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La fracture numérique entre les sexes est le reflet de la discrimination générale à laquelle sont confrontées les femmes et les filles, souligne la Haute-Commissaire aux droits de l’homme
A l’occasion de la réunion-débat tenue par le Conseil des droits de l’homme, cet après-midi, sur la fracture numérique entre les sexes au temps de la pandémie de COVID-19, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a déclaré que la fracture numérique entre les sexes était le reflet de la discrimination générale à laquelle sont confrontées les femmes et les filles. La population qui n’a pas accès à Internet est pauvre, rurale, âgée et féminine : femmes et filles constituent la majorité des quelque 3,7 milliards de personnes non connectées dans le monde, a-t-elle précisé. C’est pourquoi, dès lors que la technologie numérique devient, en temps de pandémie de COVID-19, le seul moyen d'accéder aux services essentiels, aux informations sur la santé, aux moyens de subsistance ou à l'exercice des droits, l'exclusion numérique devient dramatique, a insisté Mme Bachelet.
La Haute-Commissaire a donc recommandé que les pays développés facilitent le transfert de technologies vers les États en développement et intègrent des programmes d'accès des femmes et des filles aux technologies numériques dans leurs propres programmes de développement. Il faut en outre éliminer les stéréotypes sexistes qui s’opposent à l'accès des femmes et des filles aux technologies de l’information et des communications (TIC) ou qui prétendent que les femmes et les filles ne sont pas capables d’étudier les matières techniques et scientifiques, a indiqué Mme Bachelet.
Suite à cette déclaration, les panélistes suivants ont pris la parole : Mme Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit qu'à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, Mme Tatiana Vasconcelos, consultante en matière de handicap, M. Jaroslaw Ponder, chef du service Europe de l’Union internationale des télécommunications, et Mme Lainah Ndiweni, chercheuse juridique pour Veritas Zimbabwe.
De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au débat avec les panélistes.
Le Conseil a également cet après-midi achevé son débat général au titre des situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil en entendant les déclarations de plusieurs organisations non gouvernementales**.
En fin de séance, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Inde, Iran, Chine, Lettonie, Venezuela, Fédération de Russie, République populaire démocratique de Corée, Turkménistan, Chine, Lituanie, Bélarus, Japon, Arménie, Cuba, Algérie, Pologne, Indonésie, Iraq.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra sa table ronde annuelle sur les droits des peuples autochtones.
Discussion annuelle sur l’intégration d’une perspective sexospécifique dans tous les travaux du Conseil des droits de l’homme et de ses mécanismes
La discussion annuelle sur l’intégration d’une perspective sexospécifique dans tous les travaux du Conseil des droits de l’homme et de ses mécanismes porte cette année sur la fracture numérique entre les sexes au temps de la pandémie de COVID-19. La réunion a été ouverte par MME NAZHAT SHAMEEM KHAN, Présidente du Conseil des droits de l’homme.
Déclaration liminaire
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déclaré que la fracture numérique entre les sexes était le reflet de la discrimination générale à laquelle sont confrontées les femmes et les filles. La population qui n’a pas accès à Internet est pauvre, rurale, âgée et féminine : femmes et filles constituent la majorité des quelque 3,7 milliards de personnes non connectées dans le monde. C’est pourquoi, dès lors que la technologie numérique devient, en temps de pandémie de COVID-19, le seul moyen d'accéder aux services essentiels, aux informations sur la santé, aux moyens de subsistance ou à l'exercice des droits, l'exclusion numérique devient dramatique, a insisté Mme Bachelet.
La Haute-Commissaire a donc recommandé que les pays développés facilitent le transfert de technologies vers les États en développement et intégrent des programmes d'accès des femmes et des filles aux technologies numériques dans leurs propres programmes de développement. Il faut en outre, a ajouté Mme Bachelet, éliminer les stéréotypes sexistes qui s’opposent à l'accès des femmes et des filles aux technologies de l’information et des communications (TIC) ou qui prétendent que les femmes et les filles ne sont pas capables d’étudier les matières techniques et scientifiques.
Ensuite, les États et le secteur privé doivent prendre des mesures concrètes pour lutter contre la violence en ligne à l'égard des femmes et des filles, notamment en collaborant avec les entreprises et avec les organisations de défense des droits des femmes. Enfin, le Conseil, par le biais de ses résolutions et de ses rapports thématiques, doit poursuivre l'adoption d'une approche du numérique qui tienne compte des droits humains des femmes et de l’égalité entre les sexes, a demandé Mme Bachelet.
Présentations des panélistes
La présentation de MME TLALENG MOFOKENG, Rapporteuse spéciale sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a porté sur la fracture numérique qui empêche de nombreuses personnes dans les pays du Sud et d'autres pays en développement de bénéficier des services de santé numériques. Cette fracture numérique est le reflet d'inégalités socioéconomiques plus larges entre les pays et au sein de ceux-ci, entre les groupes sociaux et entre les personnes ayant des niveaux d'accès différents à l'éducation, a souligné la Rapporteuse spéciale. La fracture numérique sépare très nettement les hommes, d’un côté, et les femmes, les adolescentes et les personnes ayant des identités sexuelles diverses, de l’autre, a-t-elle indiqué.
Dans le contexte de la COVID-19, a poursuivi l’experte, la télémédecine a amélioré l'accès aux services de santé pour de nombreuses personnes, et en particulier pour les femmes et les filles en ce qui concerne les droits sexuels et procréatifs. Cependant, les personnes qui n'ont pas accès à la technologie de la télésanté ont été désavantagées, à moins qu'elles n’aient bénéficié d’aménagements. Mme Mofokeng a présenté plusieurs exemples de tels aménagements adoptés par des pays pendant la pandémie.
MME TATIANA VASCONCELOS, consultante en matière de handicap, a regretté pour sa part que les technologies de l’information et des télécommunications soient devenues un obstacle de plus auquel les personnes handicapées, en particulier les femmes et les filles handicapées, doivent faire face dans le contexte de la pandémie. Car si la pandémie de COVID-19 a accéléré la transformation numérique, elle a également aggravé les situations d'inégalité et de discrimination auxquelles les femmes et les filles handicapées étaient auparavant exposées ; ainsi les besoins des personnes handicapées n'ont-ils pas été pris en compte dans la conception et l’application des politiques publiques relatives à la pandémie.
Mme Vasconcelos a recommandé de renforcer la capacité des femmes et des filles handicapées d’accéder aux TIC et de les utiliser, étant donné que ces technologies constituent elles-mêmes des mécanismes permettant de renforcer l'autonomie, l'inclusion et la responsabilisation personnelle – autant de facteurs qui permettent de minimiser l'oppression et la violence auxquelles les personnes handicapées sont exposées.
M. JAROSLAW PONDER, chef du service Europe de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a relevé que parallèlement à l’omniprésence croissante du numérique dans nos vies, notamment en raison d'une plus grande adoption des technologies de l’information et des télécommunications du fait de la COVID-19, le manque de participation des femmes et des filles dans ce domaine représentait un grand risque pour le développement durable. Les filles et les femmes doivent jouer des rôles clefs en tant qu'utilisatrices et développeuses. Les femmes représentant la moitié de la main-d'œuvre mondiale, l'égalité des chances dans le secteur technologique est un objectif qui doit être prioritaire, a insisté M. Ponder.
Pour atteindre les objectifs de développement durable au cours des neuf prochaines années, il sera impératif d’œuvrer pour que les sexes soient représentés de manière plus équilibrée dans le secteur des TIC et de parvenir à une utilisation des TIC plus équilibrée par les deux sexes. Il s’agira en particulier de faire en sorte que les femmes et les filles participent davantage aux enseignements en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM), a notamment recommandé M. Ponder.
MME LAINAH NDIWENI, Chercheuse juridique pour Veritas Zimbabwe, a indiqué que la pandémie de COVID-19 représente un défi mondial qui affecte les vies et le travail des femmes défenseures des droits de l’homme. La pandémie de COVID-19 pose de graves menaces pour les femmes et les filles, a-t-elle ajouté. Soulignant combien la communication est importante pour la défense et la promotion des droits fondamentaux des femmes, elle a fait observer que depuis le début de la pandémie de COVID-19, les défenseurs des droits des femmes dépendent du monde numérique. Faire son travail tout en maintenant la distance sociale est un défi dans un pays en développement comme le Zimbabwe, en raison de la nécessité de s’acclimater d’abord à la nouvelle normalité numérique qui était quasi inexistante auparavant. Aussi, est-il nécessaire de s’attaquer aux inégalités dans l’accès à l’information.
Pour atteindre les femmes, Veritas dispose désormais d’un bureau « Veritas Women » destiné aux femmes ; il s’agit d’une plate-forme entièrement interactive qui aborde divers aspects et questions juridiques affectant les femmes et les filles. Les visiteurs peuvent interagir avec des experts juridiques grâce à différentes interfaces utilisateur sur les médias sociaux. « Veritas Women » publie en outre chaque jour du contenu sur les droits et les questions intéressant les femmes.
Il est nécessaire que le Conseil des droits de l’homme renforce le renforcement des capacités et le plaidoyer dans toutes les sphères des défenseures des droits de l’homme afin de combler le fossé numérique chez les femmes et les filles, a souligné Mme Ndiweni.
Aperçu du débat
De nombreuses délégations ont fait observer que la crise actuelle de la COVID-19 a accéléré la numérisation des sociétés. S’il est clair que les nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) peuvent offrir des opportunités à tous, il est également un fait que la numérisation a affecté différemment les femmes et les hommes, a-t-il été relevé. Un groupe de pays a ainsi regretté que la pandémie ait encore exacerbé l’écart numérique existant entre les sexes. Les filles sont confrontées à de plus grands obstacles que les garçons en matière d’accès aux outils numériques, a-t-il été constaté.
Actuellement, non seulement les femmes et les filles sont moins susceptibles d’avoir pleinement accès aux nouvelles TIC, mais elles sont en outre sous-représentées dans presque tous les domaines de l’éducation aux TIC, de l’emploi et du leadership, ont insisté certaines délégations. Ce manque d’accès et de représentation a des implications sur leur éducation et leur participation à la vie politique, économique et sociale, a-t-il été souligné.
Par ailleurs, de nombreux intervenants ont fait observer que les femmes et les filles sont exposées de manière disproportionnée au harcèlement en ligne et aux discours de haine.
Une attention particulière doit être accordée aux femmes et aux filles qui sont victimes de formes croisées de discrimination, a-t-il été affirmé.
La pandémie a perturbé les efforts visant à faire progresser l’alphabétisation et l’accès au numérique, en raison de la fermeture des écoles, ont constaté certains intervenants.
Il faut aussi prendre en compte les besoins spécifiques des femmes handicapées dans le domaine de l’accès au numérique, ont souligné plusieurs délégations.
Une délégation a souligné que les outils et les espaces numériques ont accru les menaces auxquelles sont confrontées les femmes défenseures des droits humains et ont élargi le type de surveillance et de harcèlement auquel elles sont soumises.
Il est essentiel de reconnaître ces risques et de prendre des mesures pour surmonter tous ces obstacles, a-t-il été déclaré. L’égalité des sexes doit être réalisée hors ligne et en ligne par le biais, notamment, d’un accès amélioré, plus sûr et plus abordable aux outils numériques ; de stratégies adoptant une approche centrée sur le genre en matière de sensibilisation, d’éducation et de formation ; d’un souci d’égalité des sexes dans la conception, le développement, l’utilisation et le déploiement des TIC ; et d’interventions politiques visant à lutter contre les stéréotypes sexistes à long terme, a-t-il été recommandé.
Dans ce contexte, a-t-on insisté, l’éducation et la formation sont essentielles pour permettre aux femmes non seulement d’utiliser les outils numériques, mais aussi de contribuer à leur développement technique.
Enfin, de nombreuses délégations ont fait part de leurs propres mesures nationales destinées à réduire la fracture numérique entre hommes et femmes et à lutter contre les violences sexistes en ligne.
*Liste des intervenants : Australie, Union européenne, Luxembourg (au nom du Benelux), Suisse (au nom d’un groupe de pays), Norvège (au nom des pays nordiques), Chili (au nom d’un groupe de pays), Barbade (au nom d’un groupe de pays), Lesotho (au nom d’un groupe de pays), Egypte (au nom du Groupe arabe), Israël, Canada, Grèce, Egypte, Espagne, France, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Thaïlande, Angola, Viet Nam, Inde, Chypre, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Géorgie, ONU Femmes, Commission nationale des droits de l’homme de l’Inde, Association lesbienne et gay internationale - Europe , Asian-Pacific Resource and Research Centre for Women (ARROW), Stichting CHOICE for Youth and Sexuality, Plan International, Action Canada pour la population et le développement.
Réponses et remarques de conclusion des panélistes
MME MOFOKENG a demandé aux États de s’engager en faveur des droits des femmes relatifs à la santé. Les femmes et les filles handicapées ne doivent pas être seulement des bénéficiaires des solutions numériques : elles doivent pouvoir participer aux décisions dans ce domaine. Les solutions doivent être accessibles, abordables et de qualité, et tous les documents politiques doivent être évolutifs, de manière à pouvoir répondre aux évolutions sur le terrain, a indiqué la Rapporteuse spéciale.
MME VASCONCELOS a de nouveau rappelé que la pandémie avait eu des effets plus graves sur les femmes et les filles, notamment celles qui sont handicapées. Elle a demandé que les politiques publiques intègrent une perspective croisée soucieuse du genre et du handicap. Les plans de relance (de l’après pandémie) doivent inclure tout le monde ; les mesures doivent tenir compte des besoins particuliers de chacun, y compris ceux des personnes handicapées, étant entendu que le handicap n’est pas homogène et peut revêtir plusieurs formes. Les femmes handicapées doivent pouvoir exprimer leurs besoins et participer à chaque étape de la reprise après la pandémie, a insisté Mme Vasconcelos.
M. PONDER, pour sa part, a plaidé pour des politiques capables d’induire un changement systémique et pérenne s’agissant du comblement du fossé numérique entre les sexes. Tous les usagers doivent avoir les mêmes compétences et la même confiance dans l’utilisation des technologies de l’information et des télécommunications, a-t-il indiqué. Il importera pour ce faire de travailler avec les décideurs sur le plan national afin de protéger et d’autonomiser les plus vulnérables. Davantage de femmes doivent intégrer le secteur des services associés aux TIC, où elles pourront très bien s’épanouir, a ajouté M. Ponder.
MME NDIWENI a notamment regretté que, contrairement aux attentes, les technologies n’aient pas permis d’améliorer la connectivité dans les zones rurales durant la pandémie.
Fin du débat général au titre des situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil
Cet après-midi, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé des représailles à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes dans différents pays et régions du monde. Ont aussi été dénoncés des restrictions à la liberté de religion ; des attaques menées contre des populations civiles ; des violations des droits de l’homme commises dans le cadre d’activités qualifiées de colonisation ; le déni du droit à l’éducation d’enfants appartenant à des minorités ; ou encore l’utilisation de lois sur la sécurité publique ou contre le terrorisme pour museler des oppositions politiques.
Le manque de transparence dans les processus d’extraction minière a lui aussi été mis en cause cet après-midi, de même que les activités de sociétés multinationales dans des régions dont il a été affirmé qu’elles étaient le lieu de crimes contre l’humanité, voire de génocide.
**Liste des intervenants : Indigenous People of Africa Coordinating Committee, Association internationale des avocats et juristes juifs,Association Ma'onah for Human Rights and Immigration,Japan Society for History Textbook,Global Appreciation and Skills Training Network, Asian Legal Resource Centre, Reprieve, Observatoire mauritanien des droits de l'homme et de la démocratie, Association Bharathi Centre Culturel Franco-Tamoul, Association pour la défense des droits de l'homme et des revendications démocratiques et culturelles du peuple azerbaïdjanais - Iran – « ARC », Community Human Rights and Advocacy Centre (CHRAC), Conseil de jeunesse pluriculturelle (COJEP), Alliance Creative Community Project, Institut international d’écologie industrielle et d’économie verte, PRATYEK et ABC Tamil Oli.
HRC21.127F