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Examen de la République centrafricaine au Comité des disparitions forcées : les experts se penchent notamment sur l’adaptation du cadre juridique du pays, la question des arrestations illégales et la poursuite des auteurs de disparitions forcées

Compte rendu de séance

 

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la République centrafricaine portant sur les mesures prises par le pays pour appliquer la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation centrafricaine venue présenter ce rapport, un expert a cité des rapports de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) relatant des faits qui, de l’avis du Comité, pourraient constituer des cas de disparition forcée, notamment plusieurs arrestations de personnes par les Forces Armées Centrafricaine (FACA) suivies de mauvais traitements, sans qu’aucune enquête n’ait été menée. En 2023, la MINUSCA a ainsi documenté 41 cas d’arrestations et de détentions illégales imputables aux seules FACA. Dans un certain nombre de cas, ces privations illégales de liberté aboutissent à la disparition forcée des personnes concernées, a mis en garde l’expert.

Un autre expert a demandé si le Code pénal centrafricain avait été amendé afin d’accorder une place autonome à l’infraction de disparition forcée, conformément aux dispositions de la Convention ; il a aussi demandé où en était la création d’un registre des personnes disparues en République centrafricaine – un outil d’une importance cruciale, a-t-il souligné.

Ce même expert a fait remarquer que, dans le contexte actuel en République centrafricaine, les auteurs de disparitions forcées, même s’ils sont connus, ne sont pas toujours poursuivis, encore moins jugés et condamnés. La question se pose donc de savoir qui est responsable des réparations dues aux victimes, a ajouté l’expert.

Il a été demandé quelles autorités étaient habilitées à mener des enquêtes sur les crimes commis par les forces armées et les groupes armés en République centrafricaine. En dehors des enquêtes et procès menés par la Cour pénale spéciale, il y a très peu d’informations sur les procédures et les condamnations d’auteurs de violations des droits de l’homme par la justice centrafricaine, a fait remarquer un expert.

L’engagement de l’État, tel que démontré par la délégation, à conformer son droit et sa pratique aux exigences de la Convention a été salué.

Présentant le rapport, M. Firmin Gabin N'Gbeng Mokoue, Chargé d’affaires par intérim de la République centrafricaine auprès de l’Office des Nations Unies, a précisé que le Code pénal centrafricain incriminait non seulement la disparition forcée, mais qu’il allait bien au-delà des dispositions de la Convention en incluant les acteurs politiques susceptibles de commettre ce crime, en le classifiant parmi les actes constitutifs de crimes contre l’humanité. De plus, des infractions pouvant être considérées comme connexes au crime de disparition forcée – arrestations illégales, séquestration de personnes, prise d’otages, enlèvements, traite des personnes, trafic d’enfants et esclavage – sont sévèrement punies par le Code pénal.

Sur le plan judiciaire, la République centrafricaine a établi sa compétence universelle et territoriale pour connaître des crimes de disparition forcée conformément à l’article 9 de la Convention, a aussi expliqué le Représentant permanent. De plus, les juridictions centrafricaines sont compétentes pour connaître des crimes de disparition forcée commis sur ou hors du territoire national.

Outre ces juridictions nationales, il faut noter l’existence de la Cour pénale spéciale, juridiction hybride composée de juges nationaux et internationaux, et la possibilité de déférer certaines affaires à la Cour pénale internationale, a ajouté le Représentant permanent. La Cour pénale spéciale a ainsi délivré un mandat d’arrêt international le 27 février 2024 contre l’ancien Président de la République François Bozizé pour des faits présumés de crimes graves contre le droit international des droits de l’homme, parmi lesquels le crime de disparition forcée, a rappelé M. N'Gbeng Mokoue.

La délégation centrafricaine était composée de représentants du Ministère de la justice, de la promotion des droits humains et de la bonne gouvernance, d’autres ministères sectoriels, du Réseau des parlementaires pour les droits de l’homme, et de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Pendant le dialogue, la délégation a précisé notamment que les rapports de la MINUSCA étaient considérés comme des sources d’information fiables par le Gouvernement, et chaque cas signalé donnait lieu à des vérifications et à des actions par le Gouvernement. Conscient toutefois que la situation n’est pas parfaite, le Gouvernement a pour objectif de lutter contre l’impunité, a également assuré la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la République centrafricaine et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 4 avril.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Pérou présentera un rapport contenant des renseignements complémentaires sur l’application de la Convention demandés par le Comité.

 

Examen du rapport de la République centrafricaine

Le Comité était saisi des réponses apportées par la République centrafricaine à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité en l’absence de rapport présenté par le pays.

Présentation

M. FIRMIN GABIN N'GBENG MOKOUE, Chargé d’affaires par intérim de la République centrafricaine auprès de l’Office des Nations Unies, chef de la délégation centrafricaine, a d’abord précisé que son pays avait ratifié la Convention en 2016 et qu’il soumettait un premier rapport tenant lieu de rapport initial et couvrant la période de 2016 à 2024. L’élaboration de ce rapport, a-t-il indiqué, a suivi un processus participatif impliquant les départements ministériels, le Parlement, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les organisations de la société civile réunies dans le Comité permanent de rédaction des rapports et de suivi des recommandations, qui est aussi l’organe de suivi de la mise en œuvre des recommandations et rapports liés aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

La République centrafricaine étant de tradition moniste, aussitôt ratifiée, la Convention a immédiatement intégré le droit interne : dès lors, ses dispositions sont opposables aux juridictions nationales et les autorités compétentes ont l’obligation de les faire respecter et d’en assurer l’application, a ensuite indiqué le Représentant permanent.

À cet effet, des dispositions ont été prises pour consacrer les garanties accordées à toute personne contre les disparitions forcées. Ainsi, la Constitution du 30 août 2023, sans mentionner expressément la disparition forcée, proclame-t-elle néanmoins le caractère sacré et inviolable de la personne humaine, le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de la personne, l’interdiction formelle des actes de torture, de même que le droit à être entendu par une juridiction, à bénéficier de la protection des pouvoirs publics et au respect de la dignité humaine : autant d’éléments qui concourent à la protection contre les disparitions forcées, a fait remarquer le Représentant permanent.

Le Code pénal centrafricain, a poursuivi M. N'Gbeng Mokoue, incrimine non seulement la disparition forcée, mais va bien au-delà des dispositions de l’article 2 de la Convention en incluant une catégorie de personnes, en l’occurrence les acteurs politiques, susceptibles de commettre ce crime, en le classifiant parmi les actes constitutifs de crime contre l’humanité.

Par ailleurs, des infractions pouvant être considérées comme connexes au crime de disparition forcée – arrestations illégales, séquestration de personnes, prise d’otages, enlèvements, traite des personnes, trafic d’enfants et esclavage – sont sévèrement punies par le Code pénal.

Sur le plan institutionnel, les structures en charge ainsi que les programmes permettant de prévenir et de réprimer le crime de disparition forcée sont étoffés. On peut citer, a dit le Représentant permanent, les ministères de la Justice, de la Défense, de la Sécurité publique, de l’Action humanitaire, de la Protection de la femme et de l’Enfant avec leurs différents services, qui ont tous pour mission régalienne la protection, la sécurité et la garantie des droits inhérents aux personnes selon leurs catégories et les circonstances.

Sur le plan judiciaire, la République centrafricaine a établi sa compétence universelle et territoriale pour connaître des crimes de disparition forcée conformément à l’article 9 de la Convention. De plus, aux termes des articles 320 et 321 du Code de procédure pénale, les juridictions centrafricaines sont compétentes pour connaître les crimes de disparition forcée commis sur ou hors du territoire national.

Outre ces juridictions nationales ainsi compétentes, il faut noter l’existence de la Cour pénale spéciale, juridiction hybride composée de juges nationaux et internationaux, et la possibilité de déférer certaines causes à la Cour pénale internationale, a ajouté le Représentant permanent. La Cour pénale spéciale a ainsi décerné un mandat d’arrêt international le 27 février 2024 contre l’ancien Président de la République François Bozizé pour des faits présumés de crimes graves contre le droit international des droits de l’homme, parmi lesquels le crime de disparition forcée.

Le Représentant permanent a évoqué ensuite deux programmes élaborés par la République centrafricaine dans le cadre de la protection contre les disparitions forcées : la Politique sectorielle de la justice (PSJ) et la Politique nationale des droits de l’homme (PNDH).

La PSJ a pour finalités de restaurer la justice sur toute l’étendue du territoire suite aux crises récurrentes dont le pays se libère progressivement et de lutter contre l’impunité en pourvoyant les ressources humaines, matérielles et financières, ainsi que la réhabilitation des structures judiciaires. La Politique nationale des droits de l’homme, quant à elle, met un accent particulier sur le respect des engagements internationaux de la République centrafricaine issus des instruments internationaux et régionaux en matière de droits de l’homme déjà ratifiés et ceux à ratifier.

Le Représentant permanent a renouvelé la ferme volonté de l’État centrafricain de promouvoir et protéger les droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire national. Dans ce contexte, a-t-il relevé, des défis demeurent, notamment d’ordre financier et technique, dont le gouvernement est conscient. M. N'Gbeng Mokoue en a appelé à la solidarité de la communauté universelle des droits de l’homme pour qu’elle maintienne la République centrafricaine dans son agenda afin de lui apporter le soutien nécessaire à la réalisation de cette cause commune qui est le respect de la dignité humaine.

Questions et observations des membres du Comité

M. MATAR DIOP, corapporteur pour l’examen du rapport de la République centrafricaine, a relevé qu’en l’absence de rapport initial, les réponses du pays aux questions soumises par le Comité avaient été élaborées selon un processus inclusif, avec la participation de la société civile et de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CNDHLF). L’expert a demandé quelles étaient les composantes de la société civile dans le contexte actuel marqué par les tensions intercommunautaires et les rébellions armées ; comment étaient nommés les membres de la Commission ; et si cette Commission était indépendante.

L’expert a demandé si la République centrafricaine reconnaîtrait la capacité du Comité à recevoir des communications (plaintes) individuelles ou interétatiques.

M. Diop a ensuite demandé où en était la création par l’État partie, avec ou sans la collaboration de partenaires financiers et techniques, d’une base de données sur les disparitions forcées.

Concernant l’incrimination de la disparition forcée, l’expert a demandé si, comme le mentionnent les réponses du pays, le Code pénal avait été amendé afin d’accorder une place autonome à l’infraction de disparition forcée conformément aux dispositions de l’article 2 de la Convention. M. Diop a également voulu savoir quelles dispositions pénales du droit positif national permettaient de poursuivre la disparition forcée lorsqu’elle n’est pas considérée comme un crime contre l’humanité.

M. Diop s’est interrogé pour savoir si, vu l’ampleur du phénomène de disparitions lié aux conflits intercommunautaires et à la rébellion en cours dans le pays, l’ex-Président Bozizé était l’unique auteur présumé de cette infraction, sachant, a ajouté l’expert, qu’il ne pouvait en être que le commanditaire. L’expert a demandé ce qu’il adviendrait des exécutants ; et si des plaintes avaient été déposées concernant des disparitions commises par des mercenaires, des sociétés militaires privées et des membres de groupes paramilitaires ou d’autodéfense comme la Seleka, les Anti-balaka ou le groupe russe Wagner.

M. Diop a demandé pourquoi, en mai 2024, les onze membres de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation avaient été révoqués après une mission dans le sud-ouest du pays destinée à enquêter sur des cas d’enlèvements meurtriers.

M. Diop a également voulu savoir quelles mesures l’État prenait pour soutenir les victimes, notamment les proches des personnes disparues.

L’expert a aussi fait remarquer que le système judiciaire centrafricain était saisi de plusieurs plaintes pour disparition forcée, disparition suspecte ou disparition involontaire.

M. Diop a fait remarquer que, dans le contexte actuel en République centrafricaine, les auteurs de disparitions forcées, même s’ils sont connus, ne sont pas toujours poursuivis, encore moins jugés et condamnés. La question se pose notamment de savoir qui est responsable des réparations dues aux victimes, a souligné l’expert. Il a demandé s’il existait un cadre formel pour les échanges d’informations entre l’État et les personnes qui cherchent à élucider le sort de proches disparus.

Enfin, M. Diop a demandé où en était la création d’un registre des personnes disparues en République centrafricaine – un outil d’une importance cruciale, a-t-il souligné.

M. OLIVIER DE FROUVILLE, corapporteur pour l’examen du rapport de la République centrafricaine, a ensuite demandé si la disparition forcée en tant que crime autonome, que le nouveau Code de procédure pénale intégrera, serait soumise à un régime de prescription conforme à la Convention.

Le Code de procédure pénale centrafricain ne prévoit pas explicitement que la Convention serve de base à la compétence de la République centrafricaine pour poursuivre des personnes pour des crimes commis hors du territoire national, a relevé l’expert. Il a demandé comment assurer la complémentarité entre la Cour pénale spéciale et la Cour pénale internationale alors qu’il arrive que les deux instances lancent des poursuites contre les mêmes personnes ; et si des poursuites pour disparition forcée avaient été lancées devant les juridictions nationales.

Par ailleurs, pour le Comité, la compétence des tribunaux militaires doit être exclue dans les cas de violations massives des droits de l’homme, y compris les disparitions forcées, a rappelé M. de Frouville.

L’expert a demandé quelles autorités étaient habilitées à mener des enquêtes sur les crimes commis par les forces armées et les groupes armés en République centrafricaine. Il s’est aussi enquis des mesures prises pour garantir l’accès aux lieux de détention, y compris aux lieux non officiels, ainsi que pour assurer la protection des familles des victimes, des personnels chargés de mener les enquêtes et du personnel judiciaire.

L’expert a cité des rapports de la MINUSCA relatant des faits qui, de l’avis du Comité, pourraient constituer des cas de disparition forcée, notamment plusieurs arrestations de personnes par les FACA suivies de mauvais traitements, ainsi que des rapports faisant état de l’utilisation illégale de la mise en garde à vue, sans qu’aucune enquête n’ait été menée.

M. de Frouville a demandé si des enquêtes étaient menées sur les nombreuses allégations de recrutement forcé d’enfants par des groupes armés.

Il a fait remarquer qu’en dehors des enquêtes et procès menés par la Cour pénale spéciale, il y avait très peu d’informations sur les procédures et les condamnations d’auteurs de violations des droits de l’homme par la justice centrafricaine.

M. de Frouville a voulu savoir si le droit centrafricain interdisait tout éloignement du territoire lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que la personne concernée risque d'être victime d'une disparition forcée.

En 2023, la MINUSCA a documenté 41 cas d’arrestations et de détentions illégales imputables aux seules FACA, affectant 98 victimes, a ensuite constaté M. de Frouville. Dans un certain nombre de cas, ces privations illégales de liberté aboutissent à la disparition forcée des personnes concernées, a-t-il mis en garde.

À cet égard, l’expert a demandé s'il existait une disposition juridique interdisant expressément la détention secrète en République centrafricaine, et comment, au vu de la surpopulation carcérale et des conditions de détention difficiles, l’État pouvait assurer l’effectivité des garanties prévues aux articles 17 et 18 de la Convention (concernant respectivement l’interdiction de la détention au secret et l’accès aux informations relatives aux personnes privées de liberté). M. de Frouville a notamment voulu savoir si les avocats et les membres des familles pouvaient contester la légalité de la détention d’une personne et accéder aux informations contenues dans les registres des personnes détenues.

M. de Frouville a dit apprécier l’engagement de l’État partie, tel que démontré par la délégation, à conformer son droit et sa pratique aux exigences de la Convention. Il s’est cependant étonné de l’absence totale de contribution de la société civile centrafricaine à l’examen du rapport.

Une autre experte membre du Comité a constaté que beaucoup de progrès avaient été accomplis dans la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. Elle a prié la délégation d’indiquer comment le Parlement envisageait ces textes révisés.

Une experte a voulu savoir quelles mesures de protection et de soutien étaient prévues en faveur des femmes victimes de violences sexuelles pendant le conflit, et si des mesures étaient prises pour protéger les filles contre le recrutement forcé par des groupes armés.

Réponses de la délégation

La délégation a déclaré que la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales était indépendante et financée par le budget national. Les fonds qui lui sont affectés ont doublé ces dernières années ; pour certaines activités, elle bénéficie du soutien international, en particulier du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à travers la division des droits de l’homme de la MINUSCA. La Commission est indépendante, jouit de l’autonomie administrative et n’est soumise qu’à la loi, aucune injonction ou orientation ne devant lui être faite.

La Commission a été interpellée à plusieurs reprises au sujet de disparitions, mais, faute de moyens, n’a pu corroborer les allégations, a-t-il été précisé. En cas de disparition, forcée ou non, la Commission peut demander à la police de procéder à une enquête.

Dès lors que la Constitution prévoit l’application des traités internationaux ratifiés par la République centrafricaine dans l’interprétation et l’application du Code pénal, le juge fait appel à tous les textes à sa disposition pour juger les cas qui lui sont soumis, a-t-il été précisé en réponse à une question de M. de Frouville.

La réforme du Code pénal prévoit de faire de la disparition forcée un crime autonome, incluant ses actes constitutifs simples ou aggravés, a ensuite indiqué la délégation. Le crime pourra ainsi être poursuivi conformément aux définitions contenues dans ces nouveaux textes. La réforme est très avancée et le Gouvernement est saisi des premières moutures, ainsi que d’un projet révisé de Code de procédure pénale, a ajouté la délégation.

Un mandat d’arrêt a été lancé contre l’ancien Président de la République, présumé auteur intellectuel de plusieurs crimes. Cela n’empêche pas que les exécutants, auteurs matériels ou complices de ces crimes puissent faire l’objet de poursuites, plusieurs dénonciations et plaintes étant actuellement aux mains de la justice centrafricaine et de nombreuses affaires étant pendantes, a dit la délégation.

S’agissant de la complémentarité des juridictions, la délégation a précisé que si les juridictions nationales ont la capacité de traiter les plaintes, elles le feront ; à défaut, elles peuvent saisir la Cour pénale spéciale, voire la Cour pénale internationale.

Tous les rapports de la MINUSCA sont considérés comme des sources d’information fiables par le Gouvernement, a insisté la délégation, et chaque cas signalé donne lieu à des vérifications et à des actions par le Gouvernement. Ainsi, le Ministre de la justice ne reste pas inactif face aux exactions contre la population : il a mis en place une commission d’enquête judiciaire qui a procédé à des enquêtes sur le terrain et recueilli des preuves. Des poursuites sont ouvertes contre les auteurs présumés de crimes de masse très complexes, dont plusieurs ont déjà été identifiés. Cependant, conscient que la situation n’est pas parfaite, le Gouvernement a pour objectif de lutter contre l’impunité, a assuré la délégation.

Des mécanismes ont été mis en place pour protéger les victimes et les témoins, a aussi fait savoir la délégation, et la loi prévoit des possibilités d’indemnisation pour les victimes et survivants. De plus, la Cour pénale spéciale et la Cour pénale internationale disposent de fonds pour les victimes. Le Gouvernement entend également créer un tel dispositif.

S’agissant de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, il a été précisé que le Gouvernement avait longtemps refusé de s’ingérer dans le fonctionnement de cette instance, qui était en crise en raison de querelles internes. La Commission est le pendant de la Cour pénale spéciale dans le système de justice transitionnelle du pays. La Commission n’ayant produit aucun résultat concret depuis trois ou quatre ans, le Gouvernement a finalement été obligé d’intervenir, sur la base de rapports du Ministère de la justice, pour garantir le bon fonctionnement de l’instance. Un comité indépendant a procédé à la sélection des nouveaux membres de la Commission.

Il n’existe pas encore en République centrafricaine de registres spécifiques aux cas de disparition forcée, a poursuivi la délégation tout en indiquant que le pays s’efforcerait, comme le demande la Convention, d’en créer un. Actuellement, le registre d’écrou recense toutes les personnes placées en détention ; d’autres registres concernent notamment les décès, les visites ou encore les correspondances des personnes détenues avec l’autorité judiciaire.

Elle a par ailleurs relevé que, sur le terrain, la Commission des droits de l’homme a ponctuellement constaté que les registres d’écrou n’étaient pas systématiquement tenus à jour dans certains lieux de détention. L’alerte a été donnée à ce sujet et des mesures correctives sont en cours.

La délégation a fourni d’autres informations concernant les mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale, qui constitue une préoccupation constante du Gouvernement. Ces mesures incluent principalement la formation de nouveaux personnels afin d'accélérer le traitement des dossiers judiciaires, la réhabilitation progressive des lieux de détention et l’application de peines alternatives à la détention pour désengorger les prisons. Les crises que le pays a traversées ont impacté les lieux de détention, très souvent visés par les belligérants, a rappelé la délégation. Le Gouvernement prévoit également l'ouverture d'une nouvelle prison de grande capacité à Bangui, répondant aux normes internationales.

En République centrafricaine, la garde à vue est limitée à 48 heures ; par la suite, les personnes placées sous mandat de dépôt par un juge ne peuvent être gardées en détention provisoire que pendant deux ans, a-t-il été précisé.

La République centrafricaine, partie à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, interdit tout refoulement des personnes demandant une protection internationale, y compris lorsqu’il existe un risque de disparition forcée, a fait savoir la délégation. De plus, en droit centrafricain, tout appel d’une décision de justice a un effet suspensif, a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, l’interdiction de la détention secrète en République centrafricaine implique le droit d’accéder aux personnes détenues (y compris dans les locaux de la police) et le droit, pour ces dernières, de bénéficier des services d’un avocat, a poursuivi la délégation.

La délégation a ensuite précisé que toute arrestation par les FACA doit obligatoirement être suivie de la remise de la personne concernée à la police judiciaire ou à la gendarmerie. Si l’unité des FACA est en opération dans un lieu éloigné, la remise s’effectue aussitôt que possible. Le Gouvernement veille à ce que ces règles soient respectées, a assuré la délégation.

Le Code de protection de l’enfantcontient des dispositions spécifiques visant la protection des enfants contre tout type d’abus, a poursuivi la délégation. En outre, un programme inclus dans la politique nationale des droits de l’homme traite spécifiquement de la réinsertion des enfants recrutés par des groupes armés. Quant à l’adoption internationale, elle est régie par des règles très strictes. Notamment, si la démarche présente le moindre risque pour l’enfant, la justice peut ordonner la révocation de l’adoption.

En cas de disparition forcée ou d’autre infraction dénoncée à la justice, seul le tribunal peut ordonner le versement d’indemnités à l'issue du procès. Cependant, les victimes peuvent bénéficier d’autres formes d’appui aux personnes vulnérables mises en place par les autorités, ainsi que de l’accès à des permanences juridiques gratuites.

Aucune plainte formelle pour disparition forcée n’a été reçue ; toutefois, il incombe à l’État de déclencher des investigations en cas d’allégation de disparition forcée, a insisté la délégation. Les organisations de victimes sont systématiquement associées aux démarches de l’État, a-t-elle précisé.

Remarques de conclusion

M. N'Gbeng Mokoue s’est félicité du dialogue constructif et enrichissant avec le Comité. Il a mis en avant les efforts de son Gouvernement dans la protection des droits de l’homme, en dépit des difficultés de tous ordres auxquelles le pays reste confronté. La République centrafricaine reçoit dans un esprit constructif les recommandations qui lui ont été faites pendant le dialogue, a assuré le Représentant permanent.

Enfin, M. N'Gbeng Mokoue et Mme Milica Kolaković-Bojović, Vice-Présidente du Comité, ont remercié la Division des droits de l’homme de la MINUSCA pour son appui technique très important dans la tenue de ce dialogue.

 

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel. 

 

 

CED25.004F