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LE COMITÉ EXAMINE LA SITUATION EN PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE AU TITRE DE LA PROCÉDURE DE BILAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, cet après-midi, la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée au titre de la procédure de bilan applicable aux États parties dont la présentation du rapport au titre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale accuse un retard trop important. C'est la quatrième fois, depuis l'examen du rapport initial du pays, en 1984, que le Comité applique la procédure de bilan à la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La situation dans ce pays a en outre fait l'objet, à cinq reprises, d'un examen au titre de la procédure d'alerte rapide.

Les plus de vingt années de silence de la part de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sont source de grave préoccupation pour le Comité, a souligné Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, membre du Comité chargée de l'examen de la situation dans le pays. Elle a rappelé que le pays avait été confronté à une rébellion armée et à la tentative de sécession de Bougainville, la plus riche de ses provinces. Il semble qu'aujourd'hui, le processus de paix qui a suivi la signature en 1998 des accords de Lincoln soit très avancé. Mme Dah a rappelé que, pendant le conflit de Bougainville, les violations des droits de l'homme ont atteint des sommets; les deux camps ont commis des exactions dont les populations civiles ont fait les frais. Selon certaines informations, les violences policières sont quotidiennes et la corruption est en passe de paralyser l'administration, la police et la justice, a poursuivi l'experte. Aussi, la Papouasie-Nouvelle-Guinée gagnerait-elle à venir devant le Comité pour lui présenter les informations qu'il réclame depuis 20 ans, a conclu Mme Dah.

Mme Dah a par ailleurs indiqué que, parallèlement aux demandeurs d'asile plus ou moins tolérés, d'autres pourraient être qualifiés d'indésirables. Ils sont consignés dans des camps de rétention; leur nombre n'est pas connu avec précision et le HCR n'est pas associé au traitement de leurs dossiers. La gestion de ces personnes semble être plutôt une affaire entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et l'Australie qui ont conclu en octobre 2002 un accord instituant la possibilité pour l'Australie de refouler en Papouasie-Nouvelle-Guinée des demandeurs d'asile qu'elle ne souhaite pas recevoir sur son territoire, en contrepartie d'une aide financière.

Nombre d'experts ont apporté leur soutien à l'idée d'entrer en contact avec l'Ambassadeur de Papouasie-Nouvelle-Guinée auprès des Nations Unies à New York et il reviendra au Président du Comité de décider de la suite à donner à l'examen du cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Le Comité doit présenter ses observations finales sur les rapports des États parties examinés au cours de cette session avant la clôture de ses travaux, vendredi prochain.

Examen de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée

En tant que rapporteuse pour l'examen de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mme FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, a rappelé que c'est en 1982 que la Papouasie-Nouvelle-Guinée a ratifié la Convention. Le pays a présenté l'année suivante son rapport initial, qui fut examiné en 1984 et, depuis lors, le Comité n'a plus de contact avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Aussi, les 2ème à 12ème rapports périodiques du pays sont-ils toujours attendus à ce jour par le Comité qui a eu à soumettre la Papouasie-Nouvelle-Guinée aussi bien à sa procédure de bilan (successivement en 1992, 1993 et 2003) qu'à sa procédure d'alerte rapide (en 1994, 1995, 1997, 1998 et 2002). Plusieurs décisions ont été adoptées et communiquées au pays sans susciter aucune réaction de sa part, a ajouté Mme Dah. Ces plus de vingt années de silence de la part de la Papouasie-Nouvelle-Guinée sont source de grave préoccupation pour le Comité, a souligné l'experte. Elle a néanmoins affirmé que le Comité ne désespère pas de pouvoir ramener le pays à la table du dialogue. Le fait que le Comité ait utilisé à cinq reprises la procédure d'alerte rapide à l'encontre de la Papouasie-Nouvelle-Guinée témoigne de l'existence et de la persistance d'une situation exceptionnelle dans le pays, a déclaré Mme Dah.

Mme Dah a rappelé que 13 ans après son accession à l'indépendance et 4 ans après la soumission de son rapport initial, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a été confrontée à une rébellion armée sous la houlette d'une Armée révolutionnaire de Bougainville, suivie d'une tentative de sécession de la plus riche de ses provinces, Bougainville. Le conflit devait durer près de dix ans avec des conséquences humanitaires terribles bien que non entièrement connues, a-t-elle poursuivi. Déjà en 1997, on dénombrait environ 7 600 civils tués, plus de 60 000 personnes déplacées sur une population totale de 156 000 habitants dans la Province, a ajouté Mme Dah. Lorsque l'on sait que la population de Bougainville est à majorité d'origine indonésienne, il y avait lieu de craindre que le conflit ne prenne une connotation raciste. L'insurrection de l'Armée révolutionnaire de Bougainville et la déclaration unilatérale d'indépendance en 1990 reposaient sur une revendication dirigée contre l'exploitation de la mine de cuivre la plus importante du monde par des intérêts papouan-néo-guinéens et australiens, a rappelé Mme Dah. Il semble qu'aujourd'hui, le processus de paix qui a suivi la signature en 1998 des accords de Lincoln soit très avancé, a-t-elle ajouté. Soulignant qu'un processus de désarmement des ex-combattants et un processus d'élaboration d'une Constitution pour la province de Bougainville ont été engagés, Mme Dah a souhaité connaître l'impact de ce double processus sur les institutions de Papouasie-Nouvelle-Guinée et sur la population de la province de Bougainville. L'experte a souligné que cette crise était d'autant plus préoccupante que la Papouasie-Nouvelle-Guinée réunissait déjà un certain nombre de paramètres handicapants, au nombre desquels figure sont relatif isolement sur le plan international, dont témoigne le faible nombre d'instruments internationaux qu'il a ratifiés.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée serait l'un des rares pays en développement à ne pas abriter de bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); seul le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a pu s'implanter à une époque donnée et sous la pression des événements.

S'agissant du bilan proprement dit de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mme Dah a souligné que le rapport initial était tout à fait laconique en ce qui concerne les données démographiques du pays; aussi, s'est-elle enquise de la composition ethnique, du nombre de langues parlées, ainsi que du nombre d'immigrants, de requérants d'asile et de réfugiés dans le pays. Bien que leur nombre décroisse, les demandeurs d'asile en provenance de l'ex-Irian Jaya constituent de loin l'essentiel du contingent des requérants d'asile en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a poursuivi Mme Dah. Ils s'installent généralement le long de la frontière et ont, jusqu'ici, reçu une attention plus grande que les demandeurs d'asile d'autres provenances. En effet, c'est grâce à l'action du HCR que les demandeurs d'asile de la première vague (celle de 1984-86) furent considérés prima faciae comme réfugiés, a rappelé Mme Dah. Ceux qui arrivèrent par la suite n'eurent pas cette chance et, laissés pour compte, furent recueillis, pour la plupart, au camp catholique de Vanimo près de la frontière. En l'an 2000, a rappelé Mme Dah, 2 457 réfugiés de l'ex-Irian Jaya reçurent des permis de résidence. Ces permis sortent leurs titulaires du statut de réfugiés pour une période probatoire de 8 ans à l'issue de laquelle ils peuvent bénéficier de la citoyenneté de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a précisé l'experte. Pour ce qui est des demandeurs d'asile non admis au statut de réfugiés, notamment ceux du camp de Vanimo, a-t-elle poursuivi, des pressions ont été exercées sur eux dès 2001, en vertu d'un accord conclu entre les gouvernements de Papouasie-Nouvelle-Guinée et d'Indonésie, afin de les inciter à rentrer en Indonésie. C'est ainsi que la police de Papouasie-Nouvelle-Guinée effectua un raid de persuasion» sur le camp de Vanimo en 2001; 150 personnes retournèrent en Indonésie mais 313 autres demeurèrent au camp de Vanimo. Parallèlement à ces demandeurs d'asile plus ou moins tolérés, d'autres pourraient être qualifiés d'indésirables, a ajouté Mme Dah; ils sont consignés dans des camps de rétention. Leur nombre n'est pas connu avec précision et le HCR n'est pas associé au traitement de leurs dossiers. La gestion de ces personnes semble être plutôt une affaire entre la Papouasie-Nouvelle-Guinée et l'Australie qui ont conclu en octobre 2002 un accord instituant ce qu'il est convenu d'appeler la «pacific solution»: il s'agit pour l'Australie de la possibilité de refouler en Papouasie-Nouvelle-Guinée des demandeurs d'asile qu'elle ne souhaite pas recevoir sur son territoire, cela en contrepartie d'une aide financière. Dans un premier temps, 400 personnes, des Afghans, ont été installées par la Papouasie-Nouvelle-Guinée sur l'île de Manus. L'accord prévoyait que, contre l'aide reçue, la Papouasie-Nouvelle-Guinée héberge ces demandeurs d'asile pour six mois. Par la suite, et malgré la réprobation de l'opinion internationale, l'Australie aurait négocié l'augmentation à 1 000 demandeurs d'asile pour une période de 12 mois de séjour. Ce qui rend difficile l'analyse de ces situations, c'est que la Papouasie-Nouvelle-Guinée n'a pas élaboré de législation nationale permettant de déterminer qui bénéficie du statut de réfugié, a fait observer Mme Dah. Elle a pris note de l'évolution intéressante du point de vue du Comité que constitue le cas des 1217 enfants de réfugiés et demandeurs d'asile qui, nés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, se sont vu délivrer des certificats de naissance en 2004.

Relevant par ailleurs que le critère d'ascendance prévu à l'article premier de la Convention est absent de la définition de la discrimination raciale inscrite dans la Constitution et dans la loi de 1963 relative aux pratiques discriminatoires, Mme Dah a souhaité savoir si la législation interne condamne la discrimination raciale fondée sur ce critère. L'experte a également souhaité savoir si la Papouasie-Nouvelle-Guinée prévoit toujours d'établir une commission nationale des droits de l'homme. Elle s'est également interrogée sur le poids de la société civile dans le pays.

Pendant le conflit de Bougainville, les violations des droits de l'homme ont atteint des sommets, si l'on en croit les informations émanant, notamment, d'Amnesty International, a poursuivi Mme Dah. Les deux camps ont commis des exactions dont les populations civiles ont fait les frais. D'une manière générale, les violences policières sont quotidiennes, comme l'indique un rapport de Human Rights Watch datant de 2004, qui fait état d'une recrudescence de ce type de violence, a précisé Mme Dah. En outre, d'après certaines informations émanant du Département d'État américain, la corruption est en passe de paralyser l'administration, la police et la justice, a poursuivi l'experte.

Aussi, la Papouasie-Nouvelle-Guinée gagnerait-elle à venir devant le Comité pour lui présenter les informations qu'il réclame depuis 20 ans, a conclu Mme Dah. Elle a jugé très encourageante la présentation, en janvier 2004, devant le Comité des droits de l'enfant, du rapport initial de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle a suggéré que le Président du Comité se rende à New York pour y rencontrer l'Ambassadeur Représentant permanent de la Papouasie-Nouvelle-Guinée auprès des Nations Unies et lui faire part des attentes du Comité; le Président du Comité pourrait notamment suggérer que le pays fasse appel, s'il le juge utile, aux services consultatifs et à l'assistance technique du Haut Commissariat aux droits de l'homme, pour l'élaboration du rapport tant attendu.

Prenant à leur tour la parole, plusieurs membres du Comité ont insisté, à l'instar de Mme Dah, sur l'élément nouveau que constitue à leurs yeux la présentation, en janvier 2004, devant le Comité des droits de l'enfant, du rapport initial de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est donc en droit d'attendre une attitude similaire de la Papouasie-Nouvelle-Guinée à son égard alors que les problèmes ethniques et raciaux sont particulièrement pressants dans ce pays, a affirmé un expert.

La situation semble grave en Papouasie-Nouvelle-Guinée mais, étant donné le manque d'informations permettant de l'apprécier, il est urgent que le pays fournisse au Comité les informations qui lui sont demandées, a déclaré un membre du Comité. Un autre expert s'est demandé si la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée ne relevait pas du type de situations où le Comité pourrait envisager une visite sur le terrain.

Nombre d'experts ont apporté leur soutien à l'idée d'entrer en contact avec l'Ambassadeur de Papouasie-Nouvelle-Guinée auprès des Nations Unies à New York. Parmi les options avancées à cette fin, figurent celles de confier cette tâche au Président du Comité, à l'un de ses membres (en l'occurrence M. Amir, qui doit se rendre prochainement aux États-Unis) voire à la Haut-Commissaire aux droits de l'homme elle-même, souvent présente à New York.

Il a été décidé que le Président du Comité choisirait ultérieurement entre ces diverses options concernant la suite à donner à l'examen du cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CRD05017F