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Le rôle de Genève pour l’ONU et de l’ONU pour Genève

Michael Møller

15 mai 2014
Le rôle de Genève pour l’ONU et de l’ONU pour Genève

Allocution de Monsieur Michael Møller
Directeur général par intérim de l’Office des Nations Unies à Genève

« Le rôle de Genève pour l’ONU et de l’ONU pour Genève »
Jeudi 15 mai 2014 au Château de Penthes

Mesdames et Messieurs les Membres du Forum,
Chers amis :

C’est un très grand plaisir pour moi d’être ici aujourd’hui pour échanger avec vous sur le thème du rôle de Genève pour l’ONU et de l’ONU pour Genève.

Je remercie très chaleureusement le Forum suisse de politique internationale d’avoir eu l’initiative de ce déjeuner-débat sur ce thème qui me tient particulièrement à cœur.

Pour la plupart d’entre nous, cela va de soit que Genève est indispensable pour les Nations Unies - et que les Nations Unies sont indispensables pour Genève. Donc, en deux mots – outre l’apport financier à l’économie locale, l’ONU et ses partenaires sont à la base même de l’identité internationale de Genève et de la Suisse. Et Genève donne à l’ONU le cadre paisible, empreint de neutralité, qui est indispensable pour une diplomatie multilatérale efficace. Et ce cadre est également l’un des attraits constant qui attire tous les acteurs qui sont ici aujourd’hui.

Pour moi, la question la plus intéressante est plutôt la façon dont nous maintenons le rôle de cette Genève internationale au sens large, pour les Nations Unies et pour tous les acteurs qui sont basés ici, pour toutes les personnes que nous servons, pour le bien-être des citoyens de cette ville que nous aimons tous, et pour la Suisse entière.

Donc, je vais commencer par quelques réflexions sur la relation entre les Nations Unies et la Genève internationale au sens large, puis je vais partager avec vous quelques pistes de réflexion sur les raisons pour lesquelles nous avons besoin tous ensemble de préserver le rôle de la Genève internationale - et comment, à mon sens, nous pouvons obtenir un meilleur résultat en partenariat. En effet, travailler en partenariat sera un thème récurrent tout au long de mes remarques et également, je l’espère, dans la discussion que nous aurons par la suite. Il l’est en tout cas assurément dans mes fonctions quotidiennes.

Commençons par les faits:

Plus de 35 entités du système des Nations Unies ont une présence à Genève, dont plus de 20 ont leur siège ici. Aujourd’hui 10 000 fonctionnaires de l’ONU sont basés ici, faisant de Genève la ville où les Nations Unies sont les plus représentées dans le monde – un fait qui n’est pas très connu.

Mais au-delà, il y a de nombreuses autres organisations internationales, des institutions académiques et de recherche, et plus de 350 ONG qui ont une présence ici. C’est pour cela il est plus logique pour moi de parler du rôle de la Genève internationale parce que cela n’a pas grand sens d’évoquer le rôle des Nations Unies à Genève sans prendre en compte les autres acteurs. Nous sommes en tout 40 000 à œuvrer ensemble ici.
Cette concentration d’acteurs internationaux, ainsi que la diversité des sujets qu’ils traitent, est inégalée. Elle permet d’avoir une vision globale des problématiques de notre siècle et de les aborder d’une façon transversale.

Ces organisations évoluent en effet dans des domaines variés mais complémentaires qui vont de l’aide humanitaire aux droits de l’homme en passant par le commerce, le développement durable, l’éducation, et le désarmement, pour n’en citer que quelques-uns. En travaillant main dans la main, ces organisations se renforcent et s’enrichissent.

La totalité est plus que la somme des parties car c’est bien grâce à des efforts coordonnés que nous arrivons le mieux à trouver des solutions durables à des problèmes globaux. Et c’est bien ce consortium d’organisations internationales qui fait le succès de Genève et permet d’attirer toujours plus d’acteurs internationaux. Si en 2010 167 États membres avaient une Mission permanente à Genève, ils sont désormais 176 à avoir une présence ici ! En 2010, huit organisations internationales avaient des bureaux permanents d’observations contre 15 aujourd’hui ! Ils ont tous conscience de la valeur d’une présence ici car c’est ici que se trouvent tous les autres acteurs et que des liens indispensables et efficaces sont établis !

Cela nous amène à la vraie question et au cœur de ce que nous examinons aujourd’hui: comment pouvons-nous maintenir et renforcer la présence de tous ces acteurs, comment pouvons-nous veiller à ce qu’ils continuent à être soutenus et à être le plus efficaces possible, et comment pouvons-nous - ensemble - assurer l’avenir de la Genève internationale ?

J’ai deux messages clés à ce sujet:

Premièrement: les développements mondiaux actuels représentent une opportunité sans précédent pour la Genève internationale. En fait, cette Genève internationale a le potentiel d’être une plaque tournante mondiale encore plus cruciale dans notre nouvelle gouvernance mondiale. C’est aussi un fait, un peu triste, mais lorsque les choses vont mal dans le monde, comme aujourd’hui, l’utilité de Genève pour la diplomatie multilatérale s’accroît. L’Iran, la Syrie, et l’Ukraine ne sont que trois exemple des grands dossiers traités à Genève au cours des six derniers mois.

Deuxièmement: si nous sommes sérieux au sujet du maintien et du renforcement de ce potentiel, nous ne pouvons pas nous permettre d’être complaisants, nous devons tous travailler activement à changer la perception de Genève et à encourager les partenariats qui permettront à Genève de jouer pleinement son rôle dans un monde en mutation. Il faut saisir cette chance afin de non seulement conforter la position de la Genève internationale sur la scène globale, mais aussi faire connaître et reconnaitre sa plus-value unique.

Nous vivons dans un monde où les défis transversaux nécessitent des collaborations et des partenariats qui vont au-delà des frontières traditionnelles - à la fois dans les thématiques et dans les organisations. Genève a plus que le potentiel d’être chef de file dans ce domaine.


Mais comment pouvons-nous réaliser ce potentiel ?

Premièrement, nous devons lutter contre le cloisonnement qui existe entre et au sein des organisations internationales afin de mettre en commun nos forces. Cela permettra des économies d’échelle mais aussi d’optimiser l’impact du travail effectué par chaque entité car c’est ensemble que nous atteindrons les objectifs que nous nous sommes fixés.

Prenez l’exemple du changement climatique: la communauté scientifique a un rôle clé à jouer dans l’évolution vers une économie plus verte, mais les solutions techniques ne serviront à rien si elles ne sont pas mises en place en même temps qu’un cadre économique et politique afin d’assurer leur mise en place efficace et les proposer comme alternative aux énergies fossiles, par exemple.

Deuxièmement, nous ne devons pas avoir peur impliquer toujours plus d’autres acteurs que les États. Il est essentiel de continuer de bâtir des partenariats incluant la société civile, la communauté de chercheurs ainsi que le secteur privé. A Genève, nous avons créé des réseaux transversaux d’une manière inédite. La Geneva Peacebuilding Platform, ainsi que la Plateforme Internet de Genève, en sont de très bons exemples.

Troisièmement, nous devons être novateurs et proposer au monde des idées qui sortent des sentiers battus. Genève doit devenir le laboratoire d’idées qui fera bouger les lignes. Nous avons tant de ressources que nous pouvons exploiter dans le domaine de la recherche, du désarmement, des télécoms…Le thème de l’innovation est un thème central pour le futur et nombreux sont déjà mes collègues qui y travaillent.

Nous devons travailler activement pour changer la perception de Genève, et recentrer l’attention sur l'impact réel des efforts collectifs ici. Il serait dangereux de nous endormir sur nos lauriers car nombreuses sont les villes désireuses d’accueillir des organisations internationales et dont les gouvernements se lancent dans d’âpres compétitions.


Il existe de nombreux exemples de villes qui n'ont pas cultivé leurs avantages comparatifs et, qui, à la fin, ont perdu le prestige et le rôle qu’ils avaient autrefois. Rappelez-vous de Détroit, par exemple, qui a été pendant des décennies le centre mondial de l’automobile, et voyez ce que cette ville est devenue aujourd’hui ! Ce que nous faisons ici à Genève - la capitale mondiale de l’Humanitaire, des droits de l’Homme, du commerce, de la santé, et de tant d’autres thèmes d’importance primordiale - est trop précieux pour permettre que cela ne se produise. Mais le risque est là, si nous ne faisons pas attention.

C’est ce travail de substance que nous devons promouvoir afin que nos Etats membres, nos partenaires, nos collègues, nos bénéficiaires, et le public dans son ensemble prennent pleinement conscience de la plus-value de la Genève internationale. Il est crucial que nous arrivions à modifier la perception que les gens ont de la Genève internationale - une ville trop chère où se tiennent beaucoup de réunions - afin qu’un jour Genève soit acceptée comme le lieu incontournable du multilatéralisme où « on en a pour son argent ».

Nous devons lutter contre cette idée, trop souvent répandue, que Genève est une ville au coût prohibitif et qu’il est peut-être plus rentable d’aller ailleurs. On ne doit pas se contenter d’appliquer une approche budgétaire seulement lorsqu’il s’agit du travail qui est fait ici car tout n’est pas qu’une histoire de chiffres. Ce travail sauve des vies et améliore le quotidien de millions de personnes.

En effet, il n’y a pas une seule personne sur cette planète qui, sur une période de 24 heures, ne soit pas affectée dans sa vie quotidienne, d’une manière ou d’une autre, par une action ou par une décision émanant d’une organisation internationale basée à Genève que ce soit dans le domaine des transports grâce à l’CEE et à l’IATA, des droits de l’homme grâce au Commissariat aux droits de l’Homme, à la santé grâce à l’OMS et au CICR, ou au commerce grâce à l’OMC. Il y a beaucoup d’exemples.

A Genève, il y a une richesse d'activités qui est méconnue. Nous ne sommes jamais parvenus à bien nous « vendre » au cours de ces dernières années, de ces dernières décennies, à démontrer le lien direct entre nos activités et la vie quotidienne de chaque individu.

Cela est l’une de nos faiblesses mais ce n’est pas une fatalité et j’ai décidé, dès mon arrivée, de m’investir pleinement pour changer cela. Afin de mener à bien cette mission, je suis allé rencontrer les dirigeants de tous nos partenaires, pour qu’ensemble nous nous engagions sur le chemin du changement. C’est en effet uniquement de façon collective et collégiale que nous réussirons à formuler des idées innovatrices pour présenter la richesse de la substance que nous traitons et faire comprendre ce que nous faisons.

J’aimerais également évoquer un autre sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’ai beaucoup travaillé, la rénovation du Palais des Nations parce qu’elle est étroitement liée au rôle et à la visibilité de la Genève internationale.

Chaque année, ce sont plus de 10 000 réunions - pratiquement 11 000 - qui se tiennent au Palais des Nations faisant du Palais l’un des plus importants centres de conférences multilatérales du monde. Mais le Palais est aussi un héritage collectif de la communauté internationale car il est le symbole même de la tradition multilatérale et du rôle de la Suisse, et de Genève, dans le monde. Il est le symbole concret de la Genève internationale et, en tant que tel, un patrimoine historique de Genève et de la Suisse entière. Il me semble donc que nous avons une responsabilité conjointe de maintenir le Palais des Nations dans le meilleur état possible.

Son état actuel nécessite qu’il soit rénover le plus rapidement possible et en profondeur. Le coût estimé du Plan de rénovation est à ce jour de 837 millions de Francs. Les travaux physiques, qui s’échelonneront sur une période de huit ans, vont débuter fin 2016. On vient d’ailleurs d’entreprendre des travaux préparatoires qui vont durer pendant deux ans.

En cette période de contrainte budgétaire, nous sommes tout à fait conscients que nous demandons un effort important à nos Etats membres qui viennent de payer deux milliards de dollars pour la rénovation du siège à New York. Nous nous tournons donc également vers le secteur privé suisse et mondial et explorons des possibilités de partenariats public-privé. Notre ambition est de laisser aux générations futures des bâtiments emblématiques, fonctionnels et ultramodernes, mais également
architecturalement novateurs pour ce qui est des bâtiments que nous allons devoir construire. Pour ce qui est du bâtiment historique, nous souhaitons le transmettre dans un bon état.

Nous devons veiller à ce que la Genève internationale continue d’avoir un bâtiment emblématique et à être un centre de conférences à la pointe de la technologie à même de rassembler tous les acteurs de notre nouvelle gouvernance mondiale - et le Palais des Nations rénové est ce lieu.

En conclusion, je résume : la relation, mutuellement bénéficiaire entre l’ONU et Genève, avec l’appui de tous les autres facteurs internationaux, est un mariage heureux de longue date. Mais comme tous les partenariats, il faut y prêter une attention constante de part et d’autre. Nous nous trouvons à un moment historique qui nous impose cette vérité d’une manière encore plus insistante que d’habitude. Je suis personnellement très conscient de cela et j’œuvre quotidiennement avec cet objectif en ligne de mire. J’espère vraiment que vous, vos collègues, amis, et concitoyens allez nous soutenir dans cet effort.

Je vais m’arrêter là et me réjouis de nos échanges.

Merci beaucoup.

This speech is part of a curated selection from various official events and is posted as prepared.