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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND SES MEMBRES S'EXPRIMER AU SUJET DES GARANTIES NÉGATIVES DE SÉCURITÉ

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une séance plénière au cours de laquelle elle a entendu une vingtaine de ses membres exposer leurs positions sur la question des garanties négatives de sécurité. Il s'agissait de la dernière des quatre séances plénières convoquées le 16 juin dernier par le Président de la Conférence, le Norvégien Wegger Strommen, afin de débattre du désarmement nucléaire, de l'interdiction des matières fissiles, de l'espace extra-atmosphérique et, finalement, des garanties négatives de sécurité, c'est-à-dire des quatre questions identifiées à l'ouverture de la session de 2005 de la Conférence par le Néerlandais Chris Sanders.

Un grand nombre de délégations qui se sont exprimées ce matin ont rappelé que le meilleur moyen de rendre obsolète le concept même de garanties négatives de sécurité contre l'utilisation des armes nucléaires reste l'élimination totale de ces armes. En attendant la réalisation de cet objectif, les garanties négatives de sécurité contribueraient positivement à éviter la prolifération des armes nucléaires, a-t-il été maintes fois souligné. La négociation de telles garanties dans le contexte du Traité de non-prolifération inciterait les États qui restent encore en dehors de ce traité à s'y joindre, ont fait observer certains intervenants.

Plusieurs délégations ont fait part de la préoccupation que leur inspirent les nouvelles doctrines militaires qui envisagent, à titre préventif et même dans le cadre d'une confrontation conventionnelle, le recours à des armes nucléaires à l'encontre d'États qui n'en sont pas dotés. De telles doctrines rendent encore plus légitime la demande des États non dotés d'armes nucléaires de se voir accorder des garanties de sécurité, a-t-il été relevé.

Les garanties négatives de sécurité doivent être accordées sans condition, ont souligné certains pays. Pour d'autres, seuls les États qui s'acquittent pleinement de leurs obligations au titre du TNP peuvent prétendre au droit légitime à recevoir un engagement juridiquement contraignant de la part des États qui sont dotés d'armes nucléaires que de telles armes ne seront pas utilisées à leur encontre et qu'aucune menace en ce sens ne leur sera adressée.

À l'instar de l'Afrique du Sud, plusieurs pays ont indiqué qu'ils ne partageaient pas le point de vue de certaines délégations qui jugent suffisantes les déclarations faites par les États dotés d'armes nucléaires au sujet des garanties négatives de sécurité ou estiment que de telles garanties ne devraient être accordées que dans le contexte des zones exemptes d'armes nucléaires. En effet, il ressort des résolutions du Conseil de sécurité, des déclarations des États dotés de l'arme nucléaire et des accords sur les zones exemptes d'armes nucléaires que les garanties de sécurité sont généralement assorties de réserves qui portent sur le droit desdits États de recourir aux armes nucléaires dans certaines circonstances, a fait observer la Suisse. Aussi, nombre de pays ont-ils plaidé en faveur d'un instrument international juridiquement contraignant accordant des garanties de sécurité. Plusieurs délégations se sont dites favorables à la création, au sein de la Conférence, d'un comité spécial chargé de traiter de la question des garanties négatives de sécurité. L'idée de négocier un instrument international juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité a été appuyée par de nombreuses délégations.

Les membres suivants de la Conférence ont fait des déclarations : Afrique du Sud, Royaume-Uni, Pérou, Chine, Colombie, Canada, Syrie, Malaisie, Italie, Mexique, Fédération de Russie, République de Corée, Pakistan, Suisse, France, Nouvelle-Zélande, Algérie, Iran, Australie, Argentine.

Présentant en fin de séance des remarques de conclusions alors qu'il achève son mandat de quatre semaines à la présidence de la Conférence, le Norvégien Wegger Strommen a indiqué n'avoir reçu aucune indication en provenance d'aucune délégation laissant entendre que l'on serait plus proche d'une résolution s'agissant d'un programme de travail de la Conférence. Le débat qui s'est noué durant les quatre dernières séances plénières de la Conférence a permis de constater que l'idée de traiter des véritables questions de fond suscite un vif intérêt, a relevé M. Strommen ; aussi, a-t-il encouragé les futurs présidents de la Conférence à se pencher sur les comptes rendus des séances de ces quatre dernières semaines afin de voir si une quelconque question ne serait pas mûre pour être étudier plus avant en profondeur.

En début de séance, le Président de la Conférence a présenté à l'Ambassadeur permanent de l'Indonésie, M. Makarim Wibisono, ses sincères condoléances suite au décès de son épouse.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi 14 juillet, à 10 heures, sous présidence pakistanaise.


Aperçu des déclarations


MME GLAUDINE MTSHALI (Afrique du Sud) a rappelé qu'au cours de son processus de transformation démocratique, l'Afrique du Sud avait volontairement décidé de démanteler son arsenal d'armes nucléaires hérité du régime de l'apartheid, avec l'espoir que cet exemple ferait des émules. Or, au contraire, l'Afrique du Sud, comme d'autres, reste profondément préoccupée par le maintien continu d'armes nucléaires et par les doctrines de sécurité qui envisagent le recours à de telles armes. De ce fait, elle estime que les États non dotés d'armes nucléaires ont le droit de se voir accorder des garanties de sécurité internationales et juridiquement contraignantes, dans le contexte du Traité de non-prolifération nucléaire. La négociation de telles garanties dans le contexte du TNP pourrait servir d'incitation à ceux qui restent à ce jour en dehors de ce traité. L'Afrique du Sud continue de penser que les garanties de sécurité devraient être accordées dans le cadre d'un instrument international juridiquement contraignant qui pourrait prendre la forme soit d'un accord séparé dans le contexte du TNP soit d'un protocole à ce traité. L'Afrique du Sud ne partage pas le point de vue de certaines délégations qui jugent suffisantes les déclarations faites par les États dotés de l'arme nucléaire ou estiment que les garanties de sécurité ne devraient être accordées que dans le contexte des zones exemptes d'armes nucléaires. La meilleure garantie contre le recours ou la menace de recours aux armes nucléaires reste l'élimination totale des armes nucléaires, a par ailleurs rappelé Mme Mtshali.

MME FIONA PATERSON (Royaume-Uni) a rappelé que depuis qu'il a ratifié le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), le Royaume-Uni a inscrit ses obligations en matière de désarmement dans le cadre de l'article VI du Traité. Le Royaume-Uni a, depuis, octroyé des garanties négatives de sécurité aux États non dotés d'armes nucléaires dans le contexte des protocoles annexés à différents traités portant création de zones exemptes d'armes nucléaires qu'il a ratifiés. Ont ainsi été données des garanties aux pays des régions d'Amérique latine et des Caraïbes, d'Afrique et du Pacifique sud.

MME ELIZABETH ASTETE RODRIGUEZ (Pérou) a souligné que le TNP est un élément fondamental pour éviter la prolifération des armes nucléaires et parvenir à l'élimination de ces armes. Elle a noté avec regret que la récente évolution des doctrines militaires d'un État nucléaire ne fait que renforcer la légitimité de la demande des États non nucléaires de bénéficier de garanties juridiques selon lesquelles ils ne seront pas visés par l'utilisation ou la menace d'utilisation d'armes nucléaires. La puissance nucléaire concernée s'est en effet réservée le droit d'utiliser des armes nucléaires en réponse à une attaque menée à l'aide d'armes chimiques ou biologiques. Ces développements sapent les déclarations négatives de sécurité confirmées lors de la Conférence d'examen du TNP de 1995, a souligné Mme Astete Rodriguez. Aussi, la négociation d'un instrument juridiquement contraignant accordant aux États non nucléaires des garanties concrètes selon lesquelles ils ne seront pas victimes de l'utilisation d'armes nucléaires constitue, de l'avis du Pérou, un point essentiel de l'ordre du jour de la Conférence. Il convient à cet égard de rappeler que le Protocole additionnel I au Traité régional de Tlatelolco, accepté par les États dotés d'armes nucléaires, établit un système d'application régionale des garanties négatives de sécurité. Cependant, certains États dotés d'armes nucléaires ont fait, au moment de souscrire à ce protocole, des déclarations interprétatives, l'un d'eux affirmant que l'utilisation des armes nucléaires s'inscrit dans le cadre des facultés de légitime défense accordées par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Une telle logique suscite de vives préoccupations, a souligné Mme Astete Rodriguez, car l'exercice de la légitime défense reconnu par l'article 51 de la Charte doit être proportionnel à l'attaque armée qui en est la cause. Aucune attaque conventionnelle ne saurait donc être contrée par l'usage d'armes nucléaires, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour international de justice dans son avis consultatif du 8 juillet 1996.

M. HU XIAODI (Chine) a souligné que les États non dotés d'armes nucléaires ont le droit de chercher à obtenir de la part des États qui en sont dotés des garanties négatives de sécurité. Il est justifié que les États non dotés d'armes nucléaires insistent pour que ces garanties soient rendues juridiquement contraignantes. En outre, leur accorder de telles garanties réduirait leur motivation pour acquérir de telles armes, ce qui contribuerait donc à la prévention de la prolifération, a fait valoir M. Hu Xiaodi. Il a par ailleurs rappelé que la solution fondamentale à la question des garanties de sécurité résiderait dans l'interdiction complète et la destruction des armes nucléaires. D'autre part, a-t-il poursuivi, réduire progressivement le rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité nationale et ne pas établir de liste de pays susceptibles d'être pris pour cibles de frappes nucléaires faciliterait les progrès dans le domaine des garanties de sécurité. Le lancement de négociations portant sur un instrument juridique international relatif aux garanties de sécurité est une tâche réaliste dans le contexte actuel du contrôle international des armements et du désarmement, a affirmé M. Hu Xiaodi. Certes, en adoptant les résolutions 255 et 984 du Conseil de sécurité, les États dotés d'armes nucléaires ont, dans une certaine mesure, accordé des garanties négatives et positives de sécurité aux États qui n'en sont pas dotés ; et en ratifiant les protocoles liés à divers traités portant création de zones exemptes d'armes nucléaires, ils ont apporté des garanties de sécurité aux États qui sont parties à ces traités. Mais, les résolutions du Conseil de sécurité n'équivalent pas à des instruments juridiques internationaux et les garanties de sécurité accordées aux États parties aux traités portant création de zones exemptes d'armes nucléaires ne résolvent pas les problèmes de garanties de sécurité pour les États qui ne sont pas parties à ces traités. La Chine est favorable à la création, au sein de la Conférence du désarmement, d'un comité spécial sur les garanties négatives de sécurité conformément au mandat pertinent contenu dans la proposition dite des cinq Ambassadeurs, de manière à ce que puisse être entamé le travail de fond visant la négociation d'un instrument juridique international sur les garanties négatives de sécurité. De l'avis de la Chine, un tel instrument ou protocole doit clairement stipuler que les cinq États dotés de l'arme nucléaire accordent sans condition des garanties de sécurité aux États qui n'en sont pas dotés.

M. RAFAEL QUINTERO CUBIDES (Colombie) a rappelé que son pays fait partie de la zone exempte d'armes nucléaires créée par le Traité de Tlatelolco, qui accorde des garanties négatives de sécurité. Il a néanmoins dit comprendre les préoccupations d'autres pays qui souhaitent que leurs soient accordées des garanties négatives de sécurité répondant à leurs besoins en tenant compte de leur propre contexte, comme cela a été exprimé lors de la XIIIème Conférence des non-alignés à Kuala Lumpur. Il est urgent de commencer à négocier les quatre thèmes de l'ordre du jour de la Conférence qui ont été identifiés comme prioritaires dans la proposition dite des cinq Ambassadeurs. Il est indispensable, pour commencer, d'entamer la négociation d'un traité mettant fin à la production de matières fissiles à des fins d'armement nucléaire.

M. PAUL MEYER (Canada) a déclaré que, s'il aurait préféré que les discussions visant à codifier des garanties négatives de sécurité se tiennent dans le contexte du TNP, dans la mesure où de telles garanties constituent l'un des bénéfices de l'adhésion à ce traité, le Canada n'en est pas moins flexible quant à la manière dont la question des garanties de sécurité peut être traitée au sein de la Conférence, que ce soit par le biais d'un comité spécial distinct, doté du mandat figurant dans la proposition dite des cinq Ambassadeurs ou dans le document officieux « Matière à réflexion », ou en combinaison avec la question du désarmement nucléaire. Ce qui importe, c'est de traiter la question de manière adéquate, a souligné M. Meyer.

M. BASHAR JA'AFARI (Syrie) s'est dit certain que le TNP demeure le traité le plus important jamais conclu dans le domaine du désarmement nucléaire. L'adhésion de la majorité des pays du monde à ce traité prouve d'ailleurs son importance dans la lutte contre la guerre nucléaire. L'universalité du traité n'est pas réalisée au Moyen-Orient à cause d'un seul État - Israël - qui n'y a pas adhéré, a rappelé M. Ja'afari. La meilleure garantie contre l'utilisation des armes nucléaires reste l'élimination totale de ces armes, a-t-il souligné. À cet égard, il a rappelé l'avis de la Cour internationale de justice de 1996 qui a estimé illégale l'utilisation ou de la menace d'utilisation des armes nucléaires. M. Ja'afari a attiré l'attention sur la menace que constitue l'attitude de certains qui ont adopté des doctrines militaires leur permettant d'utiliser l'arme nucléaire contre des pays qui n'en sont pas dotés. Les garanties négatives de sécurité doivent être accordées sans condition aux États non nucléaires, a par ailleurs souligné M. Ja'afari. Il a rappelé la position de son pays, favorable à la création, au sein de la Conférence, d'un comité spécial qui serait chargé de négocier des garanties négatives de sécurité et élaborerait une convention protégeant contre le recours ou la menace de recours à l'arme nucléaire.

M. WAN YUSRI AZNAINIZAM WAN ABDUL RASHID (Malaisie) a souligné que, tout en étant fermement convaincue que la seule garantie absolue contre l'utilisation des armes nucléaires réside dans l'élimination totale de ces armes, la Malaisie est d'avis qu'en attendant le désarmement nucléaire, il est impératif d'interdire l'utilisation des armes nucléaires. Aussi, la communauté internationale doit-elle prendre des mesures effectives visant à assurer la sécurité de tous les États, en particulier ceux qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires, contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de telles armes. Les déclarations unilatérales concernant les garanties négatives de sécurité qui ont été faites en 1978 par les cinq puissances nucléaires sont inadéquates pour ce qui est d'empêcher le recours ou la menace de recours aux armes nucléaires contre des États non dotés de telles armes, en ce sens que ces déclarations peuvent être retirées ou modifiées assez aisément. Qui plus est, la principale faiblesse de ces déclarations réside dans la possibilité maintenue, sous certaines conditions, de recourir aux armes nucléaires contre des États qui ne sont pas dotés de telles armes. Compte tenu de ces faiblesses, il convient d'accorder aux États non dotés d'armes nucléaires des garanties inconditionnelles et juridiquement contraignantes contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de ces armes. Le désarmement nucléaire doit certes rester la plus haute priorité pour la Conférence ; mais en attendant l'élimination totale des armes nucléaires, les membres de la Conférence devraient poursuivre à titre prioritaire les efforts visant la conclusion d'un instrument universel juridiquement contraignant sur les garanties de sécurité.

M. CARLO TREZZA (Italie) a estimé qu'il fallait poursuivre le concept de garanties négatives de sécurité dans le contexte des zones exemptes d'armes nucléaires. Néanmoins, bien que juridiquement contraignantes, les garanties de sécurité accordées dans ce contexte ne couvrent pas toutes les régions du monde et en tout cas pas certaines parmi les plus sensibles du point de vue de la sécurité. Aussi, M. Trezza a-t-il plaidé pour que soient explorés des éléments de souplesse dans le cadre du concept lui-même de garantie négatives de sécurité. Ainsi, de telles garanties pourraient-elles être accordées aux pays qui sont parties au TNP. On pourrait également réfléchir plus avant à la possibilité d'accorder des garanties négatives de sécurité sur une base unilatérale, plurilatérale ou régionale. Certains pays ont en effet récemment demandé des garanties de sécurité sur une base bilatérale, a fait observer M. Trezza. La Conférence du désarmement n'est pas nécessairement la seule instance au sein de laquelle mener des négociations sur cette question. Mais dans le but de parvenir à un consensus global susceptible de ramener la Conférence sur la voie des négociations, l'Italie serait disposée à accepter la création d'un comité spécial chargé d'élaborer des recommandations sur la manière dont la Conférence pourrait, le plus efficacement, traiter de la question des accords internationaux efficaces assurant aux États non dotés d'armes nucléaires qu'aucune arme nucléaire ne sera utilisée à leur encontre.

M. PABLO MACEDO (Mexique) a rappelé que l'une des composantes essentielles du régime de désarmement et de non-prolifération réside dans la garantie sans équivoque fournie par les États nucléaires selon laquelle ils n'utiliseront pas ni ne menaceront d'utiliser des armes nucléaires contre tous ceux qui ont volontairement et juridiquement renoncé à l'option nucléaire. Il s'agit là d'un intérêt légitime de sécurité reconnu par le Conseil de sécurité lui-même. La seule garantie absolue de libérer le monde de la menace représentée par l'existence même des armes nucléaires reste l'interdiction et l'élimination complète de ces armes, a rappelé M. Macedo. Il a en outre rappelé que la Cour internationale de justice avait unanimement estimé qu'il n'existe, dans le droit international coutumier pas plus que dans le droit conventionnel, aucune autorisation concrète pour recourir à la menace ou à l'emploi des armes nucléaires. En dépit de ce point de vue, nous sommes désormais confrontés à l'existence de doctrines militaires et politiques de sécurité qui promeuvent le développement d'une nouvelle génération d'armes nucléaires et de leurs vecteurs et envisagent même l'utilisation d'armes nucléaires non stratégiques à des fins préventives. Aussi, est-il de plus en plus nécessaire d'instaurer, par le biais d'un instrument juridiquement contraignant, un régime par lequel les États dotés d'armes nucléaires garantiraient qu'ils n'utiliseront pas ces armes contre des États qui n'en possèdent pas. À cet égard, M. Macedo a précisé que le Mexique acceptait le mandat énoncé dans la proposition dite des cinq Ambassadeurs et était donc favorable à la création d'un comité spécial qui ferait avancer l'examen de cette question.

M. LEONID SKOTNIKOV (Fédération de Russie) a indiqué que sa délégation n'aurait aucune objection à ce que soit créé, au sein de la Conférence et conformément à la proposition dite des cinq Ambassadeurs, un comité spécial sur les garanties accordées aux États non dotés d'armes nucléaires. La Fédération de Russie serait disposée à aller vers l'élaboration d'un accord mondial sur les garanties négatives de sécurité, pour autant qu'un tel accord prenne en compte sa doctrine militaire et sa sécurité nationale. La question des garanties négatives de sécurité revêt une importance particulière dans le contexte du TNP, a poursuivi M. Skotnikov. Il a précisé que lors de la récente Conférence d'examen du TNP, son pays n'avait eu de cesse que de soutenir les aspirations des États parties au TNP qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires à obtenir de telles garanties. De l'avis de la Fédération de Russie, la réalisation de cet objectif contribuerait à l'universalisation du TNP, renforçant ainsi le régime de non-prolifération, tout comme la confiance et le caractère prévisible des relations entre États. Les garanties négatives de sécurité données par les États nucléaires ont déjà acquis un caractère juridiquement contraignant suite aux protocoles annexés aux traités portant création de zones exemptes d'armes nucléaires, a rappelé M. Skotnikov. La Fédération de Russie a d'ailleurs signé trois protocoles de ce type, annexés aux traités de Tlatelolco, de Rarotonga et de Pelindaba. M. Skotnikov a précisé que la Fédération de Russie soutenait le projet de traité sur une zone exempte d'armes nucléaires en Asie centrale accepté par les pays de cette région. Il a en outre estimé que la question de l'instauration d'une zone exempte d'armes nucléaires en Asie du sud reste d'une importance cruciale tant il est vrai que la création d'une telle zone renforcerait la stabilité et la sécurité régionales.

M. PARK IN-KOOK (République de Corée) a indiqué que selon son pays, le moyen le plus efficace d'empêcher la prolifération consiste à éliminer les raisons qui incitent à acquérir des armes nucléaires tout en assurant que l'option nucléaire est en fin de compte négative pour les intérêts de sécurité des « proliférateurs ». La communauté internationale doit redoubler d'efforts pour atténuer les préoccupations sécuritaires qui ont empêché certains États de se joindre au TNP et en ont amené d'autres à chercher clandestinement à se doter de capacités nucléaires. La République de Corée appuie le concept de garanties négatives de sécurité et estime à cet égard que les États dotés d'armes nucléaires devraient accorder des garanties de sécurité solides et crédibles à ceux qui n'en sont pas dotés et qui respectent en toute bonne foi leurs obligations au titre du TNP et autres garanties.

M. MASOOD KHAN (Pakistan) a souligné qu'accorder des garanties de sécurité aux États non dotés d'armes nucléaires constitue une obligation découlant directement de la Charte des Nations Unies. Certes, des garanties de sécurité ont été accordées par les États dotés d'armes nucléaires, mais la plupart de ces garanties sont restrictives et partielles, a-t-il souligné. Il a par ailleurs attiré l'attention sur les nouvelles doctrines de sécurité qui rendent possible l'utilisation des armes nucléaires. Pour sa part, a-t-il rappelé, le Pakistan a pris l'engagement solennel de ne pas utiliser ou menacer d'utiliser d'armes nucléaires contre un État non doté d'armes nucléaires. En attendant que soit réalisé le désarmement nucléaire, accorder des garanties de sécurité accordées aux États non dotés d'armes nucléaires peut constituer un outil efficace pour réduire les motivations susceptibles d'engendrer la prolifération des armes de destruction massive. Le Mouvement des non-alignés n'a jamais cessé de souligner qu'en attendant l'élimination totale des armes nucléaires, il convenait de poursuivre les efforts visant la conclusion d'un instrument international et inconditionnel juridiquement contraignant sur les garanties de sécurité, a rappelé M. Khan.

M. JÜRG STREULI ( Suisse) a indiqué que sa délégation juge insuffisantes les garanties négatives de sécurité fournies par les États dotés d'armes nucléaires qui sont parties au TNP. En effet, il ressort des résolutions du Conseil de sécurité, des déclarations des États dotés de l'arme nucléaire et des accords sur les zones exemptes d'armes nucléaires que les garanties de sécurité sont généralement assorties de réserves qui portent sur le droit desdits États de recourir aux armes nucléaires dans certaines circonstances. Associée à ces réserves, la décision de certains États dotés de l'arme nucléaire qui sont parties au TNP d'accorder des fonds pour le développement des armes nucléaires rend l'adoption de garanties négatives de sécurité encore plus essentielles, a poursuivi M. Streuli. Il a en outre souligné que des pays qui, comme la Suisse, se trouvent en dehors de zones exemptes d'armes nucléaires et qui n'ont jamais possédé de telles armes ne peuvent pas bénéficier de garanties négatives de sécurité fournies dans le cadre des accords régionaux ; ces pays sont donc confrontés à « un traitement d'inégalité ». La Suisse considère que les États non dotés d'armes nucléaires qui sont parties au TNP ont un droit légitime à recevoir un engagement juridiquement contraignant de la part des États qui en sont dotés que de telles armes ne seront pas utilisées à leur encontre et qu'aucune menace en ce sens ne leur sera adressée. Il est évident que seuls les États qui s'acquittent pleinement de leurs obligations au titre du TNP peuvent prétendre à un tel droit. La conclusion d'un accord international sur des garanties négatives de sécurité renforcerait le régime de non-prolifération nucléaire, a conclu M. Streuli. Il nous semble que le forum le plus approprié pour la négociation d'un tel instrument serait sans doute la Conférence du désarmement, a-t-il précisé.

M. JEAN-MICHEL DESPAX (France) a souligné qu'en ce qui concerne les garanties de sécurité, la France est favorable à l'approche régionale, par le biais de la création de zones exemptes d'armes nucléaires. Cette approche est la plus réaliste, a-t-il affirmé. Il a rappelé que la France avait signé et ratifié à cette fin tous les protocoles pertinents aux traités de Tlatelolco, de Rarotonga et de Pelindaba. La France a bien noté que le document « Matière à réflexion » se prononce clairement en faveur d'un mandat de discussion, ce qui n'était pas le cas dans la lettre du mandat antérieur, a poursuivi M. Despax. « Cette évolution va dans le bon sens », a-t-il déclaré. Il a rappelé que la France ne s'oppose pas au traitement des assurances de sécurité à la Conférence du désarmement dans le cadre approprié et se tient prête dans la ligne de la position commune européenne à approfondir les consultations sur ce sujet en vue de participer à un accord sur un programme de travail.

M. TIM CAUGHLEY (Nouvelle-Zélande) a estimé que des garanties négatives de sécurité juridiquement contraignantes seraient bénéfiques dans l'environnement sécuritaire actuel. Il a précisé que, de l'avis de la Nouvelle-Zélande, la négociation d'un instrument juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité dans le contexte du TNP consoliderait les garanties déjà accordées dans le contexte des zones exemptes d'armes nucléaires et dans les déclarations faites par les États nucléaires dans la résolution 984 du Conseil de sécurité. Un tel instrument soulignerait le bénéfice qu'il y a, pour les États non dotés d'armes nucléaires, à faire partie du TNP. La Nouvelle-Zélande attend avec impatience le moment où les États nucléaires, en s'étant acquittés pleinement de leur obligation d'éliminer leurs armes nucléaires, auront rendu obsolète le concept de garanties négatives de sécurité en rapport avec ces armes.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a jugé extrêmement importante la question des garanties négatives de sécurité. Des mesures garantissant aux États non dotés d'armes nucléaires qu'aucune arme nucléaire ne sera utilisée à leur encontre pourraient renforcer la confiance entre les États et réduire l'incitation susceptible d'amener certains États à acquérir l'arme nucléaire, a-t-il estimé. La meilleure garantie de non recours à l'arme nucléaire contre des États qui n'en sont pas dotés reste l'élimination totale des armes nucléaires, a rappelé M. Jazaïry. Il a donc plaidé en faveur de la réalisation de ce dernier objectif. En attendant, il convient d'accorder aux États non nucléaires des garanties de sécurité juridiquement contraignantes, a-t-il précisé. Certains États nucléaires, arguant que la déclaration unilatérale qu'ils ont faite concernant les garanties de sécurité suffit amplement pour donner les garanties adéquates, font objection à un instrument international juridiquement contraignant qui accorderait aux États non dotés d'armes nucléaires des garanties de sécurité leur assurant qu'aucune arme nucléaire ne serait utilisée à leur encontre. Pourtant, ces dernières années, le monde a été témoin de l'émergence de nouvelles doctrines militaires qui autorisent l'usage de la force, y compris des armes nucléaires, à titre préventif, s'est inquiété M. Jazaïry. Il a exprimé sa satisfaction suite à la déclaration faite ce matin par l'Italie, qui a indiqué qu'elle était disposée à accepter la création d'un comité spécial chargé de traiter des garanties négatives de sécurité.

M. HAMID ESLAMIZAD (Iran) a souligné que, contrairement aux espoirs qu'avait nourris la communauté internationale avec la fin de la guerre froide, le rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité de certains États dotés de telles armes et de certaines alliances militaires n'a pas diminué. De nouvelles positions nucléaires ont été fondées sur de nouveaux types d'armes nucléaires et le seuil d'utilisation des armes nucléaires a été abaissé au niveau de scénarii de confrontation conventionnelle. En outre, des États non dotés d'armes nucléaires qui sont parties au TNP ont été nommément désignés comme cibles potentielles de telles armes, en violation des déclarations unilatérales qui avaient rendu possible la prorogation indéfinie du TNP. Aussi, l'Iran souscrit-il à la position du Mouvement des non-alignés selon laquelle les États qui ont renoncé à l'option nucléaire ont un droit légitime à recevoir des garanties de sécurité ; les non-alignés ont donc demandé la négociation d'un instrument universel juridiquement contraignant et inconditionnel sur de telles garanties. La seule garantie absolue que les armes nucléaires ne seront pas utilisées réside dans leur élimination totale, a rappelé M. Hamid Eslamizad.

M. CRAIG MACLACHLAN (Australie) a souligné que son pays continuerait de soutenir les initiatives pragmatiques qui traitent effectivement des menaces à notre sécurité collective et qui complètent les efforts menés plus largement au niveau multilatéral. Le succès rencontrés par des initiatives pratiques telles que le Groupe australien (dont cette année marque le vingtième anniversaire), l'Initiative de sécurité contre la prolifération ou encore la résolution 1540 du Conseil de sécurité rappellent combien beaucoup de choses restent encore à réaliser au sein de la Conférence, après neuf années d'efforts infructueux.

MME ALICIA DE HOZ (Argentine) s'est dite convaincue que les garanties négatives de sécurité contribueront positivement à éviter la prolifération des armes nucléaires. L'adoption d'un instrument mondial juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité ne devrait en aucun cas diminuer les garanties accordées par les pays dotés de l'arme nucléaire dans le cadre des zones exemptes d'armes nucléaires, a-t-elle souligné. Elle a invité les États dotés de l'arme nucléaire à revoir, en vue de leur retrait, les déclarations interprétatives qu'ils ont faites en signant les protocoles additionnels au traité de Tlatelolco.

M. WEGGER STROMMEN, Président de la Conférence, a indiqué qu'en ce jour de dernière séance plénière de la Conférence sous présidence norvégienne, il n'a reçu aucune indication en provenance d'aucune délégation laissant entendre que l'on serait plus proche d'une résolution s'agissant d'un programme de travail de la Conférence. Cette importante question en suspens doit donc être renvoyée au nouveau Président, l'Ambassadeur du Pakistan. Il est difficile de dire si le débat qui s'est noué durant les quatre dernières séances plénières de la Conférence, consacrées successivement au désarmement nucléaire, à l'interdiction des matières fissiles, à l'espace extra-atmosphérique et aux garanties négatives de sécurité, nous a rapprochés d'un programme de travail, a poursuivi M. Strommen. Néanmoins, il a permis de constater que l'idée de traiter des véritables questions de fond suscite un vif intérêt. M. Strommen a encouragé les futurs présidents de la Conférence à se pencher sur les comptes rendus des séances de la Conférence de ces quatre dernières semaines afin de voir si une quelconque question ne serait pas mûre pour être étudier plus avant en profondeur.

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