Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU YÉMEN
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Yémen sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant des observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport M. Ralph Boyd, a estimé que le Yémen était sérieux dans ses efforts et que cela augurait bien pour le travail que doit encore entreprendre le pays dans le domaine de la lutte contre la discrimination. M. Boyd a néanmoins relevé un certain nombre de domaines méritant une attention plus poussée de la part des autorités yéménites. Il a notamment invité le Yémen à envisager des mesures pour améliorer la situation des groupes marginalisés et vulnérables. Il a également fait part de son inquiétude face à la situation des réfugiés, en dépit des efforts considérables déployés par le pays pour faire face à une véritable marée humaine en provenance d'Afrique orientale.
Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Yémen avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 18 août.
Présentant le rapport de son pays, M. Ali Saleh Abdullah, Vice-Ministre des affaires sociales et du travail du Yémen, a notamment souligné que la Constitution yéménite interdit la discrimination et affirme le principe de l'égalité des citoyens. L'État yéménite s'efforce d'assurer l'égalité des chances dans le domaine du travail et de lutter contre la pauvreté, a-t-il ajouté.
Complétant cette présentation, le Vice-Ministre yéménite de la planification M. Mohamed Al-Hawiri, a pour sa part souligné que la situation d'un groupe marginalisé, les travailleurs domestiques noirs, s'est améliorée ces dix dernières années. Le trafic de personnes n'existe pas au Yémen à l'échelle d'un fléau; mais il y a en revanche quelques cas isolés, a par ailleurs déclaré M. Al-Hawiri.
La délégation yéménite était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères et du Ministère des droits de l'homme. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, notamment, des al-akhdam (travailleurs domestiques noirs); des réfugiés; de la lutte contre la pauvreté; ou encore de l'accès à la terre.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Afrique du Sud (CERD/C/461/Add.3).
Présentation du rapport
M. ALI SALEH ABDULLAH, Vice-Ministre des affaires sociales et du travail du Yémen, a indiqué que son pays est fier des progrès qu'il a accomplis en matière de sensibilisation aux obligations qui sont les siennes en vertu de la Convention. Le Yémen appuie toutes les activités du Haut Commissariat aux droits de l'homme, a-t-il ajouté. Il a indiqué attendre avec intérêt de pouvoir tirer parti de l'examen du rapport du Yémen devant le Comité, dans un souci de transparence. Le Yémen a parcouru un long chemin en matière de mise en œuvre de ses obligations en vertu de la Convention. La Constitution yéménite interdit la discrimination et affirme le principe de l'égalité des citoyens, a-t-il rappelé. Après la réunification du pays en 1990, un système moderne, démocratique et multipartite a été mis en place. Depuis cette date, la recrudescence des activités politiques est indéniable. Le nombre d'organisations non gouvernementales que compte le pays s'est également accru depuis cette date. Le pays compte au total 75 organisations s'occupant des droits de l'homme, a indiqué M. Abdullah. Il a aussi souligné que le Yémen célèbre chaque année la Journée des droits de l'homme.
M. Abdullah a affirmé que le Gouvernement n'a ménagé aucun effort pour promouvoir l'indépendance du judiciaire et mettre en place des tribunaux pour mineurs dans certains gouvernorats. La réforme de la justice a été complète, a-t-il insisté.
L'État yéménite s'efforce d'assurer l'égalité des chances dans le domaine du travail et de lutter contre la pauvreté, a poursuivi M. Abdullah. En 2004, Sanaa a été proclamée capitale de la culture arabe, a-t-il fait valoir. Il a par ailleurs rappelé les nombreuses réunions et autres conférences régionales ou internationales qui se sont tenues ces dernières années au Yémen, au nombre desquelles figure la conférence régionale sur les femmes de 2005.
M. Abdullah a rappelé que son pays a ratifié les Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur l'implication des enfants dans les conflits armés, et la vente des enfants, de la prostitution et de la pornographie impliquant des enfants. En 2004, 2000 enfants ont participé à l'élection d'un parlement des enfants, a-t-il ajouté. Ces prochaines semaines, plusieurs élections, notamment présidentielles, se tiendront au Yémen, a-t-il par ailleurs rappelé.
Poursuivant cette présentation, M. MOHAMED AL-HAWIRI, Vice-Ministre de la planification du Yémen, a pour sa part souligné que le Yémen ne retient pas de catégorisation de sa population selon de quelconques critères raciaux. Il peut y avoir des groupes marginalisés ou vulnérables, mais ces qualificatifs ne sont pas officiellement utilisés ni même acceptés par les pouvoirs publics. La situation de l'un de ces groupes, à savoir celui des travailleurs domestiques noirs, s'est améliorée ces dix dernières années, a assuré M. Al-Hawiri. Le taux d'analphabétisme, qui est de 27% pour l'ensemble du pays, est plus élevé pour ce groupe, a-t-il en outre reconnu. Le plan quinquennal actuel s'efforce de réduire les taux d'analphabétisme des groupes les plus marginalisés, a-t-il fait valoir.
M. Al-Hawiri a par ailleurs attiré l'attention sur les programmes mis en place par son pays pour améliorer les conditions de vie de la population, s'agissant plus particulièrement des groupes marginalisés qui sont le plus dans le besoin, et pour assurer l'intégration de ces groupes dans la société.
Le Vice-Ministre a souligné que les autorités yéménites se sont efforcées d'étudier et de revoir la législation nationale afin de la mettre pleinement en conformité avec les dispositions des instruments internationaux de droits de l'homme ratifiés par le pays, y compris la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Gouvernement a pris plusieurs décrets visant à lutter contre la discrimination à l'égard de la femme, a-t-il précisé.
M. Al-Hawiri a mis l'accent sur l'existence d'un décret sur la presse qui appelle à lutter contre toute tendance sectaire visant à semer la discorde dans la société. Le Code pénal prévoit aussi des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement contre quiconque appelle à la provocation contre des personnes ou des groupes.
Le Yémen a signé la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et ses protocoles additionnels, a d'autre part rappelé M. Al-Hawiri. Au Yémen, la liberté de circulation est garantie aux réfugiés, même si ceux-ci préfèrent généralement rester dans les camps mis en place à leur intention, a-t-il indiqué.
Le trafic de personnes n'existe pas au Yémen à l'échelle d'un fléau; mais il y a en revanche quelques cas isolés, a déclaré M. Al-Hawiri. Le trafic d'enfants est un autre phénomène qui est apparu dans le pays ces dernières années en raison de la pauvreté qui y sévit, a-t-il poursuivi. Les autorités ont pris des mesures pour faire face à ce fléau et l'éradiquer, a-t-il indiqué.
Le Ministre adjoint a rappelé que le Yémen a signé la Convention internationale sur la protection des droits des migrants et des membres de leurs familles.
Le rapport périodique du Yémen (quinzième et seizième rapports réunis en un seul document - CERD/C/YEM/16, à paraître en français) indique notamment que la Commission nationale pour les affaires relatives aux réfugiés a été créée en 2000 et que plusieurs programmes conjoints ont été mis en œuvre dans le cadre de la coopération entre le Yémen et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le rapport précise que 47 000 réfugiés ont été enregistrés en vertu d'un programme d'enregistrement et d'octroi de cartes d'identité en faveur des réfugiés somaliens dispersés à travers le Yémen. Bien qu'il n'existe pas de chiffres précis en la matière, on estime à plusieurs centaines de milliers le nombre de réfugiés somaliens, à en juger par l'afflux régulier et continu de migrants. Le Yémen est en train d'élaborer un nouveau projet de loi sur les réfugiés, indique le rapport. En ce qui concerne les personnes marginalisées, le rapport affirme que ce terme est utilisé ces dernières années pour décrire la classe des domestiques; ces personnes ne sont pas marginalisées en raison de leurs caractéristiques physiques, ni sur la base de leur ascendance. Étant donné que le cadre législatif n'établit aucune discrimination entre les citoyens, le Gouvernement yéménite n'a pas adopté de lois sur les droits des personnes socialement marginalisées, explique le rapport. Le principe de l'égalité de tous les citoyens sur lequel repose l'ensemble du système législatif yéménite garantit que la situation des membres de ce groupe changera avec le temps.
Examen du rapport
Commentaires et questions des membres du Comité
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, M. RALPH BOYD, a pris acte des progrès accomplis par le Yémen depuis la dernière rencontre de ce pays avec le Comité en août 2002. Le Yémen a ratifié de nombreux instruments essentiels relatifs aux droits de l'homme, a-t-il également relevé. M. Boyd a fait observer qu'il est difficile pour le Comité de faire son travail avec sérieux en l'absence de statistiques détaillées et fiables concernant la situation sur le territoire des pays examinés. Aussi, le Comité continuera-t-il de demander ce type d'informations.
M. Boyd a relevé que, selon le rapport (paragraphe 5), le Yémen a entrepris un réexamen des réserves qu'il a exprimées au sujet des dispositions de la Convention qui n'entrent pas en conflit avec la Constitution ou la loi interne et que, dans un avenir proche, ces dispositions doivent être intégrées à la législation interne. Cela est très prometteur, mais le Comité souhaite en savoir davantage sur la nature exacte des réserves visées par ce paragraphe, a indiqué M. Boyd.
Le rapporteur a rappelé que le Yémen accueille près de 100 000 réfugiés dont une grande partie sont des Somaliens. Les Éthiopiens non musulmans sont également de plus en plus nombreux à chercher refuge au Yémen. Un autre groupe social distinct est celui de la minorité des al-akhdam, à laquelle il est de plus en plus fréquemment fait référence en utilisant le vocable de Noirs. Pour être juste, il faut dire que par expérience, le Comité est sceptique lorsqu'un pays affirme qu'il n'y a pas de discrimination raciale sur son territoire, a souligné M. Boyd. Certes, le Yémen ne dit pas cela, mais c'est néanmoins ce qui semble découler de ses propos. En effet, le rapport affirme que les personnes traditionnellement marginalisées au Yémen le sont non pas pour des raisons raciales mais pour des raisons socioéconomiques. Aussi, M. Boyd a-t-il souhaité en savoir davantage sur la situation de la minorité des al-akhdam et d'autres groupes ethniques minoritaires au Yémen.
Au vu du caractère somme toute ambitieux d'un grand nombre de projets élaborés au Yémen, il serait bon d'en savoir davantage sur les points forts et les points faibles des stratégies mises en œuvre afin de promouvoir la situation des groupes marginalisés et vulnérables dans le pays, a poursuivi M. Boyd.
Compte tenu de son mandat, a par ailleurs rappelé M. Boyd, le Comité se préoccupe grandement de la situation des réfugiés, non seulement ceux qui se trouvent dans le pays depuis longtemps, mais aussi les nouveaux venus.
Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur le mehri et le socotri, langues parlées par des minorités dans le gouvernorat de Mahra, dans la partie orientale du pays, et sur l'île de Socotra.
Un expert a souhaité en savoir davantage sur le statut juridique des al-akhdam. Peuvent-ils posséder des terres comme tout autre citoyen du Yémen? Un autre expert a dit attendre l'amélioration de la situation des communautés marginalisées, en particulier les al-akhdam. Il a également été demandé quels sont les effets de la marginalisation sur les femmes noires au Yémen.
Un autre membre du Comité s'est inquiété de la légitimation d'une certaine terminologie utilisée au Yémen. Il faudrait essayer de se départir de cette terminologie – celle, par exemple, associée à l'expression «classe des serviteurs» – car lorsqu'on l'utilise, on cristallise en fait la classe en question. Or, il faut s'efforcer de déconstruire le stéréotype en cause. Certes, le Yémen est sur la bonne voie du point de vue de cette déconstruction; mais il doit aller encore plus loin, a estimé l'expert.
Quand le Yémen envisage-t-il de se doter d'une commission nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris, a demandé l'expert?
Comment des pays comme le Yémen peuvent-ils prendre en charge cette masse de réfugiés à laquelle ils sont confrontés, s'est interrogé un autre membre du Comité? Il s'est félicité que le Yémen prévoit qu'une personne portant un discours de haine peut être punie d'une peine pouvant aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement alors que d'autres pays ne pénalisent même pas ce type de comportement.
Réponses de la délégation
La délégation du Yémen a rappelé que le pays a hérité d'un lourd fardeau de problèmes et de difficultés. Il lui reste encore de nombreux efforts à réaliser, a-t-elle reconnu. Il n'en demeure pas moins que le Yémen est convaincu qu'ensemble, il sera possible de surmonter les problèmes, a précisé la délégation.
La délégation a attiré en particulier l'attention sur le lourd fardeau que représente le problème des réfugiés. En dépit des difficultés qu'il connaît, le pays a choisi de venir en aide aux réfugiés car il estime qu'il s'agit là d'un devoir religieux et humanitaire, a indiqué la délégation. Elle a rappelé l'existence d'une commission nationale pour les affaires relatives aux réfugiés qui traite des questions concernant ces personnes. Il n'y a pas d'image négative des réfugiés au Yémen, a assuré la délégation.
Les al-akhdam ne sont absolument pas une minorité ou un groupe racial; ce sont des Yéménites comme les autres, a affirmé la délégation, qi a en outre rappelé que la moitié des Yéménites sont noirs. On ne les appelle pas al-akhdam. En fait, la marginalisation est essentiellement liée aux conditions économiques; elle n'est pas due à la race et il ne saurait y avoir de préjugé fondé sur la couleur, a expliqué la délégation. Il n'y a pas au Yémen de persécution fondée sur la couleur, a-t-elle assuré. La société yéménite est une et indivisible; elle ne se définit pas suivant des clivages raciaux ou ethniques, a insisté la délégation.
La délégation est ensuite revenue sur l'origine des al-akhdam en indiquant que leur arrivée sur le sol yéménite remonte à l'époque de l'occupation du Yémen par l'armée éthiopienne: il s'agissait de serviteurs de cette armée. Lorsque l'armée vaincue quitta le pays, elle laissa sur place ces serviteurs. Depuis, il a été décidé que dans toute communication officielle, l'utilisation de ce terme est interdite.
Le Yémen est l'un des rares pays de la région à s'être doté d'une stratégie de lutte contre la pauvreté, a fait valoir la délégation. La pauvreté est importante puisqu'elle touche 41% de l'ensemble de la population, a-t-elle indiqué. L'objectif est que ce taux, qui a déjà diminué ces derniers temps, soit réduit de moitié. La stratégie de réduction de la pauvreté comporte une dimension sociale, a précisé la délégation. L'un des problèmes auxquels le pays est confronté est de faire parvenir les services aux personnes vivant dans des zones reculées, a-t-elle ajouté.
La Constitution garantit la sécurité sociale pour les classes pauvres de la population. Il existe aussi un fonds de solidarité sociale et plus de 600 000 familles reçoivent une aide mensuelle, a indiqué la délégation.
L'article 40 de la Constitution nationale énonce que tous les citoyens yéménites sans distinction sont égaux en droits et en obligations, a rappelé la délégation. L'article suivant garantit le droit de chacun à la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays.
Le Yémen est réputé pour sa tolérance, a fait valoir la délégation, avant de rappeler que le pays avait accueilli plus d'un million d'immigrants après la guerre du Golfe.
La délégation yéménite a assuré qu'il n'existe au Yémen aucune entrave à l'achat de terres par quiconque - si ce n'est, le cas échéant, l'obstacle financier.
Observations préliminaires
Dans ses observations préliminaires, le rapporteur du Comité pour le rapport du Yémen, M. RALPH BOYD, a exprimé sa reconnaissance à la délégation yéménite pour le sérieux avec lequel elle a traité ce dialogue avec le Comité. Il est clair que le Yémen est sérieux dans ses efforts et cela augure bien pour le travail que doit entreprendre le pays, a déclaré M. Boyd. Nous avons donc des raisons d'être optimistes, a-t-il insisté.
M. Boyd a néanmoins relevé certains domaines méritant une plus grande attention de la part des autorités yéménites. Il a notamment invité le Yémen à s'interroger sur ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des groupes marginalisés et vulnérables, quelle que soit l'évaluation qui est faite des raisons pour lesquelles ces groupes sont marginalisés. Le Yémen devrait œuvrer à la promotion du respect fondamental de la dignité humaine des al-akhdam, afin d'en finir avec leur statut de paria dans la société yéménite, a ajouté M. Boyd. Il faudrait en outre que des mesures particulières soient prises afin d'intégrer activement dans la société ces groupes marginalisés.
Le rapporteur a également suggéré au Yémen de fournir, à l'avenir, davantage d'informations concernant la manière dont les plaintes pour discrimination sont traitées dans le système yéménite. Il a en outre demandé au pays de continuer à progresser vers la mise en place d'une législation anti-discrimination bien complète. Enfin, M. Boyd a fait part de son inquiétude face à la situation des réfugiés, en dépit des efforts considérables déployés par le pays pour faire face à cette véritable marée humaine en provenance d'Afrique orientale.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CRD06020F