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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU MEXIQUE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé, ce matin, l'examen du rapport du Mexique sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant hier après-midi le rapport de son pays, Mme María del Refugio Gonzáles Domínguez, Sous-Secrétaire chargée des affaires multilatérales et des droits de l'homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a notamment attiré l'attention sur la Loi fédérale visant la prévention et l'élimination de la discrimination, promulguée en 2003, ainsi que sur la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples autochtones. En même temps, le Mexique est conscient qu'il reste encore beaucoup à faire pour éradiquer la discrimination et garantir à toute la population la jouissance pleine et entière des droits de l'homme, a-t-elle ajouté. La discrimination, au Mexique, est un phénomène grave et étendu, a pour sa part reconnu M. Gilberto Rincón Gallardo, Président du Conseil national pour la prévention de la discrimination, soulignant la situation particulièrement vulnérable de groupes ethnoculturels tels que les autochtones et les Afrodescendants. Si le Mexique ne peut prétendre avoir réalisé des progrès considérables en matière de lutte contre la discrimination raciale, les modifications législatives récentes et la mise en place d'un cadre institutionnel ont transformé de manière positive le contexte des droits fondamentaux au Mexique, permettant d'orienter l'action publique visant l'élimination de la discrimination.

La délégation mexicaine - qui était également composée de représentants du Ministère de la réforme agraire, du Ministère des relations extérieures, du Conseil national pour la prévention de la discrimination et de la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones - a fourni aux experts des compléments d'information concernant, notamment, la situation des peuples autochtones, la situation des migrants et la question agraire. Elle a en particulier souligné que la stérilisation forcée à laquelle le Comité s'est référé ne relève en aucun cas d'une politique d'État et que les autorités mexicaines restent préoccupées par les cas dont elles ont eu connaissance. Elle a par ailleurs indiqué que le dialogue avec l'EZLN est actuellement au point mort mais qu'il n'y avait pas eu non plus de rupture avec l'Armée zapatiste.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mexique, M. José Francisco Cali Tzay, a notamment relevé que tout semble indiquer que la situation des peuples autochtones au Chiapas n'est ni unique ni exceptionnelle, tous les peuples autochtones du Mexique semblant en effet vivre des conditions similaires. À l'heure actuelle, les communautés autochtones, en faisant valoir que la consultation des peuples autochtones est un droit qui leur est reconnu par la Convention n°169 de l'OIT, exigent toujours une révision des récentes réformes constitutionnelles, a-t-il fait remarquer.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique de la Lituanie (CERD/C/461/Add.2).


Présentation du rapport du Mexique

MME MARÍA DEL REFUGIO GONZÁLEZ DOMÍNGUEZ, Sous-Secrétaire aux affaires multilatérales et aux droits de l'homme au Ministère des relations extérieures du Mexique, a souligné que le Mexique a connu de grands changements politiques et sociaux ces dernières années, l'administration actuelle du pays ayant accordé une attention particulière aux droits de l'homme. Elle a précisé que le rapport que présente aujourd'hui son pays avait été soumis à l'examen de la société civile avant d'être officiellement présenté au Comité. Le contenu de ce rapport permet de constater que le Gouvernement mexicain a déployé d'importants efforts afin de respecter ses obligations découlant de la Convention, a souligné Mme González Domínguez. Elle a notamment attiré l'attention sur la promulgation, en juin 2003, de la Loi fédérale visant la prévention et l'élimination de la discrimination, qui a été à l'origine de la création du Conseil national pour la prévention de la discrimination, organe chargé, depuis 2004, de veiller au respect du droit à la non-discrimination et à l'égalité des chances et de traitement. En outre, a été créée en mai 2003 la Commission nationale pour le développement des peuples autochtones, qui s'est substituée à l'Institut national autochtone et qui a pour objectif d'orienter, de coordonner, de promouvoir et d'appuyer des programmes et stratégies visant le développement intégral et durable des peuples et communautés autochtones du Mexique. Enfin, en mars 2003, la Loi générale sur les droits linguistiques des peuples autochtones portait création de l'Institut national des langues autochtones.

Le Mexique est conscient qu'il reste encore beaucoup à faire pour éradiquer la discrimination et garantir à toute la population la jouissance pleine et entière des droits de l'homme, a ajouté Mme González Domínguez. Elle s'est dite certaine qu'avec l'aide du Comité et avec la coopération des organes internationaux de droits de l'homme, le Mexique progressera sur le difficile chemin permettant de garantir le plein respect et la pleine jouissance des droits de l'homme.

La discrimination, au Mexique, est un phénomène grave et étendu, a pour sa part reconnu M. GILBERTO RINCÓN GALLARDO, Président du Conseil national pour la prévention de la discrimination. Il a souligné que l'histoire du pays s'est accompagnée de pratiques discriminatoires qui non seulement ont alimenté l'exclusion de groupes sociaux entiers mais ont également marqué la culture mexicaine de stigmates et de préjugés inacceptables. Dans ce contexte, préoccupant en soi, il convient de souligner la situation particulièrement vulnérable de groupes ethnoculturels tels que les autochtones et les Afrodescendants qui, en plus des désavantages économiques dont ils pâtissent, souffrent de pratiques discriminatoires. Or, au Mexique, la lutte systématique et structurelle contre la discrimination raciale n'en est qu'à ses balbutiements, a souligné M. Rincón Gallardo. Le Mexique reconnaît sa dette historique à l'égard de ses groupes autochtones et de ses Afrodescendants, a-t-il ajouté. L'objectif du pays est que ces personnes jouissent, dans les plus brefs délais, de tous leurs droits et libertés et aient accès à toutes les opportunités sociales. La population autochtone au Mexique compte un peu plus de 12 millions d'individus, environ le dixième de la population totale, répartis dans plus de 21 000 localités, a précisé M. Rincón Gallardo. Les autochtones mexicains vivent sur une superficie qui atteint le cinquième du territoire national. On enregistre à travers le pays 62 langues autochtones qui, en vertu de la Loi sur les droits linguistiques des peuples autochtones, sont considérées comme des langues nationales, a ajouté le Président du Conseil national pour la prévention de la discrimination.

S'agissant d'une autre minorité ethnoculturelle qui, comme les populations autochtones, fait face à des problèmes de discrimination et d'exclusion sociale, à savoir les Afrodescendants, M. Rincón Gallardo a indiqué que l'on estime à 450 000 le nombre de personnes d'ascendance africaine au Mexique. Ces personnes se trouvent essentiellement dans les États de Guerrero, d'Oaxaca et de Veracruz.

Sur les 386 municipalités considérées comme les plus fortement marginalisées au Mexique, 209 sont peuplées majoritairement par des autochtones, a poursuivi M. Rincón Gallardo. Il existe une concomitance entre pauvreté et discrimination, a-t-il souligné. La discrimination qui, outre les peuples autochtones et les Afrodescendants, touche aussi les personnes handicapées, les personnes âgées et les femmes, constitue un phénomène qui perdure. Face à cette situation, la législation nationale et locale ainsi que les actions institutionnelles pour lutter contre les différentes formes de discrimination sont récentes et le pays se trouve encore dans ce domaine dans une phase de construction. Le Mexique ne peut prétendre avoir réalisé des progrès considérables en matière de lutte contre la discrimination raciale, a reconnu M. Rincón Gallardo. Néanmoins, on peut affirmer que les modifications législatives qui ont été faites et la mise en place d'un cadre institutionnel ont transformé de manière positive le contexte des droits fondamentaux au Mexique, ce qui permet d'orienter l'action publique visant la réduction et l'élimination de la discrimination. M. Rincón Gallardo a notamment rappelé les réformes apportées en 2001 aux articles premier et deuxième de la Constitution fédérale (voir ci-dessous le résumé du rapport). Ces réformes ont notamment permis de garantir le droit à la non-discrimination et de reconnaître le caractère pluriculturel, originellement fondé sur les peuples autochtones, de la nation mexicaine.

M. Rincón Gallardo a notamment souligné que la Loi fédérale de 2003 visant la prévention et l'élimination de la discrimination énumère les comportements discriminatoires, notamment du point de vue de la race et de l'origine ethnique, qui sont interdites, et prévoit certaines mesures positives et compensatoires que les organes publics et les autorités fédérales doivent adopter en faveur des groupes victimes de discrimination. Au plan local, il existe déjà depuis 2004 une législation de prévention et d'élimination de la discrimination dans l'État de Tamaulipas. Des processus législatifs similaires sont en cours dans trois autres États (Chihuahua, Guanajuato et Guerrero) ainsi que dans le District fédéral. En outre, les droits autochtones sont consacrés dans les constitutions de 22 États de la fédération et six de ces États ont spécifiquement mis leurs constitutions en conformité avec les dispositions de l'article 2 de la Constitution fédérale.

Pour ce qui est de la pénalisation des actes discriminatoires, M. Rincón Gallardo a signalé que trois États considèrent la discrimination comme un délit; il s'agit des États de Durango, du Chiapas et de Veracruz. Au niveau fédéral, le Sénat a approuvé en juillet 2005 une réforme du Code pénal fédéral qui prévoit notamment l'introduction d'un article 366 définissant les conduites discriminatoires, lesquelles seront passibles de sanctions allant de deux à quatre années d'emprisonnement ainsi que d'amendes équivalant à 20 à 80 jours de salaires minimum.

À l'heure actuelle, a poursuivi M. Rincón Gallardo, un des objectifs prioritaires du Programme national de prévention et d'élimination de la discrimination consiste à promouvoir la mise à jour de l'ordre juridique national, afin de garantir que la protection du droit à la non-discrimination se fasse de manière conforme à ce qui est énoncé dans l'article premier de la Constitution, dans la Loi fédérale de prévention et d'élimination de la discrimination et dans les dispositions du droit international.

La situation des migrants au Mexique, tant pour ce qui est des Mexicains qui partent travailler aux États-Unis que pour ce qui est des étrangers qui viennent travailler au Mexique, est grave et marquée par le phénomène de la discrimination raciale, a poursuivi M. Rincón Gallardo. Il existe plus de 10 millions de Mexicains et de Mexicaines migrants internationaux et le Mexique compte en outre plusieurs millions de migrants internes souffrant de discrimination du fait de leur condition, a-t-il précisé. Il a souligné qu'au Mexique, les mêmes normes de travail doivent s'appliquer aux travailleurs migrants et aux travailleurs nationaux. Pour ce qui est de la prévention et de l'élimination de la violence contre les migrants, M. Rincón Gallardo a indiqué que l'Institut national des migrations a mis sur pied - par le biais des «groupes Beta» de protection des migrants - un mécanisme d'orientation et d'appui permanent aux migrants. En outre, le Programme national de prévention et d'élimination de la discrimination envisage des actions visant à protéger les droits fondamentaux des migrants, en particulier ceux des femmes travailleuses. Ce programme comprend également une ligne d'actions visant à favoriser l'égalité des autochtones pour ce qui est de l'accès à la justice. Le Bureau du Procureur général de la République compte une Unité spécialisée dans les affaires autochtones, a ajouté M. Rincón Gallardo.

Le représentant mexicain a par ailleurs rappelé qu'en 1992, l'article 27 de la Constitution avait été réformé, une nouvelle loi agraire ayant été adoptée qui énonce l'obligation de l'État de fournir des terres aux paysans et aux autochtones. Pour autant, certains groupes ne possèdent toujours pas de terres pour satisfaire leurs besoins, a-t-il reconnu, ajoutant que cela donne lieu à des disputes qui mettent la paix et l'harmonie sociale en péril dans les zones rurales des régions concernées. M. Rincón Gallardo a précisé que le diagnostic effectué en 2003 en collaboration avec les gouvernements des États avait permis de dénombrer 248 conflits agraires.

Le rapport périodique du Mexique (CERD/C/473/Add.1, douzième à quinzième rapports regroupés en un seul document) couvre la période allant de 1996 à 2003. Il souligne que des réformes constitutionnelles opérées en 2001 ont porté principalement sur les droits et la culture des populations autochtones et, fondamentalement, elles donnent rang constitutionnel à l'interdiction de la discrimination, ce qui permet de concrétiser le principe général d'égalité, indique par ailleurs le rapport. En outre, le pouvoir législatif a l'obligation de procéder à une révision de toute la législation nationale afin de déterminer quelles dispositions sont incompatibles avec le contenu de la clause interdisant la discrimination et de les mettre en adéquation avec le nouveau principe général d'égalité. Après les réformes constitutionnelles d'août 2001, plusieurs lois d'application ont été adoptées et d'autres initiatives en cours contribueront à améliorer et actualiser le cadre normatif mexicain de manière à lutter contre la discrimination, en particulier la discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique. La loi fédérale visant à prévenir et éliminer la discrimination a été adoptée à l'unanimité par le Congrès de l'Union en mai 2003. Le Mexique reconnaît que, pour s'acquitter des obligations qu'il a contractées sur le plan international, il doit régler en priorité le conflit social qui sévit dans certaines régions du Chiapas. C'est pourquoi le Gouvernement fédéral a créé en septembre 2000 le Bureau de la coordination pour le dialogue et la négociation au Chiapas. Depuis le 1er décembre 2000, le Bureau a pris diverses mesures pour parvenir à une conciliation et à une coexistence pacifique dans l'État. Selon l'enquête appelée Diagnostic national de la situation des droits de l'homme, souligne en outre le rapport, le Mexique est un pays d'origine de migrants, mais aussi de transit et de destination. Ce texte indique en outre que les violations les plus fréquentes dont sont victimes les migrants dans le pays sont le chantage, le vol, les agressions physiques, l'intimidation et les menaces, les atteintes sexuelles, la destruction de leurs papiers et l'arrestation sans qu'ils soient informés de leurs droits.

Selon le Programme national pour le développement des peuples autochtones 2001-2006, la marginalisation des peuples autochtones apparaît clairement lorsque l'on examine les indicateurs de la qualité de vie des municipalités où ils vivent. La majorité des autochtones vit dans des conditions d'exclusion et d'inégalité. La santé et la nutrition sont les indicateurs qui traduisent le plus directement ces conditions d'inégalité. Le nouvel article 2 de la Constitution donne depuis 2001 une définition claire de ce que sont les peuples et communautés autochtones, les reconnaissant en tant que composante essentielle de la population du pays. Ce nouvel article établit la nécessité de reconnaître dans la législation fédérale et dans celle des États le droit à l'autodétermination des peuples autochtones en fonction de critères qui leur sont propres pour déterminer leur mode de gouvernement, leur système de réglementation et de règlement des différends et leur organisation sociale. En outre, il garantit l'égalité des autochtones pour ce qui est de leur participation à la vie politique du pays. Enfin, le nouvel article reconnaît la vulnérabilité des peuples autochtones et insiste sur l'obligation qu'a l'État mexicain de favoriser le développement économique des régions autochtones. La reconnaissance du droit à l'autodétermination des peuples autochtones, de même que la définition des mesures concrètes que l'État doit prendre pour lutter contre les inégalités, signifie la reconnaissance de la situation défavorisée de ces groupes. La réforme n'ayant toutefois pas repris diverses dispositions de la loi sur la Commission pour la concorde et la pacification qui avaient été acceptées par la communauté autochtone, cette omission a provoqué chez la communauté autochtone un rejet de la réforme et plus de 300 actions en inconstitutionnalité ont été engagées devant la Cour suprême afin de demander l'annulation de la procédure. À l'heure actuelle, les communautés autochtones exigent toujours une révision du texte de la Constitution.


Commentaires et questions des membres du Comité

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mexique, M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, a tout d'abord relevé que le rapport présenté par le Mexique ne contient aucune référence à la situation des communautés d'Afrodescendants, pourtant particulièrement vulnérables à la discrimination.

M. Cali Tzay s'est par ailleurs interrogé sur la place, dans l'ordre juridique interne, de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les peuples autochtones et tribaux. Il a en effet rappelé que les réformes constitutionnelles de 2001 ont fait l'objet d'une plainte déposée devant l'OIT pour non-respect des dispositions de la Convention n°169 de l'OIT. À cet égard, M. Cali Tzay a précisé que le Conseil d'administration du BIT avait constitué un comité tripartite dont le rapport figure au document GB/289/17/3 de l'OIT. À l'heure actuelle, les communautés autochtones, en faisant valoir que la consultation des peuples autochtones est un droit qui leur est reconnu par la Convention n°169 de l'OIT, exigent toujours une révision des réformes constitutionnelles de 2001, a insisté M. Cali Tzay.

Tout semble indiquer que la situation des peuples autochtones au Chiapas n'est ni unique ni exceptionnelle, tous les peuples autochtones du Mexique semblant en effet vivre des conditions similaires, a par ailleurs déclaré M. Cali Tzay. La grande majorité des peuples autochtones réclament le respect des Accords de San Andrés, a-t-il ajouté.

M. Cali Tzay s'est enquis du niveau de participation des autochtones à l'Institut des langues autochtones. S'agissant de l'administration de la justice, M. Cali Tzay a indiqué ne pas être certain que les mesures actuellement prises par les autorités mexicaines permettront de remédier aux causes profondes qui président à la discrimination que l'on rencontre actuellement dans ce domaine.

Rappelant que le droit international positif considère la stérilisation forcée comme un délit extrêmement grave, M. Cali Tzay a relevé que les autorités mexicaines semblent désormais reconnaître l'existence de telles pratiques, alors qu'elles l'avaient, semble-t-il, niée à l'OIT. Il faut donc châtier les auteurs et responsables de ce programme de stérilisation forcée, a déclaré M. Cali Tzay.

Un membre du Comité s'est dit impressionné par le nombre de mesures affirmatives prises au Mexique en faveur des autochtones, qui représentent 10 à 12% de la population mexicaine.

Un expert s'est pour sa part enquis de la manière dont le Mexique entend concrétiser les mesures d'action positive qu'il a envisagées afin de lutter contre les discriminations.

Un autre membre du Comité a attiré l'attention sur les difficultés associées à la question agraire et s'est enquis de la situation qui prévaut actuellement en la matière s'agissant en particulier des conflits agraires intervenus dans des régions autochtones.

S'agissant de l'insurrection au Chiapas, un membre du Comité a souhaité savoir comment se présente la situation en ce qui concerne le dialogue entre le Gouvernement et l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).

Suite à une visite dans le pays du Rapporteur spécial sur les droits et libertés des populations autochtones, le Gouvernement mexicain avait promis de lancer un débat au Congrès sur une nouvelle réforme constitutionnelle qui prendrait en considération les revendications autochtones; qu'en est-il de cette promesse, a demandé un membre du Comité? Suite à sa visite au Mexique, a poursuivi l'expert, le Rapporteur spécial sur les droits des migrants s'est pour sa part inquiété du pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités en matière de traitement des migrants en situation irrégulière, ce qui est susceptible de donner lieu à des abus.

Un membre du Comité a suggéré au Mexique d'examiner attentivement la recommandation générale n°21 sur le droit à l'autodétermination, adoptée par le Comité en 1996, qui expose clairement les devoirs des gouvernements dans ce domaine. L'expert a par ailleurs relevé que des différends fonciers se sont accompagnés de violence avec effusion de sang et que les autorités locales ne semblent pas avoir pris de mesures pour éviter cette violence.

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur les mesures particulières adoptées s'agissant de l'accès à la justice et de l'aide juridictionnelle pour les autochtones.

Un expert s'est inquiété que la délégation mexicaine présentée devant le Comité ne comprenne aucun représentant autochtone.

Un membre du Comité a exprimé le souhait que le prochain rapport du Mexique fournisse davantage d'informations sur le sort des Afrodescendants dans ce pays.

Un expert s'est réjoui que le fait que le Mexique soit conscient de l'importance que revêt la terre pour les autochtones semble indiquer que le Mexique se garde de diluer la spécificité autochtone dans un concept global de métissage.


Renseignements complémentaires fournis par la délégation du Mexique

La délégation mexicaine a notamment indiqué que neuf États mexicains n'ont toujours pas ratifié la réforme constitutionnelle de 2001. Cette réforme n'a pas fait l'objet d'une consultation en dépit des exigences de la Convention n°169 de l'OIT, a par ailleurs admis la délégation.

En ce qui concerne la participation des autochtones aux fonctions publiques, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas d'instance disposant de chiffres en la matière. Néanmoins, on peut dire que dans les municipalités et États majoritairement peuplés d'autochtones - en particulier dans l'État d'Oaxaca - les autorités municipales, dans leur grande majorité, sont élues en fonction des us et coutumes autochtones.

La situation au Chiapas est exceptionnelle du fait du soulèvement armé qui n'est toujours pas résolu, même si les autochtones de cet État vivent des conditions communes à tous les peuples autochtones du pays, a déclaré la délégation. Elle a ajouté que le dialogue avec l'EZLN est au point mort mais il n'y a pas eu non plus de rupture avec l'Armée zapatiste.

Sur la base du critère linguistique, on considère qu'il existe au Mexique 62 peuples autochtones, a indiqué la délégation. Les langues autochtones et la langue espagnole jouissent d'une valeur égale, a-t-elle précisé.

Au Mexique, a poursuivi la délégation, la population autochtone monolingue - soit environ un million de personnes, majoritairement des femmes - fait face à des difficultés particulières lorsqu'il s'agit d'accéder à l'information, notamment en matière de santé.

Des membres du Comité ayant souhaité savoir s'il y avait eu au Mexique des cas de pratiques administratives ayant pu donner lieu à des stérilisations forcées ou sans autorisation, la délégation mexicaine a souligné que la stérilisation n'a jamais fait partie du programme de santé pour les femmes et hommes autochtones et que la stérilisation forcée n'a jamais fait l'objet d'une pratique institutionnalisée. La stérilisation forcée ne relève en aucun cas d'une politique d'État et les autorités mexicaines restent préoccupées par les cas de stérilisations forcées dont elles ont eu connaissance. De tels cas ont été dénoncés dans quatre États du pays, notamment dans ceux de Guerrero et du Chiapas. Toutes les allégations portées à la connaissance des autorités ont fait l'objet d'enquêtes et, le cas échéant, des sanctions ont été prises. Les autorités mexicaines reconnaissent que ces pratiques discriminatoires perdurent et qu'il convient de les combattre, a ajouté la délégation.

La délégation a attiré l'attention du Comité sur la discrimination qui prévaut dans les médias mexicains qui sont majoritairement entre des mains privées. La télévision véhicule souvent des messages discriminatoires à l'égard des autochtones, a précisé la délégation.

En ce qui concerne l'administration de la justice, la délégation a rappelé que l'un des moyens les plus efficaces pour assurer que les juges prennent en compte les caractéristiques des autochtones consiste à dispenser une formation adéquate à l'ensemble du personnel impliqué dans la procédure judiciaire. Des actions de sensibilisation des fonctionnaires de justice ont donc été menées, mais l'on ne dispose pas encore d'indicateurs d'impact quant à leur efficacité, a indiqué la délégation.

Selon les chiffres disponibles, a par ailleurs indiqué la délégation, le Mexique compterait dix millions de personnes handicapées dont une grande partie seraient des autochtones.

S'agissant de la question agraire, la délégation a indiqué que le Mexique reconnaît trois types de propriété: la propriété privée, la propriété sociale et la propriété d'État. Dans le cadre de la propriété sociale, les paysans et autochtones mexicains sont propriétaires de 52% du territoire mexicain, a fait valoir la délégation. Elle a précisé que c'est aux assemblées élues, autochtones ou non, qu'il revient de décider de la destination et de l'usufruit de leurs terres. Mais dans le cas de cette propriété sociale, la terre reste propriété du groupe communautaire; elle est affectée pour son développement, mais il n'y a pas transmission de propriété et le bailleur ne peut pas vendre.

Le lien des autochtones à la terre est beaucoup plus important qu'il ne l'est pour les métis, a souligné la délégation mexicaine. Aussi, le Gouvernement mexicain privilégie-t-il l'intégrité des territoires autochtones, a-t-elle assuré. Dans tous les cas où surgit un différend dans ce domaine, il y a dialogue et jamais un conflit n'a été réglé de manière unilatérale par l'État qui aurait imposé son point de vue, a-t-elle affirmé. Tous les conflits sont résolus avec l'accord des assemblées concernées, a insisté la délégation.

En ce qui concerne la situation des migrants, la délégation a notamment rappelé l'existence de plusieurs mémorandums d'accords signés par le Mexique avec les États-Unis ou encore avec l'Organisation internationale des migrations. En 2004, ont été opérés plus de 514 000 rapatriements et en 2005, plus de 542 000, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Mexique a mis en place un programme d'enregistrement visant à assurer la sécurité juridique des travailleurs - principalement guatémaltèques - qui viennent travailler, essentiellement au Chiapas, dans le secteur agricole.

Actuellement, le Mexique n'est pas un pays qui expulse mais plutôt qui reçoit les migrants; nous recevons même des migrants en provenance des États-Unis, a souligné la délégation.

Pour le Mexique, a ajouté la délégation, le qualificatif «illégal» accolé au terme «migrant» n'est pas acceptable en ce sens qu'il tend à criminaliser la personne concernée.


Observations préliminaires

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Mexique, M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, s'est réjoui du dialogue constructif et sincère qui s'est noué avec la délégation mexicaine dans le cadre de l'examen de ce rapport. Relevant que la Commission nationale des droits de l'homme avait émis une recommandation sur la lutte contre les pratiques administratives qui constituent une violation des droits des membres des communautés autochtones pour ce qui est d'obtenir un consentement libre et éclairé pour l'adoption de méthodes de planification familiale, M. Cali Tzay a indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles, dans les cas de stérilisations forcées, les gens ne semblent pas enclins à se plaindre, non seulement parce que cela «n'est pas dans leur nature», mais aussi par peur de représailles et par crainte de ne pas être ensuite soignés.


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