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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ADOPTE SON RAPPORT ANNUEL

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu cet après-midi la dernière séance de sa session de 2006 en adoptant son rapport à l'Assemblée générale des Nations Unies, qui résume les travaux de fond de la Conférence et rend compte de l'organisation des travaux et de la participation de pays observateurs, notamment.

Plusieurs intervenants ont regretté que le rapport ne rende pas justice aux «débats structurés et ciblés» qui ont été menés tout au long de l'année sur tous les points de l'ordre du jour. Il a été souligné qu'en dépit de l'incomparable effort réalisé par les six Présidents de 2006 pour organiser ces débats, la Conférence est parvenue cette année à «un rapport encore plus anodin que les années précédentes».

Selon certains, il apparaît clairement que des négociations sur les questions de fond ne pourront commencer tant que ne sera pas adoptée une approche globale équilibrée tenant compte des intérêts de tous les États. D'autres ont estimé que certaines questions étaient «plus mûres que d'autres» pour faire l'objet de négociations, mentionnant à cet égard la question d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires.

Les pays suivant ont pris la parole : Finlande (au nom de l'Union européenne, de la Bulgarie et de la Roumanie), Pérou, Algérie, Maroc, Colombie, Inde, États-Unis, Afrique du Sud, France, Chili, Syrie, Australie, Royaume-Uni, Israël et Sénégal.

Un communiqué final fournissant des informations de base est publié séparément.

Aperçu des déclarations

M. KARI KAHILUOTO (Finlande, au nom de l'Union européenne, ainsi que de la Bulgarie et de la Roumanie) a rappelé que depuis une décennie, l'absence d'une analyse commune quant aux menaces et défis lancés au maintien de la paix et de la sécurité internationales a empêché la Conférence d'avancer et de mener des négociations de fond. Cette année s'est toutefois distinguée des précédentes en ce sens qu'un nouvel élan s'est créé suite à l'initiative innovante des six Présidents de la Conférence, a-t-il fait valoir. Il a en outre relevé l'encouragement que le Secrétaire général des Nations Unies avait adressé à la Conférence cette année. Se réjouissant des débats structurés qui se sont déroulés cette année, il a souhaité que les préoccupations exprimées par tous soient traitées de manière approfondie et concrète. Des progrès peuvent être mieux réalisés si l'on combine établissement de priorités et prise en compte des préoccupations de tous, a-t-il souligné. M. Kahiluoto a par ailleurs rappelé que, du point de vue de l'Union européenne, certaines questions sont plus mûres que d'autres pour être négociées. Tout en faisant savoir que l'Union européenne aurait apprécié que le rapport annuel intègre des éléments plus ambitieux, il a indiqué qu'elle pouvait accepter l'adoption du rapport en l'état.

M. DIEGO BELEVAN (Pérou) s'est demandé si le rapport annuel de la Conférence pouvait réellement être considéré comme un rapport, dans la mesure où il se contente de dire que la Conférence s'est réunie tout au long de l'année. Le Pérou a la sensation désagréable d'avoir adopté, après des négociations vides de contenu, le document que désiraient certaines délégations depuis le début des séances plénières informelles consacrées à son adoption. Dénonçant un document stérile et sans contenu, le représentant du Pérou a déploré que la Conférence ait utilisé les maigres ressources du système des Nations Unies pour tenir douze séances informelles consacrées à la négociation d'un rapport dont le texte final - du point de vue du Pérou - constitue une insulte pour les citoyens péruviens dont bon nombre, en dépit des efforts réalisés ces dernières années, souffrent au quotidien de la misère et de l'insécurité. Ainsi, avons-nous permis que la Conférence descende encore d'un niveau. Si la délégation du Pérou a accepté ce document, c'est parce qu'elle n'était pas disposée à assumer le coût de la non-adoption d'un rapport pour la période de sessions de 2006, avec de graves conséquences pour l'avenir de la Conférence. En dépit de l'incomparable travail réalisé par les six Présidents de 2006, la Conférence du désarmement est parvenue cette année à un rapport encore plus anodin que les années précédentes, a insisté le représentant. Peut-être l'an prochain parviendrons-nous, si nous ne faisons rien du tout et grâce à la magie de certaines délégations pour ce qui est de déformer la réalité, à rédiger un rapport où seront consignés des événements qui ne seront jamais produits, faisant entrer un peu plus la Conférence au Pays des Merveilles, a conclu le représentant péruvien.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a déploré que la Conférence du désarmement n'ait pas été en mesure, encore une fois, de relancer ses travaux, n'adoptant en fin de compte que deux documents cette année, à savoir son ordre du jour et son rapport, qui constate en substance qu'il n'y a pas eu de consensus et que toutes les questions ont fait l'objet de débats. Au début de la session, l'intention avait été de discuter de toutes les questions à l'ordre du jour de bonne foi en vue de déterminer quelles questions étaient à même de recueillir le consensus et de permettre l'adoption d'un programme de travail. Il apparaît clairement que des négociations ne pourraient commencer tant qu'une approche globale tenant compte des intérêts de tous les pays n'aura pas été suivie grâce à des discussions franches et sincères. Il a souligné la grande quantité de questions mises de l'avant par les délégations, certaines relevant des travaux de la Conférence et d'autres non. Ainsi, les questions relatives au terrorisme sont importantes mais ne relèvent pas du mandat de la Conférence a souligné le représentant algérien. C'est le cas également des questions relevant du droit humanitaire international. L'Algérie exprime le vœu qu'à l'avenir, les débats au sein de la Conférence s'en tiendront au mandat et à l'ordre du jour de la Conférence.

M. MOHAMMED BENJABER (Maroc) a souligné que le bilan de la Conférence pour les neuf dernières années n'incite nullement à l'optimisme. La Conférence, qui avait permis des compromis historiques durant la période de la guerre froide, se trouve incapable de s'entendre sur son programme de travail et dilapide un temps précieux dans des tractations incompréhensibles. L'exercice de cette année était pourtant prometteur. Une dynamique réelle semblait s'instaurer au sein de la Conférence, couronnée notamment par la présentation d'un projet de traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'armement assorti d'un projet de mandat concernant les négociations à ce sujet et la visite du Secrétaire général de l'ONU qui s'est adressé pour la première fois depuis le début du XXle siècle à la Conférence. Dans ce contexte, l'échec des membres de la Conférence à adopter un rapport substantiel représente certainement un désenchantement qui rappelle durement une réalité de blocage que tous aimeraient pouvoir dépasser. Le représentant marocain a estimé que, 27 ans après sa création, la Conférence se trouve, aujourd'hui, à un tournant décisif de son existence. Il faut retourner au fondamental en s'attachant aux vertus du dialogue collectif et au multilatéralisme et en réaffirmant le rôle central de la Conférence du désarmement en tant qu'organe multilatéral unique de négociation sur le désarmement. Parallèlement, il faudra rechercher l'adaptabilité de la Conférence aux défis majeurs de notre siècle afin qu'elle puisse répondre, de manière idoine, aux périls inhérents à une conjoncture internationale autant mouvante que mouvementée et chargée de dangers multiples, et faire face aux défis de ce nouveau siècle où la paix et la sécurité internationales n'ont jamais été aussi précaires.

M. RAFAEL QUINTERO CUBIDES (Colombie) a jugé lamentable la situation de myopie des uns et des autres à laquelle on assiste aujourd'hui - une situation dans laquelle les membres de la Conférence se bloquent mutuellement ou se cachent les uns derrière les autres. M. Quintero a souligné que sa mission à Genève allait s'achever à la fin de cette année, ce qui pourrait lui éviter d'assister aux funérailles de la Conférence, dont l'enterrement pourrait se produire très vite, a-t-il estimé.

M. JAYANT PRASAD (Inde) a regretté que, malgré les efforts déployés, il n'ait pas été possible de parvenir à adopter un rapport de la Conférence portant sur les questions de fond. Il s'agit d'un échec collectif de la Conférence. Mais tout espoir n'est pas perdu. L'incapacité de la Conférence de refléter dans son rapport la réalité des travaux de cette année n'empêche pas que l'on assiste à une évolution. La session de 2007 doit constituer un nouveau départ et donner une nouvelle occasion de porter les efforts sur un accord sur un programme de travail en vue de commencer les travaux de fond de la Conférence.

MME CHRISTINA ROCCA (États-Unis) a salué les efforts du Président pour parvenir à un rapport final, en dépit de l'absence des questions de fond. Une délégation, et une seule, est responsable de l'incapacité de se mettre d'accord sur les questions de fond en raison de sa volonté de marquer des points politiquement. Une délégation a mis en péril les travaux de la Conférence, qui n'est plus en mesure de dire à la communauté internationale qu'elle a réalisé de réels progrès en se rapprochant d'une reprise des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires. Mme Rocca a suggéré aux membres de la Conférence de réfléchir à la façon de répondre à se comportment avant la reprise des travaux en janvier prochain.

M. JOHANN KELLERMAN (Afrique du Sud) a salué les efforts du Président dans le cadre des discussions pour l'adoption du rapport annuel de la Conférence. L'Afrique du Sud, lorsqu'elle assumera la présidence l'an prochain, compte s'en inspirer dans la recherche d'un consensus sur le programme de travail, et mènera des consultations au mois d'octobre dans le cadre des travaux de la première Commission de l'Assemblée générale à New York. Une solution ne sera possible qu'avec la coopération de tous les membres, a souligné le représentant sud-africain.

M. FRANCOIS RIVASSEAU (France) a noté que l'adoption du rapport annuel de la Conférence avait été un exercice plus difficile que les années précédentes. Il est moins détaillé que par le passé et ne donne qu'une vague idée des travaux de cette année. Toutes les délégations son déçues et la France s'étonne des demandes qui ont été faites s'agissant du contenu du rapport. M. Rivasseau a jugé surréalistes certaines de ces demandes et a exprimé son embarras devant une attitude provocatrice qui a failli empêcher l'adoption du rapport, certains cherchant à réécrire l'histoire et à décrire les travaux de la Conférence d'une manière qui ne reflète pas la réalité. Le représentant français a déclaré que cette situation ne devrait plus se reproduire, car la crédibilité de la Conférence est en jeu.

M. CAMILO SANHUEZA (Chili), a déclaré que son pays regrettait le résultat final des travaux de la session de 2006 de la Conférence du désarmement. Des travaux de fond ont pu être menés cette année grâce, notamment, à la tenue de débats structurés sur tous les points de l'ordre du jour, avec la participation de plusieurs experts de différents pays. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a pris note de ce climat favorable et a encouragé la Conférence à reconnaître cette évolution comme marquant le début d'une nouvelle période pour la Conférence.

M. HUSSEIN ALI (Syrie) a rappelé la déclaration qu'il avait faite devant la Conférence le 19 mars dernier et dans laquelle il exprimait son sentiment selon lequel certaines délégations avaient recours à des manœuvres, jouaient sur les termes et interprétaient de manière abusive le règlement intérieur de la Conférence. Il a rappelé que le meilleur moyen d'aboutir à des résultats au sein de la Conférence consistait à faire preuve de transparence et de plein respect des priorités de tous. La Syrie préfère commencer le débat sur la base du consensus. Les quatre points principaux inscrits à l'ordre du jour de la Conférence reflètent les priorités et les préoccupations de tous au sein de la Conférence. Bien sûr, la Syrie aurait souhaité que la Conférence adopte un rapport de fond; mais certains souhaitaient un rapport embellissant la réalité. Malheureusement, la réalité n'est pas belle et le roi est nu, a déclaré le représentant syrien. Il a ensuite dénoncé l'attitude d'un pays qui, année après année, mène une guerre contre un petit pays pacifique pour la simple raison que ce petit pays n'a pas la même vision du monde que lui. Aujourd'hui même, en Iraq, un million d'enfants souffrent de leucémie en raison de l'utilisation d'armes à uranium appauvri, a-t-il poursuivi. Le monde a été choqué par ce qui s'est produit dans les prisons d'Abou Grahib et de Guantánamo sous l'autorité de ce pays qui couvre en outre les crimes d'Israël depuis cinquante ans, a-t-il ajouté.

MME CAROLINE MILLAR (Australie) a fait part de sa déception de ce que, dans le compromis minimal qui a abouti au rapport annuel de cette année, il n'ait pas été possible de faire mention de la question des mines antipersonnel. Il est préoccupant de constater que très peu de délégations aient été en mesure d'accepter un rapport qui soit à la hauteur de la reconnaissance que méritaient les travaux effectués cette année.

M. JOHN DUNCAN (Royaume-Uni) a salué les efforts déployés par les six Présidents de la Conférence de cette année afin de revitaliser cette instance. Il s'est associé aux délégations qui ont exprimé des regrets face au fait que certains membres de la Conférence ne soient pas parvenus à déployer des efforts sérieux pour relancer la Conférence. Ce comportement est en contraste avec d'autres délégations qui, en dépit des divergences, se sont engagées de manière responsable et appropriée dans le cadre de leurs interventions.

M. MEIR ITZCHAKI (Israël) a regretté que la Conférence ne soit pas parvenue à adopter un rapport abordant les questions de fond. «Nous savons tous qui est responsable de cet échec et il faut espérer que cela ne se reproduira plus», a-t-il déclaré. Il a rappelé à l'intention de la Syrie qu'Israël est un État souverain qui peut s'exprimer quand il le souhaite. Si Israël a pu s'abstenir de répondre à certaines interventions de la Syrie, c'est parce qu'il a préféré ne pas porter préjudice à l'image de la Conférence.

M. HUSSEIN ALI (Syrie) a déclaré que les faits parlent d'eux-mêmes. La Syrie est un pays qui respecte le droit international; n'occupe pas le territoire d'un pays voisin; n'utilise pas des armes interdites au niveau international; et ne détruit pas des villages en tuant des enfants. Ces derniers mois, la Syrie a réitéré ses offres de reprise des négociations de paix avec Israël, a-t-il ajouté; mais Israël a rejeté ces offres, sous la pression d'un pays tiers.

M. OUSMANE CAMARA (Sénégal) dans une déclaration d'adieux, a souligné que la Conférence, qu'il a présidée il y a quelques semaines, avait connu cette année des moments d'exaltation grâce aux efforts collectivement consentis pour la tirer de la léthargie. Il a affirmé que la tenue des débats structurés et approfondis sur les différents points de l'ordre du jour a fait éclore une meilleure compréhension à la fois des sujets et des positions; aussi, s'est-il dit convaincu que cela ouvrira la voie, dans un avenir qu'il faut souhaiter le plus proche possible, à la reprise tant attendue du travail de fond au sein de la Conférence. La sécurité internationale, qui demeure l'objectif majeur, est l'affaire de tous et chacun doit y apporter sa contribution, a poursuivi M. Camara, précisant que l'atteinte d'un tel objectif lui semble devoir reposer davantage sur la coopération et le dialogue que sur la confrontation. L'affaiblissement de la politique de non-prolifération qui est en cours depuis plusieurs années déjà est lourd de conséquences et nécessite non seulement une prise de conscience mais également une action résolue pour préserver l'humanité toute entière des périls qui la guettent, a par ailleurs déclaré M. Camara. Dans ce contexte, a-t-il indiqué, le Sénégal œuvrera inlassablement pour le renforcement du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et pour l'accélération de l'entrée en vigueur du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

L'initiative des cinq Ambassadeurs contenue dans le document CD/1693/Rev.1 mérite aujourd'hui encore l'attention de tous les membres de la Conférence, a poursuivi M. Camara. La Conférence, qui a prouvé sa capacité à intensifier et approfondir le débat en son sein ne devrait cependant pas continuer de travailler en vase clos, ce qui est potentiellement porteur d'affrontements dogmatiques et de prises de positions figées, mais au contraire s'ouvrir à des opinions extérieures, a déclaré l'Ambassadeur du Sénégal. Il reste aux membres de la Conférence à lui insuffler une véritable mystique de la négociation, qui présuppose une volonté politique, une disposition au compromis ainsi qu'un sens aigu de la mesure et de l'équilibre, a conclu M. Camara, jugeant incompréhensible que la Conférence ne puisse pas avancer de manière décisive et significative dans le domaine crucial du contrôle des armements nucléaires, du désarmement et de la non-prolifération nucléaires.

M. FRANÇOIS RIVASSEAU (France) faisant également ses adieux à la Conférence, a fait observer que le monde actuel se caractérise par la multiplicité des défis nouveaux et la prolifération des armements de toute sorte. Si la Conférence veut rester pertinente, a-t-il souligné, elle doit réaliser que le monde que nous devons désarmer n'est plus celui de 1978, encore moins celui de 1962. Ceci ne signifie pas que les sujets qui préoccupaient alors le monde aient tous disparu; mais ils doivent être complétés par des travaux sur des sujets plus récents, que nos prédécesseurs n'avaient pu prévoir, a déclaré M. Rivasseau. Dans ce contexte, il convient de faire preuve de créativité et de s'organiser selon des approches nouvelles, a-t-il ajouté. «Nous devons réaliser une nouvelle synthèse», a poursuivi M. Rivasseau. C'est ici, au sein de cette Conférence, que les premiers germes de la synthèse nouvelle doivent apparaître, a-t-il déclaré. «Ils peuvent se faire jour à travers le programme d'activité de cette année, à travers la confiance qui reste à reconquérir, à travers l'intérêt manifesté par toutes les délégations pour une activité concrète de ce forum, à travers l'idée que tous les sujets et toutes les préoccupations de sécurité qui les recouvrent doivent être traités sur un pied d'égalité de manière à ce que chacun soit entendu, à travers enfin l'idée qu'un sujet est probablement plus légitime et plus mûr que les autres pour être négocié immédiatement au sein de cette Conférence».

M. JOHANNES LANDMAN (Pays-Bas), a reconnu, en réponse à l'intervention du représentant français, que ces dix dernières années, la Conférence avait perdu le sens de l'orientation. Il a pour sa part le sentiment que, dans le cadre des débat de cette année, la Conférence avait retrouvé un élan en faveur de l'action.

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