eu en tout cas le mérite de rétablir la paix. Le cas de la Suisse, avec ses vingt-six cantons, prouve que la complexité n'est pas nécessairement synonyme d'inefficacité. Mais il est vrai que le fonctionnement des institutions de la Bosnie-Herzégovine ne peut que bénéficier d'une meilleure entente entre les partis politiques, a admis la délégation.

S'agissant de la visibilité et de l'applicabilité du Pacte dans le système juridique, la délégation a indiqué que la Bosnie-Herzégovine applique un mécanisme identique d'intégration des dispositions du droit international dans toutes ses subdivisions politiques et administratives, grâce auquel tous ces instruments s'appliquent directement dans le droit national. L'alignement de la loi sur les dispositions du Pacte doit être réalisé par les autorités des trois entités fédérées (Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, République serbe de Bosnie et District de Brčko). Les magistrats et avocats éprouvent certaines difficultés à s'adapter au rythme des nouvelles ratifications, la Bosnie-Herzégovine ayant adopté une politique volontariste à cet égard, a concédé la délégation.

La délégation a donné le détail des plaintes déposées au titre des différents types de discrimination interdits par la loi. La majorité de ces plaintes concerne l'emploi: discrimination sur le lieu de travail et à l'embauche et inégalités salariales, notamment. Le Ministère des droits de l'homme et des réfugiés procède à une synthèse des statistiques établies par les différents niveaux de gouvernement en Bosnie-Herzégovine. Il a édicté, pour ce faire, des lignes directrices sur la manière de récolter les données. Une fois en possession des statistiques, il soumettra un rapport au Conseil des Ministres et fera des recommandations sur la manière de lutter contre les discriminations. La discrimination raciale est d'ores et déjà réprimée au plan pénal.

La Commission de Bruxelles aide les autorités de Bosnie-Herzégovine à trouver une solution au problème de l'éligibilité des membres de toutes les minorités aux prochaines élections.

Il n'est pas prévu de modifier le budget du Médiateur, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a ajouté qu'un accord devrait intervenir entre les ministères concernés en vue de couvrir la création d'un service antidiscrimination, notamment.

La protection des droits des femmes enceintes en matière d'emploi est assurée, de par la loi, par les cantons. La loi de Bosnie-Herzégovine interdit la résiliation du contrat de travail d'une femme enceinte ou en congé maternité, ou qui travaille à temps partiel pour s'occuper de son enfant. Actuellement, le taux de chômage global s'élève à 28% en Bosnie-Herzégovine, selon la méthode de calcul de l'Organisation internationale du travail; le taux calculé selon la méthode domestique est de 44%. La loi sur la réhabilitation des personnes handicapées est conforme aux lignes directrices internationales sur la manière d'intégrer ces personnes au marché du travail. Les personnes rapatriées bénéficient d'une aide pour se réinsérer sur le marché de l'emploi et pour se reloger. Les femmes et les jeunes sont particulièrement aidés.

Le salaire minimal se situe entre 270 et 340 marks convertibles selon les régions. Le Gouvernement vise un salaire minimal de 404 marks convertibles, soit la moitié du revenu moyen.

L'inspection du travail est assurée, au niveau fédéral, par huit inspecteurs seulement mais dont l'action est probante; les cantons emploient leurs propres fonctionnaires chargés du contrôle. À titre d'exemple, en 2012 en République serbe de Bosnie, ces contrôles ont donné lieu à plus de mille sanctions administratives et 25 interdictions d'activité. Aucune loi n'empêche la création de syndicats, a assuré la délégation, qui a regretté que les syndicats sont peu intéressés à s'implanter dans les entreprises privées. La loi réglemente l'exercice du droit de grève dans un certain nombre de secteurs vitaux où sont imposés un service minimal et un délai de préavis.

Le principe de salaire égal pour un travail de valeur égale est garanti. Cette notion est définie par la loi, qui prévoit des sanctions en cas de contravention. Le mouvement de privatisation en cours a une incidence négative perceptible sur le chômage, a constaté la délégation en réponse à des questions de membres du Comité: certaines reprises d'entreprises par le secteur privé ont été accompagnées de licenciements massifs.

L'aide sociale relève de la compétence des entités fédérées exclusivement. La loi prévoit des retraites minimales garanties, dont le montant varie selon le nombre d'années travaillées et le nombre d'années de cotisation. Ces retraites insuffisantes peuvent s'accompagner d'avantages octroyés par les autorités municipales.

La coopération avec les organisations non gouvernementales dans la promotion des droits des femmes est excellente, a assuré la délégation. Ce réseau associatif compte quelque 120 organisations. Les autorités œuvrent contre la discrimination multiple et contre la violence envers les femmes, notamment. La délégation a admis que tous les services gouvernementaux ne respectent pas encore les directives en vigueur s'agissant de la ventilation des statistiques. Les autorités favorisent une approche pédagogique pour remédier à cette situation.

La nouvelle stratégie de rapatriement donne la priorité à l'hébergement des personnes concernées. D'après les évaluations du Ministère des droits de l'homme, le coût total de la stratégie serait d'1,2 milliard de marks convertibles, soit environ 1 milliard de dollars des États-Unis. Compte tenu des besoins réels, la Bosnie-Herzégovine devra emprunter 500 millions de marks convertibles pour réaliser la stratégie. La Bosnie-Herzégovine entend fermer progressivement 121 centres collectifs de logement d'urgence destinés aux rapatriés, qui seront relogés dans des logements sociaux.

Le processus d'harmonisation selon les exigences européennes n'est pas encore terminé en ce qui concerne l'économie, le tourisme et l'agriculture en particulier, les conséquences de la guerre se faisant encore sentir. Le cadre juridique doit aussi être mis à niveau dans plusieurs domaines, notamment le traitement des victimes de la guerre, et en particulier s'agissant des femmes qui ont été victimes de violence. La Bosnie-Herzégovine doit aussi améliorer son système de réhabilitation et de réinsertion psychiatrique. Des projets sont menés avec l'Union européenne dans ce domaine.

Les magistrats reçoivent une formation en ce qui concerne les instruments internationaux ratifiés par la Bosnie-Herzégovine. Le Ministère des droits de l'homme et des réfugiés met sur pied une équipe d'experts chargés de concevoir des modules de formation obligatoire destinés aux policiers, aux militaires et à d'autres fonctionnaires.

Les organisations non gouvernementales ont insisté sur la création d'une institution nationale indépendante de droits de l'homme, a indiqué la délégation. Mais l'institution du Médiateur étant réputée remplir des fonctions identiques, il a été décidé de ne pas donner suite à la création d'une institution supplémentaire. La délégation a précisé que l'intention des autorités est de trouver les moyens les plus adaptés à la mise en œuvre de leurs obligations au regard des droits de l'homme. Elles sont actuellement au stade de la récolte d'informations.

La Bosnie-Herzégovine part du principe que la préparation des rapports nationaux relatifs aux instruments de droits de l'homme doit bénéficier de l'apport des organisations non gouvernementales selon plusieurs modalités. C'est le cas du présent rapport: les états successifs du rapport ont été soumis aux organisations pour recueillir leurs commentaires et suggestions. Les autorités s'appuient également sur la documentation publiée par les organisations non gouvernementales. La Bosnie-Herzégovine entend se doter, d'ici à 2015, d'un plan d'action complet consacré à la mise en œuvre des recommandations du Comité.

La récession dans la zone euro exerce un effet délétère sur l'économie bosnienne, a indiqué la délégation, ce qui a des incidences sur les politiques sociales. La protection sociale est réglementée par une loi-cadre couvrant l'ensemble du territoire national, l'application étant confiée aux autorités locales. On constate de ce fait des disparités importantes dans l'efficacité du système social entre les trois entités fédérées et les cantons. L'absence d'harmonisation des mesures sociales accentue les écarts de fait et la perception des inégalités sociales. Mais cette situation est en train d'évoluer, comme en témoignent plusieurs initiatives lancées dans les entités fédérées.

Globalement, la Bosnie-Herzégovine se situe dans la moyenne des dépenses sociales des pays de la région: l'assistance sociale y absorbe un peu plus de 4% du PIB. Mais les trois quarts des sommes sont allouées aux personnes affectées par la guerre: seul 1,2% du PIB est redistribué à la population en général sous forme d'aide sociale, ce qui est peu. Mais les autorités ne sont pas en mesure de procéder à une redistribution radicale, au risque de susciter un fort mécontentement, a relevé la délégation.

Les autorités accordent une grande attention aux Roms, qui constituent la plus importante, et la plus défavorisée, des 17 minorités nationales. La Bosnie-Herzégovine œuvre depuis 2008 déjà à la mise en place de mesures concertées en faveur de l'insertion des Roms dans le monde du travail, de leur logement et de leur santé. Depuis 2012, plusieurs centaines d'unités de logement ont été construites à leur intention. Deux cents autres unités devraient être disponibles d'ici 2014. Le financement est assuré pour moitié par l'État central, pour moitié par les collectivités locales. L'action de la Bosnie-Herzégovine dans ce domaine a été saluée par la campagne 2005-2015 d'intégration des Roms. Les autorités ont procédé à un recensement de la population rom afin d'en mieux comprendre les besoins et d'affiner leur méthodologie. L'élaboration des plans d'action s'est faite avec la collaboration de membres de la communauté rom.

Dans des observations de suivi, un expert du Comité a souligné que les États ont l'obligation de prendre des mesures concrètes pour encourager les personnes qui œuvrent à la promotion et à la protection des droits fondamentaux. Dans ce contexte, les autorités doivent œuvrer au respect des droits de l'homme dans le secteur privé, en particulier s'agissant du respect du droit du travail. La délégation a assuré que les autorités estiment que les syndicats jouent un rôle important dans la négociation collective dans le secteur privé. Le pays s'apprête à ratifier les conventions pertinentes de l'Organisation internationale du travail.

Un expert du Comité ayant demandé des précisions sur l'évolution de la situation concernant la sécurité au travail, la délégation a indiqué que les autorités ne ménagent aucun effort pour limiter l'incidence des accidents de travail. Elles compilent des statistiques sur ce problème, qui se pose avec une certaine acuité dans l'exploitation forestière.

Répondant à d'autres demandes d'éclaircissement, la délégation a indiqué que les autorités se sont dotées d'une stratégie de logement social pérenne, au profit notamment des personnes vivant dans les centres collectifs d'hébergement où vivent encore des rapatriés. La stratégie propose une gamme de solutions répondant aux besoins précis des personnes concernées. Dans ce cadre, les autorités négocient avec les autorités locales en vue de la reconstruction de biens immobiliers appartenant à des Roms qui ont été détruits pendant la guerre. La Bosnie-Herzégovine a demandé et reçu une aide de la communauté internationale dans ce domaine.

La Bosnie-Herzégovine a ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul). Près de 40% des femmes en Bosnie-Herzégovine âgées de plus de 15 ans ont souffert d'une forme de violence, généralement chez elles. Les autorités mènent plusieurs campagnes de lutte contre ce problème, avec des résultats positifs. S'agissant de l'âge du mariage, le code de la famille interdit en principe le mariage des mineurs. Mais un tribunal peut accorder des exceptions si la maturité de la personne concernée le permet. Un mineur de moins de 16 ans est autorisé à se marier pour autant qu'il fasse la preuve de son autonomie. Ces conditions s'appliquent à l'ensemble du pays. Les associations roms et les agences publiques ont réalisé une enquête au sein de la communauté rom: elles ont constaté qu'une fille rom sur dix est concernée par le mariage précoce, contre moins d'un pourcent des garçons. Une étude subséquente a montré un fort ancrage des traditions au sein de la communauté rom.

L'accès à la santé repose sur un principe de décentralisation des compétences entre la fédération, les entités fédérées et les cantons. Les soins sont réglementés par les cantons. Les droits sont transférables dans l'ensemble du pays. Le système de soins de base couvre déjà environ 85% de la population. Trois cent mille personnes dépourvues de couverture d'assurance bénéficient de soins gratuits. Faute de données précises, les autorités ne savent pas encore combien de personnes sont totalement exclues du système de santé; d'après les médecins, 12% de la population serait concernée, surtout des travailleurs agricoles.

La Bosnie-Herzégovine dispose d'un système efficace de collecte d'information sur la traite des êtres humains. Ce problème concerne surtout des enfants qui ont été forcés, par des groupes criminels, de se livrer à la mendicité. Plusieurs cas de prostitution organisée de mineurs marginalisés ont également été dénoncés devant les tribunaux. Les autorités ont amélioré leur capacité de détection des victimes étrangères de la traite. Des travailleurs sociaux travaillent au contact des jeunes livrés à eux-mêmes, qu'ils dirigent vers des foyers d'accueil ouverts à leur intention.

L'organisation de l'éducation est très complexe, puisqu'il s'agit d'une responsabilité relevant des entités fédérées, voire des cantons. Au niveau national, le Conseil des Ministres de l'éducation ne joue qu'un rôle de coordination. La Bosnie-Herzégovine a été engagée par le Comité des droits de l'enfant à mettre un terme à toute ségrégation scolaire des enfants sur la base de leur origine ethnique. Les Ministères décentralisés sont chargés de mettre en œuvre les recommandations du Comité des droits de l'enfant. Ils ont publié un communiqué commun réaffirmant leur volonté d'assurer l'accès de chaque enfant à l'éducation, dans un contexte où un grand nombre d'enfants roms ne sont pas scolarisés. Le plan de scolarisation adopté à leur intention en 2011 vise à les intégrer à l'école primaire et à leur dispenser un enseignement adapté à leurs besoins. Il prévoit notamment des services de transport scolaire gratuit et l'octroi de bourses par les collectivités locales. Trente adolescents roms ont mené à bien leur scolarité secondaire l'an dernier. Les nombreuses difficultés rencontrées par la Bosnie-Herzégovine dans ce domaine précis ont incité le gouvernement central à déléguer aux autorités régionales des moyens d'action supplémentaires, a expliqué la délégation.

La délégation a encore précisé que la loi impose des quotas de 40% de femmes dans les listes de partis politiques. D'autre part, les autorités préparent un projet de loi interdisant la mention, sur les listes électorales fédérales, de l'origine ethnique des candidats.

Conclusions

MME ÐUDERIJA a indiqué que son pays, vu sa structure politique et administrative complexe et les difficultés nées de la crise économique, est tenu d'imaginer des solutions parfois inédites aux problèmes qu'il rencontre. La Vice-Ministre a affirmé que sa délégation est satisfaite de constater que le Comité comprend ces difficultés. Ses recommandations aideront la Bosnie-Herzégovine à faire des progrès dans la réalisation des droits de l'homme en général.

MME SHIN a salué les efforts de la Bosnie-Herzégovine pour protéger les droits couverts par le Pacte. Mais la rapporteuse a observé aussi que la complexité de la structure de gouvernance en Bosnie-Herzégovine suscite des obstacles très concrets à l'efficacité de l'action publique. Elle a espéré que les autorités organiseraient des débats publics sur le contenu du débat et sur les recommandations du Comité.

M. ZDZISŁAW KĘDZIA, Président du Comité, a souligné que la complexité de l'organisation politique de la Bosnie-Herzégovine rend difficile de rendre pleinement compte de la situation des droits de l'homme dans ce pays. La Bosnie-Herzégovine compte des amis parmi les membres du Comité, auquel elle ne doit pas craindre de demander conseil.


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ESC13/019F