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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTAME LA DEUXIÈME PARTIE DE SA SESSION DE 2005

Compte rendu de séance
Plusieurs intervenants prennent acte de l'échec de la septième Conférence d'examen du TNP, tout en appelant la Conférence du désarmement à parvenir rapidement à des résultats positifs

La Conférence du désarmement a entamé, ce matin, les travaux de la deuxième partie de sa session de 2005 en entendant des déclarations de la Fédération de Russie, de l'Inde, de l'Algérie, de la Pologne et de la Turquie.

Le Président de la Conférence, le Nigérian Joseph Ayalogu, a fait part des résultats des consultations bilatérales qu'il a tenues avec un certain nombre de délégations. Il a indiqué que la proposition de programme de travail dite des Cinq Ambassadeurs («A5») jouit encore du soutien de la plupart des délégations consultées. Un petit nombre de délégations ont indiqué qu'à ce stade, elles ne sont en mesure de se joindre ni à un consensus sur la proposition «A5», ni à un consensus sur le document officieux «Food for Thought», généralement considéré comme une version édulcorée de la proposition «A5», a précisé le Président ; ces délégations ont expliqué qu'elles avaient des difficultés avec les mandats relatifs au traité d'interdiction des matières fissiles et aux garanties négatives de sécurité. Elles se sont néanmoins dites disposées à commencer les travaux uniquement sur un traité d'interdiction des matières fissiles, pour autant que le mandat y relatif se cantonne à négocier un tel traité sans condition.

M. Ayalogu a ensuite relevé que la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui vient de s'achever à New York a été un échec total. Il semble que cette Conférence d'examen n'ait fait qu'accroître le fossé entre les positions des délégations, a-t-il affirmé. Il a néanmoins exhorté les membres de la Conférence du désarmement à ne pas se sentir frustrés ou découragés par l'échec de la Conférence d'examen et au contraire à saisir l'occasion pour se montrer plus souples et plus déterminés à parvenir à un consensus sur un programme de travail.

L'Algérie a fait observer que la tâche du Président de la Conférence du désarmement s'annonce très difficile au regard de la situation internationale actuelle et des résultats de la Conférence d'examen du TNP : ce contexte est très hostile à l'entreprise du désarmement.

S'agissant précisément de la lutte contre la prolifération, la Fédération de Russie a attiré l'attention sur l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 avril dernier, de la Convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire. Elle a appelé tous les États à signer et ratifier sans délai ce nouvel instrument.

L'Inde a pour sa part tenu la Conférence informée de l'adoption par les deux chambres du Parlement indien, le 13 mai dernier, d'un projet de loi sur les armes de destruction massive et leurs vecteurs (interdiction des activités illégales). Elle a souligné que sa politique n'a jamais été d'aider, d'encourager ou d'inciter un quelconque pays tiers à produire des armes nucléaires. L'Inde a précisé que ses programmes stratégiques, tant dans les domaines de la défense que du nucléaire, sont indigènes et ne dépendent d'aucune ressource extérieure ; ils ne sauraient donc être soumis à de quelconques contraintes imposées de l'extérieur, a-t-elle affirmé.

La Pologne et la Turquie ont pour leur part rappelé que cela fait deux ans qu'a été lancée à Cracovie l'Initiative de sécurité contre la prolifération (ISP) et que le nombre de pays qui la soutiennent dépasse aujourd'hui les 60.

La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi prochain, 9 juin 2005, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

M. JOSEPH AYALOGU, Président de la Conférence, a indiqué avoir décelé, au cours de ses consultations avec les coordonnateurs régionaux, une volonté de tous les groupes de reprendre les travaux de fond. Le Groupe des pays d'Europe orientale a fait part de sa disposition à travailler soit sur la base de la proposition dite des Cinq Ambassadeurs («A5»), soit du document officieux appelé «Matière à réflexion» (Food for Thought). La Chine a pour sa part déclaré qu'elle était disposée à se joindre au consensus et à travailler sur la base de la proposition «A5». Le Groupe des 21 a officiellement indiqué, en séance plénière, qu'il se joindrait au consensus sur cette même proposition «A5». Il ne restait donc plus qu'à consulter le Groupe des pays occidentaux afin de connaître ses positions s'agissant des deux propositions, a souligné M.Ayalogu, qui a indiqué avoir mené des consultations bilatérales avec un certain nombre de délégations, en se concentrant - mais sans exclusive - sur des délégations du Groupe des pays occidentaux.

Le Président a indiqué que la plupart des délégations ont fortement souhaité que la Conférence examine «les quatre questions clefs», tout en exprimant leur crainte qu'il ne soit difficile voire impossible de traiter de ces quatre questions simultanément. Des suggestions ont donc été avancées afin - grâce à un calendrier - de donner à toutes les délégations des assurances que les questions qu'elles jugent prioritaires ne seront pas laissées de côté. La proposition «A5» jouit encore du soutien de la plupart des délégations consultées, a ajouté le Président de la Conférence, même si nombre d'entre elles ont dit craindre que cette proposition ne puisse pas recueillir le consensus en raison d'un petit nombre de délégations qui ne sont pas en mesure de se joindre au consensus. Puisque la proposition «A5» n'est pas en mesure de dégager un consensus, les délégations consultées restent flexibles et disposées à travailler sur la base du document officieux «Food for Thought», généralement considéré comme une version édulcorée de la proposition «A5». La proposition «A5» jouit encore du soutien d'une soixantaine de délégations, a précisé M.Ayalogu. Un petit nombre de délégations ont indiqué qu'à ce stade, elles ne sont en mesure de se joindre ni à un consensus sur la proposition «A5», ni à un consensus sur le document officieux «Food for Thought», a poursuivi le Président de la Conférence. Elles se sont néanmoins dites disposées à commencer les travaux uniquement sur un traité d'interdiction des matières fissiles, pour autant que le mandat y relatif se cantonne à négocier un tel traité sans condition, ce qui signifie que tout – y compris les questions de stocks et de vérification – pourrait être examiné durant les négociations mais que rien ne saurait être explicitement énoncé à ce sujet dans le mandat. Ceux qui ont indiqué ne pas être en mesure de se joindre à un consensus sur la proposition «A5» ou sur le document «Food for Thought» ont expliqué qu'ils avaient des difficultés avec les mandats relatifs au traité d'interdiction des matières fissiles et aux garanties négatives de sécurité. M. Ayalogu a par ailleurs indiqué que des suggestions lui ont été faites visant à ce que la Conférence prévoie une discussion informelle pour échanger des idées et des points de vue concernant le rapport du Groupe d'experts de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement ainsi que le rapport du Secrétaire général intitulé «Vers une liberté plus grande».

M. Ayalogu a ensuite souligné qu'il avait espéré que les divergences entre les délégations seraient réduites à l'issue des résultats des négociations sur les questions clefs durant la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui vient de s'achever à New York. Mais il semble que la Conférence d'examen n'ait fait qu'accroître le fossé entre les positions des délégations, a-t-il affirmé. La Conférence d'examen a été un échec total puisqu'on a beaucoup parlé de procédure sans laisser beaucoup de place aux négociations sur les questions de fond, de sorte qu'au final, il n'y eut aucun document de résultat. Au vu de la manière dont s'est achevée la Conférence d'examen du TNP, la question est posée de savoir ce que la Conférence devrait faire pour continuer à exercer ses fonctions et garder sa pertinence. Cette question mérite d'être sérieusement examinée par chacun de nous qui représentons la communauté internationale et qui sommes chargés de négocier des accords de désarmement, a insisté M.Ayalogu. Il a exhorté les membres de la Conférence du désarmement à ne pas se sentir frustrés ou découragés par l'échec de la Conférence d'examen du TNP de 2005 et au contraire à saisir l'occasion pour se montrer plus souples et plus déterminés à parvenir à un consensus sur un programme de travail.

M. LEONID SKOTNIKOV (Fédération de Russie) a attiré l'attention sur l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 avril dernier, de la Convention internationale pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire. Les progrès scientifiques et technologiques, l'utilisation de leurs résultats par des terroristes, l'émergence du «terrorisme de pointe», ainsi que le risque de voir des terroristes prendre la maîtrise d'armes de destruction massive ou d'autres technologies dans les secteurs du génie génétique, de la biotechnologie et de l'information rendent le terrorisme international plus dangereux qu'il ne l'a jamais été, a rappelé M. Skotnikov. La possibilité de voir des armes de destruction massive tomber dans les mains de terroristes autorise à considérer que l'activité antiterroriste est indissociable de la non-prolifération, a-t-il souligné.

M. Skotnikov a rappelé que la Convention adoptée le 13 avril dernier se fondait sur un projet présenté par la Russie en 1997. Il s'agit là du premier traité universel visant la prévention d'actes terroristes de destruction massive. Dans un contexte où les structures terroristes cherchent à se doter du potentiel nucléaire, l'adoption d'un tel traité revêt une importance capitale, en premier lieu pour ce qui est du maintien de la paix et de la sécurité internationales, a souligné M. Skotnikov. Cette Convention crée une solide base juridique pour l'amélioration de la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération des armes de destruction massive. Elle sera mise en œuvre en coopération étroite avec l'AIEA, a précisé M. Skotnikov. Il a exprimé l'espoir qu'après son ouverture à la signature, à compter du 14 septembre prochain, ce traité international unique recueille rapidement les 22 ratifications d'États nécessaires pour entrer en vigueur. Aussi, a-t-il appelé tous les États à signer et ratifier sans délai la nouvelle convention.

La Fédération de Russie est convaincue que la Conférence du désarmement pourrait contribuer à la lutte contre le terrorisme international en adoptant dès que possible un programme de travail équilibré, a poursuivi M. Skotnikov. Cela permettrait notamment de lancer des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles. La Conférence ne souffre pas d'une quelconque paralysie qui serait due à ses procédures; le problème ne réside pas dans les procédures mais dans les positions des États, a ajouté M. Skotnikov. Il faut donc faire preuve de davantage de volonté politique et de disposition à accepter un compromis fondé sur le respect mutuel des intérêts et préoccupations de tous les États membres, a-t-il conclu, ajoutant que la Russie, pour sa part, a déjà démontré qu'elle est disposée à faire preuve de souplesse.

M. JAYANT PRASAD (Inde) a tenu la Conférence informée de l'adoption par les deux chambres du Parlement indien, le 13 mai dernier, d'un projet de loi sur les armes de destruction massive et leurs vecteurs (interdiction des activités illégales) qui n'attend désormais plus que le feu vert présidentiel pour être enregistré comme loi. Ce texte élargit la portée des systèmes de contrôle existants s'agissant de l'exportation de matières, équipements et technologies susceptibles d'être utilisés pour des armes de destruction massive, tout en interdisant toute une gamme d'activités illégales en rapport avec les armes de destruction massive et leurs vecteurs, a précisé M. Prasad. Ce projet de loi témoigne de l'engagement sans faille de l'Inde en faveur de la prévention de la prolifération nucléaire, a-t-il souligné. Il répond en outre aux exigences de la résolution 1540 du Conseil de sécurité.

En présentant le projet de loi devant le Parlement, le Ministre indien des affaires étrangères, M. K.Natwar Singh, a réitéré l'engagement de l'Inde à préserver sa sécurité en tant qu'État doté de l'arme nucléaire et a souligné que cela ne diminuait en aucune manière l'engagement du pays en faveur de l'objectif d'un monde exempt d'armes nucléaires. La politique nucléaire de l'Inde est faite de retenue, de responsabilité, de prévisibilité, de transparence et son orientation est défensive, a poursuivi M. Prasad. La politique de l'Inde n'a jamais été d'aider, d'encourager ou d'inciter un quelconque pays tiers à produire des armes nucléaires, a-t-il affirmé. Les programmes stratégiques de l'Inde, tant dans les domaines de la défense que du nucléaire, sont indigènes et ne dépendent d'aucune ressource extérieure ; ils ne sauraient donc être soumis à de quelconques contraintes imposées de l'extérieur, a déclaré M. Prasad. Dans le cadre de ces paramètres, l'Inde est disposée à s'engager le plus largement possible en faveur du régime international de non-prolifération.

M. HAMZA KHELIF (Algérie) a assuré le Président de la coopération de sa délégation afin de parvenir à des résultats positifs dans le cadre des travaux de la Conférence du désarmement. La tâche du Président s'annonce très difficile au regard de la situation internationale actuelle et des résultats de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Ce contexte est très hostile à l'entreprise du désarmement, a souligné le représentant algérien. Les résultats de la septième Conférence d'examen du TNP ont été frustrants pour l'ensemble de la communauté internationale, a-t-il insisté. Au lieu de saisir l'occasion de renforcer les acquis antérieurs en matière de désarmement nucléaire, cette Conférence d'examen n'a fait aucun pas positif dans ce domaine.

La course aux armements, notamment nucléaires, est une source de grande inquiétude, a poursuivi le représentant algérien. Comme l'a déclaré la communauté internationale à l'unanimité dans le document final de la session extraordinaire de l'Assemblée générale de 1978, cette course est contraire aux objectifs de la Charte des Nations Unies. Le représentant algérien a attiré l'attention sur la montée en flèche des budgets consacrés à la défense dans un environnement où foisonnent des doctrines militaires autorisant le recours à titre prioritaire à l'arme nucléaire et dans un monde où l'on tend à la militarisation de l'espace extra-atmosphérique. Le plan d'action qui figure dans ce document final de la session extraordinaire de l'Assemblée générale de 1978 consacrée au désarmement demeure un cadre pratique et sérieux en matière de désarmement nucléaire. Le représentant algérien a par ailleurs exprimé l'espoir que les États dotés de l'arme nucléaire respecteront l'engagement qu'ils ont pris de se défaire de leurs armes nucléaires.

Le cadre multilatéral est l'unique cadre susceptible de traiter de toutes ces questions de manière exhaustive, satisfaisante et définitive, a poursuivi le représentant algérien. De par son mandat spécifique, la Conférence du désarmement constitue le cadre idoine pour de telles négociations, a-t-il ajouté. Aussi, a-t-il espéré que le Président de la Conférence allait procéder aux consultations nécessaires avec les États membres de la Conférence en vue de parvenir à un accord sur un programme de travail global et équilibré fondé sur la proposition A5 et les idées qui y ont été ajoutées, de manière à régler les quatre questions que sont le désarmement nucléaire, les garanties négatives de sécurité, l'interdiction de la production des matières fissiles (conformément au mandat Shannon) et la prévention d'une course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique. Il faut espérer que les États membres feront preuve de souplesse pour permettre à la Conférence d'entamer sans plus tarder ses travaux, a conclu le représentant algérien.

M. ZDZISLAW RAPACKI (Pologne) a tenu à marquer le deuxième anniversaire du lancement de l'Initiative de sécurité contre la prolifération (ISP), également connue sous le nom d'Initiative de Cracovie, présentée le 31 mai 2003 par le Président des États-Unis et dont l'objectif est de promouvoir la coopération internationale pour tout ce qui a trait à l'interdiction de la livraison d'armes de destruction massive et de matériels requis pour leur élaboration, afin d'éviter que ces armes ne soient utilisées par des États ou des acteurs non étatiques qui suscitent une préoccupation du point de vue de la prolifération. L'ISP n'a aucune structure officielle, pas de siège ni de président; l'essentiel de son fonctionnement se fonde sur les activités volontaires des pays qui partagent des préoccupations au sujet de la sécurité internationale et qui sont déterminés à empêcher la prolifération des armes de destruction massive ainsi que le terrorisme. Cette initiative a pris une dimension mondiale puisqu'à ce jour, plus de soixante pays ont fait part de leur désir de la soutenir, a fait valoir M. Rapacki. Il a indiqué que son pays avait demandé au Secrétariat de la Conférence de publier comme document officiel de la Conférence le texte de l'allocution prononcée par le Ministre polonais des affaires étrangères à l'occasion du deuxième anniversaire de l'Initiative de Cracovie.

«Je présume que les résultats de la Conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) n'ont été satisfaisants pour aucune délégation», a poursuivi M. Rapacki, qui a tenu à souligner que la Pologne soutiendra fermement le régime du TNP qu'elle souhaite par ailleurs voir renforcer. Par ailleurs, la Pologne n'épargnera aucun effort pour parvenir à progresser aussi au sein de la Conférence du désarmement, a-t-il ajouté. À cet égard, il a rappelé la proposition avancée en mars dernier devant la Conférence par le Ministre polonais des affaires étrangères, M. Adam Daniel Rotfeld, visant à ce que soit créé un groupe de réflexion composé d'experts qui seraient chargés d'examiner les moyens de créer le consensus au sein de la Conférence.

M. TÜRKEKUL KURTTEKIN (Turquie) a lui aussi rappelé que cela fait deux ans qu'a été lancée, par 11 pays, l'Initiative de sécurité contre la prolifération (ISP). Le nombre de pays qui ont annoncé leur soutien à cette initiative dépasse aujourd'hui les 60, a-t-il souligné. La Turquie, en ce qui la concerne, a annoncé en décembre 2003 qu'elle soutenait cette initiative, a rappelé M. Kurttekin. Il a indiqué que son pays avait l'intention, dans les années à venir, d'accroître sa contribution à cette initiative. Dans ce contexte, a-t-il précisé, il a été décidé d'organiser, en 2006, dans le bassin oriental de la mer Méditerranée et sous direction turque, un exercice terrestre, aérien et naval conjoint, le travail préparatoire en vue de cet exercice ayant déjà commencé.

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