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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TIENT UN DÉBAT THÉMATIQUE SUR LA PRÉVENTION DU GÉNOCIDE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a tenu, hier après-midi et ce matin, un débat thématique sur la prévention du génocide, au cours de laquelle se sont exprimés le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, M. Juan E.Méndez; le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Doudou Diène; un responsable du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; les représentants de nombreux pays et organisations non gouvernementales; ainsi que des membres du Comité.

Plusieurs intervenants ont souligné que le génocide s'inscrit dans un processus à long terme, ce qui rend d'autant plus pertinente l'approche préventive face à ce fléau. Divers orateurs ont souligné combien il est nécessaire, dans le contexte de la prévention du génocide, de reconnaître l'importance des mots. D'autres ont mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un cadre juridique de protection des minorités. L'ensemble des orateurs a insisté sur la nécessité de mettre en place un mécanisme d'alerte précoce aux fins de la prévention du génocide. La nécessité, à cet égard, de définir des indicateurs pouvant être pris en compte pour le déclenchement de telles alertes a été soulignée. Ces indicateurs pourraient permettre notamment de vérifier le recours à des cartes d'identité identifiant un groupe spécifique, l'absence de cadre législatif et d'institutions visant à prévenir la discrimination raciale, l'exclusion d'un groupe particulier de certains postes ou emplois, ou encore la violence contre certains groupes minoritaires. Parmi les autres facteurs pouvant favoriser le génocide, des intervenants ont mentionné les troubles politiques ou encore les antécédents de génocide.

La nécessité de centraliser toutes les informations disponibles pour renforcer l'efficacité de la démarche préventive a également été soulignée. Plusieurs intervenants ont mis l'accent sur l'importance de la Cour pénale internationale en tant qu'élément de la prévention des génocides, de par son aspect dissuasif. D'autres ont mis l'accent sur la nécessité de faire face aux causes profondes des crimes de génocide, soulignant notamment l'importance que revêt, dans ce contexte, la promotion d'une culture de tolérance au niveau mondial.

Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un pays ne saurait s'appliquer lorsqu'il revient à protéger ceux qui commettent un génocide ou un nettoyage ethnique à grande échelle, a souligné le représentant du Rwanda, exprimant l'espoir que les Nations Unies partageront son point de vue.

Un membre du Comité a suggéré que soit menée une étude sur les effets génocidaires de la mondialisation économique. Un autre expert a jugé particulièrement importants, en tant qu'éléments d'une véritable campagne contre le génocide, le fonctionnement effectif et universel de la Cour pénale nternationale; la réforme du droit de veto au Conseil de sécurité afin d'en assouplir l'usage en cas de génocide; l'appui au dispositif d'alerte précoce et aux procédures d'urgence du Comité afin d'avertir le Conseil de sécurité des risques de conflits ethniques et de génocide; la création d'une force de réaction rapide des Nations Unies susceptible d'intervenir rapidement pour prévenir des actes de génocide. Ce dernier élément a notamment été défendu par M. Agha Shahi, membre du Comité qui avait engagé une discussion sur la prévention du génocide avec le Conseiller spécial du Secrétaire général lors de la précédente session du Comité.

Dans son intervention au début du débat, M. Méndez a notamment estimé que l'alerte précoce devrait toujours s'accompagner de propositions et recommandations pratiques permettant à la communauté internationale d'agir rapidement. Le Conseiller spécial du Secrétaire général a indiqué que son bureau pourrait judicieusement bénéficier de la coopération du Comité dans le cadre de sas procédure d'urgence et d'alerte rapide, tant il est vrai que la discrimination systématique et l'exclusion figurent souvent au nombre des causes profondes des conflits. Dans une brève intervention de conclusion, M. Méndez a ensuite relevé qu'en ce qui concerne la situation au Darfour, les pourparlers de paix sous les auspices de l'Union africaine ne mènent nulle part; il est donc nécessaire d'engager une dynamique différente pour amener les parties à la table des négociations et s'assurer qu'elles négocient de bonne foi une solution définitive au conflit du Darfour.

Le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, M. Doudou Diène, a affirmé que le moment est peut-être venu de s'interroger sur la profondeur culturelle et historique du génocide et de déconstruire les mécanismes qui y mènent pour bâtir la prévention. Les génocides qui se sont produits doivent faire l'objet d'un enseignement afin que leur mémoire puisse créer les outils intellectuels permettant de combattre les futurs génocides, a poursuivi M. Diène. La plupart des groupes qui ont fait l'objet d'un génocide physique ont d'abord été victimes d'un génocide culturel, a-t-il fait observer.


Le Comité entamera, cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de l'Australie (CERD/C/428/Add.2).



Aperçu des interventions

M. AGHA SHAHI, membre du Comité, a souligné que le Comité joue un rôle central dans la lutte contre la xénophobie, le racisme, la discrimination raciale et l'intolérance qui y est associée, qui constituent les causes profondes des conflits internes susceptibles de se traduire par un génocide à l'encontre des groupes nationaux, ethniques, raciaux, religieux ou autres. Il incombait donc tout naturellement au Comité de prendre l'initiative d'un tel débat thématique sur la prévention de ce fléau qu'est le génocide. M. Shahi a rappelé qu'au cours de la session d'août dernier du Comité, le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, M. Juan E. Méndez, avait mis l'accent sur la nécessité pour les organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme d'engager un débat international sur la question de la prévention. À l'occasion du dixième anniversaire du génocide rwandais, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, avait dévoilé devant la Commission des droits de l'homme, le 7 avril 2004, un plan d'action pour la prévention du génocide. Ce plan d'action met notamment l'accent sur la nécessité d'une action décisive - y compris, dans les cas extrêmes, une action militaire - pour stopper un génocide. Le génocide rwandais reste l'exemple le plus effroyable de manquement du système des Nations Unies qui n'est pas parvenu à évaluer correctement les signaux d'alerte d'extermination planifiée de la minorité tutsie, a rappelé M. Shahi.

M. Shahi a également rappelé qu'en janvier 2004, la première conférence internationale sur la prévention et la répression du génocide jamais organisée depuis l'adoption de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, en 1948 (entrée en vigueur en 1951), s'est tenue à Stockholm. Lors de cette conférence, le Premier Ministre suédois avait lancé un appel en faveur d'une stratégie préventive contre le génocide qui inclurait des dispositions dans le cas où la prévention échoue et où les atrocités se produisent. Le Secrétaire général a entériné cet appel en préconisant une action militaire comme mesure de dernier recours pour stopper le génocide dans les cas extrêmes. La communauté internationale doit se doter de la capacité d'un développement rapide de forces de maintien de la paix sous mandat du Conseil de sécurité afin de faire cesser le génocide lorsque la prévention échoue, a insisté M. Shahi. Il a souligné que pour un grand nombre d'experts, le génocide ne peut être empêché que par une force de réaction rapide susceptible d'être déployée dans un délai de deux ou trois jours après une alerte rapide.


Débat thématique sur la prévention du génocide

M. JUAN E.MÉNDEZ, Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, a rappelé que son mandat trouve son origine dans la résolution 1366 (2001) du Conseil de sécurité qui entendait tirer les leçons de l'incapacité à prévenir des tragédies telles que le génocide au Rwanda et le massacre de Srebrenica. Ce mandat, qui fait partie du plan d'action présenté par le Secrétaire général des Nations Unies à l'occasion du dixième anniversaire du génocide rwandais, s'inscrit dans le cadre plus large des efforts déployés par les Nations Unies afin de créer une culture de la prévention.

M. Méndez a estimé que l'alerte précoce devrait toujours s'accompagner de propositions et recommandations pratiques permettant à la communauté internationale d'agir rapidement. À cet égard, il a précisé que, depuis sa création, son bureau a fourni des notes sur les situations au Darfour soudanais, en République démocratique du Congo et en Côte d'Ivoire. L'alerte précoce exige aussi que l'on dispose d'indicateurs, a poursuivi le Conseiller spécial du Secrétaire général. Or, souvent, les indicateurs de génocide ne sont pas clarifiés et seules des analyses de portée politique plus générale sont proposées, a-t-il fait observer. Il a estimé que le personnel de son bureau et lui-même devraient faire office de point de coordination pour toutes les informations d'alerte précoce, d'où qu'elles proviennent, que ce soit de l'intérieur ou de l'extérieur du système des Nations Unies. M. Méndez a indiqué que son bureau est en train de mettre au point ses méthodes de travail et ses priorités. Il a souligné que le point de départ de son travail reste la définition juridique du génocide qui figure dans la Convention de 1948. Aussi, toute information portée à son attention et dont il se saisit doit porter sur un groupe national, ethnique, racial ou religieux exposé à un risque.

M. Méndez a indiqué que son bureau pourrait judicieusement bénéficier de la coopération de la procédure d'urgence et d'alerte précoce du Comité, tant il est vrai que la discrimination systématique et l'exclusion figurent souvent au nombre des causes profondes des conflits. Le Conseiller spécial a pris note avec intérêt des critères pour les mesures d'alerte précoce élaborés par le Comité. Il a rappelé qu'à plusieurs occasions, le Comité a alerté le Conseil de sécurité sur des cas de violations systématiques des droits de l'homme qui se transformaient en menaces de génocide. M. Méndez a par ailleurs évoqué, en tant que forme concrète de coopération entre lui et le Comité, la possibilité de visites conjointes sur le terrain.

M. DOUDOU DIÈNE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, s'est interrogé sur la problématique de la résilience du génocide. Comment se fait-il que, comme un feu de brousse, les pratiques de génocide se répètent? Le moment est peut-être venu de s'interroger sur la profondeur culturelle et historique du génocide et de déconstruire les mécanismes qui y mènent pour bâtir la prévention, a suggéré M. Diène. Le Rapporteur spécial a en outre rappelé que, pendant que le génocide rwandais se produisait, le Conseil de sécurité connaissait un blocage dû à un débat sémantique concernant la qualification de ce qui était en train de se passer. «Nommer c'est reconnaître et reconnaître, c'est agir», a insisté M. Diène. Il est important de définir ce qui, à un degré donné de pratiques discriminatoires, peut justifier le lancement d'une alerte préventive.

Le deuxième enjeu est l'enjeu de mémoire; il ne saurait être question de l'occulter, a ajouté M. Diène. Cela signifie que les génocides qui se sont produits doivent faire l'objet d'un enseignement afin que leur mémoire puisse créer les outils intellectuels permettant de combattre les futurs génocides. La lutte contre le révisionnisme des génocides est un terrain sur lequel doit également porter la prévention du génocide.

On ne peut parler de prévention du génocide sans s'interroger sur le lien entre génocide et question identitaire, a par ailleurs souligné le Rapporteur spécial. Les constructions génocidaires s'inscrivent dans la durée et non pas sur le court terme, a -t-il ajouté. Aussi, les terrains historique et éducatif sont-ils particulièrement importants dans ce contexte, a-t-il insisté. On ne peut parler de prévention du génocide sans aborder la problématique du multiculturalisme, a enfin souligné M. Diène. Il a relevé que la plupart des pays où se sont produits des génocides sont marqués par l'existence d'une réalité multiculturelle; c'est le refus de reconnaître, de respecter et de protéger ce multiculturalisme qui a été à l'origine des génocides. La plupart des groupes qui ont fait l'objet d'un génocide physique ont d'abord été victimes d'un génocide culturel, a fait observer le Rapporteur spécial.

Le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a souligné que, malgré les efforts déployés par la communauté internationale pour prévenir les génocides, le crime de génocide demeure une réalité de l'histoire récente et de l'époque actuelle. Abordant les liens existants entre le mandat du HCR et les efforts déployés en matière de prévention du génocide, il a notamment souligné que toute information émanant d'acteurs impliqués dans la prévention du génocide joue un rôle décisif dans l'identification par le HCR des besoins de protection au plan international. Le responsable du HCR a également souligné que des flux sortants de réfugiés constituent souvent un signal d'alerte précoce des risques de génocide. Un système d'alerte précoce amélioré visant à prévenir le génocide peut aussi influer positivement sur la planification opérationnelle à long terme du HCR.

Le représentant du Rwanda a rappelé que le concept de génocide est bien connu des citoyens de son pays puisqu'une partie de la population rwandaise a été victime de génocide en 1959, 1963, 1967, 1973 et 1994. Au Rwanda, tous les groupes participent au processus de décision et l'on est en train d'édifier une nation de Rwandais et non une nation qui se considèrerait comme hutue ou tutsie. Il n'y aura plus d'impunité pour les personnes qui participent au génocide, a poursuivi le représentant rwandais. Des lois ont été adoptées pour sanctionner sévèrement toute personne qui essaierait de diviser la population rwandaise sur la base de groupes ethniques, de régions ou de religions. Le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures ne saurait s'appliquer lorsqu'il s'agit de protéger ceux qui commettent un génocide ou un nettoyage ethnique à grande échelle. Le Rwanda espère que les Nations Unies partageront ce point de vue. Le représentant s'est dit préoccupé que les pays riches, à l'exception de quelques-uns, ne manifestent guère de volonté de soutenir la résolution que l'Assemblée générale a récemment adoptée (A/59/L.45) s'agissant de l'assistance aux survivants du génocide de 1994 au Rwanda.

Le représentant du Luxembourg (au nom de l'Union européenne et de plusieurs autres pays) a souligné que l'Union européenne soutient le développement et le renforcement de mécanismes de surveillance et d'alerte rapide pour la prévention du génocide. Il a indiqué que l'Union européenne souhaiterait connaître les vues du Comité sur les moyens dont il dispose pour utiliser ses procédures d'urgence dans une perspective de prévention. L'Union européenne souhaiterait également savoir comment M. Méndez s'est acquitté de la tâche qui lui a été confiée depuis sa nomination. Il apparaît que la définition d'indicateurs pour la prévention du génocide pourrait servir de base pour des activités coordonnées au sein des Nations Unies. Les actes d'incitation à la haine raciale, notamment dans les médias, sont souvent des signes de la montée de la violence au sein d'une société qui peut aller jusqu'à l'apparition d'un conflit. L'Union européenne tient à rappeler l'importance de mettre un terme à l'impunité au Darfour, tout en notant qu'il appartient au Conseil de sécurité de prendre une décision à cet égard. L'utilisation effective et efficace de la Cour pénale internationale constitue un élément de la prévention des crimes graves tels que le génocide, a souligné le représentant du Luxembourg.

Le représentant de l'Argentine a déclaré que, lorsque l'on parle de prévention, il faut sans cesse évaluer cette notion car l'expérience de ces cinquante dernières années montre que la gestion de cette notion de prévention a été insuffisante. L'Argentine est convaincue qu'une société internationale composée d'États démocratiques recherchant l'égalité effective reste la meilleure option pour prévenir l'apparition de la haine. La mémoire historique est également un facteur important à cette fin. La promotion de la non-discrimination est un aspect fondamental de la prévention et de la répression des génocides, a par ailleurs souligné le représentant argentin.

Le représentant de la Turquie a estimé qu'il est grand temps que la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide devienne universel et que son application complète soit effective. La question reste de savoir si la communauté internationale est parvenue à faire face aux causes profondes des crimes de génocide, a-t-il poursuivi. À ce stade, il semble difficile de répondre à cette interrogation par l'affirmative, a-t-il déclaré. De l'avis de la Turquie, la promotion d'une culture de tolérance, au niveau mondial, revêt une importance cruciale.

La représentante de la Suède a souligné que les événements terribles qui se sont produits au cours de la dernière décennie, au Rwanda, en ex-Yougoslavie et maintenant au Darfour, témoignent de la nécessité de déployer des efforts accrus pour développer des mesures préventives et assurer une meilleure coordination, au sein notamment du système des Nations Unies. Le problème se situe dans le manquement de la communauté internationale à parvenir à une bonne compréhension de situations complexes et à agir à temps en prenant les bonnes mesures. Souvent, le manque de volonté politique fait que les réactions sont insuffisantes et trop tardives. De l'avis de la Suède, les travaux du Comité devraient être renforcés; la coopération entre cet organe et le Conseiller spécial du Secrétaire général devrait viser à définir des mesures et procédures d'alerte précoce dont le besoin urgent se fait sentir. La représentante suédoise a mis l'accent sur la nécessité d'améliorer les possibilités de prévention du génocide. Elle a rappelé que d'importantes mesures, comme la création de la Cour pénale internationale, ont été prises.

Le représentant de l'Azerbaïdjan a souligné que la prévention de la violence contre les minorités constitue un moyen efficace de prévention du génocide. Il a mis l'accent sur la nécessité de veiller à ce que la question de la prévention du génocide ne soit pas manipulée à des fins de politique intérieure. Le génocide est un crime trop sérieux pour être invoqué avec légèreté. Le représentant a dénoncé la tentative de créer des États mono-ethniques en expulsant certains groupes de population.

Le représentant du Guatemala a souligné que le génocide est un phénomène qui touche les droits fondamentaux de tous les citoyens. Les 36 années de guerre civile au Guatemala ont coûté la vie à de nombreuses personnes, a-t-il rappelé; cette violence a pu être qualifiée de crime contre l'humanité et de génocide. Le Guatemala a donc entrepris, entre autres, de changer les attitudes et les mentalités afin que chacun prenne conscience de l'importance que revêt la notion d'État multiculturel.

La représentante du Mexique a notamment indiqué que son pays est favorable à la mise en place d'un cadre juridique pour la protection des minorités. Le Mexique estime en outre qu'il faudrait mettre en place un dispositif permettant de centraliser l'information disponible aux fins de la prévention des génocides. Des réunions périodiques entre le Conseiller spécial du Secrétaire général et divers mécanismes, dont certains rapporteurs spéciaux et le Comité, pourraient s'avérer judicieuses, a estimé la représentante mexicaine.

Le représentant d'Israël, s'exprimant au nom du peuple juif, dont les siècles de persécution ont culminé avec la Shoah, et de l'État d'Israël qui, au cours de sa courte histoire, a été menacé d'extermination, que les génocides se produisent lorsque personne ne regarde. L'expérience a montré qu'une fois déclenchée l'explosion de violence et de meurtres, il peut déjà être trop tard. La prévention du génocide doit commencer par la reconnaissance de l'importance des mots, a poursuivi le représentant. Il faut mettre en place un mécanisme d'alerte internationale chargé de faire rapport sur les activités qui peuvent constituer un génocide, a-t-il par ailleurs estimé.

Le représentant de la Syrie a notamment souligné que le Code pénal syrien prévoit des peines pour tout acte, écrit ou discours visant à inciter à la haine confessionnelle ou raciale. Il a rappelé l'article VIII de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle la Syrie est partie depuis 1955, stipule que toute Partie contractante peut saisir les organes compétents de l'ONU afin que ceux-ci prennent les mesures qu'ils jugent appropriées pour la prévention et la répression des actes de génocide, ce qui - selon lui - est particulièrement pertinent au regard du fait que les pratiques israéliennes vis-à-vis des citoyens du Golan occupé, des territoires palestiniens occupés et du Sud-Liban constituent des violations de cet instrument.

La représentante de l'Afrique du Sud a rappelé que c'est au cours de la même année, en 1994, que le génocide s'est produit au Rwanda et que l'Afrique du Sud a mis fin au système d'apartheid. Elle a affirmé que tous doivent apporter leur contribution au plan de prévention du génocide du Secrétaire général, le système des Nations Unies ne devant pas être seul à relever le défi. En affrontant la pauvreté et le sous-développement, l'Afrique contribue à la lutte contre les facteurs menant au génocide

La représentante de la Hongrie a souligné qu'un génocide ne se produit jamais du jour au lendemain. C'est un processus long au sein d'une société perturbée qui permet au génocide de se produire. Elle a mis l'accent sur l'importance, aux fins de la prévention du génocide, de la participation pleine et entière de tous les groupes composant une société, ainsi que de la reconnaissance des différences identitaires. Elle a mis l'accent sur l'importance de mettre en œuvre la Déclaration de 1992 sur les droits des personnes appartenant à des minorités.

Le représentant de Minority Rights Group, au nom également du Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, a souligné que le Comité est bien placé pour jouer un rôle en matière de prévention du génocide et pour identifier des indicateurs précoces de génocide. De tels indicateurs pourraient comprendre l'usage de cartes d'identité pour identifier un groupe spécifique; l'absence de cadre législatif et d'institutions visant à prévenir la discrimination raciale; l'exclusion d'un groupe particulier de certains postes ou emplois; ou encore la violence contre certains groupes minoritaires. Au nombre des facteurs de risque de génocide, figurent les troubles politiques ou encore les antécédents de génocide, a par ailleurs indiqué le représentant. Il a affirmé que le Comité pourrait envisager la possibilité pour son Président - comme cela est le cas pour le Président de la Commission des droits de l'homme lorsqu'il n'y a pas de consensus parmi les membres - de publier une déclaration du Président pour attirer l'attention sur une situation où une minorité est particulièrement menacée. Néanmoins, le besoin se fait clairement sentir d'une procédure qui serait opérante tout au long de l'année et non pas seulement durant les sessions du Comité.

Le représentant de UN Watch a souligné qu'il n'est possible de lutter contre l'incitation au génocide que lorsque l'on a appris les leçons de l'histoire et qu'on les a traduites en mesures concrètes. L'Holocauste a commencé par des mots, a-t-il rappelé. Il faudrait instaurer, notamment par le biais du bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général, une surveillance des médias dans les zones de génocide potentiel, a suggéré le représentant.

Le représentant du Service d'information anti-racisme (ARIS) a mis l'accent sur l'importance pour la communauté internationale, face à la question du génocide, de passer d'une culture de réaction à une culture de prévention. Il a également mis l'accent sur la nécessité de disposer de critères objectifs permettant d'identifier de façon claire le seuil à partir duquel une action sera déclenchée face à une menace de génocide. Pour autant, disposer d'un système d'alerte précoce ne sera pas efficace sans volonté politique d'agir lorsque surgit une situation potentiellement génocidaire. La Cour pénale internationale, grâce à son effet dissuasif, peut contribuer à prévenir le génocide, a insisté le représentant d'ARIS. Aussi, serait-il nécessaire que davantage d'États ratifient les Statuts de Rome de la Cour.

Mme Margaret Cox, professeur à l'Université Bournemouth (Royaume-Uni) a mis l'accent sur la nécessité, pour la communauté internationale, de se doter d'unités de réaction rapide. Insistant également sur la nécessité de disposer de capacités d'investigation dans les zones à risques, elle a plaidé en faveur du développement, dans ces zones, de centres d'expertise médico-légale.

Le représentant de la Foundation for Aboriginal and Islander Research Action (FAIRA) a rappelé que les peuples autochtones ont fait l'objet de génocide depuis le XVIe siècle, alors que l'on ne dispose d'un instrument sur le génocide que depuis 1948. Le génocide est un processus progressif de l'histoire, a-t-il souligné. Il s'agit d'une incitation à détruire tout un groupe, a-t-il précisé.

Le représentant de la Fondation des peuples autochtones de Crimée a rappelé que sous Staline, les 300 000 Tatars de Crimée avaient été déplacés, et que beaucoup sont morts de maladie. En 1954, la Crimée a été transférée à l'Ukraine et aujourd'hui, c'est donc à ce pays que s'adressent les réclamations des Tatars de Crimée. Mais l'Ukraine refuse aujourd'hui de répondre aux réclamations en arguant que ce n'est pas l'Ukraine qui est responsable de ce qui s'est passé.

La représentante de Lutheran World Association a rappelé les atrocités commises lors du génocide au Rwanda en soulignant que la propagande et l'identification de groupes indésirables constituent autant de signaux urgents qui doivent inciter à agir. Rappelant les communiqués d'alerte qu'avait publiés le général Dallaire, à l'époque responsable des Casques bleus au Rwanda, elle a mis l'accent sur la nécessité pour les Nations Unies d'écouter davantage son propre personnel sur le terrain.

Dans le cadre des interventions de membres du Comité qui ont suivi ces déclarations, a notamment été évoquée la situation au Darfour soudanais. Un expert a ainsi rappelé qu'au mois de mars dernier, le coordonnateur de l'ONU au Soudan, M. Mukesh Kapila, avait attiré l'attention sur la campagne de nettoyage ethnique qui se déroulait au Darfour et qui, selon lui, était comparable par son caractère et son ampleur au génocide rwandais. Des organisations non gouvernementales ont averti qu'alors que la communauté internationale commémore le dixième anniversaire du génocide rwandais et se lamente de n'avoir rien fait pour l'éviter, le génocide du Soudan occidental est en train d'atteindre son apogée, a insisté l'expert.

Souvent, a-t-il été souligné, les intérêts politiques des puissants freinent les mesures que le Conseil de sécurité doit adopter pour faire face aux possibles cas de génocide ou intervenir efficacement quand l'hécatombe s'est produit. Aussi, un membre du Comité a-t-il jugé particulièrement importants, en tant qu'éléments d'une véritable campagne contre le génocide: le fonctionnement effectif et universel de la Cour pénale internationale; la création d'une force de réaction rapide des Nations Unies susceptible d'intervenir rapidement pour prévenir des actes de génocide; la réforme du droit de veto au Conseil de sécurité afin d'en assouplir l'usage en cas de génocide; l'appui au dispositif d'alerte précoce et aux procédures d'urgence du Comité afin d'avertir le Conseil de sécurité des risques de conflits ethniques et de génocide.

Si le Comité devait tirer la sonnette d'alarme trop souvent, cela aurait pour effet d'amoindrir la portée et l'efficacité du système d'alerte précoce, a averti un membre du Comité.

Un autre membre du Comité a suggéré que soit menée une étude sur les effets génocidaires de la mondialisation économique. Rappelant l'importance capitale de la terre pour les peuples autochtones, cet expert a souligné que, souvent, les projets d'exploitation minière ou de développement d'infrastructures touchent tout particulièrement les terres de ces populations sans que ne soit pris en compte leur consentement éclairé.

Un expert a souligné que le Comité peut être un organe d'alerte rapide ou d'alarme précoce mais ne peut en aucun cas être un organe opérationnel en matière d'intervention d'urgence et de sanctions dans les pays en crise. Si d'aucuns voulaient voir se développer le rôle du Comité en matière de prévention du génocide par l'alerte précoce, il leur appartiendrait de lui en donner les moyens, a poursuivi ce même expert. Relevant que le mandat du Comité ne lui donne pas de tels moyens, il a affirmé que si l'on veut que le Comité joue un rôle nouveau, c'est le mandat du Comité lui-même qu'il faut sans doute élargir ou, en tout cas, interpréter de manière plus large.

Il y a beaucoup à méditer lorsque l'on se penche sur les conditions qui font émerger la haine, génératrice de génocide, a souligné un expert. Il a déploré que les relations amicales entre les peuples semblent aujourd'hui compromises.

Plusieurs experts ont souligné le scepticisme voire le refus exprimés par de nombreux États face à la suggestion - reprise dans le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement - de créer un comité sur la prévention du génocide. Comment, en effet, un tel organe, en ne se réunissant que deux ou trois fois l'an, pourrait s'avérer efficace pour réagir dans l'urgence, a souligné un expert?

Dans une brève intervention de conclusion, le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention des génocides a relevé qu'en ce qui concerne la situation au Darfour, les pourparlers de paix sous les auspices de l'Union africaine ne mènent nulle part; il est donc nécessaire d'engager une dynamique différente pour amener les parties à la table des négociations et s'assurer qu'elles négocient de bonne foi une solution définitive au conflit du Darfour.

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