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Examen de l’Équateur devant le Comité contre la torture : la situation dans les prisons est au cœur des préoccupations des experts

Compte rendu de séance

 

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par l’Équateur au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant.

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation équatorienne venue soutenir ce rapport, un expert membre du Comité s’est inquiété de la crise carcérale en Équateur, telle que documentée par des organisations de défense des droits de l’homme. La crise s'est aggravée ces dernières années, où se distinguent les émeutes et les massacres, a-t-il constaté. Entre 2018 et 2023, plus de 680 décès ont été enregistrés dans les prisons, ce qui fait de l'Équateur le pays qui compte le plus grand nombre de décès carcéraux en Amérique latine, a insisté l’expert.

Un autre expert s’est en outre inquiété de la situation des femmes détenues confrontées à l'insécurité, aux allégations de violences sexuelles, au travail du sexe en échange de nourriture ou de produits de première nécessité, aux procédures invasives lors des fouilles, au manque de soins médicaux spécialisés et à l'accès limité aux programmes de réinsertion sociale et professionnelle.

Face à cette situation de violence dans les prisons, le Comité est particulièrement préoccupé par l'utilisation des forces armées pour surveiller les prisons, a pour sa part souligné un expert.

Le Comité a reçu des informations selon lesquelles, au cours des mois où l’état d’urgence a été mis en place dans le pays, ont été constatés dans les prisons des mauvais traitements qui, dans certains cas, pouvaient constituer un acte de torture au regard de la Convention, a-t-il été indiqué.

Un expert a insisté pour obtenir de la part de la délégation des renseignements sur les mesures prises pour prévenir les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants à l'intérieur des prisons et sur les mesures adoptées pour former les forces armées aux droits de l'homme et à l'interdiction de la torture.

Cet expert a aussi rappelé que selon les informations fournies par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, entre 2022 et 2023, quatre procureurs ont été tués et plusieurs membres de l'appareil judiciaire ont fait l'objet d'actes d'intimidation et de menaces.

L’expert a d’autre part souligné que le féminicide est une question qui préoccupe particulièrement le Comité, lequel a pris connaissance de cas emblématiques récents. La situation des violences sexuelles à l'égard des filles et des adolescentes est particulièrement préoccupante, a-t-il affirmé. Selon les chiffres officiels, entre janvier 2018 et juin 2023, le Bureau du Procureur a reçu 52 051 plaintes pour abus sexuels sur des enfants avec un taux d'impunité de 95,85 %, s’est-il inquiété. D'autre part, entre janvier 2014 et avril 2024, 972 grossesses résultant de violences sexuelles ont été enregistrées.

L’expert a ensuite rappelé que l'interdiction de la torture fait partie des droits fondamentaux auxquels il ne peut être dérogé en aucune circonstance, y compris durant un état d’urgence.

Il a par ailleurs été regretté que l'Équateur n'ait toujours pas aligné la définition du crime de torture dans sa législation avec celle de la Convention contre la torture.

Au cours du dialogue, l’Équateur a néanmoins été félicité d’avoir ratifié tous les traités internationaux fondamentaux des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme; d’avoir accepté les procédures individuelles de communication (plaintes) et d'enquête ; d’avoir adressé une invitation permanente aux procédures spéciales de l'ONU ; d’avoir coopéré avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture lors de sa visite en 2022 ; et d’avoir soutenu 95% des recommandations qui lui ont été adressées lors de l'Examen périodique universel (EPU) en 2022.

Présentant le rapport de son pays, M. José Suing, Président de la Cour nationale de justice de l’Équateur, a indiqué que le pays est confronté à une vague croissante de violence et de criminalité qui a ébranlé les fondements des institutions de l'État. Cela a contraint le Gouvernement national à prendre des mesures visant à assurer la protection de la population et la stabilité du pays, dans le respect du cadre juridique national et international, a-t-il expliqué.

La grave crise carcérale de ces dernières années est le résultat de différents facteurs, parmi lesquels figure l'augmentation de la population carcérale en raison de la hausse de la criminalité organisée, a-t-il poursuivi. Les groupes criminels organisés ont renforcé leur présence sur le territoire équatorien et ont cherché à prendre le contrôle des centres de détention, par des actes de violence et d'extorsion, a indiqué le chef de la délégation.

M. Suing a par ailleurs souligné que le rapport « Pas de vérité sans justice » de la Commission de la vérité détaille 118 cas de violations graves des droits de l'homme et de crimes contre l'humanité qui se sont produits entre 1984 et 2008. Ces actions ont touché 464 victimes directes, a-t-il précisé.

Bien que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme soient directement applicables et contraignants en Équateur, la législation pénale nationale est harmonisée avec la Convention contre la torture, a ajouté le chef de délégation.

Dans des remarques introductives, à l’ouverture du dialogue, M. Cristian Espinosa Cañizares, Représentant permanent de l’Équateur auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que l’exercice de présentation du présent rapport avait permis d'identifier une série de défis, mais aussi des réalisations importantes du pays dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention, telles que la dépénalisation de l'avortement en cas de viol ; la régularisation des migrants ; la mise en œuvre de la politique de réinsertion sociale ; les avancées normatives et l'institutionnalisation du mécanisme de prévention de la torture, entre autres.

La délégation équatorienne était également composée, entre autres, de représentants du Service national de prise en charge intégrale des adultes privés de liberté et des adolescents délinquants ; du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la défense nationale.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a notamment indiqué que le nouveau cadre constitutionnel de 2018 permet d’invoquer l’état d’urgence pour différents motifs, notamment pour mettre fin à un conflit armé interne. Ces motifs reposent sur des bases factuelles, a-t-elle précisé. L’état d’exception décrété le 8 janvier dernier reposait sur la reconnaissance de troubles internes et d’un conflit armé interne – des menaces qui mettaient à mal le fonctionnement de l’État, a expliqué la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Équateur et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 26 juillet prochain.

 

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité achèvera l’examen du rapport de la République de Corée, entamé ce matin.

 

Examen du rapport de l’Équateur 

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique de l’Équateur (CAT/C/ECU/8), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise au pays par le Comité.

Présentation

Dans des remarques introductives, M. CRISTIAN ESPINOSA CAÑIZARES, Représentant permanent de l’Équateur auprès des Nations Unies à Genève, a présenté les membres de la délégation équatorienne et a indiqué que l’exercice de présentation du présent rapport avait permis d'identifier une série de défis, mais aussi des réalisations importantes du pays dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention, telles que la dépénalisation de l'avortement en cas de viol ; la régularisation des migrants ; la mise en œuvre de la politique de réinsertion sociale ; les avancées normatives et l'institutionnalisation du mécanisme de prévention de la torture, entre autres.

Présentant le rapport de son pays, M. José Suing, Président de la Cour nationale de justice de l’Équateur, a indiqué que le pays est confronté à une vague croissante de violence et de criminalité qui a ébranlé les fondements des institutions de l'État. Cela a contraint le Gouvernement national à prendre des mesures visant à assurer la protection de la population et la stabilité du pays, dans le respect du cadre juridique national et international, a-t-il expliqué.

La grave crise carcérale de ces dernières années est le résultat de différents facteurs, parmi lesquels figure l'augmentation de la population carcérale en raison de la hausse de la criminalité organisée, a-t-il poursuivi. Les groupes criminels organisés ont renforcé leur présence sur le territoire équatorien et ont cherché à prendre le contrôle des centres de détention, par des actes de violence et d'extorsion, a indiqué le chef de la délégation. Il a ensuite présenté une série de mesures adoptées pour faire face à cette crise, avec notamment le Mécanisme national de prévention de la torture qui a fourni des services aux personnes privées de liberté.

Le chef de la délégation a aussi indiqué que le rapport « Pas de vérité sans justice » de la Commission de la vérité détaille 118 cas de violations graves des droits de l'homme et de crimes contre l'humanité qui se sont produits entre 1984 et 2008. Ces actions ont touché 464 victimes directes, a-t-il précisé. Il a ainsi relevé qu’il existe un cadre institutionnel et réglementaire pour la réparation des victimes, le Ministère de la femme et des droits de l'homme étant responsable des mesures compensatoires et le Bureau du Défenseur du peuple, chargé de coordonner les réparations immatérielles en collaboration avec plus de 15 institutions de l'État. À ce jour, 156 victimes ont été indemnisées, ce qui représente un investissement de près de 5 millions de dollars, a précisé M. Suing.

Bien que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme soient directement applicables et contraignants en Équateur, la législation pénale nationale est harmonisée avec la Convention contre la torture, a-t-il en outre fait observer.

M. Suing a par ailleurs souligné que l'engagement de l'État équatorien en faveur de l'élimination de la violence à l'égard des femmes se reflète dans la création du Ministère de la femme et des droits de l'homme, qui est chargé de gérer les services de protection intégrale, et dans la mise en place des centres Violeta, qui offrent une prise en charge adaptée aux victimes de violence sexiste.  

S’agissant de l’accueil des migrants, le chef de la délégation a notamment souligné que l'accès à la santé et à l'éducation est garanti aux étrangers. La mise à disposition de services gratuits pour les personnes en situation de déplacement a représenté un investissement de 130 millions de dollars, une somme importante qui témoigne de l'engagement et de la réponse du pays à ce flux migratoire, a affirmé M. Suing. En outre, l'Équateur a mené un processus de régularisation depuis août 2022, qui a permis d’accorder 97 000 visas de séjour temporaire exceptionnel dont 896 visas à des enfants accompagnés, et 871 à des enfants non accompagnés ou séparés.

En 2023, la Loi organique contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants a été approuvée, a ensuite indiqué M. Suing. Cette Loi établit le Comité de coordination interinstitutionnel pour la prévention de la traite des personnes et du trafic illicite de migrants et la protection de leurs victimes, a-t-il précisé. Au cours de la période 2020-2024, l'Équateur a signé six accords internationaux pour prévenir et enquêter sur la traite des êtres humains, ainsi que pour l'assistance aux victimes et leur protection, a ajouté M. Suing.

Questions et observations des membres du Comité 

M. JORGE CONTESSE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Équateur, a regretté quel'Équateur n'ait toujours pas aligné la définition du crime de torture dans sa législation avec celle de la Convention contre la torture. L’expert a relevé que la Constitution équatorienne prévoit que les dispositions de la Convention sont d'application directe et immédiate et a souhaité savoir si cela signifie qu'une interprétation judiciaire suffirait à élargir le sens et, en fin de compte, la définition du crime de torture. M. Contesse a demandé à la délégation de fournir des informations sur les raisons pour lesquelles le pays n'a pas encore harmonisé sa définition du crime de torture avec celle de la Convention.

Il a en outre souhaité savoir s'il y a eu des cas dans lesquels la Convention a été invoquée par un tribunal ou un organe administratif.

M. Contesse s’est ensuite inquiété de la crise carcérale en Équateur, telle que documentée par des organisations de défense des droits de l’homme. La crise s'est aggravée ces dernières années, où se distinguent les émeutes et les massacres, a-t-il constaté. Entre 2018 et 2023, plus de 680 décès ont été enregistrés dans les prisons, ce qui fait de l'Équateur le pays qui compte le plus grand nombre de décès carcéraux en Amérique latine, a insisté l’expert. Le 23 février 2021, 79 personnes sont mortes dans des émeutes concertées à l'intérieur des prisons de Guayas, Azuay et Cotopaxi et le 28 septembre, 118 détenus sont morts dans le centre de détention numéro 1 de Guayaquil, dont certains décapités, a-t-il ajouté.

L’expert a dès lors demandé des informations actualisées sur la surpopulation carcérale et les enquêtes menées pour élucider les événements d'émeutes et de massacres dans les prisons, ainsi que la détermination des responsabilités.

En ce qui concerne la situation de la violence dans les prisons, le Comité est particulièrement préoccupé par l'utilisation des forces armées pour surveiller les prisons, a en outre indiqué M. Contesse.

Le Comité a reçu des informations selon lesquelles, au cours des mois où l’état d’urgence a été mis en place, ont été constatés dans les prisons des mauvais traitements qui, dans certains cas, pouvaient constituer un acte de torture au regard de la Convention, a poursuivi l’expert. En outre, le Comité a reçu des informations sur le manque d'accès aux médicaments et le manque de nourriture [dans les prisons] en raison de la résiliation du contrat avec un fournisseur, a-t-il ajouté.

M. Contesse a insisté pour obtenir de la part de la délégation des renseignements sur les mesures prises pour prévenir les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants à l'intérieur des prisons et sur les mesures adoptées pour former les forces armées aux droits de l'homme et à l'interdiction de la torture.

L’expert s’est en outre inquiété de la réduction des moyens accordés au système national de réadaptation sociale (SNAI).

Il a aussi demandé si, à la suite de ses visites dans les prisons, le Bureau du Défenseur du peuple a recueilli des cas de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

S’agissant du mécanisme national de prévention de la torture, M. Contesse a regretté que la Loi relative au Bureau du Défenseur du peuple n'établisse pas de titre spécifique pour ce mécanisme et l'intègre comme l'un des sept mécanismes de protection du bureau du Défenseur du peuple. Il n'y a pas non plus eu de progrès dans la formation d'une équipe multidisciplinaire composée de professionnels de la santé physique et mentale, a relevé M. Contesse, avant de demander à la délégation si l’Équateur envisage de modifier la Loi organique du Bureau du Défenseur du peuple afin de renforcer l'indépendance fonctionnelle du mécanisme, ainsi que l'indépendance de son personnel.

S’agissant de l’indépendance de la justice, l’expert s’est dit préoccupé par l'information selon laquelle, en avril 2023, le Conseil de la magistrature a dû recourir à l’aide d’une organisation internationale en raison du manque de budget qui lui était accordé.

M. Contesse a par ailleurs souligné que, dans le contexte de la grave crise sécuritaire que traverse le pays, le Comité attire l'attention sur la nécessité de protéger en particulier les fonctionnaires qui mènent des enquêtes sur la criminalité organisée. Il a indiqué qu’il était inquiétant que soient pris pour cible des juges qui, dans l'exercice de leurs fonctions, prennent des décisions susceptibles d’embarrasser les autorités politiques. M. Contesse a indiqué que les déclarations du Président de la République, en février dernier, qualifiant d' « antipatriotiques » ceux qui mettent en garde contre la violation des droits, sont extrêmement déconcertantes et alimentent un climat d'hostilité à l'égard des juges qui peut porter atteinte à la validité de l'État de droit.

M. Contesse a aussi rappelé que selon les informations fournies par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats, entre 2022 et 2023, quatre procureurs ont été tués et plusieurs membres de l'appareil judiciaire ont fait l'objet d'actes d'intimidation et de menaces. Il a demandé à la délégation de fournir des informations sur l'état d'avancement des enquêtes sur ces agressions et menaces.

Par ailleurs, M. Contesse a souligné que le féminicide est une question qui préoccupe particulièrement le Comité, lequel a pris connaissance de cas emblématiques récents. La situation des violences sexuelles à l'égard des filles et des adolescentes est particulièrement préoccupante, a-t-il affirmé. Selon les chiffres officiels, entre janvier 2018 et juin 2023, le Bureau du Procureur a reçu 52 051 plaintes pour abus sexuels sur des enfants avec un taux d'impunité de 95,85 %, s’est-il inquiété. D'autre part, entre janvier 2014 et avril 2024, 972 grossesses résultant de violences sexuelles ont été enregistrées.

S’agissant des mécanismes de lutte contre la traite des êtres humains, M. Contesse a indiqué que le Comité a reçu des informations sur le manque de personnel spécialisé et formé dans le système de justice concernant ce crime.

L’expert a par ailleurs indiqué que le Comité a reçu des informations concernant des expulsions et des procédures de sanctions administratives à l'encontre de Vénézuéliens et de Colombiens au cours des dernières années en raison de leur statut migratoire, qui remettent en cause le principe de non-refoulement.

S’agissant de la justice universelle, l’expert a regretté que la liste des crimes contre l'humanité pour lesquels s’applique la compétence universelle de l’Équateur n'inclue la torture que lorsqu'elle est commise en tant que crime contre l'humanité, c'est-à-dire « dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile ».

M. Contesse a par la suite relevé que la crise humanitaire vénézuélienne a provoqué l'un des plus grands déplacements humains dans la région des Amériques. Selon les informations fournies par le Bureau du Défenseur du peuple, l'État a ajouté pour ce qui concerne la population vénézuélienne des exigences supplémentaires qui ne sont pas prévues dans la loi organique sur la mobilité humaine, et une action en justice doit être engagée pour protéger les droits de ces personnes, s’est-il inquiété. L’ajout de nouvelles exigences est contraire aux normes internationales, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne les enquêtes et les poursuites concernant les violations des droits de l'homme commises entre 1984 et 2008, M. Contesse a indiqué que la Commission de la vérité a recensé 459 victimes et que, selon des rapports de la société civile, 40 ans après les événements, seulement 2% de condamnations ont été prononcées à ce jour. 

M. ERDOGAN ISCAN, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Équateur, a souligné d'emblée qu’en vertu du droit international, la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, y compris en période d'état d'urgence, ne dispense en rien les États parties de leurs obligations juridiques en vertu du droit international. En toutes circonstances, les États doivent respecter les droits de l'homme et les autres obligations du droit international, a-t-il insisté.

Il a ensuite félicité l’Équateur d’avoir ratifié tous les traités internationaux fondamentaux des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme; d’avoir accepté les procédures individuelles de communication (plaintes) et d'enquête ; d’avoir adressé une invitation permanente aux procédures spéciales de l'ONU ; d’avoir coopéré avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture lors de sa visite en 2022 ; et d’avoir soutenu 95% des recommandations qui lui ont été adressées lors de l'Examen périodique universel (EPU) en 2022.

S’agissant de la lutte contre le terrorisme, M. Iscan a reconnu que l'État partie continue d'être confronté à des actes de terrorisme et qu’il a l'obligation d'élaborer un cadre législatif proportionnel pour lutter efficacement contre le terrorisme. Dans ce contexte, l’espoir a souhaité savoir si le Plan national de sécurité globale 2019-2030 fait référence au cadre normatif international sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, y compris la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.

L’expert a ensuite rappelé que l'interdiction de la torture fait partie des droits fondamentaux auxquels il ne peut être dérogé en aucune circonstance, y compris durant un état d’urgence. Aussi, a-t-il invité la délégation à fournir toute information pertinente concernant les mesures législatives et exécutives prises dans le cadre de l'état d'urgence, notamment à l’aune de leur conformité avec le caractère absolu et indérogeable de l'interdiction de la torture.

M. Iscan a ensuite longuement énuméré les défis rencontrés par les personnes privées de liberté en Équateur, notamment au regard de la surpopulation carcérale. Il s’est en outre inquiété de la situation des femmes détenues confrontées à l'insécurité, aux allégations de violences sexuelles, au travail du sexe en échange de nourriture ou de produits de première nécessité, aux procédures invasives lors des fouilles, au manque de soins médicaux spécialisés et à l'accès limité aux programmes de réinsertion sociale et professionnelle.

Dans ce contexte, M. Iscan a demandé si les Règles Nelson Mandela et les Règles de Bangkok ont été incorporées dans la législation et les programmes de formation. Il a aussi souhaité savoir si le régime de détention au secret était maintenu.

S’agissant des enquêtes sur des allégations de torture et de mauvais traitements, l’expert a voulu savoir si le ministère public est compétent pour ouvrir une enquête d'office s'il y a des raisons de croire que des actes de torture ou de mauvais traitements ont été commis, et pour ordonner que les victimes présumées se soumettent à un examen médico-légal. Il a aussi souhaité savoir si le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) continue d'effectuer des visites dans les centres de détention.

M. Iscan a d’autre part demandé s’il y avait eu des allégations de recours disproportionné ou excessif à la force meurtrière contre des manifestants ces dernières années.

S’agissant de la discrimination et de la violence à l'égard des femmes et à l’égard des personnes en raison de leur orientation sexuelle, M. Iscan a notamment déploré l’étendu des abus sexuels et d'autres formes de violence sexiste en Équateur. Selon les données officielles, 1 femme sur 10 a été victime d'abus sexuels dans l'enfance ou à l'adolescence, et 6 femmes sur 10 ont été victimes de violences sexistes, a-t-il relevé.

Il a par ailleurs relevé que la loi organique qui réglemente l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est, selon la société civile, extrêmement conservatrice, et a demandé si l’État partie envisage de réviser cette législation.

Réponses de la délégation

La délégation a salué la qualité des exposés et des enquêtes menées par les corapporteurs du Comité à l’occasion de l’examen du présent rapport de l’Équateur. Elle a souligné que le pays était entré dans une phase de lutte généralisée contre le crime organisé et de sécurisation de l’ensemble des citoyens, y compris pour ce qui est des personnes privées de liberté. Cette nouvelle politique met la pression sur l’ensemble des forces de l’ordre et des responsables politiques, a indiqué la délégation.

La délégation a estimé que certaines questions soulevées par les deux corapporteurs du Comité sortaient néanmoins du cadre du mandat direct du Comité.

La délégation a ensuite indiqué qu’un article du Code pénal définit le crime contre l’humanité et le crime de torture dans le cadre d’une attaque généralisée contre une population ; cela se traduit dans une situation où les actes sont liés par une pratique généralisée de l’État. Dans le cadre des prisons, son application serait possible lorsque l’on peut prouver des violations systématiques des détenus, a souligné la délégation ; ce qui n’a pas encore été le cas dans le pays, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs souligné qu’un article du Code pénal donne une définition large de la torture qui ne se limite pas à la responsabilité des fonctionnaires d’État. Les dispositions du Code pénal sont alignées sur la Convention contre la torture et la définition de la torture est vaste, a insisté la délégation. Le délit de torture défini dans le Code pénal est applicable dans le cadre de situations de violation systématique des droits de l’homme, mais aussi dans des situations où cette pratique n’est pas systématique, a affirmé la délégation. Elle a en outre indiqué que les crimes liés à la torture étaient imprescriptibles en raison notamment de l’adhésion de l’Équateur à la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

S’agissant de l’indépendance de la justice, la délégation a reconnu certaines menaces contre le pouvoir judiciaire, tout en soulignant que différentes mesures avaient été prises pour garantir la sécurité individuelle du personnel judiciaire, notamment pour ceux qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la corruption ou contre le crime organisé. La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités avaient prévu un large recrutement dans le secteur judiciaire afin de renforcer son efficacité.

La délégation a en outre souligné qu’il existe un programme de protection des victimes et des témoins dans les affaires judiciaires.

L’Équateur est un pays multiculturel ; c’est pourquoi le pays veille à élaborer une approche basée sur la coopération entre la justice ordinaire et la justice autochtone, a d’autre part fait observer la délégation. Il s’agit d’institutionnaliser un dialogue interculturel entre les représentants de ces deux types de justice, de manière à trouver les bons outils pour renforcer cette coopération afin qu’elle soit la plus harmonieuse possible et respectueuse des droits des peuples autochtones, a expliqué la délégation.

S’agissant du renforcement des capacités, la délégation a souligné que plusieurs cycles de formation avaient été organisés à l’attention du personnel du judiciaire concernant notamment le Protocole d’Istanbul et le Protocole du Minnesota, les Règles Mandela, ou encore la Convention contre la torture. Par ailleurs, plusieurs services spécialisés dans le domaine judiciaire ont été formés aux questions relatives au féminicide et aux violences faites aux femmes. De leur côté, les commandements des forces armés ont aussi pris l’initiative d’organiser des formations dans le domaine des droits de l’homme et de l’interdiction de la torture, a ajouté la délégation.

La présence de bandes criminelles organisées sur tout le territoire équatorien et dans les prisons a nécessité une action de l’État pour y répondre, a d’autre part souligné la délégation. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a reconnu que les prisons équatoriennes étaient gérées par des formes d’autogouvernement mises en place par des bandes armées issues du crime organisé et le Défenseur du peuple avait aussi tiré l’attention sur cette situation en 2023, a poursuivi la délégation, précisant que la Cour interaméricaine avait conclu que ces bandes organisées étaient responsables de la violence ainsi que du trafic de drogue dans les prisons. Dans un tel contexte, des décrets exécutifs ont été pris en 2024 afin de mobiliser les forces armées sur tout le territoire national ainsi que dans les centres de privation de liberté, a indiqué la délégation, précisant qu’il s’agissait d’une mesure temporaire et extraordinaire afin que l’armée puisse mener des actions pour éliminer les menaces graves contre les personnes privées de liberté, leur famille et le personnel des prisons. Les forces armées, conformément aux décrets adoptés, ne contrôlaient pas les personnes privées de liberté et ne géraient pas les centres de privation de liberté ; elles avaient comme unique mandat de protéger les individus, a indiqué la délégation. Cette intervention a permis de reprendre le contrôle des prisons à l’échelle nationale et a également permis à d’autres institutions, comme le Défenseur du peuple, de pouvoir reprendre leurs activités au sein des lieux de privation de liberté, a fait valoir la délégation.

Une commission de surveillance des droits des personnes privées de liberté a été mise sur pied cette semaine pour prévenir toute violation, a d’autre part souligné la délégation.

Le système pénitentiaire équatorien a souffert d’une faiblesse institutionnelle et a dû faire face à de nombreux défis, a poursuivi la délégation, avant d’ajouter que, grâce à la loi de réforme visant au renforcement des capacités institutionnelles (2023), le système national de réadaptation sociale a été créé afin de renforcer les droits des personnes privées de liberté, en particulier lorsque la violence pénitentiaire était à son comble. Ledit système veille à éviter tout recours excessif à la force contre les personnes privées de liberté, a insisté la délégation. Les personnes privées de liberté peuvent accéder à des mécanismes de plainte pour toute violation dont elles auraient été victimes durant leur détention, a-t-elle précisé, avant d’indiquer que depuis le début de l’année 2024, 124 actions ont été engagées contre les autorités pénitentiaires. La plupart des plaintes ont donné lieu à une résolution favorable pour les victimes, a affirmé la délégation. Les personnes privées de liberté ont aussi accès à l’aide juridictionnelle gratuite dans ces affaires, a-t-elle ajouté.

La délégation a présenté une série de mesures prises afin de permettre la réintégration des personnes privées de liberté dans la société, notamment en leur donnant accès à des formations professionnelles.

Le Mécanisme national de prévention mène plusieurs actions pour prévenir la torture et protéger les droits des personnes privées de liberté, a d’autre part indiqué la délégation. Il organise des visites dans les centres destinés aux adultes et aux enfants en conflit avec la loi, dans les centres pour migrants, ainsi que dans les hôpitaux psychiatriques, entre autres. La plupart de ces visites sont organisées sans aucune contrainte de la part des responsables de ces centres.

Le Défenseur du peuple propose des services gratuits, notamment l’aide juridictionnelle gratuite pour les personnes n’ayant pas les ressources nécessaires pour accéder à un avocat privé, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a ensuite présenté une série de mesures visant à prévenir les violences basées sur le genre et à faciliter l’accès à la justice pour les victimes de ce type de violences.

S’agissant de l’état d’exception, la délégation a indiqué que le nouveau cadre constitutionnel de 2018 permet d’invoquer l’état d’urgence pour différents motifs, notamment pour mettre fin à un conflit armé interne. Ces motifs reposent sur des bases factuelles, a-t-elle précisé. L’état d’exception décrété le 8 janvier dernier reposait sur la reconnaissance de troubles internes et d’un conflit armé interne – des menaces qui mettaient à mal le fonctionnement de l’État, a expliqué la délégation.

Un expert s’est alors interrogé sur le concept de conflit armé interne invoqué par l’Équateur pour décider de l’état d’urgence et a souhaité savoir si dans ce cas, la délégation estimait que le droit international humanitaire ne devait pas s’appliquer puisqu’il s’agit d’un conflit interne.

La délégation a rappelé que la décision de décréter l’état d’urgence en janvier dernier a été validée par la Cour constitutionnelle. La délégation a également indiqué que les droits prévus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont été garantis durant cet état d’urgence.

 

 

 

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