Fil d'Ariane

Examen de l’Union européenne au CRPD : l’importance d’aligner les normes européennes sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées est mise en avant

Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD, selon l’acronyme anglais) a examiné hier après-midi et cet après-midi le rapport soumis par l’Union européenne au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
À l’occasion du dialogue qui s’est noué entre les experts membres du Comité et la délégation européenne, un expert a regretté que l’Union européenne ne joue pas un rôle central dans l’application de la Convention, alors que – a relevé cet expert – certains pays membres maintiennent des réserves s’agissant de la capacité juridique des personnes handicapées ou encore de l’éducation inclusive. De plus, les fonds de l’Union européenne peuvent facilement être alloués à l’entretien, voire à la création d’institutions fermées, c’est-à-dire dans un sens contraire à la Convention, a regretté l’expert. Il a été recommandé que l’attribution des fonds de l’Union européenne soit conditionnée au respect de la Convention.
Un expert, regrettant pour sa part que la Convention n’ait pas d’effet direct sur le droit européen, a insisté sur l’importance d’aligner les normes européennes existantes sur la Convention par le biais d’un plan exhaustif et complet, et de faire en sorte que les lois adoptées à l’avenir soient conformes à la Convention. Un autre expert a dit admettre que l’Union européenne soit confrontée à certaines limites de compétence, mais a estimé qu’elle avait un rôle central à jouer pour que des violations flagrantes de la Convention ne se produisent pas.
Une experte a regretté que la Stratégie de l’Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 ne contienne pas de dispositions spécifiques relatives à l’emploi des femmes handicapées. Elle a aussi relevé que la loi européenne sur l’accessibilité ne contenait pas de dispositions sur l’accessibilité des personnes handicapées aux aéroports, aux trottoirs ou encore aux toilettes publiques ; de même, rien ne vient garantir l’accès des personnes handicapées aux moyens de communication numériques, a-t-elle fait remarquer.
A également été déplorée la pratique de stérilisation forcée de femmes handicapées qui, a-t-il été affirmé, perdure dans certains pays européens, alors même que l’Union européenne ne dispose pas d’outils pour combler cette lacune dans la protection des droits procréatifs des femmes handicapées. Plusieurs experts ont, d’autre part, relevé que le handicap n’occupait qu’une place mineure dans les plans d’aide au développement gérés par l’Union européenne.
La European Disability Card et la carte européenne de stationnement améliorée pour personnes en situation de handicap ont été jugées très positives.
Dans des remarques liminaires, Mme Hadja Lahbib, Commissaire à la préparation et à la gestion des crises et à l'égalité de l’Union européenne, a déclaré que la Commission européenne s’était attachée à améliorer la vie des personnes handicapées en adoptant la Stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées (2021-2030). Le fait de voir les personnes handicapées comme des personnes titulaires de droits, comme tout un chacun, transforme totalement l’approche en matière de politiques relatives au handicap, a-t-elle ajouté : les personnes handicapées ne sont pas tout simplement des membres d’une catégorie vulnérable, mais sont aussi des citoyens ayant des droits sur un pied d’égalité avec tout le monde.
Présentant ensuite le rapport, Mme Ana Carla Pereira, Directrice de l’égalité et de la non-discrimination à la Direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne, a précisé que la stratégie en faveur des droits des personnes handicapées se concentrait sur les domaines dans lesquels l’action de l’Union européenne peut apporter la plus grande valeur ajoutée. La stratégie, principal cadre politique pour l’application de la Convention au niveau de l'Union européenne, s'efforce d'englober tous les domaines de la vie reflétés dans la Convention, avec 64 mesures, dont sept sont des initiatives phares, a-t-elle précisé.
Mme Pereira a également souligné que l'accessibilité était une priorité absolue de l’Union européenne, la Directive sur l'accessibilité constituant une avancée historique dans ce domaine depuis l’examen du précédent rapport de l’UE devant le Comité en 2015. De plus, l'UE a franchi l'année dernière une étape décisive pour faciliter la libre circulation des personnes handicapées en son sein avec l’adoption de la Directive établissant la carte européenne du handicap et la carte européenne de stationnement pour personnes handicapées, a fait valoir Mme Pereira.
Complétant ces présentations, une représentante de l’institution du Médiateur européen a fait état de préoccupations s’agissant, notamment, de l’utilisation de financements de l’Union européenne à des fins contraires aux objectifs de la Convention en matière de désinstitutionnalisation. Elle a recommandé que les institutions européennes, en tant qu’employeurs, interprètent le règlement du personnel à la lumière des dispositions de la Convention s’agissant de l’adaptation des conditions de recrutement ainsi que des règles en matière d’allocation pour personnes handicapées ayant des enfants.
La délégation était composée, entre autres, de Mme Lotte Knudsen, Observatrice permanente de l’Union européenne auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de la Direction générale de la justice et des consommateurs et de la Direction générale des ressources humaines.
Au cours du dialogue, la délégation a précisé – notamment – que la Convention n’avait pas d’effet direct dans le droit européen mais qu’elle devait être respectée, au niveau de l’Union européenne, au moment d’interpréter le droit secondaire. La Commission applique une approche progressive de la révision des lois européennes au regard de la Convention, a aussi indiqué la délégation, et l’Union européenne s’efforce d’appliquer au mieux les observations générales du Comité : par exemple, la Directive européenne sur la vie autonome des personnes handicapées s’inscrit dans le droit fil de l’observation générale du Comité en la matière, a-t-il été précisé.
La délégation a aussi assuré que l’Union européenne tenait compte des discriminations multiples auxquelles se heurtent les femmes handicapées, comme en témoignent par exemple les mesures contraignantes destinées à renforcer le cadre légal pour favoriser l’emploi des femmes handicapées. La Commission, a fait savoir la délégation, adoptera une recommandation sur les pratiques préjudiciables envers les femmes handicapées, qui couvrira les stérilisations et avortements forcés.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Union européenne et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 21 mars.
Demain matin à 10 heures, le Comité poursuivra l’examen du rapport des Palaos, entamé ce matin.
Examen du rapport de l’Union européenne
Le Comité est saisi du rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de l’Union européenne (CRPD/C/EU/2-3), document établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Remarques liminaires
Dans une déclaration enregistrée, Mme Hadja Lahbib, Commissaire de l’Union européenne à la préparation et à la gestion des crises ainsi qu'à l'égalité, a déclaré que, depuis quinze ans, l’application de la Convention fait partie intégrante de toutes les politiques en matière de handicap dans l’Union européenne et ses institutions, ainsi que dans les États membres. En particulier, la Commission s’est attachée à améliorer la vie des personnes handicapées en adoptant la Stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées (2021-2030), a précisé Mme Lahbib. Le fait de considérer les personnes handicapées comme des titulaires de droits, à l’instar de tout un chacun, transforme totalement l’approche des politiques relatives au handicap, a-t-elle ajouté. Les personnes handicapées ne sont pas simplement des membres d’une catégorie vulnérable, mais aussi des citoyens disposant de droits sur un pied d’égalité avec tous les autres.
Depuis le dernier dialogue avec les Nations Unies en 2015, a poursuivi la Commissaire, la Commission a mis l’accent sur le droit des personnes handicapées à vivre de manière indépendante et à être incluses dans leur communauté. À cet égard, en novembre 2024, la Commission a présenté des lignes directrices aux États membres afin qu’ils procèdent à des investissements ciblés par le biais de financements européens.
Par ailleurs, la Commission a continué de promouvoir des initiatives basées sur l’accessibilité pour permettre aux personnes handicapées de se déplacer librement, d’accéder à l’information et de bénéficier de toutes les opportunités offertes par leur communauté. Par le biais de l’initiative « L’UE accessible », la Commission aide les États membres à honorer leurs obligations juridiques et à échanger des informations et des bonnes pratiques, a également indiqué Mme Lahbib. L’introduction d’une carte européenne pour personnes handicapées soutiendra leur liberté de circulation et améliorera leurs conditions de vie, a estimé Mme Lahbib.
Enfin, la Commissaire a reconnu que les programmes de réduction des risques de catastrophe et les plans de riposte de l’Union européenne devaient être plus inclusifs et plus accessibles.
Présentation du rapport
Présentant ensuite le rapport, MME ANA CARLA PEREIRA, Directrice de l’égalité et de la non-discrimination à la Direction générale de la justice et des consommateurs de la Commission européenne, a précisé que la stratégie de l’Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 se concentrait sur les domaines dans lesquels l'action de l’Union européenne peut apporter la plus grande valeur ajoutée, appelant les États membres à prendre des mesures dans leurs domaines de compétence. La stratégie, principal cadre politique pour l’application de la Convention au niveau de l'Union européenne (UE), s'efforce d'englober tous les domaines de la vie reflétés dans la Convention, avec 64 mesures, dont sept sont des initiatives phares, a-t-elle précisé.
L’application de l'article 5 de la Convention, concernant l'égalité et la non-discrimination, et son intégration dans toutes ses politiques, restent la première préoccupation de l’Union européenne, a poursuivi Mme Pereira. Afin de renforcer l'intégration, des « coordonnateurs handicap » ont été désignés au sein des différents services de la Commission, et il en va de même dans les autres institutions de l'UE, a-t-elle indiqué.
Depuis 2019, a en outre fait valoir Mme Pereira, la Commission a adopté plusieurs stratégies en matière d'égalité, couvrant en particulier les droits des personnes handicapées, et établissant un cadre visant à défendre les droits des individus et à lutter contre la discrimination intersectionnelle.
L'accessibilité est une autre priorité absolue de l’Union européenne, a d’autre part souligné Mme Pereira. À cet effet, la Directive sur l'accessibilité (2019/882) constitue une avancée historique dans ce domaine depuis l’examen du précédent rapport de l’UE devant le Comité en 2015. La Directive fixe des exigences d'accessibilité pour certains produits et services importants d'usage quotidien sur le marché intérieur de l'UE. Les obligations d'accessibilité sont également incluses dans plusieurs autres lois : ainsi, la Directive sur l'accessibilité du web de 2016 établit des exigences communes d'accessibilité pour les sites web et les applications mobiles des organismes du secteur public, a précisé Mme Pereira.
S’agissant du respect de la dignité inhérente des personnes handicapées, l'UE condamne fermement toute forme de maltraitance à l'encontre des personnes handicapées et reconnaît leur risque accru de subir la violence dans les institutions, a ensuite indiqué Mme Pereira. La Commission a récemment adopté ses orientations sur la vie autonome et l'inclusion dans la société, comme manière d’encourager les bonnes pratiques dans les processus de désinstitutionnalisation, a-t-elle en outre fait savoir. De même, en 2023, la Commission a adopté une proposition de révision de la Directive sur les droits des victimes, comprenant une nouvelle disposition visant à ce que les victimes handicapées bénéficient de moyens de communication électroniques et puissent accéder aux services de soutien et aux mesures de protection au même titre que les autres.
D’autre part, l'UE a franchi l'année dernière une étape décisive pour faciliter la libre circulation des personnes handicapées en son sein avec l’adoption de la Directive établissant la « carte européenne du handicap » et la « carte européenne de stationnement pour personnes handicapées », a fait valoir Mme Pereira.
Mme Pereira a également insisté sur le fait que la participation et l'intégration pleines et effectives des personnes handicapées dans les communautés revêtent une importance capitale pour l'UE, dont l’un des objectifs principaux est l'emploi des personnes handicapées. Le « Paquet emploi handicap » donne à ce titre des orientations et des exemples de bonnes pratiques à toutes les étapes de l'emploi, du recrutement à la formation continue, en passant par le maintien et le retour au travail. Enfin, en tant qu'employeurs, les institutions de l'UE s'engagent à prendre des mesures pour encourager le recrutement, l'emploi effectif ainsi que les perspectives de carrière du personnel handicapé, a souligné Mme Pereira.
Enfin, une représentante de l’institution du Médiateur européen a fait part de préoccupations concernant l’utilisation des financements de l’Union européenne à des fins ne correspondant pas aux objectifs de la Convention en matière de désinstitutionnalisation. Elle a estimé que la Commission devait veiller concrètement à ce que ces fonds contribuent effectivement à la réalisation du droit à une vie indépendante.
La représentante a également recommandé que les institutions européennes, en tant qu’employeurs, interprètent le règlement du personnel à la lumière des dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne l’adaptation des conditions de recrutement et les règles relatives aux allocations pour les personnes handicapées ayant des enfants.
Enfin, elle a recommandé que la Commission révise les règles de l’assurance maladie afin d’assurer une couverture complète des besoins de santé des personnes handicapées.
Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait confié l’examen du rapport de l’Union européenne à un groupe de travail composé de trois de ses membres : M. Markus Schefer, Mme Laverne Jacobs et Mme Rosemary Kayess.
Coordonnateur de ce groupe de travail, M. SCHEFER a d’abord souligné que l’examen du rapport de l’Union européenne, seule institution multilatérale à avoir ratifié la Convention, était exceptionnel pour le Comité. Il a salué les institutions européennes et les organisations représentant les personnes handicapées qui ont contribué à la préparation du présent examen.
M. Schefer a ensuite regretté que la Convention, à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, n’ait pas d’effet direct sur le droit européen. Il a demandé si l’Union européenne acceptait les interprétations de la Convention faites par le Comité dans ses observations générales. La Convention couvre tous les domaines de la vie et toutes les activités de l’Union européenne, a ajouté l’expert, insistant sur l’importance d’aligner les normes européennes existantes sur la Convention par le biais d’un plan exhaustif et complet, et de faire en sorte que les lois adoptées à l’avenir soient conformes à la Convention.
La Convention impose aux parties de consulter les personnes handicapées, a d’autre part rappelé M. Schefer, avant de souligner que cette participation des personnes handicapées doit être ancrée dans la loi. Il a demandé ce qu’il en était des modalités de consultation et de participation des organisations de personnes handicapées.
L’expert a par ailleurs regretté que la Commission ait retiré son projet de proposition de directive européenne relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement.
M. Schefer a regretté que les données sur le handicap recueillies par Eurostat, qu’il a néanmoins qualifiées de très utiles, ne soient pas ventilées par type de handicap et qu’elles ne tiennent pas compte des personnes handicapées placées dans des institutions.
L’expert a par ailleurs regretté que le handicap n’occupe qu’une place mineure dans les plans d’aide au développement gérés par l’Union européenne.
M. Schefer a demandé si l’Union européenne prévoyait d’améliorer la collaboration entre ses différentes institutions pour ce qui concerne les droits des personnes handicapées.
L’expert a en outre déploré que le service juridique de la Commission ait justifié l’attribution de fonds structurels au placement à long terme de personnes handicapées dans des institutions – une pratique qui contredit la longue jurisprudence en la matière, a souligné l’expert.
M. Schefer a également regretté que, face à la pratique de stérilisation forcée de femmes handicapées qui perdure dans certains pays européens, l’Union européenne ne dispose pas d’outils pour combler cette lacune dans la protection des droits procréatifs de ces femmes.
Au nom de MME KAYESS, M. Schefer a demandé ce que la Commission pouvait faire pour mettre un terme aux traitements par électrochocs qui sont toujours appliqués dans plusieurs pays de l’Union européenne.
MME JACOBS a regretté que la Stratégie de l’Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 ne contienne pas de dispositions spécifiques relatives à l’emploi des femmes handicapées. Elle a par ailleurs voulu savoir ce qui était fait pour que les consultations avec la société civile dans le cadre du processus législatif européen aient des résultats concrètes pour les femmes handicapées.
L’experte a ensuite constaté que la loi européenne sur l’accessibilité ne contenait pas de dispositions relatives à l’accessibilité des personnes handicapées aux aéroports, aux trottoirs ou encore aux toilettes publiques. De même, rien ne vient garantir l’accès des personnes handicapées aux moyens de communication numériques, a-t-elle relevé.
Mme Jacobs a enfin posé d’autres questions sur la participation des personnes handicapées au processus d’appel d’offres de l’Union européenne. Elle a regretté que les langues des signes nationales des pays européens ne soient pas reconnues comme langues officielles dans l’espace économique européen.
Un autre expert a regretté que l’Union européenne ne joue pas un rôle central dans l’application de la Convention, alors que certains de ses pays membres maintiennent des réserves s’agissant de la capacité juridique des personnes handicapées ou encore de l’éducation inclusive. De plus, les fonds de l’Union européenne peuvent facilement être alloués à l’entretien, voire à la création d’institutions fermées, c’est-à-dire dans un sens contraire à la Convention, a regretté l’expert. Il a été recommandé que l’attribution des fonds de l’Union européenne soit conditionnée au respect de la Convention.
Une experte a demandé si l’Union européenne allait se doter d’une stratégie complète d’application de la Convention au niveau interne, au profit de ses employés et de ses visiteurs. La même experte a déploré que l’Union européenne consacre beaucoup d’argent à des recherches sur la manière d’éviter la naissance de bébés atteints du syndrome de Down.
Une autre question a porté sur l’accès des personnes sourdes aux numéros d’appel d’urgence mis en place par l’Union européenne.
Il a par ailleurs été demandé si l’Union européenne encourageait les États membres à renoncer à utiliser des mots désobligeants envers les personnes handicapées.
Un autre expert a recommandé que les fonds européens consacrés au développement tiennent compte des droits des personnes handicapées.
La European Disability Card et la carte européenne de stationnement améliorée pour les personnes en situation de handicap ont été jugées très positives. Un expert a voulu savoir à quelles prestations ces cartes donnaient droit. Une autre experte a demandé ce que ferait l’Union européenne, au-delà de ces cartes, pour garantir la liberté de circulation des personnes handicapées, en particulier leur droit de bénéficier d’assistants personnels et d’autres formes de soutien dans les pays européens.
Plusieurs experts ont voulu savoir ce que l’Union européenne entreprenait pour inciter les États à garantir une scolarité véritablement inclusive pour tous les enfants handicapés.
Un expert a reconnu que l’Union européenne était confrontée à certaines limites de compétence, mais il a estimé qu’elle avait un rôle central à jouer pour empêcher que des violations flagrantes de la Convention ne se produisent.
Réponses de la délégation
Répondant à la première préoccupation de M. Schefer, la délégation a expliqué que la Convention n’avait pas d’effet direct dans le droit européen mais qu’elle devait être respectée, au niveau de l’Union européenne, au moment d’interpréter le droit secondaire. La délégation a aussi fait remarquer que la Convention visait des objectifs – et reposait sur des objectifs – que l’Union européenne respecte, mais qui ne sont pas déterminants pour la manière dont les États choisissent les mesures qu’ils estiment appropriées.
La Commission applique une approche progressive de la révision des lois européennes au regard de la Convention, a indiqué la délégation. L’Union européenne s’efforce également d’appliquer au mieux les observations générales du Comité : par exemple, la Directive européenne sur la vie autonome des personnes handicapées s’inscrit dans le droit fil de l’observation générale du Comité en la matière [], a précisé la délégation.
La délégation a souligné que l’Union européenne ne peut agir que dans certains domaines – notamment pour imposer des normes a minima – et que, dans d’autres domaines, elle n’est pas compétente, n’a pas le droit de légiférer et ne peut influencer le droit national.
L’Union européenne est partie à la Convention en tant qu’institution régionale et tous ses membres l’ont eux aussi ratifiée ; il appartient aux États membres de respecter la Convention et d’en répondre devant le Comité, a en outre rappelé la délégation.
Toute l’action des services européens chargés des questions de handicap est ancrée sur les principes et articles de la Convention, a assuré la délégation. Trente-trois départements – transports, éducation, par exemple – ont ainsi désigné une personne chargée des questions liées au handicap. Ces personnes tiennent régulièrement des réunions de coordination.
En outre, en tant qu’employeur, la Commission elle-même veille au respect de la Convention, a souligné la délégation.
Le processus législatif de l’Union européenne prévoit des consultations publiques avec, notamment, les groupes de la société civile concernés par l’objet de la loi envisagée, a poursuivi la délégation. Les effets potentiels du projet sont évalués sur cette base, et le projet pourra être modifié si nécessaire.
La Commission a créé en 2021 une « Plate-forme handicap » composée, d’une part, de représentants des États membres chargés des politiques consacrées aux personnes handicapées, et, d’autre part, de représentants de quatorze organisations de la société civile, le plus souvent des organismes faîtiers. La Plate-forme organise des rencontres régulières et fréquentes avec les organisations nationales de personnes handicapées, ainsi que des réunions ponctuelles sur des sujets spécifiques ou en réponse à des besoins exprimés, y compris s’agissant de processus législatifs en cours, a indiqué la délégation. Parallèlement, les États membres sont eux aussi en contact régulier avec les organisations de personnes handicapées, a-t-elle ajouté.
La proposition de « directive relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitemententre les personnes sans distinction de religion ou de conviction, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle »,mentionnée par M. Schefer, a été proposée par la Commission en 2008 et a fait l’objet de négociations pendant seize ans, a fait savoir la délégation. La directive devant être approuvée à l’unanimité des États, et l’unanimité n’ayant pu être obtenue depuis seize ans, la Commission a décidé de retirer le projet dans les six mois, a-t-il été expliqué.
Dans le même temps, a souligné la délégation, la stratégie de l’Union européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 est à mi-parcours. Un rapport sera bientôt publié au sujet de l’application à mi-parcours de cette stratégie, a-t-elle indiqué.
La délégation a assuré que l’Union européenne tenait compte des discriminations multiples auxquelles se heurtent les femmes handicapées, comme en témoignent par exemple les mesures prises pour adapter les refuges pour victimes de violence aux besoins des femmes handicapées, ou encore les mesures, contraignantes, destinées à renforcer le cadre légal pour favoriser l’emploi des femmes handicapées.
La délégation a d’autre part fait état de progrès enregistrés depuis 2015, au niveau législatif, s’agissant de l’accessibilité des personnes handicapées aux appareils électroniques de même qu’aux services bancaires. D’autres dispositions régissent l’adaptation des nouveaux bâtiments aux besoins des personnes handicapées, a-t-il été ajouté.
En matière d’accessibilité des transports, l’Union européenne peut intervenir, au nom de la subsidiarité, si son action est plus efficace que l’action aux niveaux national ou local, a d’autre part indiqué la délégation. L’Union européenne travaille en outre à l’harmonisation des normes d’accessibilité et d’interopérabilité des moyens de communication, a précisé la délégation.
L’agence Eurostat travaille actuellement à la collecte de statistiques tenant compte des types de handicap, a indiqué la délégation. De même, l’agence va présenter un questionnaire pilote permettant de recenser les personnes handicapées vivant dans des institutions, ou « ménages collectifs » selon la terminologie d’Eurostat, et ce, afin d’éclairer les politiques nationales et européennes.
La Commission a quantifié la part de l’action extérieure de l’Union européenne tenant compte des considérations liées au handicap : cette proportion est passée de 4% à 28% en quelques années, a indiqué la délégation.
L’Union européenne est engagée depuis longtemps à prodiguer une aide qui respecte le principe d’inclusion des personnes handicapées dans les opérations humanitaires, a ajouté la délégation.
Répondant aux préoccupations du Comité s’agissant de l’attribution des fonds européens à des fins contraires à la Convention, la délégation a précisé que la note du service juridique mentionnée par M. Schefer donne des exemples de logements acceptables, pour petits groupes, tels que des logements sociaux, et souligne la nécessité d’éviter le placement en institution.
Les fonds de cohésion, a expliqué la délégation, s’accompagnent de garanties visant à prévenir, notamment, la ségrégation et l’exclusion des personnes handicapées. De plus, la Commission peut lancer, à l’occasion d’une plainte par exemple, une procédure de vérification de l’utilisation des fonds européens.
La délégation a rappelé que l’Union européenne avait émis une directive sur la vie autonome des personnes handicapées et qu’elle investissait quelque 1,7 milliards d’euros dans les services communautaires destinés à favoriser cette autonomie.
En ce qui concerne les marchés publics, les dispositions en place obligent les fournisseurs à prendre en compte les critères d’accessibilité pour les personnes handicapées, a encore fait savoir la délégation.
M. Schefer ayant regretté que les adaptations du système judiciaire préconisées par le Comité pour répondre aux besoins des victimes handicapées ne soient pas mentionnées dans les politiques et le droit européens, la délégation a précisé que la directive sur le droit des victimes contenait des dispositions garantissant aux victimes handicapées, dans des conditions d’égalité, l’accès à des mesures et services de protection et de soutien.
La délégation a encore mentionné les services de soutien mis à la disposition des employés de l’Union européenne, notamment l’octroi de subventions aux fonctionnaires ayant un proche ou un enfant handicapé.
La European Disability Card atteste du handicap ; quant à la carte européenne de stationnement, elle vise à faciliter les déplacements des personnes handicapées dans les pays membres, a précisé la délégation. La reconnaissance de ces cartes est pour l’instant volontaire, mais elle deviendra obligatoire avec l’adoption d’une directive en préparation, a-t-elle ajouté. En 2029, une analyse sera menée pour identifier les lacunes en matière de libre circulation des personnes handicapées dans l’Union européenne, a-t-il été précisé.
Quant au processus de recrutement au sein de l’Union européenne, a poursuivi la délégation, d’importants efforts ont été consentis pour identifier les biais et les obstacles inutiles rencontrés par les personnes handicapées lors des concours, en particulier dans un contexte où les tests se déroulent de plus en plus souvent en ligne.
Par ailleurs, la Commission adoptera une recommandation sur les pratiques préjudiciables envers les femmes handicapées, couvrant notamment les stérilisations et avortements forcés, a également indiqué la délégation.
Plusieurs règles de l’Union européenne ont été adoptées afin de rendre l’information plus accessible aux personnes handicapées, mais la reconnaissance des langues des signes nationales relève de la compétence des États, a précisé la délégation.
Interrogée sur l’intégration des jeunes handicapés au programme Erasmus, la délégation a précisé que des aides supplémentaires leur étaient offertes, couvrant notamment les frais liés à la présence d’une personne de soutien.
Enfin, la délégation a répondu à d’autres questions des experts du Comité sur la mise à disposition d’assistants personnels pour les personnes handicapées, l’accès des personnes ayant une déficience visuelle aux œuvres publiées, ainsi que le respect de leur droit à la vie privée.
Remarques de conclusion
Un représentant de l’institution du Médiateur européen a salué le long chemin parcouru pour protéger les droits des plus de 100 millions de personnes handicapées vivant sur le territoire de l’Union européenne. À cet égard, s’est-il félicité, la Stratégie européenne en faveur des droits des personnes handicapées 2021-2030 constitue un engagement remarquable.
Le représentant a également souligné que la Convention relative aux droits des personnes handicapées étant la seule convention internationale des droits de l’homme ratifiée par l’Union européenne, celle-ci devait montrer l’exemple et prendre toutes les mesures nécessaires pour la mettre en œuvre pleinement et efficacement. Il a insisté en particulier sur la nécessité de mettre en place un cadre de suivi adéquat, disposant des ressources financières, structurelles et juridiques nécessaires.
Mme Pereira a insisté sur le fait que, pour l’Union européenne, les personnes handicapées ne sont pas simplement une catégorie vulnérable, mais des citoyens capables de prendre des décisions, d’avoir des ambitions, de développer leurs talents et de s’épanouir dans leur vie privée, éducative et professionnelle.
Dans les mois et les années à venir, a assuré Mme Pereira, la Commission veillera à appliquer les recommandations du Comité dans le cadre de sa stratégie pour les droits des personnes handicapées.
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CRPD25.006F