Aller au contenu principal

LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT PORTE SON ATTENTION SUR LES MESURES À PRENDRE DANS LE DOMAINE DU DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a entendu aujourd'hui les interventions de plusieurs délégations dans le cadre du premier d'une série de débats sur chacun des points de son ordre du jour. Elle a poursuivi aujourd'hui son débat, commencé mardi dernier, consacré aux questions relatives au désarmement, en portant son attention en particulier sur les perspectives du désarmement nucléaire et les mesures à prendre dans ce domaine.

Plusieurs États membres se sont prononcés en faveur de négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires. Ils ont également été nombreux à souhaiter la mise sur pied d'un comité spécial chargé de l'examen des questions relatives au désarmement nucléaire.

Des mesures visant à améliorer la transparence dans le domaine de l'armement nucléaire, à renforcer la confiance et à créer des zones exemptes d'armes nucléaires ont été maintes fois citées comme devant s'inscrire dans les efforts visant à parvenir à l'objectif du désarmement nucléaire. Plusieurs délégations ont en outre soulevé les questions relatives à la place des armes nucléaires dans les doctrines militaires et aux moyens d'assurer l'irréversibilité des mesures de désarmement.

Le Président de la Conférence, M. Park In-kook, a souligné que plus de 30 délégations avaient pris la parole au cours des réunions plénières de cette semaine dans le cadre du débat consacré au désarmement nucléaire. Elles ont fait des propositions utiles et exposé des idées nouvelles, et présenté les positions de leurs gouvernements. Certains États dotés de l'arme nucléaire ont également fourni des informations utiles. Il a toutefois souligné qu'il était essentiel de maintenir cet élan.

Les délégations des pays suivants ont pris la parole dans le cadre du débat d'aujourd'hui: Pakistan, Malaisie, Inde, Algérie, Chine, Fédération de Russie, République populaire démocratique de Corée, France, Nigéria, Maroc, Suisse, Irlande, Canada, Sri Lanka, Italie, Brésil, Cuba, Royaume-Uni, Chili et Suède.

La prochaine session plénière de la conférence se tiendra à 10 heures, le mardi 7 mars prochain.

Déclarations

M. MASOOD KHAN (Pakistan) a déclaré que la raison d'être de la Conférence était de sauver les peuples du fléau de la guerre nucléaire grâce au désarmement, de prévenir la guerre nucléaire et de prendre des mesures visant à garantir la sécurité des peuples. Les progrès réalisés jusqu'ici dans le domaine du désarmement ont été reconnus, mais des préoccupations demeurent à maints égards. L'engagement en faveur de l'article 6 du Traité de non-prolifération nucléaire s'agissant du désarmement complet demeure une question ouverte et le désarmement nucléaire n'avance pas assez vite. En dépit de réductions dans les arsenaux existants, des dispositifs et systèmes nouveaux et plus sophistiqués sont mis au point ou sont au banc d'essai. L'accent qui est mis actuellement sur les armes nucléaires dans des doctrines de sécurité porte atteinte à la logique du désarmement. Les principes éprouvés de la transparence, de la vérification et de l'irrévocabilité ne sont pas respectés. On ne constate plus d'évolution s'agissant des questions relatives aux matières fissiles, de l'espace extra-atmosphérique, des garanties négatives de sécurité et de l'interdiction des essais nucléaires. Les mécanismes du désarmement sont en léthargie.

Le Pakistan estime qu'un nouveau consensus dans le domaine de la sécurité internationale aiderait des États membres à faire face aux défis existants tels que la prolifération vers des groupes terroristes d'armes de destruction massive, la prolifération nucléaire verticale, la mise au point et l'accumulation d'armes classiques avancées, la mise au point et le déploiement des systèmes de missiles antimissiles, l'absence d'un accord international sur les missiles et la militarisation de l'espace extra-atmosphérique. Le désarmement et la non-prolifération nucléaires sont les deux faces côtés de la même médaille. Les efforts devraient porter simultanément sur les deux fronts, et non de manière séquentielle. Le Pakistan soutient la limitation des armements et les initiatives et les efforts
internationaux en matière de désarmement. Avec l'Inde, le Pakistan œuvre à la stabilité stratégique, au renforcement de la confiance et à la réduction du risque nucléaire. La communauté internationale devrait redoubler d'efforts en vue d'assurer la stabilité stratégique en Asie du Sud à son niveau le plus bas possible.

M. WAN A. YUSRI WAN ABDUL RASHID (Malaisie) a déclaré que l'acceptation de la possession indéfinie d'armes nucléaires était incompatible avec l'intégrité et la durabilité du régime prévu aux termes du Traité de non-prolifération nucléaire et l'avis consultatif de la Cour internationale de justice sur la licéité de la menace ou de l'utilisation des armes nucléaires. Tout en reconnaissant l'importance de porter l'attention sur des étapes concrètes vers le désarmement nucléaire qui sont réalisables à court terme, la Malaisie estime qu'il est tout aussi important d'examiner les conditions pour l'établissement d'un régime de désarmement nucléaire complet afin de parvenir à un accord international sur l'objectif ultime des mesures de désarmement nucléaire. À cet égard, la Malaisie exprime l'espoir que la Conférence, en attendant la création d'un comité spécial sur le désarmement nucléaire, pourra entamer des discussions sur les éléments juridiques, techniques et politiques nécessaires à l'établissement et à la préservation d'un monde exempt d'armes nucléaires.

Le représentant malaisien a souligné que le défi auquel est confrontée la communauté internationale dans ses efforts pour parvenir à un monde exempt d'armes nucléaires s'est amplifié et exige l'engagement entier et sans conditions aux objectifs qu'elle s'est fixés. La création d'un comité spécial sur le désarmement nucléaire au sein de la Conférence contribuerait de manière importante aux efforts concertés et collectifs pour parvenir à cet objectif commun.

M. JAYANT PRASAD (Inde) a déclaré que son pays partage la conviction que l'existence même des armes nucléaires et leur utilisation ou la menace d'y recourir constituent une menace pour l'humanité. L'Inde est attachée à l'objectif de l'avènement d'un monde exempt d'armes nucléaires grâce à un désarmement nucléaire universel, vérifiable et non discriminatoire. L'Inde estime qu'il n'y a aucune raison pour qui empêcherait d'éliminer les armes nucléaires comme cela a été fait pour les armes biologiques et les armes chimiques. La Conférence et ses prédécesseurs ont négocié avec succès des instruments visant à interdire les armes biologiques et chimiques et elle doit maintenant trouver les moyens pratiques de traiter la question du désarmement nucléaire de façon globale et non discriminatoire. Le maintien par l'Inde d'une force de dissuasion nucléaire minimum crédible n'enlève rien à l'engagement du pays en faveur du désarmement nucléaire, qui reste une préoccupation centrale de la politique étrangère de l'Inde. La doctrine nucléaire de l'Inde est clairement définie; elle est fondée sur une position de non-recours en premier et de non-recours contre des États non dotés de l'arme nucléaire. En outre, en vertu de cette doctrine, le Gouvernement indien est pleinement disposé à participer à des négociations multilatérales pour la limitation et l'élimination des armes nucléaires.

M. Prasad a déclaré que l'Inde estime prioritaire la création d'un comité spécial sur le désarmement nucléaire. En attendant l'élimination totale des armes nucléaires, l'Inde accorde un rang de priorité élevée à l'adoption de mesures visant à réduire le risque d'un recours involontaire ou accidentel aux armes nucléaires. Toute solution pour sortir de l'impasse s'agissant du programme de travail de la Conférence doit être sensible aux préoccupations des États membres, qu'ils soient grands ou petits, développés ou en développement, dotés ou non de l'arme nucléaire, et qu'ils appartiennent ou non à des alliances ou entretiennent des liens privilégiés dans le domaine sécuritaire. Un problème essentiel affligeant les instances et processus dans le domaine du désarmement est le manque de confiance entre États. La confiance ne peut être rétablie que par la réaffirmation de l'engagement sans équivoque de tous les États dotés de l'arme nucléaire à l'objectif de l'élimination complète des armes nucléaires.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a souligné que, si les arsenaux nucléaires ont connu une réduction en termes quantitatifs, ils subissent dans les politiques sécuritaires une transformation qualitative qui accroît les inquiétudes de l'Algérie. On constate, en effet, un développement de ces armes et l'affirmation de doctrines militaires qui rendent possible leur utilisation même contre des pays non nucléaires, sans parler du concept de guerre «pre-emptive». M. Jazaïri s'est félicité des évaluations, faites mardi par la Russie les États-Unis, des mesures prises par ces pays pour réduire leur armement nucléaire, et a exprimé l'espoir que de telles évaluations pourront à l'avenir être réalisées sous le contrôle, international strict et efficace, tel que prévu par le Traité de non-prolifération nucléaire.

Pour être efficaces, les mesures de désarmement nucléaire devraient être menées en conformité avec les principes de transparence d'irréversibilité et de vérification, a souligné le représentant algérien. À cette fin, une démarche ambitieuse, que l'Algérie appuie, consisterait à aborder la question du désarmement nucléaire de manière globale dans le cadre d'une convention interdisant la mise au point, la production, les essais, le stockage, le transfert, la menace d'utilisation ou l'utilisation des armes nucléaires et leur élimination. Une démarche plus pragmatique, qui jouit du soutien de bon nombre de délégations, viserait à la réalisation du désarmement nucléaire par étapes. Cette démarche pourrait reposer sur un «triptyque stratégique» dont la première composante serait l'ensemble de mesures visant à créer la confiance entre les États nucléaires et non nucléaires pour faciliter la limitation de l'armement nucléaire, notamment par le biais des garanties de sécurité négatives de sécurité et la diminution du rôle de l'arme nucléaire dans les politiques de défense et de sécurité, ainsi que l'application des traités de création de zones exemptes d'armes nucléaires. La deuxième composante de cette stratégie aurait trait aux mesures de nature à mettre fin au développement d'armes nucléaires nouvelles ou de systèmes nucléaires nouveaux, notamment par l'entrée en vigueur du Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires, l'aboutissement à un Traité multilatéral et non discriminatoire, juridiquement contraignant et internationalement vérifiable interdisant la production des matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires ou autres explosifs nucléaires, ainsi que l'arrêt de la mise au point de tous types d'armes nucléaires et la soumission des installations de fabrication de ces armes à un régime international de vérification et de surveillance. La troisième composante du triptyque stratégique requiert une réduction progressive des arsenaux nucléaires jusqu'au plus bas niveau possible.

En conclusion, l'Algérie constate que la coopération multilatérale, qu'il s'agisse du désarmement, des droits de l'homme ou d'autres domaines, se heurte au syndrome de la sélectivité, de la discrimination et les doubles standards. Ceci risque de vider cette coopération, pourtant irremplaçable, de son contenu réel, faisant ainsi obstacle à la réalisation de la paix.

M. CHENG JINGYE (Chine) a noté la tendance, depuis quelques année, à mettre l'accent sur la non-prolifération au détriment du désarmement nucléaire, réduisant du même coup l'intérêt de la communauté internationale pour la question du désarmement nucléaire en tant que question prioritaire. Pour la Chine, il faudra, pour progresser sur la voie du désarmement nucléaire, déployer des efforts afin de préserver un environnement international sûr et la stabilité stratégique; adopter une approche équilibrée dans le domaine du désarmement nucléaire et la prévention de la prolifération des armes nucléaires; respecter les principes fondamentaux du désarmement nucléaire. Ces efforts impliquent notamment, de la part des puissances nucléaires, de réduire la place des armes nucléaires dans leurs politiques de sécurité nationale; d'abandonner les doctrines de dissuasion nucléaire fondées sur le recours en premier à l'arme nucléaire et réduire le seuil de déclenchement du recours à l'arme nucléaire; et de retirer et rapatrier toutes les armes nucléaires déployées hors de leurs territoires.

De l'avis de la Chine, la Conférence du désarmement devrait établir, dès que possible, un comité spécial sur le désarmement nucléaire, a rappelé M. Heng. Il a ajouté que sa délégation souhaite parvenir rapidement à l'adoption d'un programme de travail sur la base de la proposition faite l'an dernier par les «cinq ambassadeurs» de manière à permettre le commencement des travaux de fond sur le désarmement nucléaire, un traité d'interdiction de la production de matières fissiles, la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique et les garanties négatives de sécurité.

M. VALÉRY LOSCHININ (Fédération de Russie) a indiqué que la Fédération de Russie, compte tenu de la situation stratégique et de la sécurité de la Russie, poursuivrait sa politique de de réduction des armes nucléaires. Son arsenal nucléaire stratégique a été divisé par quatre ces 15 dernières années et cette tendance se poursuivra. La Fédération de Russie est disposée à réduire encore davantage son arsenal nucléaire, sur la base de la réciprocité, afin de parvenir au nombre de 1500 ogives ou moins. M. Loschinin a souligné l'importance pour d'autres pays de suivre l'exemple russe. Il a ajouté que son pays continuerait d'être guidé par la nécessité d'assurer l'irréversibilité de mesures de réduction des armes nucléaires et d'œuvrer à un accord sur l'interdiction de la production de matières fissiles.

Le représentant russe a par ailleurs souligné que le déploiement d'armes dans l'espace extra-atmosphérique aurait des conséquences graves pour le désarmement nucléaire et la sécurité internationale et entraînerait une nouvelle spirale dans la course aux armements, pas simplement dans l'espace, mais aussi sur terre. Le prestige de la Conférence sur le désarmement doit être employé pour s'assurer que ce scénario cauchemardesque ne voie pas le jour et pour assurer que l'espace extra-atmosphérique restera un l'héritage pacifique. Pour sa part, la Russie ne sera pa s la première à déployer des armes dans l'espace et invite les autres États à prendre le même engagement.

S'agissant du règlement du «problème avec l'Iran», M. Loschinin a souligné le rôle essentiel de l'Agence internationale de l'énergie atomique à cet égard en permettant à l'Iran d'utiliser la technologie nucléaire à des fins pacifiques et de démontrer la nature véritablement pacifique de son programme nucléaire. La Fédération de Russie estime en outre important que soit renouvelé le moratoire sur l'enrichissement de l'uranium sur le territoire iranien et que l'Iran réponde aux questions de l'AIEA restées sans réponse s'agissant des es activités nucléaires passées. En ce qui concerne la péninsule coréenne, Moscou estimé que toute solution doit prévoir le retour de la République populaire démocratique de Corée au Traité de non-prolifération nucléaire et la reprise des activités de surveillance de l'AIEA dans ce pays. Il faut en outre permettre au peuple coréen de sortir de son isolement sur le plan international.

M. RI TCHEUL (République populaire démocratique de Corée) a déclaré que son pays considère que le désarmement nucléaire constitue la tâche la plus importante et primordiale de la Conférence sur le désarmement et de la Communauté internationale. Des politiques et doctrines nucléaires négatives et la menace et le chantage fondés sur les armes nucléaires qui font actuellement leur apparition dans les relations internationales suscitent de grandes appréhensions au sein de la société internationale et n'entraînent que l'instabilité, le chantage et des résultats indésirables. La violation du principe de l'égalité de la souveraineté stipulé dans la Charte des Nations-Unies et la persistance de l'inégalité et de l'injustice dans les relations internationales sont imputables aux politiques et doctrines nucléaires injustes. Ceci entraîne des conséquences négatives non seulement sur le processus de la Conférence sur le désarmement mais aussi dans tout forum de négociation sur la paix et la sécurité.

Les mesures visant à supprimer les activités nucléaires des autres pays tout en préservant et renforçant ses propres armes nucléaires reviennent à refuser l'établissement des relations internationales équitables, a souligné M. Ri. Tant que «la doctrine et la menace nucléaires négatives» persistent, le foyer de prolifération nucléaire ne sera pas exterminé, a-t-il ajouté. «Le désarmement ne pourra être qualifié d'avoir atteint son objectif que lorsque les armes nucléaires seront totalement supprimées», a poursuivi le représentant, ajoutant que les principaux pays détenteurs de l'arme nucléaire doivent faire preuve de leur volonté de participer sans délai à la négociation multilatérale d'une convention internationale sur le désarmement nucléaire. La tâche essentielle et immédiate qui nous incombe est de mettre en pratique la suppression de la doctrine de la supériorité nucléaire, l'abolition de la menace nucléaire, l'interruption de la poursuite des améliorations qualitatives des armes nucléaires, le retrait des forces et «parapluies nucléaires» déployés à l'étranger et la garantie de non-recours à l'arme nucléaire. M. Ri a déclaré que sa délégation soutenait la proposition d'établir un comité spécial sur le désarmement nucléaire et de lancer la négociation sur le désarmement.

M. FRANÇOIS RIVASSEAU (France) a réitéré que le Traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires (TIPMF), tient une place toute particulière dans le processus de désarmement nucléaire, et la France s'est engagée de façon constante en faveur de la négociation d'un tel Traité à la Conférence du désarmement. À cet égard, M. Rivasseau a rappelé que la France a annoncé l'arrêt de la production de plutonium et d'uranium hautement enrichis pour les armes nucléaires et est activement engagée dans le processus complexe, long et coûteux de démantèlement, qui se prolongera encore sur plusieurs années. La France est la seule puissances nucléaire à avoir entrepris cette tâche et n'a plus, désormais, d'installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs.

Après avoir été longtemps dans l'impasse, la négociation du TIPMF a aujourd'hui une chance d'être peu à peu relancée, a estimé le représentant français. Pour la France, le champ d'application de ce traité n'a pas vocation à couvrir les stocks constitués antérieurement à l'entrée en vigueur du traité, les productions pour des usages pacifiques ou les usages militaires non explosifs. L'objet du traité est bien de geler quantitativement le niveau maximum des arsenaux nucléaires dans le monde, tout comme le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires l'a gelé qualitativement. Il existe un lien fort entre les deux traités et la négociation future devra intégrer cette donnée. S'agissant de la vérification, la France insiste sur un mandat prévoyant la notion de «vérifiabilité», et souligne qu'aucune mesure de vérification ne pourra fournir d'assurances parfaites quant au respect du traité. Il n'y a pas lieu ici d'établir de pré condition au lancement de la négociation, a estimé M. Rivasseau. Le débat sur la vérification doit trouver sa solution au cours de la négociation elle-même.

M. JOSEPH AYALOGUE (Nigéria) a déploré que la Conférence n'ait pas obtenu de résultats dans le domaine du désarmement nucléaire, qui représente la menace la plus terrible qui pèse sur l'humanité. Au lieu d'une évolution progressive vers le désarmement nucléaire, on a assisté au contraire à une augmentation du nombre des États dotés de l'arme nucléaire qui sont passés de deux en 1950 à huit aujourd'hui. On constate en outre des améliorations technologiques dans les domaines de la mise au point, de la production et du stockage des ogives nucléaires et des vecteurs. Pour des pays comme le Nigéria qui ont renoncé à l'option nucléaire, la situation est troublante et est aggravée par la possibilité croissante que ces armes pourraient tomber entre les mains d'acteurs non étatiques, en particulier des terroristes.

Le désarmement et la non-prolifération se renforcent mutuellement, a poursuivi M. Ayalogue, qui a souligné qu'il fallait un engagement décisif de tous les États, dotés et non dotés de l'arme nucléaire, et qu'il était de la responsabilité de tous d'œuvrer de bonne foi au désarmement nucléaire et à la non-prolifération. Les États dotés de l'arme nucléaire devraient prendre conscience que la volonté de posséder indéfiniment l'arme nucléaire n'était pas compatible avec la non-prolifération et la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales. Seule une interdiction totale peut garantir contre la menace que représentent pour l'humanité les armes nucléaires et la prolifération.

M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a déclaré que son pays est convaincu que, tant que les armes nucléaires existeront, il ne pourra y avoir de réelle sécurité ni de stabilité effective sur les plans régional et international. Un désarmement nucléaire graduel, irréversible, transparent et vérifiable contribuerait à instaurer un climat plus propice à la non-prolifération des armes nucléaires et éliminerait même à terme une telle possibilité car ce qui n'existe pas ne peut pas proliférer. M. Loulichki a souligné que la revalorisation de la doctrine de dissuasion nucléaire par les États dotés de ces armes porte atteinte aux objectifs et principes du désarmement et alimente les ambitions nucléaires tant des États non-dotés de ses armes que des acteurs non-étatiques. En outre, à l'ère où la communauté internationale se trouve confrontée à la menace du terrorisme, la lenteur du désarmement augmente le risque d'un terrorisme nucléaire. Intimement convaincu que la lutte internationale contre le terrorisme devrait couvrir tous les aspects de ce phénomène complexe, le Maroc a joué un rôle actif dans l'adoption de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire et a soumis en 2004 son rapport national, conformément à la résolution 1540 du Conseil de sécurité, suivi d'un complément d'information soumis le 13 septembre 2005. Il a en outre continuellement encouragé l'adhésion au Traité de non-prolifération nucléaire et la conclusion d'accords de garanties généralisées avec l'AlEA, par tous les États de la région du Moyen-Orient, y compris Israël, comme un pas important vers l'instauration d'un climat de confiance et une mesure préliminaire à l'établissement d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient.

Le Maroc souscrit pleinement au mandat du comité spécial sur le désarmement nucléaire tel que proposé dans le projet de décision du Groupe des 21 (CD/1571) et qui vise notamment à constituer au sein de la Conférence un comité spécial chargé d'entamer des négociations sur un programme échelonné visant à éliminer complètement les armes nucléaires selon un calendrier déterminé, au moyen notamment d'une Convention portant sur ces armes. Dans un souci de flexibilité, le Maroc a aussi réitéré, à plusieurs occasions, qu'il pourrait accepter le mandat sur le désarmement nucléaire, tel qu'énoncé dans les propositions pour un programme de travail de la Conférence qui sont intervenues par la suite, à condition qu'elles réussissent à dégager le consensus nécessaire au lancement des travaux de fond de la Conférence.

M. SASCHA FULS (Suisse) a rappelé que la position de la Suisse en matière de désarmement nucléaire et de non-prolifération: la Suisse soutient tous les efforts multilatéraux en matière de désarmement et de maîtrise des armements qui tendent vers des résultats concrets et vérifiables. Pour la Suisse, le Traité de non-prolifération nucléaire représente le seul instrument juridiquement contraignant d'envergure mondiale destiné à promouvoir la non-prolifération et le désarmement nucléaires. M. Fuls a insisté sur le fait que l'accent mis actuellement sur la prolifération nucléaire ne doit pas conduire à négliger les deux autres piliers sur lequel repose le TNP, dont celui du désarmement nucléaire. Alors que l'immense majorité des États parties non-dotés a respecté son engagement à ne pas acquérir l'arme nucléaire, la Suisse appelle les États dotés à poursuivre la mise en œuvre progressive de leurs obligations de désarmement. Pour qu'elle soit crédible, toute mesure de désarmement nucléaire bilatérale ou unilatérale doit adopter les principes de transparence, d'irréversibilité et de vérification. La Suisse soutient en conséquence les demandes pour une augmentation de transparence sur le niveau multilatéral en ce qui concerne les progrès effectués dans le domaine du désarmement nucléaire. Dans le domaine des armes nucléaires non-stratégiques, le bilan reste toujours ambigu et M. Fuls a constaté un fort décalage entre les promesses unilatérales et les réalisations effectives.

La Suisse est particulièrement attachée à la ratification au plus vite du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires par les États visés dans l'Annexe 2 du Traité; à la mise en place d'un comité spécial au sein de la Conférence du désarmement afin d'entamer des négociations sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires; à la négociation d'un instrument multilatéral contraignant dans le cadre de la Conférence en vue d'offrir des garanties de sécurité négatives aux États dotés de l'arme nucléaire.

MME MARY WHELAN (Irlande) a souligné l'importance pour les États dotés de l'arme nucléaire de faire preuve de davantage de transparence afin de favoriser les progrès dans le domaine du désarmement nucléaire. En particulier, davantage de transparence contribuerait de façon sensible à la prévention de la prolifération des armes nucléaires et pourrait permettre la vérification du respect par les États de leurs engagements dans le domaine du désarmement et de la limitation des armements, favorisant ainsi le renforcement de la confiance.

En demandant davantage de transparence de la part des États dotés de l'arme nucléaire, l'Irlande ne demande pas que soient divulguées des informations comportant des risques évidents de prolifération, a poursuivi Mme Whelan. Elle estime toutefois que beaucoup plus d'information soit disponible que cela n'a été le cas jusqu'à présent. En particulier, les États dotés de l'arme nucléaire sont encouragés à publier des informations sur l'histoire complète de leur production de matières fissiles, à l'image de ce qu'ont fait les États-Unis et le Royaume-Uni s'agissant de leur production de plutonium. Ces pays devraient en outre mener entre eux des consultations sur le plan scientifique s'agissant des aspects relatifs à la vérification en vue de la mise en œuvre de mesures efficaces et irréversibles de désarmement. Ils devraient enfin présenter régulièrement des rapports à la Conférence du désarmement, comme s'y sont engagés ceux qui sont parties au Traité de non-prolifération nucléaire, sur les mesures qu'ils auront prises pour assurer le progrès vers le désarmement nucléaire.

M. ERIC WALSH (Canada) a réitéré que, pour sa délégation, la question la plus importante était la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. Un tel traité serait une réalisation de premier ordre en matière de désarmement nucléaire et de non-prolifération. Le Canada souhaiterait entamer rapidement ces négociations et a déjà fait preuve de beaucoup de souplesse en ce qui concerne le mandat devant permettre d'engager ces négociations.

Pour ce qui est de mesures futures, le Canada juge prometteur le commencement d'échanges constructifs et l'examen d'un ensemble d'idées liées au désarmement nucléaire, notamment s'agissant des doctrines nationales, de la question de la transparence, de l'irréversibilité, de la vérification, du démantèlement et de l'élimination, des mesures de renforcement de la confiance et des armes nucléaires son stratégiques.

MME SARALA FERNANDO (Sri Lanka) a salué le commencement avec succès de la série de débats consacrés à des points spécifiques de l'ordre du jour, initiative des six Présidents de la session de 2006 de la Conférence. Le débat a jusqu'à présent fait la preuve de la pertinence des efforts multilatéraux dans le domaine du désarmement nucléaire et montre que les États membres sont désireux de commencer les travaux de fond cette année. Les déclarations faites par les États-Unis et la Fédération de Russie constituent, en particulier, un progrès pouvant contribuer à favoriser la transparence et la confiance au sein de la Conférence.

M. CARLO TREZZA (Italie) s'est associé aux délégations qui ont salué les signes de transparence en provenance d'États dotés de l'arme nucléaire, et il a exprimé l'espoir que les autres puissances nucléaires feraient également des déclarations. L'importance des partenariats mondiaux, des mesures de confiance et de la création de zone exempte d'armes nucléaires a également été soulignée. Les délégations ont été nombreuses à indiquer qu'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles constituait pour eux une priorité. Le représentant a conclu des interventions au cours du débat que la question du désarmement nucléaire comportait plusieurs aspects et qu'elle serait difficile à résoudre de manière globale. Pour sa part, l'Italie appuie une approche progressive, plus réaliste en l'occurrence.

M. CARLOS ANTONIO DA ROCHA PARANHOS (Brésil) a remercié les délégations de la Fédération de Russie et des États-Unis pour les déclarations détaillées qu'elles ont faites devant la Conférence, qui a égalité entendu des déclarations sur d'importantes mesures qui pourraient 'être examinées au sein de la Conférence, notamment s'agissant de l'amélioration de la transparence, de la place des armes nucléaires dans les doctrines militaires et de la question de la vérification. Autant d'éléments justifieraient la création d'un comité spécial chargé de la question du désarmement nucléaire, a estimé le représentant brésilien.

M. OSCAR LEÓN GONZÁLEZ (Cuba) réagissant aux diverses interventions au cours de ce débat thématique, a noté l'accent qui a été mis sur les réductions d'armes nucléaires, et l'utilisation de chiffres qui cherchent à démontrer qu'il y aurait suffisamment de progrès dans ce domaine et que tout allait bien. Il a jugé stupéfiant que certains soient satisfaits qu'il reste encore dans le monde des milliers d'armes nucléaires et présentent ces chiffres comme des résultats positifs. Rappelant la destruction causée par les bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki par les États-Unis, M. León González a souligné que les bombes actuelles sont des centaines de fois plus puissantes que celles d'alors et qu'au lieu de 400 000 victimes à Hiroshima et Nagasaki, on serait arrivé au nombre de 40 millions, avec seulement deux bombes. Or on compte aujourd'hui des milliers de ces bombes. Tant qu'il existera une seule de ces armes de mort, des millions de personnes continueront d'être potentiellement menacées, a souligné le représentant cubain.

C'est pourquoi Cuba appelle au commencement immédiat de négociations en vue de l'élimination totale des armes nucléaires au sein de la Conférence du désarmement. Le représentant a précisé que son pays souhaite qu'elles aboutissent à l'adoption d'un traité international, juridiquement contraignant, pour l'élimination complète de ces armes. À cet égard, il a regretté qu'un certain nombre de délégations s'oppose à l'initiative des cinq ambassadeurs concernant le programme de travail et rejette le mandat proposé pour u comité spécial chargé d'aborder la question du désarmement nucléaire. Il a constaté la contradiction entre les discours qui expriment un engagement en faveur de l'élimination totale des armes nucléaires tout en refusant d'échanger des idées et de rechercher collectivement les moyens de parvenir à cet objectif. M. León González a exprimé l'espoir que cette situation anormale pourra être corrigée le plus rapidement possible afin de permettre à la Conférence de s'entendre sur un programme de travail et de commencer ses travaux de fond.

MME FIONA PATERSON (Royaume-Uni) a relevé que plusieurs délégations ont reconnu les efforts déjà engagés en matière de désarmement nucléaire, tout en réclamant davantage de transparence de la part des États dotés de l'arme nucléaire en vue de renforcer la confiance et d'encourager les progrès au sein de la Conférence. Pour sa part, au cours des 13 dernières années, le Royaume-Uni a fait d'importants progrès dans la mise en application de ses engagements en matipre de désarmement nucléaire conformément au Traité de non-prolifération nucléaire, notamment s'agissant du retrait et du démantèlement de la bombe nucléaire WE177 de son armée de l'air (RAF) et la fin du programme de missiles et d'artillerie nucléaires Lance qui faisaient partie des arrangements entre les États-Unis et le Royaume-Uni concernant les armes nucléaires. Ainsi, le Royaume-Uni a réduit sa dépendance sur les armes nucléaires à un seul système, le programme Trident, devenant le seul État doté de l'arme nucléaire à l'avoir fait, a fait valoir Mme Paterson. Le pays garde aujourd'hui à disposition moins de 200 ogives opérationnelles, soit le minimum nécessaire à sa sécurité nationale. Au total, la puissance explosive des armes nucléaires britannique a été réduite de 70% depuis la fin de la guerre froide.

Le Royaume-Uni est attaché au degré maximum de transparence s'agissant des stocks de matières fissiles nucléaires, compatibles avec les exigences de sa sécurité nationale, a souligné la représentante britannique. En 1995, le Royaume-Uni a annoncé qu'il avait mis fin à la production de matières fissiles pour les armes nucléaires et autres dispositifs explosifs nucléaires, et a invité d'autres pays, y compris les États qu ne sont pas parties au Traité de non-prolifération nucléaire, à suivre cet exemple. Le Royaume-Uni réaffirme son engagement en faveur de la transparence sur ses stocks de matières fissiles.

JUAN MARTABIT (Chile) a souligné que la sixième Conférence de révision du Traité de non-prolifération nucléaire avait appelé la Conférence du désarmement à entamer des négociations sur l'interdiction de la production de matières fissiles destinées aux armes nucléaires. Six ans après, que la Conférence n'a toujours pas avancé. Le Chili estime que l'interdiction de la production de matières fissiles constitue une étape fondamentale, et plaide en faveur du commencement à brève échéance de la négociation sur un traité. Le Chili est disposé à envisager la possibilité d'accepter une négociation par étapes, qui aborde l'examen d'un mécanisme de vérification dans un avenir proche. La délégation chilienne appuie en outre la négociation d'un instrument universel qui codifie la promesse faite par les États dotés de l'arme nucléaire de ne pas recourir à l'arme nucléaire contre les États non dotés de cette arme. Le Chili n'accepte pas que des États nucléaires de facto qui ne sont pas parties au Traité de non-prolifération nucléaire ne s'engagent pas juridiquement à accorder des garanties négatives de sécurité aux États non nucléaires qui se sont engagés à ne pas posséder d'armes nucléaires.

M. Martabit a par ailleurs indiqué que son pays favorise les mesures de renforcement de la confiance par des mesures de transparence et de vérification, ainsi que par le biais d'instruments créant des zones exemptes d'armes nucléaires. À cet égard, les exemples existants d'instruments tels les Traités de l'Antarctique, de Tlatelolco, de Rarotonga, de Bangkok et de Pelindaba devraient être suivis au Moyen Orient et en Asie du Sud. En même temps, le Chili revendique le droit inaliénable à l'utilisation pacifique de la technologie nucléaire. Face aux risques que des détournements vers des programmes clandestins et de l'obtention de matières sensibles par des groupes terroristes, il est important de mettre en place des mécanismes de vérification et de contrôle.

MME ANNIKA THUNBORG (Suède) a remercié les États dotés de l'arme nucléaire qui ont fourni des informations détaillées sur la manière dont ils s'acquittent de leurs engagements en matière de désarmement nucléaire et se réjouit de pouvoir examiner ces déclaration sous forme écrite. La Suède se réjouit également de la perspective de recevoir des informations du même ordre de la part d'autres États dotés de l'arme nucléaire.

Saluant les propositions faites par l'Irlande dans le domaine de la transparence, Mme Thunborg a pour sa part fait une série de propositions : les États dotés de l'arme nucléaire devraient déclarer un moratoire; l'état d'alerte devrait être levé sur toutes les armes nucléaires; le Traité de Moscou devrait être renforcé par des meures l'irréversibilité et de vérification et la négociation d'un traité successeur devrait commencer de manière à ce que l'on puisse désormais compter les armes nucléaires par centaines et non plus par milliers. La Suède salue le Traité de Moscou en tant que mesure de renforcement de la confiance mais estime qu'il comporte un grave problème du fait qu'il n'envisage pas la destruction d'une seule ogive nucléaire. La Suède voudrait également que s'engage un processus devant mener à une zone exempte d'armes nucléaires, biologiques et chimiques au Moyen-Orient, ne parallèle avec le processus de paix au Moyen-Orient. La Suède souhaite par ailleurs des mesures de renforcement de la confiance en matière de désarmement nucléaire entre les États-Unis, la Chine, l'Inde et peut-être la Fédération de Russie. Enfin, les négociations devraient commencer immédiatement sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles.

* *** *

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC06012F