Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE L'IRLANDE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a achevé ce matin l'examen, entamé hier après-midi, du rapport initial de l'Irlande sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Frank Fahey, Ministre d'État irlandais pour l'égalité, a souligné que le pays a connu des changements remarquables ces 15 dernières années: la croissance de son économie est l'une des plus fortes du monde développé. En outre, de pays de forte émigration, l'Irlande est devenue un pays d'immigration nette. L'Irlande veille à ce que tous les immigrants soient traités équitablement et dignement, a-t-il affirmé. Il a indiqué que son Ministère travaille actuellement à un projet de nouveau cadre législatif dans le domaine de l'immigration et a informé le Comité de l'adoption récente de lois et d'amendements sur l'égalité. La communauté des gens du voyage est sans doute la minorité autochtone la plus défavorisée en Irlande, a poursuivi M. Fahey. La question de savoir si les gens du voyage constituent ou non une minorité ethnique porte à controverse, a-t-il rappelé. Un effort de coordination entre les ministères a été mené pour parvenir à de meilleurs résultats en faveur des gens du voyage, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et du logement. M. Fahey a par ailleurs fait part du lancement, le 27 janvier 2005, du Plan national d'action contre le racisme.
La délégation irlandaise était également composée de représentants du Ministère de la justice, de l'égalité et de la réforme législative; du Ministère de l'éducation et des sciences; du Ministère de l'emploi et du commerce; du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la santé et de l'enfant; du Ministère des affaires sociales et de la famille; du Bureau du Procureur général; du Bureau des statistiques; de la Police; ainsi que deux représentants de la Commission irlandaise des droits de l'homme.
Le Comité entamera, cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique du Bahreïn (CERD/C/443/Add.1).
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. FRANK FAHEY, Ministre d'État pour l'égalité, au Ministère irlandais de la justice, de l'égalité et de la réforme législative, a assuré que son pays prend très au sérieux ses obligations en vertu de la Convention, soulignant que si l'Irlande a beaucoup fait, il lui reste encore beaucoup à faire. Il a souligné que l'Irlande a fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, reconnaissant le droit des particuliers d'adresser des requêtes directement au Comité quand les recours locaux ont été épuisés. Au cœur de la Constitution irlandaise, figure un ensemble de droits fondamentaux qui sont garantis à tous, a poursuivi le Ministre d'État. Il a souligné que l'Irlande a connu des changements remarquables ces 15 dernières années; la croissance de son économie est l'une des plus fortes du monde développé; en outre, de pays de forte émigration, l'Irlande est devenue un pays d'immigration nette. L'Irlande veille à ce que tous les immigrants soient traités équitablement et dignement, a affirmé le Ministre d'État. Il a souligné que l'Irlande a toujours connu la diversité et que les communautés venus de l'étranger apportent d'importantes contributions à la vie culturelle, sociale et économique du pays.
M. Fahey a indiqué que son Ministère travaille actuellement à un projet de nouveau cadre législatif dans le domaine de l'immigration. L'élaboration d'une nouvelle loi globale sur l'immigration et la résidence fournira un cadre législatif équitable pour traiter de tous les aspects de l'entrée et du séjour des non-ressortissants en Irlande. Pour aider à l'élaboration de cette législation, le Ministère de la justice publiera sous peu un document soulignant les thèmes qui doivent être abordés dans cette législation, de manière à susciter un débat public sur la question. Le Ministre d'État irlandais à l'égalité a par ailleurs fait part de l'adoption des lois de 1998 sur l'égalité de l'emploi et de 2000 sur l'égalité de traitement, qui interdisent tant la discrimination directe que la discrimination indirecte dans les domaines de l'emploi et de l'accès aux biens et services et ce, sur neuf motifs: le sexe, le statut marital, le statut familial, l'orientation sexuelle, la religion, l'âge, le handicap, la race ou l'appartenance à la communauté des gens du voyage. Des amendements ont par la suite été apportés à ces deux lois par la loi sur l'égalité de 2004, qui donne effet en droit interne aux directives sur l'égalité 2000/43, 2000/78 et 2002/73 du Conseil de l'Union européenne.
La communauté des gens du voyage est sans doute la minorité autochtone la plus défavorisée en Irlande, a poursuivi M. Fahey. La question de savoir si ces gens du voyage constituent ou non une minorité ethnique porte à controverse, a-t-il rappelé. Quoi qu'il en soit, chacun s'accorde à reconnaître que les gens du voyage ont pâtit de l'exclusion, de privations et de discrimination, a-t-il poursuivi. Il a souligné que le Gouvernement irlandais est déterminé à combattre la discrimination et l'exclusion des gens du voyage. M. Fahey a indiqué que le Premier Ministre l'a personnellement chargé de coordonner les travaux de tous les ministères visant à parvenir à de meilleurs résultats en faveur des gens du voyage, les résultats jusqu'à présent n'ayant guère été satisfaisants en dépit des nombreux programmes mis en place dans les domaines de l'éducation, de la santé et du logement. M. Fahey a par ailleurs indiqué que le Ministère de l'éducation et des sciences est en train d'apporter la touche finale à son projet de stratégie quinquennale pour l'éducation des gens du voyage.
M. Fahey a par ailleurs fait part du lancement, le 27 janvier 2005, du Plan national d'action contre le racisme qui fournit une orientation stratégique pour la lutte contre le racisme et la promotion d'une société plus inclusive et interculturelle en Irlande. Le Ministre d'État a par ailleurs fait valoir l'implication croissante des minorités ethniques dans l'élaboration des programmes de santé. En conclusion, M. Fahey a indiqué qu'à l'issue de l'examen du présent rapport, l'Irlande apporterait tout son concours aux travaux du coordonnateur du Comité chargé du suivi des observations finales de cet organe, M. Morten Kjaerum.
Le rapport de l'Irlande (rapport initial et deuxième rapport périodique réunis en un seul document -CERD/C/460/Add.1) affirme que, quoi qu'il reste beaucoup à faire et que le Gouvernement soit conscient que le racisme pose un problème croissant en Irlande, le Comité devrait noter que l'hostilité à l'encontre des minorités ethniques reste dans l'ensemble relativement faible dans le pays. Cette constatation ne devrait pas inciter à l'autosatisfaction, le Gouvernement restant déterminé à combattre toutes les manifestations de racisme et à promouvoir une société d'insertion en appliquant un ensemble de mesures législatives, judiciaires, administratives et internationales. Lors de la ratification de la Convention, l'Irlande n'a formulé qu'une réserve, concernant la liberté d'expression, indique le rapport. La Convention n'a été ratifiée qu'en 2000 à cause du système dualiste de l'Irlande, qui exige que des mesures législatives soient adoptées pour donner effet à la Convention, précise le rapport. La promulgation de la loi sur l'égalité en matière d'emploi, de 1998, qui interdit la discrimination dans l'emploi et prévoit des recours contre toute discrimination fondée sur neuf motifs, dont le motif racial, et la loi sur l'égalité de traitement, de 2000, qui interdit la discrimination et prévoit également des recours lorsque les neuf motifs susmentionnés sont intervenus dans la fourniture de biens et de services, met l'Irlande en mesure de donner pleinement effet à la Convention.
Le rapport précise qu'un «Bureau du Directeur des enquêtes sur l'égalité - Tribunal de l'égalité» a été créé en octobre 1999, qui offre aux victimes d'actes de discrimination fondés sur l'un quelconque des neuf motifs proscrits par les lois sur l'égalité, des moyens de recours gratuits, indépendants et utiles. Au cours du même mois, le Gouvernement a créé le Bureau de l'égalité, qui est chargé d'œuvrer pour l'élimination des comportements interdits par les lois sur l'égalité, de promouvoir l'égalité des chances et de diffuser au public des informations pratiques concernant les deux lois sur l'égalité. Un Comité consultatif national sur le racisme et l'interculturalisme a en outre été créé en tant qu'organisme à but non lucratif d'experts indépendants. En juillet 2000, la police nationale (Garda Siochana) a mis sur pied le Bureau des affaires raciales et interculturelles de la Garda pour coordonner, suivre et émettre des avis sur tous les aspects des activités de la police touchant la diversité raciale, ethnique et culturelle. Avant 1996, souligne le rapport, l'Irlande était un pays d'émigration nette; aujourd'hui, des travailleurs migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile provenant de plus de 100 pays y sont représentés. En 2002, les non-Irlandais représentaient 5,8% de la population totale. De 1991 à 2002, la petite communauté musulmane a augmenté de 400% et compte aujourd'hui plus de 19 000 membres. Le rapport indique par ailleurs que la loi de 1989 sur l'interdiction de l'incitation à la haine interdit le recours à des propos ou à des actes, ou la publication ou la distribution d'ouvrages dont le caractère serait menaçant, injurieux ou insultant et qui auraient pour objet ou seraient de nature à susciter la haine. En outre, la loi de 1994 sur l'ordre public peut être utilisée dans certains cas pour réprimer des actes racistes dans l'intérêt de l'ordre public. Les dispositions de la loi de 1989 et celles de la loi sur les infractions contre l'État de 1939 interdisent les organisations qui encouragent la haine et la discrimination raciale ou y incitent. L'appartenance à de telles organisations interdites constitue une infraction pénale.
Une annexe au rapport présente les mesures législatives, administratives et autres adoptées pour combattre la discrimination à l'égard des membres de la communauté des gens du voyage; cette annexe indique notamment que les gens du voyage, au nombre de 24 000, sont une communauté irlandaise autochtone dont les membres partagent depuis longtemps un mode de vie nomade et une identité culturelle. Certains des organismes qui les représentent affirment que les membres de cette communauté constituent un groupe ethnique distinct, relève l'annexe; on ne voit pas clairement sur quelles bases repose cette affirmation. Le Gouvernement irlandais reconnaît toutefois le droit des membres de cette communauté à leur identité culturelle, indépendamment de la question de savoir si elle peut être considérée avec raison comme un groupe ethnique. Le Gouvernement est préoccupé par le fait que le Comité chargé de coordonner l'application des recommandations de l'Équipe spéciale sur la communauté des gens du voyage (créée en 1993) a jugé décevantes en général les améliorations de la situation des gens du voyage réalisées depuis la publication du rapport de l'Équipe spéciale (en juillet 1995).
Examen du rapport
Le rapporteur pour l'examen du rapport de l'Irlande, M. KURT HERNDL, a relevé que l'Irlande est en retard, en ce sens qu'elle est le dernier pays de l'Union européenne à avoir ratifié la Convention. Il n'en demeure pas moins que le pays présente aujourd'hui un rapport complet qui comporte une centaine de pages et contient pléthore d'informations, a-t-il relevé. M. Herndl a rappelé que l'Irlande a émis une réserve à l'égard de l'article 4 de la Convention (qui porte sur la condamnation de la propagande et des organisations racistes) dont il conviendra de se demander s'il est nécessaire de la maintenir. Le pays a reconnu la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles, s'est en outre réjoui l'expert, tout en se demandant si cette reconnaissance de la compétence du Comité avait fait l'objet d'une publicité dans le pays.
M. Herndl s'est interrogé sur le rapport entre l'Accord dit du Vendredi Saint et la création de la Commission nationale des droits de l'homme. Cette commission n'aurait-elle pas été créée s'il n'y avait pas eu cet Accord? L'expert s'est en outre enquis du calendrier prévu pour la loi sur l'interdiction de l'incitation à la haine. Il a également souhaité connaître les intentions du pays s'agissant de la ratification de la Convention sur la cybercriminalité.
M. Herndl a par ailleurs souhaité savoir si le motif de haine raciale constitue une circonstance aggravante lorsqu'un juge a à connaître d'un crime. Il a par ailleurs relevé que la loi sur la nationalité a changé au 1er janvier dernier; désormais, toute personne née sur le sol irlandais n'est plus automatiquement citoyen irlandais.
L'expert a d'autre part fait part de statistiques sur les incidents raciaux qui attestent d'un accroissement de leur nombre, notamment en ce qui concerne l'islamophobie.
S'agissant des gens du voyage, M. Herndl a notamment constaté que la mise en œuvre des recommandations de l'Équipe spéciale sur la communauté des gens du voyage marque le pas. Il a lancé un appel au Gouvernement irlandais afin qu'il revienne sur sa décision de ne pas reconnaître les gens du voyage irlandais comme constituant une communauté ethnique. Qu'est-ce qui explique cette réticence du Gouvernement à procéder à une telle reconnaissance des gens du voyage, s'est-il interrogé? Il s'est en outre inquiété du taux extrêmement élevé de chômage qui sévit au sein de la communauté des gens du voyage.
En conclusion, M. Herndl a reconnu que le Gouvernement irlandais a déployé des efforts considérables ces six dernières années, avant de ratifier la Convention, afin d'aligner sa législation sur les dispositions de cet instrument. L'Irlande a pris la bonne voie, a insisté l'expert.
- Un autre membre du Comité a relevé que les écoles catholiques semblent avoir le droit d'accorder la préférence à des élèves catholiques si elles sont confrontées à des problèmes de capacité d'accueil; il semble en effet qu'il soit tout à fait possible, d'un point de vue légal, d'expulser des élèves non catholiques de ces écoles pour assurer l'accueil d'enfants catholiques.
Un autre expert a souhaité en savoir davantage quant à l'action de l'ombudsman pour faire valoir le principe de non-discrimination en fonction de la race. Combien de plaintes ont-elles été déposées auprès de cette institution et combien des recommandations de l'ombudsman ont-elles été suivies d'effet?
Plusieurs membres du Comité se sont enquis des résultats atteints dans le cadre de la lutte contre les inégalités dont souffrent les gens du voyage.
Un expert a souhaité en savoir davantage sur les requérants d'asile déboutés qui sont détenus en attente d'une expulsion.
Malgré sa réserve à l'égard de l'article 4 de la Convention, il semble que l'Irlande parvienne à concilier la liberté d'expression et l'incrimination de la diffusion d'idées racistes; aussi, le pays devrait-il pouvoir lever sa réserve, ont estimé plusieurs experts.
Un membre du Comité a attiré l'attention sur le problème de dignité humaine associé à la circulation des personnes dans les aéroports, en particulier celui de Dublin. L'arabophobie et l'islamophobie ont atteint un niveau insupportable, comme en témoignent les différences de traitement dont font l'objet les personnes qui présentent des passeports en arabe, a précisé cet expert. Certes, le problème de la sécurité est posé dans tous les pays du monde, mais cela ne doit pas pour autant faire des passagers arabes et musulmans des passagers différents des autres, a-t-il souligné.
Informations complémentaires fournies par la délégation irlandaise
Plusieurs membres du Comité ayant souhaité en savoir davantage à ce sujet, la délégation a rappelé que l'Accord du Vendredi Saint, également connu sous le nom d'Accord de Belfast, est un accord intervenu le 10 avril 1998 à l'issue d'intenses pourparlers entre les gouvernements irlandais et britannique. Cet Accord entend définir une nouvelle base pour les relations entre les communautés nationaliste et unioniste en Irlande du Nord, entre le Nord et le Sud et entre la Grande-Bretagne et l'Irlande. Outre des questions constitutionnelles, les gouvernements sont parvenus à une position commune, fondée sur les principes d'autodétermination et de consentement, s'agissant du statut de l'Irlande du Nord en tant que partie du Royaume-Uni et de la manière dont il serait possible de parvenir à une Irlande unifiée avec le consentement des majorités dans les deux parties de l'Irlande. Des référendums entérinant ces principes ont été organisés en mai 1998 au Nord et au Sud et l'Accord a été approuvé, a précisé la délégation. En outre, deux commission des droits de l'homme ont été établies, au Nord et au Sud, pour placer les droits de l'homme au cœur de l'Accord. Les deux commissions ont créé un groupe de travail conjoint sur les questions de racisme, a ajouté la délégation.
S'agissant des gens du voyage et de la question de leur reconnaissance en tant que groupe ethnique, la délégation a indiqué que dans le contexte de la préparation du présent rapport irlandais, la question s'est posée de savoir s'il fallait inclure les gens du voyage dans ce document. Il est apparu que les gens du voyage ne relevaient pas de la définition de la discrimination raciale retenue par la Convention dans la mesure où ils ne paraissaient pas constituer un groupe distinct de l'ensemble de la population en termes de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique. Le Gouvernement reconnaît néanmoins que les gens du voyage ont une identité culturelle distincte et souffrent de discrimination et d'exclusion, a précisé la délégation. Il a donc été décidé qu'un rapport traitant de la situation des gens du voyage serait annexé au présent rapport présenté par l'Irlande en vertu de la Convention. Cela signifiait que le Comité pouvait se pencher sur la situation des gens du voyage et interroger le Gouvernement sur la manière dont sont traitées ces personnes, a souligné la délégation. La question de savoir si les gens du voyage sont ou non considérés comme constituant un groupe ethnique distinct au sein de la société irlandaise n'a aucune importance juridique au plan interne puisque les principes mesures anti-discriminatoires - qu'il s'agisse de la loi sur l'incitation à la haine, de la loi sur l'égalité en matière d'emploi ou de la loi sur l'égalité de traitement - identifient spécifiquement et nommément les gens du voyage comme groupe protégé.
Le Gouvernement a défini l'appartenance à la communauté des gens du voyage comme motif distinct sur la base duquel il est illégal d'exercer une discrimination en vertu de la législation relative à l'égalité, a insisté la délégation. Elle a souligné que le Gouvernement est engagé à mettre en place des politiques effectives et des mécanismes d'application visant à réaliser l'égalité pour les gens du voyage. La position du Gouvernement est que l'affirmation selon laquelle les gens du voyage seraient, du point de vue ethnique, différents de la majorité de la population irlandaise, n'est fondée sur aucune preuve tangible, a insisté la délégation. Il est important de relever que s'il existe un certain nombre de similitudes entre les gitans roms et les gens du voyage irlandais, ces derniers ne sont pas des Roms et ne partagent pas une langue, une histoire ou une culture communes avec les Roms, a ajouté la délégation.
La délégation a reconnu qu'en dépit des efforts, les résultats sont faibles en ce qui concerne les emplois que l'on est parvenu à offrir aux gens du voyage. Il semble que cela soit notamment dû au fait que les membres de cette communauté n'ont pas été en mesure de tirer parti du système d'éducation irlandais. Il n'en demeure pas moins que les gens du voyage ont un esprit d'entreprise extrêmement développé, a remarqué la délégation.
La délégation a par ailleurs admis que la situation sanitaire de la communauté des gens du voyage, a fortiori pour ce qui est des femmes appartenant à cette communauté, est bien pire que celle du reste de la population.
La délégation a par ailleurs fait valoir qu'en Irlande, les requérants d'asile ont accès à tout un éventail de services de santé, ce qui est peu commun en Europe où les demandeurs d'asile n'ont généralement accès qu'à des services d'urgence.
En ce qui concerne les questions d'immigration, la délégation a notamment indiqué qu'au début de cette semaine, le Gouvernement irlandais a approuvé la création d'un nouveau service, le Service irlandais d'immigration et de naturalisation, chargé de mettre en place un système cohérent d'immigration, y compris pour l'octroi des permis de travail et des visas, et qui absorbera les structures actuelles traitant de l'asile, de l'immigration et de la citoyenneté. Le Conseil économique et social irlandais a commandé une étude globale sur la politique migratoire qui sera publiée dans le courant de l'année, a ajouté la délégation. La délégation a précisé que l'Irlande a délivré 34 000 permis de travail en 2004.
En ce qui concerne la question de la détention des requérants d'asile déboutés, la délégation a souligné que l'expulsion de ces personnes n'intervient qu'à l'issue d'une procédure extrêmement longue et complexe. Généralement, les personnes en attente d'expulsion ne sont pas arrêtées ni détenues, à condition qu'elles respectent un certain nombre de conditions, et notamment qu'elles résident à une adresse particulière ou encore qu'elles se manifestent à intervalles réguliers auprès des services concernés. La réalité, toutefois, est que nombre de demandeurs d'asile déboutés cherchent à échapper aux ordres d'expulsion. Environ un quart seulement des ordres d'expulsion prononcés l'an dernier ont été exécutés, a précisé la délégation. Quoi qu'il en soit, la détention n'est appliquée qu'en mesure de dernier recours. Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays européens, l'Irlande ne dispose pas de locaux ou centres d'expulsion spécifiquement consacrés à l'immigration; les personnes détenues dans ce contexte le sont dans une prison moderne, ouverte en 1999, généralement destinée aux détentions préventives.
La délégation a souligné que le Plan national d'action contre le racisme récemment publié définit spécifiquement ce qu'il convient d'entendre par «intégration». L'intégration relève d'un processus à double sens qui impose des devoirs et des obligations tant aux minorités ethniques et culturelles qu'à l'État en vue d'instaurer une société plus inclusive. Dans le contexte du Plan national d'action, la promotion de l'intégration se traduit par une série de stratégies ciblées visant l'inclusion de groupes tels que les gens du voyage, les réfugiés et les migrants, a précisé la délégation.
S'agissant de la question de savoir si le motif racial d'un crime peut constituer une circonstance aggravante, la délégation a souligné que les juges sont indépendants et que personne ne saurait leur dicter la manière dont ils doivent agir. Les juges disposent d'un pouvoir discrétionnaire pour déterminer la sentence à appliquer face à un crime. En revanche, les juges étant très jaloux de leur indépendance, il semble difficile d'imaginer qu'un autre organe de l'État leur dicte la démarche à suivre pour la détermination de la peine qu'ils ont à prononcer.
S'agissant des questions d'éducation, la délégation a indiqué que des communautés ethniques peuvent créer leurs propres écoles, à condition qu'elles respectent un certain nombre de critères dont l'un a trait au nombre minimum d'enfants inscrits. Sur les 3150 écoles primaires que comptait l'Irlande en 2003, dont 2 112 étaient catholiques. La délégation a également mentionné l'existence de deux écoles musulmanes et une juive, entre autres. La loi exige que les écoles publient leurs critères d'admission, lesquels doivent respecter le principe d'égalité, a-t-elle ajouté. En dépit du fait que la majorité des écoles irlandaises sont catholiques, ce sont des écoles publiques et tous les enfants y sont les bienvenus, a précisé la délégation. La réalité est que nombre d'écoles intègrent des élèves provenant de divers contextes nationaux ou religieux. Le Ministre de l'éducation ne doit pas exiger d'un élève qu'il suive un enseignement dans une discipline qui est contraire à ses convictions religieuses ou à celles de ses parents, a précisé la délégation.
Interrogée sur la question de savoir s'il est possible, dans une école irlandaise, de prendre une décision d'expulsion à l'encontre d'une élève qui porterait un foulard musulman, la délégation a indiqué qu'il n'existe pas de jurisprudence dans ce domaine mais qu'il est fort probable qu'une telle décision soit contraire à la loi sur l'égalité de statut, qui stipule qu'un établissement ne doit pas faire de distinction en matière d'admission des élèves.
La délégation a rappelé qu'en 2000, le Comité consultatif national sur le racisme et l'interculturalisme a présenté un Protocole antiracisme pour les partis politiques ainsi qu'une déclaration d'intention pour les candidats aux élections. Le Protocole a été signé par tous les partis politiques.
À l'heure actuelle, la question de la signature du Protocole sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe est activement examinée par l'Irlande, a par ailleurs indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs fait valoir que depuis la publication du rapport, l'Irlande connaît une tendance à la baisse du nombre d'incidents à motivation raciste enregistrés par la police nationale irlandaise (la Garda Siochana). S'il faut s'en réjouir, il convient néanmoins de s'abstenir de toute complaisance face à cette évolution et l'Irlande continuera de renforcer ses efforts en matière de lutte contre les actes racistes, a précisé la délégation.
Un représentant du Comité contre le racisme de la Commission irlandaise des droits de l'homme a souligné que cette Commission est indépendante du Gouvernement irlandais. Dès le début, a-t-il souligné, la Commission a décidé de faire de la question du racisme l'une de ses priorités principales; aussi, travaille-t-elle étroitement avec le Comité consultatif national sur le racisme et l'interculturalisme et avec l'autorité chargée de l'égalité. La Commission travaille aussi étroitement avec la Commission des droits de l'homme de l'Irlande du Nord et a créé avec cette dernière un comité conjoint sur le racisme. La Commission a notamment publié des documents militant en faveur des gens du voyage. Elle a aussi publié un guide de l'utilisateur de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La Commission a également critiqué la proposition du Gouvernement d'abroger la disposition constitutionnelle selon laquelle tous les enfants nés en Irlande étaient citoyens irlandais. De l'avis de la Commission, les requérants d'asile en attente d'une décision les concernant devraient être autorisés à travailler, a poursuivi le représentant. La législation irlandaise relative à l'immigration est dépassée du fait de l'évolution récente des flux migratoires en Irlande, a-t-il ajouté. Il a par ailleurs souligné que la Commission est préoccupée par la situation des femmes travailleuses migrantes ainsi que par la traite des femmes dans l'industrie du sexe.
Une autre représentante de la Commission irlandaise des droits de l'homme a notamment attiré l'attention sur deux enquêtes menées par cet organe et portant, l'une, sur les prestations sociales et, l'autre, sur le traitement des étrangers à leur arrivée à l'aéroport de Dublin, afin de tirer au clair les droits et la pratique dans ces domaines. La représentante a souligné que la Commission peut aider une personne dans les procédures juridiques afférentes à une question relative aux droits de l'homme; à ce jour, toutefois, la Commission n'a pas encore exercé de telles fonctions, a-t-elle précisé.
Observations préliminaires
Présentant des observations préliminaires sur le rapport irlandais, M. KURT HERNDL, rapporteur du Comité chargé de l'examen de ce rapport, a exprimé sa reconnaissance à la délégation irlandaise pour avoir présenté un rapport aussi exhaustif, qui englobe toutes les questions pertinentes. Il a relevé le sérieux avec lequel le Gouvernement appréhende ses obligations internationales et a pris note de la refonte complète de la législation irlandaise dans les domaines qui intéressent le Comité. Il a néanmoins mis l'accent sur la nécessité d'assurer un financement adéquat aux nombreuses institutions qui ont été créées. Parmi les questions en suspens, la plus importante reste celle qui concerne les gens du voyage, a poursuivi M. Herndl. La question demeure posée en ce qui concerne la reconnaissance de cette communauté en tant que groupe ethnique distinct, a-t-il souligné. Il convient d'éliminer tous les traitements défavorables dont font encore l'objet les gens du voyage, a-t-il ajouté. M. Herndl a par ailleurs pris note de la révision en cours de la loi sur l'incitation à la haine. Il a relevé un sujet sur lequel il ne semble pas être possible, pour l'heure, de parvenir à un accord avec l'Irlande, à savoir la question de l'intégration de la Convention dans le droit interne. D'une manière générale, il s'agit du commencement d'un dialogue qui s'est engagé très positivement, a finalement conclu M. Herndl.
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