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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ADOPTE DEUX TEXTES ET EXAMINE UN RAPPORT SUR LA SITUATION AU LIBÉRIA

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a adopté sans vote, cet après-midi, une décision sur la justice de transition qui consacre la nécessité du rétablissement de l'état de droit et de la justice dans les situations post-conflits et une résolution portant sur la jouissance effective, dans tous les pays, des droits économiques sociaux et culturels. Le Conseil a par ailleurs examiné le rapport de l'experte indépendante chargée de la coopération technique et des services consultatifs au Libéria et tenu une discussion sur diverses questions connexes.

Le Conseil félicite le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, par la décision adoptée cet après-midi, pour ses efforts en vue de faire avancer la question de la justice de transition et des droits de l'homme, notamment en étendant sa présence dans le cadre des opérations de consolidation de la paix, et de l'encourager à poursuivre et à renforcer ses importants travaux pratiques et analytiques concernant cette question complexe. La décision a été présentée par la Suisse.

Aux termes de la résolution sur la jouissance effective, dans tous les pays, des droits économiques sociaux et culturels, le Conseil des droits de l'homme affirme notamment que l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère ne peut être réalisé que si sont créées les conditions de l'exercice, par chacun, des droits économiques, sociaux et culturels, de même que des droits civils et politiques. Il affirme en outre que tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales sont universels, indivisibles, interdépendants et indissociables, et que tous les États ont l'obligation d'assurer la promotion, la protection et la réalisation de tous les droits de l'homme, à chacun, sans discrimination aucune, et en prêtant une attention particulière aux individus et aux communautés les plus vulnérables et les plus défavorisés. Ce texte a été présenté par le Portugal: Le Sénégal a également pris la parole.

En début de séance, Mme Charlotte Abaka, experte indépendante chargée de la coopération technique et des services consultatifs au Libéria, a fait part des progrès réalisés par le pays pour assurer la promotion et la protection des droits de l'homme et pour renforcer ses institutions. Elle a aussi insisté sur l'importance pour le Libéria de renforcer son cadre juridique de protection des femmes et des fillettes. De nombreuses tâches restent à accomplir, mais la volonté politique existe bel et bien, a-t-elle conclu.

Le Ghana, l'Allemagne (au nom de l'Union européenne), les États-Unis et le Canada sont intervenus suite à la présentation de ce rapport.

Dans le cadre du débat sur des «questions connexes», plusieurs délégations ont réitéré leurs préoccupations s'agissant de la situation des droits de l'homme de plusieurs pays, et notamment au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée. Le manque de coopération de ces deux pays a également été déploré et de nombreux intervenants les ont exhortés à mettre un terme aux violations de droits de l'homme, d'une part, et au climat d'impunité, d'autre part. Des délégations ont d'autre part saisi l'occasion de ce débat pour attirer l'attention sur l'importance des mandats par pays et, partant, sur la nécessité de les conserver.
Les délégations suivantes sont intervenues dans le cadre de ce débat: Allemagne (au nom de l'Union européenne), Royaume-Uni, Canada, France, Japon, Nigéria, Australie, Saint-Siège et États-Unis. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Becket Fund for Religious Liberty; Human Rights Watch; Société anti-esclavagiste; Worldview International Foundation; International Federation for the Protection of The Rights of Ethnic, Religious, Linguistic & Other Minorities; Femmes Africa Solidarité; Association internationale des avocats et juristes juifs; Nord-Sud XXI; et Interfaith International.

La République populaire démocratique de Corée, l'Iran et le Soudan ont exercé le droit de réponse.


La prochaine séance plénière publique du Conseil aura lieu lundi après-midi, à partir de 15 heures. La séance du matin sera consacrée à l'examen à huis clos au titre de la procédure confidentielle de plainte.


Adoption de décisions et résolutions

Par une décision portant sur la justice de transition (A/HRC/2/L.36, adopté sans vote telle qu'amendé), le Conseil des droits de l'homme décide de féliciter le Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour ses efforts en vue de faire avancer la question de la justice de transition et des droits de l'homme, notamment en étendant sa présence dans le cadre des opérations de consolidation de la paix, et de l'encourager à poursuivre et à renforcer ses importants travaux pratiques et analytiques concernant cette question complexe.


Par sa résolution portant sur la jouissance effective, dans tous les pays, des droits économiques sociaux et culturels (A/HCR/4/L.9, adoptée sans vote) le Conseil des droits de l'homme affirme notamment que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère ne peut être réalisé que si sont créées les conditions de l'exercice, par chacun, des droits économiques, sociaux et culturels, de même que des droits civils et politiques. Il affirme en outre que tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales sont universels, indivisibles, interdépendants et indissociables, et que tous les États ont l'obligation d'assurer la promotion, la protection et la réalisation de tous les droits de l'homme.

Le Conseil engage tous les États à donner plein effet aux droits économiques, sociaux et culturels et à envisager de signer et de ratifier et − pour ce qui est des États parties − à mettre en œuvre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que d'autres instruments internationaux relatifs à la réalisation de ces droits. Il les engage en outre à veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels soient exercés sans discrimination aucune, et à assurer progressivement, par des politiques nationales de développement et avec l'assistance et la coopération internationales, la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en prêtant une attention particulière aux individus et aux communautés qui vivent dans une extrême pauvreté et sont par conséquent les plus vulnérables et les plus défavorisés. Le Conseil engage de même les États à promouvoir une participation large et effective de représentants de la société civile aux processus de décision concernant la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels, y compris dans le cadre d'efforts entrepris pour définir ou renforcer des pratiques de bonne gouvernance.

Le Conseil se félicite enfin des six ratifications récentes du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et engage les États parties au Pacte en particulier à promouvoir une action nationale concertée en vue d'assurer la participation de représentants de tous les secteurs de la société civile au processus d'établissement des rapports périodiques qu'ils présentent au Comité des droits économiques, sociaux et culturels et à la mise en œuvre des recommandations de ce dernier. Le Conseil rappelle que la coopération internationale visant à régler les problèmes internationaux d'ordre économique, social et culturel, ainsi qu'à promouvoir et encourager le respect universel des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est l'un des buts de l'Organisation des Nations Unies, et affirme qu'une plus large coopération internationale contribuerait à des progrès durables dans la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels.


Déclarations dans le cadre de l'examen des deux textes

Présentant le projet de résolution sur la justice de transition (A/HRC/2/L.36), M. BLAISE GODET (Suisse) a rappelé que le rétablissement de l'état de droit et de la justice est indispensable dans les situations d'après-conflit. Le projet de résolution fait suite à un texte présenté en 2005 devant la Commission des droits de l'homme, qui visait déjà à renforcer le rôle du Haut Commissaire dans les sociétés en transition.

Présentant le projet de résolution portant sur la jouissance effective, dans tous les pays, des droits économiques sociaux et culturels (A/HCR/4/L.9), M. FRANCISCO XAVIER ESTEVES (Portugal) a rappelé que de nombreuses délégations ont souvent répété, devant le Conseil, la nécessité de donner à l'ensemble des droits de l'homme une visibilité égale. Dans ce cadre, il convient d'accorder toute son importance au droit des peuples du monde entier de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels, comme le veut le principe d'universalité et d'interdépendance de tous les droits de l'homme. Il appartient donc au Conseil de ne plus rester silencieux devant ce qui constitue une préoccupation pour de nombreux États. L'action du Conseil doit être axée sur la mise en œuvre, c'est pourquoi le projet de résolution demande que des mesures soient prises, lors de futures sessions, pour que soient appliqués les principes et objectifs de la résolution.

M. MOUSSA BOCAR LY (Sénégal) a regretté que le Portugal, coordonnateur du projet de résolution L.9, n'ait pas pu s'ouvrir à nos propositions et nous empêchant par là d'être coauteur. Le Sénégal espère que d'autres projets incorporeront un changement de forme qui aurait permis de consacrer un droit déjà consacré au niveau international, c'est-à-dire le droit à l'alimentation.


Rapport sur la coopération technique et les services consultatifs au Libéria

Présentation

MME CHARLOTTE ABAKA, experte indépendante sur la coopération technique et les services consultatifs au Libéria, a notamment observé qu'après quatorze ans de guerre ayant entraîné des violations graves des droits de l'homme, le peuple et le Gouvernement du Libéria sont maintenant engagés résolument au respect, à la promotion et à la protection de ces droits. Certaines institutions nationales importantes, dont la Commission de vérité et de réconciliation et la Commission indépendante des droits de l'homme, doivent encore devenir pleinement fonctionnelles à cet égard, a précisé Mme Abaka. L'experte indépendante a aussi indiqué avoir pris une part active au travail préparatoire autour de ces institutions. Un séminaire de travail organisé par l'experte indépendante a été l'occasion de discuter de certaines lois problématiques, notamment la «Hinterland Legislation», ou législation de l'arrière-pays. Mme Abaka a par ailleurs observé que le Procureur général est en train de mettre sur pied un Comité directeur pour la formulation d'un Plan d'action national en faveur des droits de l'homme, un programme digne d'éloge, a estimé Mme Abaka.

L'experte indépendante a par ailleurs rappelé le travail qu'elle a réalisé sur la mise en conformité avec le droit international de la loi sur le viol, notamment dans la mesure où elle a veillé à ce que toute mention de l'application de la peine de mort en soit absente. De graves inquiétudes demeurent quant à l'application de cette loi, et d'abord au vu de la tendance au règlement des cas à l'amiable, par conciliation entre victimes et coupables. L'experte indépendante a tenté de rendre cette pratique illégale, mais sans succès dans un premier temps. Toutefois, la tenue d'un séminaire de travail sur ce problème a permis de prendre une mesure en ce sens, ce qui est à mettre au crédit de l'action du mandat.

Mme Abaka a souligné que le Libéria vient à peine de s'engager résolument sur la voie du respect des droits de l'homme. De nombreuses tâches restent à accomplir. La bonne nouvelle est que la volonté politique existe bel et bien. C'est pourquoi le mandat doit être reconduit, de telle sorte que des bases solides pour les droits de l'homme puissent être jetées au Libéria. Le Conseil ne peut, à ce stade, abandonner le peuple et le Gouvernement du Libéria, a estimé Mme Abaka. Elle s'est par ailleurs félicitée de ce que les États-Unis, la Chine, l'Allemagne et la Norvège aient accepté d'annuler leurs créances à l'égard du Libéria, et encourage d'autres Gouvernements à faire de même.

Le rapport sur la coopération technique et les services consultatifs au Libéria, (A/HRC/4/6, disponible en anglais uniquement) décrit les missions que Mme Abaka a effectuées dans ce pays en février et novembre 2006. Le rapport décrit des évolutions positives intervenues au Libéria en 2006, mais souligne aussi des lacunes dans l'application des droits de l'homme des personnes particulièrement vulnérables et marginalisées dans la société libérienne. L'année 2006 a ainsi débuté par la promulgation d'une loi offrant une meilleure protection aux victimes de viols. Le problème réside cependant dans l'incapacité des tribunaux et des forces de police à appliquer correctement cette loi fondamentale: de nombreuses victimes, femmes, fillettes, hommes et petits garçons, restent encore sans défense ou moyen de recours. Le rapport indique en outre que les autorités doivent encore légiférer en matière de lutte contre les mutilations génitales sexuelles. L'experte se félicite aussi de l'institution, en février 2006, d'une «Commission de vérité et de réconciliation», qui a bénéficié du soutien actif du Gouvernement. Cependant, la Commission est toujours dans l'incapacité d'exercer son mandat, les procédures administratives et techniques n'ayant pas encore été mises en place.

Au chapitre des recommandations, Mme Abaka préconise notamment que la Faculté de droit de l'Université nationale soit renforcée et que des bourses d'études soient offertes pour des compléments de formation aux États-Unis. De mesures de discrimination positive devraient par ailleurs être prises pour augmenter le nombre de femmes dans les effectifs du secteur juridique. En outre, la Constitution devrait être révisée dans le sens d'une intégration des dispositions des traités internationaux dans le droit national. Enfin Mme Abaka recommande l'abrogation immédiate de certaines lois particulièrement discriminatoires, comme par exemple les «Hinterland Regulations».


Débat

M. PAUL ARYENE (Ghana) a expliqué que son pays continue de suivre avec beaucoup d'attention la situation au Libéria et s'est félicité des avancées positives faites en en 2006. Le Libéria émerge de longs troubles civils et nous sommes encouragés par les progrès réalisés par le pays, a-t-il souligné. Le représentant ghanéen a en outre tenu à encourager le Libéria dans ses efforts et rappelé qu'il est important que la communauté internationale le soutienne.

M. MARTIN HUTH (Allemagne au nom de l'Union européenne) a remercié l'experte indépendante pour son rapport mais s'est dite préoccupée de la situation des droits de l'homme au Libéria, qui est loin d'être satisfaisante. Notant qu'une seule condamnation a été prononcée suite à l'adoption de la nouvelle loi sur le viol, l'Union européenne aimerait savoir si d'autres condamnations ont eu lieu depuis la rédaction du rapport. S'agissant de la Commission pour la vérité et la réconciliation, quelles mesures le Conseil des droits de l'homme pourrait-il prendre pour aider le Gouvernement du Libéria à avancer sur la voie de la réconciliation? Enfin, en ce qui concerne les mutilations génitales, l'Union européenne souhaiterait savoir quelles propositions pourraient être faites dans ce domaine, notamment en vue d'une législation pour interdire cette pratique.

MME VELIA DE PIRRO (États-Unis) a félicité le Gouvernement du Libéria pour sa collaboration avec l'experte indépendante. Les États-Unis se félicitent aussi de l'évolution de la situation au Libéria, pays avec lequel ils collaborent dans le domaine éducatif, électoral et judiciaire. Les États-Unis sont satisfaits du programme de formation du personnel de justice et de l'action que pourra jouer Commission pour la vérité et la réconciliation. La représentante a demandé quel rôle le Conseil pourrait jouer dans le processus global au Libéria.

MME CYNDY NELSON (Canada) s'est dite encouragée par les efforts entrepris par le Libéria et notamment s'agissant du renforcement des capacités législatives et institutionnelles. Une mise en œuvre peu efficace a malheureusement limité les progrès, a-t-elle souligné. D'autre part, la représentante s'est inquiétée de la violence à l'encontre des femmes. Elle a toutefois estimé encourageant à cet égard de constater que le Libéria a adopté un Plan d'action national de prévention et de gestion de la violence à l'égard des femmes. Elle a souhaité avoir l'avis de l'experte indépendante s'agissant des avancées réalisées par le programme national jusqu'ici. D'autre part, constatant qu'il n'existe qu'une seule organisation non gouvernementale qui fournit des conseils et vient en aide aux femmes et enfant victimes de viol, elle s'est enquise des possibilités qui existent en la matière pour la société civile. Quelles sont les difficultés que peuvent rencontrer les organisations non gouvernementales qui essayent de venir en aide aux victimes de viols ?


Conclusion

MME CHARLOTTE ABAKA, experte indépendante sur la coopération technique et les services consultatifs au Libéria, a remercié les délégations de leur intérêt pour son mandat. Répondant aux observations du Canada, Mme Abaka a expliqué que la seule organisation qui apportait une aide aux victimes de violence faite aux femmes est l'association de juristes libériens. Malheureusement, avec l'écroulement des infrastructures, cette association n'existe plus. Cela signifie que les Libériennes qui ont fait l'objet de violence en dehors de Moravia ne reçoivent pas d'aide. Il serait donc utile que la communauté internationale apporte une aide afin que les juristes puissent sortir de Moravia et apporter leur aide. Mme Abaka, s'agissant de la justice, a indiqué qu'il était important que les juges nommés comprennent bien ce que l'on entend par violence faite aux femmes. La plupart des violences perpétrées concernent des femmes battues. Très souvent, l'interprétation de la loi par les juges s'éloigne de l'esprit de la loi. Mme Abaka a raconté avoir été témoin d'un cas où un homme de 40 ans a violé une fillette de 9 ans mais a été libéré car il a été dit que cette fillette «n'avait rien à faire dans les rues à cette heure là». Une formation continue des juges est indispensable, a souligné Mme Abaka. En dehors de la capitale, un grand nombre de tribunaux existe, mais les juges restent peu dans les provinces et la connaissance des normes internationales des droits de l'homme est très faible. Il conviendrait donc d'accepter le recrutement de juges issus d'autres pays qui connaissent des situations similaires, telle que l'Afrique du Sud.

Étant donné que la traduction en droit interne des nombreux instruments internationaux prendra beaucoup d'années, Mme Abaka a estimé indispensable une assistance du bureau du Haut-Commissariat au Libéria. Elle a par ailleurs déclaré que des progrès ont été réalisés sur le Plan d'action qui est sur le point de démarrer. Mme Abaka a également insisté sur la tristesse de la situation car les cas de viol se produisent quotidiennement et il est vraiment triste de voir comment le judiciaire s'en occupe, a-t-elle ajouté. Toute la justice prend trop de temps et il existe des lacunes graves. Le Conseil devrait se pencher sérieusement sur ce problème. Il n'est pas juste de demander au Libéria de mettre en œuvre certaines lois alors qu'en même temps, ceux qui sont présent pour protéger la paix, c'est-à-dire les casques bleus, commettent des délits et que rien ne soit fait pour lutter contre cela. Les choses ne vont donc pas si bien que cela et c'est la raison pour laquelle les donateurs réduisent leur financement car les progrès ne se font pas sentir suffisamment rapidement. Enfin, Mme Abaka a tenu à remercier les gouvernements qui ont annulé la dette du Libéria à leur égard. Il faudrait également envisager l'annulation des arriérés de loyers à Genève afin que le Libéria puisse y établir à nouveau une mission permanente.


Organisations non gouvernementales

MME CATHERINE CLARK (Becket Fund for Religious Liberty) a remercié le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, regrettant qu'il n'y ait pas eu d'amélioration dans ce pays en matière de liberté religieuse, notamment vis-à-vis des religions musulmane et chrétienne. Les bouddhistes eux-mêmes, majoritaires, ne peuvent pas pratiquer librement leur religion, au moins 300 bonzes étant emprisonnés et le dogme étant défini par le Gouvernement. La représentante a estimé nécessaire que des enquêtes soient menées autour des allégations de censure religieuse, de conversions forcées et de discriminations contre les minorités religieuses au Myanmar, dont le Gouvernement doit collaborer pleinement pour le respect des droits de l'homme, y compris le droit à la religion.

M. STEVE GRAWSHAW (Human Rights Watch) a fait observer que des violations des droits de l'homme sont très largement pratiquées au Myanmar. À grands renforts d'exemples, et déplorant notamment viols et déplacements de populations, il a mis en lumière la catastrophe humanitaire qui a cours au Myanmar. Il faudrait que le Conseil continue d'examiner la situation, et fasse en sorte qu'un accès immédiat au pays soit possible. Ce mandat devrait être une priorité, a-t-il estimé.

MME CHRISTIANE DEHOY (Société anti-esclavagiste) a remercié le Rapporteur spécial, M. Paulo Sérgio Pinheiro, de ses efforts pour convaincre le Gouvernement du Myanmar de respecter les droits de l'homme, et notamment ceux des communautés du nord du pays. Malgré l'urgence de la situation de cette population, le Programme alimentaire mondial n'a pas été en mesure de lui apporter son assistance. La mortalité infantile de cette population très vulnérable a fortement augmenté, a déploré la représentante, appelant le Conseil à agir en sa faveur.

M. BO KYI (Worldview International Foundation) a estimé que la situation des enfants au Myanmar révèle les conditions générales de la société de ce pays. Il a souligné que les enfants, qui sont l'avenir et l'espoir du Myanmar, ne devraient pas souffrir de violence, avant de déplorer que le pays pratique le recrutement d'enfants soldats. Ce pays méprise le bien-être fondamental de la population, a-t-il insisté. Rappelant que le problème du recrutement d'enfants soldats a été soulevé à maintes reprises, il a demandé quelles mesures le Conseil compte prendre à ce sujet. Il faut que le Conseil encourage le Gouvernement birman à changer sa manière de faire, a-t-il martelé.

M. DAMIANOS SEREFIDIS (International Federation for the Protection of The Rights of Ethnic, Religious, Linguistic & Other Minorities) a déclaré qu'au Myanmar se commettent des violations des droits ethnoculturels, en particulier ceux de la communauté musulmane des Rohingya, dans la province de Rakhine. Ces violations - travail forcé, taxation arbitraire, déplacements forcés, torture, viols, exécutions extrajudiciaires - interviennent dans toutes les régions du pays mais surtout dans les régions peuplées de minorités ethniques. On doit par ailleurs déplorer que pratiquement aucune évolution positive ne soit survenue en ce qui concerne le règlement de ces problèmes, a dit le représentant, de même que l'on ne constate pas de volonté de la part du Gouvernement de coopérer avec le Conseil des droits de l'homme.

MME AGNES TAYLOR LEWIS (Femmes Africa Solidarité) a appuyé le rapport sur le Libéria. Le Réseau pacifique de la rivière Mano voudrait lancer un appel à la communauté internationale pour qu'elle aide la population du Libéria et son président nouvellement élu pour qu'il remette le pays sur pied.


Débat général

M. MARTIN HUTH (Allemagne, au nom de l'Union européenne) a insisté sur la nécessité que les États coopèrent avec les mécanismes du Conseil. Il a attiré l'attention sur les situations des droits de l'homme au Myanmar et demandé la libération des prisonniers politiques. Des mesures devraient être prise pour que l'impunité cesse, a-t-il insisté. D'autre part, il s'est dit préoccupé par la situation en République populaire démocratique de Corée, soulignant que des enfermements, des extraditions, des avortements et des infanticides y ont cours. Le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée doivent permettre la visite des experts, a-t-il martelé, soulignant que le Burundi constitue un exemple à suivre à cet égard.

M. NICHOLAS THORNE (Royaume-Uni) a estimé que le peuple de Birmanie souffre depuis beaucoup trop longtemps du manque de progrès politique et du déni de ses droits fondamentaux. De graves abus des droits de l'homme continuent de se produire en Birmanie, surtout dans les zones de conflit. Le Royaume-Uni rejoint ceux qui estiment que le Conseil doit prendre une part active dans la résolution de ces problèmes. C'est pourquoi le Royaume-Uni se dit prêt à appuyer tout processus de concertation nationale appuyé par le Conseil des droits de l'homme visant à contribuer au rétablissement des droits de l'homme en Birmanie.

M. ROBERT SINCLAIR (Canada) a indiqué que le dialogue interactif qui s'est tenu avec les procédures spéciales liées aux situations des droits de la personne dans divers pays s'est avéré riche et constructif. Alors que ce Conseil procède actuellement à l'examen du système des procédures spéciales, il convient de rappeler le rôle important que les mandats de pays ont joué dans de nombreuses situations partout dans le monde. Une ouverture envers les procédures spéciales est un geste de transparence et dénote la volonté des pays membres à montrer qu'ils prennent au sérieux leur responsabilité de faire progresser les droits de la personne de leur population. La société civile a également un rôle notable à jouer. Des pratiques de surveillance et de fouilles intimidantes de membres d'organisations non gouvernementales, exercées notamment au Bélarus, et des violences contre les vies de militants des droits de l'homme, de surcroît sans que des lois ne pénalisent ces actes, comme c'est le cas au Nigéria, préoccupent vivement le Canada. Au Zimbabwe, les voix de la société civile sont réduites au silence. Le Canada demeure également préoccupé par l'arrestation récente de militants pacifiques au Vietnam, de même que les arrestations massives en Iran de femmes qui manifestaient pacifiquement. Le sort des minorités baha'i, chrétienne et soufi en Iran qui ont fait l'objet d'actes croissants de discrimination inquiète aussi le Canada. En Haïti, une justice indépendante et forte est essentielle. En Chine, le Canada demeure préoccupé de la situation de prisonniers qui sont victimes de torture, notamment ceux détenus dans des camps de détention administratifs ou informels.

M. DANIEL VOSGIEN (France) a estimé que les débats interactifs avec les différents rapporteurs spéciaux ont démontré une nouvelle fois l'utilité des procédures spéciales dédiées aux situations sur le terrain, qui garantissent au Conseil des informations fiables sur lesquelles fonder ses discussions et ses décisions. Il a déploré que certains États ne coopèrent pas avec les procédures spéciales. Pourtant, ils devraient comprendre que la nécessité de coopérer complètement avec tous les mécanismes des Nations Unies est dans l'intérêt de tous les acteurs et en premier lieu des pays concernés, a-t-il souligné. À cet égard, la France est très préoccupée par la situation des droits de l'homme au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée. Les refus de coopérer de ces pays ne font que souligner davantage des situations graves de violations des droits de l'homme, qui ne peuvent être justifiées en aucune circonstance, a-t-il ajouté. À l'inverse, le représentant français a salué les pays qui coopèrent avec les procédures spéciales, comme c'est le cas du Burundi. Pour conclure, il a souligné que son pays demeure également préoccupé par les violences et les violations de droits de l'homme commises dans les territoires palestiniens.

M. HIROSHI MINAMI (Japon) a déploré que de nombreux peuples continuent de souffrir de violations de leurs droits de l'homme et a estimé que, malheureusement, le jour n'est pas encore venu où le Conseil pourra se dispenser de procédures thématiques par pays. Les rapporteurs spéciaux accomplissent un rôle important sur le terrain, dans le cadre d'une approche empreinte de dialogue et de coopération, a-t-il souligné. Les pays concernés peuvent ainsi œuvrer, en pleine coopération, à l'amélioration de la situation des droits de l'homme. Cependant, force est de constater que tous les États ne collaborent pas dans la même mesure, ce qui explique la nécessité de maintenir une capacité de réaction face à des situations problématiques. Le Conseil doit donc conserver les mandats par pays, qu'ils soient ou non désignés par consensus, a insisté le représentant japonais.

M. FRANK ISOH (Nigéria) a estimé que les rapporteurs spéciaux doivent avoir accès à toutes les zones des pays concernés par leurs mandats. Il incombe aux États de permettre un tel accès à tous les titulaires de mandat, a-t-il insisté. S'intéressant plus particulièrement à la situation dans les territoires palestiniens occupés, il a dénoncé la construction du mur de séparation, les expulsions, les incursions militaires, la destruction de terrains agricoles et les détentions illicites, soulignant que ces pratiques ne sauraient être tolérées à notre époque. Il a également noté que la Palestine est le seul pays en développement auquel est refusé le droit à l'autodétermination. À cet égard, la création de deux États est une solution viable, a-t-il rappelé, avant de plaider pour que le Conseil contribue au processus de paix au Proche-Orient.

MME CAROLINE MILLAR (Australie) a jugé nécessaire que le Conseil soit informé au fur et à mesure que les informations surgissent et qu'il soit disposé à agir. Les situations au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée devraient être portées à l'attention de la communauté internationale et du Conseil, a-t-elle ajouté. Le travail des rapporteurs par pays ne saurait être minimisé. Le maintien et la protection des procédures spéciales revêt une importance vitale pour l'avenir de ce Conseil, a insisté la représentante australienne.

M. SILVANO TOMASI (Saint-Siège) s'est félicité de l'attention accordée durant les débats à la notion de protection des enfants. Du point de vue du Saint-Siège, cette protection doit être assurée dès avant la naissance. Le manque de ressources a de graves conséquences pour les enfants, qui se trouvent trop souvent victimes de la famine et des conflits, a poursuivi le représentant. Le premier droit de l'enfant est celui de naître, un droit nié par la sélection avant la naissance dont sont victimes des enfants dont on craint qu'ils ne soient handicapés mais aussi de nombreuses fillettes, pour la seule raison qu'elles sont, précisément, des filles. La violence contre les enfants se perpétue sous de nombreuses formes, a insisté le représentant du Saint-Siège. Si le respect des droits de l'homme des enfants reflète la santé d'une société, alors la reconnaissance juridique du droit à la naissance est urgente, a-t-il estimé. Un mode d'action particulièrement efficace consiste à veiller au respect des droits de la famille, au sein desquelles les enfants seront appelés à grandir et à s'épanouir, a ajouté le représentant du Saint-Siège, rappelant que les États ont un rôle important à jouer dans ce domaine.

M. WARREN W. TICHENOR (États-Unis) s'est réjoui des deux rapports sur le Burundi et le Libéria et de l'occasion ainsi offerte de mettre en lumière les efforts des gouvernements pour améliorer la situation des droits de l'homme dans leurs pays. Il a dit avoir été encouragé par les débats constructifs qui ont suivi les présentations de rapports sur le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée, ajoutant qu'ils illustrent l'importance de ces mandats par pays. Afin de continuer de braquer les projecteurs sur les pays qui violent les droits de l'homme et faire entendre les voix des victimes de violations de droits de l'homme, il est crucial que ce Conseil maintienne les mandats par pays, a-t-il estimé.

M. DANIEL LACK (Association internationale des avocats et juristes juifs) a déclaré que le mandat du Rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés exclut certains aspects. Le Rapporteur spécial décrit le mur de séparation à Jérusalem comme étant conçu pour permettre la «judaïsation». Il a aussi relevé que le Rapporteur spécial parle de l'oppression d'un groupe «racial» sur un autre groupe «racial». Le Rapporteur spécial semble s'engager dans une voie à même de favoriser la haine raciale. Le Rapporteur spécial termine regrettablement son rapport en disant que les territoires palestiniens occupés sont devenus un test pour l'occident. Il est difficile de concevoir une affirmation aussi rétrograde et cynique. Le représentant a demandé si c'était ce genre de rapport que le Conseil voulait adopter? Il a estimé que le Conseil devrait se préoccuper davantage de la situation de génocide au Darfour.

M. WENCESLAO MANGOSO (Nord-Sud XXI) a dénoncé le non-respect des promesses faite par les autorités de la Guinée équatoriale de construire de milliers de logements sociaux. Le Gouvernement n'a rien accompli dans ce domaine. Il a par contre construit des logements très luxueux pour son administration et son armée. Ce faisant, le Gouvernement procède depuis 2003 à des déplacements massifs de populations pour construire appartements et parkings. Le nouveau premier ministre a promis des indemnisations, mais rien n'est venu: de nombreuses personnes sont à la rue, condamnées à vivre dans des bidonvilles, des familles sont abandonnées à leur sort. Le Conseil doit demander au Gouvernement équato-guinéen de mettre fin au supplice de ses populations déshéritées et de mieux répartir les richesses du pays.

M. MEHRAN BALUCH (Interfaith International) a félicité le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires pour ses efforts et souligné qu'il permet aux voix des victimes de régimes voyous de se faire entendre. Il a attiré l'attention sur les crimes barbares et les graves violations des droits de l'homme qui ont cours au Pakistan. L'an dernier, a-t-il expliqué, plus de mille leaders politiques et des travailleurs balouches ont été kidnappés par le Gouvernement pakistanais. Le représentant a ainsi fait part de nombreux cas de disparitions et des assassinats commis à l'encontre des Balouches et imputables au Pakistan. Les actions du Gouvernement contre la population balouche n'ont pour objectifs que l'élimination systématique du peuple balouche et la spoliation des ressources naturelles du Balouchistan.


Droit de réponse

M. CHOE MYONG NAM (République populaire démocratique de Corée) a rejeté toutes les allégations faites devant le Conseil contre son pays. Les dialogues entendus dans cette enceinte prouvent une fois de plus que tout ceci est le résultat de conspirations des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne. Ces pays continuent de fabriquer des informations fausses que le Rapporteur spécial répète. Il est également intolérable que la Corée du Sud s'associe à de tels mouvements. Il conviendrait d'assurer l'objectivité. Si cela continue, la crédibilité du Conseil sera mise en péril. Il conviendrait de mettre fin à ces mandats une fois pour toutes. La République populaire démocratique de Corée ne tolérera aucune mesure qui porte atteinte à sa souveraineté, a conclu son représentant.

MME FOROUZANDEH VADIATI (Iran) a jugé ironique que le Canada se préoccupe de la situation des droits de l'homme dans d'autres pays, lui dont la police commet des actes de torture, et viole systématiquement les droits des peuples autochtones. Le Conseil doit faire des recherches sur les violations des droits de l'homme au Canada en ce moment même, a demandé la représentante.

MME IGBAL ELAMIN (Soudan) a tenu à répondre au représentant de l'Association des juristes juifs et lui a demandé d'être prudent dans ses déclarations. Il n'y a pas de génocide au Soudan, a-t-elle rétorqué.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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