Fil d'Ariane
Conseil des droits de l’homme : il y a de plus en plus de preuves de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis au Myanmar ; à Sri Lanka, l'impunité reste un obstacle majeur à la réconciliation et à la paix
Poursuivant ses travaux après la présentation, plus tôt dans la matinée, de la mise à jour concernant le rapport annuel de l’ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’homme, le Conseil a examiné, à partir de 10 heures ce matin, un rapport du Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar et un rapport du Haut-Commissariat concernant la situation des droits de l’homme à Sri Lanka. Il a également entendu une allocution de M. Alfonso Nsue Mokuy, troisième Vice-Premier Ministre de Guinée équatoriale.
Présentant son rapport, M. Nicholas Koumjian, Chef du Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, a relevé que, depuis sa dernière présentation devant le Conseil, les crimes internationaux les plus graves pour lesquels enquête le Mécanisme se sont intensifiés et a souligné que le peuple du Myanmar souffrait toujours de l’absence de reddition de comptes de la part de ceux qui croient ne pas devoir répondre à la loi. En outre, depuis le coup d’État militaire de février de l’année dernière, il y a de plus en plus de preuves de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris le meurtre, la torture, la déportation et le transfert forcé, la persécution, l’emprisonnement et le ciblage de la population civile, a déploré M. Koumjian.
Le Mécanisme, a indiqué son Chef, a recueilli des informations faisant état d’enfants au Myanmar qui ont été torturés et détenus arbitrairement, parfois pour cibler leurs parents. Il y a aussi une augmentation des preuves de crimes sexuels et sexistes contre des femmes et des hommes, a ajouté M. Koumjian.
Suite à cette présentation, de nombreuses délégations* ont pris part au dialogue avec M. Koumjian. Nombre d’entre elles ont souhaité voir les auteurs de graves violations des droits de l’homme au Myanmar être traduits devant la Cour pénal internationale et le Cour internationale de Justice. Ont par ailleurs été salués à plusieurs reprises le rôle du Bangladesh et les efforts continus que déploie ce pays pour faire face aux répercussions de la crise qui affecte les Rohingya ; des appels ont été lancés afin que la communauté internationale fournisse un soutien nécessaire à ce pays d’accueil.
Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim, a ensuite présenté un rapport de Mme Michelle Bachelet, ancienne Haute-Commissaire aux droits de l’homme, portant sur de nouvelles options pour favoriser l’établissement des responsabilités à Sri Lanka. Dans ce document, Mme Bachelet relève que treize ans après la fin de la guerre, des dizaines de milliers de survivants et leurs familles continuent de réclamer justice et de vouloir connaître la vérité sur le sort de leurs proches. L'État sri-lankais a échoué à plusieurs reprises à créer un processus de justice transitionnelle efficace et à faire respecter les droits des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations. Au contraire, les gouvernements successifs ont créé des obstacles politiques à l'obligation de rendre des comptes et ont activement promu et intégré certains militaires et anciens paramilitaires impliqués dans des crimes de guerre présumés aux plus hauts niveaux du Gouvernement.
L'impunité reste un obstacle majeur à l'État de droit, à la réconciliation, à la paix et au développement durable pour Sri Lanka, et elle risque de favoriser de nouvelles violations, conclut Mme Bachelet dans son rapport.
Dans une déclaration à titre de pays concerné, Sri Lanka a affirmé que les changements récents survenus dans le pays témoignaient de son engagement à défendre les principes et les normes démocratiques.
De nombreuses délégations** ont ensuite pris part au dialogue avec Mme Al-Nashif, nombre d’entre elles reconnaissant les circonstances difficiles que traverse Sri Lanka. Il a été recommandé au Gouvernement sri-lankais de profiter de la période actuelle pour mettre en œuvre des changements constructifs afin de permettre le plein fonctionnement d’un gouvernement dirigé par des civils et de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les attaques récentes contre des manifestants témoignent de la culture persistante d’impunité, d'intimidation et de surveillance dont souffrent la société civile et les journalistes, a-t-il en outre été déploré.
Pendant ces deux dialogues, plusieurs délégations ont regretté l’adoption par le Conseil de mandats ne bénéficiant pas du soutien des pays concernés.
Dans son allocution devant le Conseil, le troisième Vice-Premier Ministre de la Guinée équatoriale a notamment fait part de l’abolition de la peine de mort par son pays et de la décision prise par tous les acteurs politiques, il y a quelques jours, de tenir des élections présidentielles, législatives et municipales en 2022.
Cet après-midi, le Conseil doit examiner le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, avant de tenir un dialogue renforcé sur les droits humains des femmes et des filles dans ce même pays.
Dialogue avec le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar
Le Conseil est saisi du rapport du Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar (A/HRC/51/4).
Présentation du rapport
Présentant ce rapport, M. NICHOLAS KOUMJIAN, Chef du Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, a d’emblée indiqué que, tragiquement, depuis sa dernière présentation devant le Conseil, les crimes internationaux les plus graves pour lesquels enquête le Mécanisme se sont intensifiés. Le peuple du Myanmar continue de souffrir de l’absence de reddition de comptes de la part de ceux qui croient ne pas devoir répondre à la loi, a-t-il ajouté.
Cinq ans se sont écoulés depuis que les opérations militaires de 2017 dans l’État rakhine, qui ont conduit la plupart des Rohingya à fuir le Myanmar et, pour la quasi-totalité, à rester dans les pays voisins en attendant le jour où les conditions leur permettront de rentrer chez eux en toute sécurité et dans la dignité. La fin de l’impunité pour ceux qui ont infligé la violence ferait beaucoup pour créer de telles conditions, a insisté M. Koumjian.
Depuis le coup d’État militaire de février de l’année dernière, il y a de plus en plus de preuves de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris le meurtre, la torture, la déportation et le transfert forcé, la persécution, l’emprisonnement et le ciblage de la population civile, a souligné le Chef du Mécanisme. Le Mécanisme accorde la priorité à la collecte de preuves de violences sexuelles et sexistes et de crimes contre les enfants, a-t-il indiqué. Les femmes et les enfants sont particulièrement menacés dans les conflits, mais l’expérience montre que les crimes commis contre eux sont généralement sous-déclarés et sous-poursuivis, a poursuivi M. Koumjian. Le Mécanisme a recueilli des informations faisant état d’enfants au Myanmar qui ont été torturés et détenus arbitrairement, parfois pour cibler leurs parents, a-t-il précisé. Il y a aussi une augmentation des preuves de crimes sexuels et sexistes contre des femmes et des hommes, a-t-il déploré.
Bien que la peine capitale ne soit pas en soi un crime international, prononcer une peine de mort sur la base de procédures qui ne satisfont pas aux exigences fondamentales d’un procès équitable peut constituer un crime contre l’humanité, a ajouté M. Koumjian. Il y a de fortes indications que les exécutions de quatre personnes en juillet dernier se sont déroulées sans procédure régulière, car la procédure a manqué de transparence et pratiquement aucune information n'est disponible quant aux accusations et aux preuves, a-t-il expliqué.
Le Mécanisme est confronté à de nombreux défis pour recueillir des preuves, étant donné qu’il n’a toujours pas accès aux scènes de crime et aux témoins au Myanmar, a souligné M. Koumjian. Malgré ces défis, des progrès notables sont réalisés. Le Mécanisme a préparé 67 dossiers de preuves et d’analyse à partager avec les autorités judiciaires, y compris pour les procédures devant la Cour pénale internationale et la Cour internationale de Justice. Le personnel du Mécanisme comprend désormais une expertise dans les enquêtes open source et financières, ce qui renforce sa capacité d’analyse. Le Mécanisme doit aujourd’hui faire face aux défis du traitement de millions de sources, a indiqué son Chef.
Aperçu du dialogue
Durant le dialogue, de nombreuses délégations ont condamné les violations des droits de l’homme commises au Myanmar qui, selon le Mécanisme, constituent des crimes systématiques contre l’humanité. Une délégation s’est dite alarmée par les conclusions du Mécanisme selon lesquelles ce qui peut constituer des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre continue d’être systématiquement commis au Myanmar.
Plusieurs intervenants ont par ailleurs condamné le coup d’État militaire. Depuis la prise de pouvoir par l’armée en février 2021, la situation des droits humains au Myanmar n’a fait que se détériorer, en particulier pour les personnes appartenant à des minorités religieuses et autres, a-t-il été déploré.
Ont aussi été condamnées les exécutions à motivation politique de dirigeants pro-démocratie et d’opposition par l’armée du Myanmar, et plusieurs appels ont été lancés en faveur d’un retour à un moratoire de facto sur la peine de mort.
Certaines délégations ont également appelé à la cessation immédiate du recours à la violence contre les civils, y compris les personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, et ont plaidé pour qu’il soit permis à la population d’exercer ses droits, y compris les droits de l’homme à la liberté d’expression et de réunion.
Les rapports relatifs à la violence sexuelle et sexiste systématique et aux crimes commis contre les enfants sont particulièrement épouvantables, ont en outre relevé certains intervenants.
Plus d’un million de Rohingya sont déplacés. Cela souligne l’importance d’un mécanisme de responsabilisation qui fonctionne bien, a souligné une délégation. Une autre délégation a déclaré que les trois millions d’éléments d’information contenus dans le répertoire du Mécanisme démontrent que les auteurs doivent être tenus responsables. Tous les partenaires de la communauté internationale doivent coopérer pleinement avec le Mécanisme afin qu’il puisse tenir ses promesses et que les victimes puissent obtenir justice, a-t-il été souligné.
Plusieurs intervenants ont également demandé au Myanmar de coopérer avec le Mécanisme et de fournir un accès significatif et sans entrave aux sources et aux lieux pertinents.
De nombreuses délégations ont fait part de leur souhait de voir les auteurs des graves violations des droits de l’homme commises au Myanmar être traduits devant la Cour pénal internationale et le Cour internationale de Justice.
Ont par ailleurs été salués à plusieurs reprises le rôle du Bangladesh et les efforts continus que déploie ce pays pour faire face aux répercussions de la crise qui affecte les Rohingya ; des appels ont été lancés afin que la communauté internationale fournisse un soutien nécessaire à ce pays d’accueil.
Durant ce dialogue, certains intervenants ont pour leur part dénoncé les mandats du Conseil qui se font en l’absence d’appui des pays concernés. L’imposition de mécanismes hostiles et sélectifs est inefficace, a-t-il été affirmé, d’aucuns plaidant pour que de telles pratiques disparaissent. Le dialogique politique est la seule voie pour faire face aux différends dans le pays, a-t-il été déclaré.
Certaines délégations ont en outre regretté l’absence de représentants du pays concerné (le Myanmar) dans ce dialogue.
*Liste des intervenants : Finlande (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Suisse, Égypte, France, Luxembourg, Pays-Bas, Australie, Irlande, Japon, Venezuela, Namibie, Chine, Malaisie, États-Unis, Royaume-Uni, Indonésie, Bangladesh, Timor-Leste, Roumanie, Belgique, Gambie, Nouvelle-Zélande, Italie, Iran, Türkiye, Malawi, Canada, Arménie, Centre pour les droits civils et politiques – Centre CCPR ; Jubilee Campaign ; International Commission of Jurists ; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH ; Asian Forum for Human Rights and Development ; Meezaan Center for Human Rights ; iuventum e.V. ; Lawyers' Rights Watch Canada ; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
Remarques de conclusion
M. KOUMJIAN a fait savoir que le Mécanisme s’inquiète de tous les procès organisés au Myanmar après le coup d’État. Si les procès se sont tenus en dehors des standards internationaux, il s’agit d’un crime et si des peines de mort ont été prononcés, il peut s’agir d’un crime contre l’humanité, a-t-il souligné.
Le Mécanisme est aujourd’hui confronté à plusieurs défis, dont le plus important est la communication avec les victimes, a ajouté M. Koumjian. Le Mécanisme, dans ce contexte, aurait besoin d’une coopération des États afin qu’ils le soutiennent pour organiser des rencontre avec les victimes exilées qui se trouvent sur leur territoire, a-t-il indiqué. L’autre point essentiel est de conserver la sécurité de ces témoins, il faut dans certains cas pouvoir les accueillir et les protéger, a poursuivi le Chef du Mécanisme. Il faut aussi apporter un soutien aux personnes qui procurent des témoignages sur des crimes dramatiques, a-t-il insisté. Indiquant que le Mécanisme n’a pas assez de ressources pour offrir le soutien aux victimes, M. Koumjian a demandé l’aide internationale dans ce domaine.
S’agissant de l’affaire portée devant la Cour internationale de Justice, le Mécanisme estime qu’il s’agit d’une affaire très importante et il est prêt à donner les meilleures preuves dont il dispose au juge, a par ailleurs fait savoir M. Koumjian. La procédure peut maintenant avancer et entrer dans la phase d’établissements des faits. Le Mécanisme va redoubler d’efforts pour communiquer toutes ces preuves dans les délais nécessaires.
Dialogue sur le rapport du Haut-Commissariat relatif à la situation des droits de l’homme à Sri Lanka
Le Conseil est saisi d’un rapport de Mme Michelle Bachelet, ancienne Haute-Commissaire aux droits de l’homme, portant sur de nouvelles options pour favoriser l’établissement des responsabilités à Sri Lanka (A/HRC/51/5, version préliminaire en anglais).
Présentation du rapport
Le rapport a été présenté par MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire aux droits de l’homme par intérim. Depuis la dernière mise à jour écrite du Haut-Commissariat, en mars 2022, le Sri Lanka a souffert d'une crise économique sans précédent, a relevé Mme Al-Nashif, citant le rapport rédigé par Mme Bachelet. L'inflation atteint 66,7% et, depuis des mois, les Sri-Lankais sont confrontés à de graves pénuries de carburant, d'électricité, de nourriture, de médicaments et d'autres produits essentiels ; quelque 6,3 millions de personnes seraient en situation d'insécurité alimentaire.
Dans le même temps, le pays a été le théâtre de manifestations de masse réclamant un changement du paysage politique. Des personnes issues de différents milieux socioéconomiques, culturels, ethniques et religieux se sont rassemblées pour réclamer de profondes réformes politiques et démocratiques, ainsi que l'obligation de rendre des comptes pour la mauvaise gestion économique et la corruption. Un nouveau Président a été élu par le Parlement le 20 juillet 2022. Sri Lanka a traversé ces changements de manière pacifique et conformément à sa Constitution, mais la situation politique et économique reste fragile et le risque d'une nouvelle instabilité demeure, constate Mme Bachelet dans son rapport.
Dans son rapport, l’ancienne Haute-Commissaire encourage le nouveau Gouvernement à entamer un dialogue national pour faire progresser les droits de l'homme et la réconciliation, de même qu’à mener les réformes institutionnelles, démocratiques et du secteur de la sécurité qui sont nécessaires pour rétablir l'indépendance des institutions, combattre l'impunité, empêcher la répétition des violations des droits de l'homme et s'attaquer à la crise économique.
Treize ans après la fin de la guerre, des dizaines de milliers de survivants et leurs familles continuent de réclamer justice et de vouloir connaître la vérité sur le sort de leurs proches. L'État a échoué à plusieurs reprises à créer un processus de justice transitionnelle efficace et à faire respecter les droits des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations. Au contraire, les gouvernements successifs ont créé des obstacles politiques à l'obligation de rendre des comptes et ont intégré certains militaires et anciens paramilitaires – impliqués de manière crédible dans des crimes de guerre présumés – aux plus hauts niveaux du Gouvernement, regrette Mme Bachelet dans son rapport.
L'impunité reste un obstacle majeur à l'État de droit, à la réconciliation, à la paix et au développement durable pour Sri Lanka, et risque de favoriser de nouvelles violations, conclut Mme Bachelet. Cette impunité enhardit ceux qui commettent des violations des droits de l'homme, crée un terrain fertile pour la corruption et l'abus de pouvoir, et contribue à la crise économique actuelle, souligne-t-elle.
Pays concerné
Sri Lanka a réitéré son engagement à promouvoir, garantir et protéger les droits humains de son peuple et sa détermination à poursuivre son engagement avec le Conseil des droits de l’homme dans un esprit de coopération et de dialogue. Nonobstant le rejet catégorique par Sri Lanka de la résolution 46/1 du Conseil, la délégation sri-lankaise a soumis une réponse écrite détaillée au rapport du Haut-Commissaire, a souligné le pays.
Le Gouvernement sri-lankais est extrêmement sensible aux difficultés socioéconomiques rencontrées par sa population et a engagé des mesures immédiates sur plusieurs fronts afin d’assurer le bien-être de la communauté, a poursuivi la délégation. Un accord a été conclu avec le Fonds monétaire international et le Gouvernement dialogue avec les différentes institutions des Nations Unies, ainsi qu’avec des partenaires bilatéraux, pour protéger les plus vulnérables contre les effets néfastes de la crise. Les changements récents survenus témoignent de l’engagement de Sri Lanka à défendre les principes et les normes démocratiques. Ainsi, les droits constitutionnels relatifs notamment au droit de réunion pacifique assurent un espace démocratique pour la population, a assuré la délégation. Elle a ajouté que le pays restait fermement engagé à poursuivre des progrès tangibles en matière de protection des droits de l’homme.
Sri Lanka, ainsi que plusieurs membres de ce Conseil, se sont opposés à la résolution 46/1, dont le paragraphe 6 viole la souveraineté du peuple sri-lankais et les principes de la Charte des Nations Unies, a insisté la délégation. Dans son rapport, la Haute-Commissaire fait référence à des « crimes économiques » : outre l'ambiguïté de cette notion, Sri Lanka estime qu’une telle référence dépasse le mandat du Haut-Commissariat.
Sri Lanka a pris des mesures visant à promouvoir la réconciliation et les droits de l’homme et s’efforce d’établir un mécanisme crédible de recherche de la vérité, a poursuivi la délégation sri-lankaise. Par ailleurs, les recommandations de la Commission présidentielle d’enquête ont abouti à des modifications progressives de la loi sur la prévention du terrorisme ainsi qu’à la libération de détenus. D’autres recommandations sont attendues. Enfin, Sri Lanka continue de fournir le soutien et les ressources nécessaires pour renforcer le fonctionnement des mécanismes nationaux indépendants dont l'Office des personnes disparues (OMP), l'Office des Réparations (OR), le Bureau pour l'unité nationale et la réconciliation (ONUR) et la Commission des droits de l'homme du Sri Lanka (HRCSL).
Aperçu du dialogue
Plusieurs intervenants ont reconnu les circonstances difficiles que traverse Sri Lanka et ont indiqué qu’elles doivent aussi être appréhendées comme une occasion d’entreprendre des réformes indispensables, garantissant l’inclusion de tous. Le Gouvernement, a-t-il été affirmé, doit profiter de la période actuelle pour entreprendre des changements constructifs afin de permettre le plein fonctionnement d’un gouvernement dirigé par des civils ; de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et des institutions nationales des droits de la personne ; de promouvoir le respect de la société civile et des droits de la personne, y compris ceux des minorités ethniques et religieuses ; et de garantir la démocratie et l’État de droit.
Les Sri-Lankais de toutes communautés se sont réunis dans un mouvement de protestation massif et ont exigé une plus grande transparence, une plus grande participation à la vie démocratique, une meilleure gestion économique et la lutte contre la corruption. Ces revendications générales constituent un point de départ important pour une vision nouvelle et commune de l’avenir, a-t-il été souligné.
Certains intervenants ont fait part de leurs préoccupations face aux différentes crises politiques et économiques qui frappent le pays et entraînent la détérioration des droits des plus vulnérables, notamment ceux des femmes, des jeunes, des minorités et des personnes âgées. Une délégation a souligné que cette crise sans précédent que traverse le pays avait de graves répercussions sur la protection et la jouissance des droits de l’homme.
Le Gouvernement sri-lankais a été invité à faire des progrès, notamment dans les domaines de la justice transitionnelle, de l’obligation redditionnelle et de la réconciliation. Ainsi, a-t-il été indiqué que la création d’une commission de vérité et de réconciliation serait un début bienvenu pour un processus inclusif. Le Gouvernement a également été appelé à prendre des mesures importantes pour garantir les droits économiques et sociaux de la population et à assumer la responsabilité pour les crimes commis, en adoptant notamment des mesures de réparation pour les victimes de violations des droits humains.
Tout en saluant l’engagement déclaré du nouveau Président sri-lankais en faveur de la réforme constitutionnelle, plusieurs délégations ont souligné l’importance de favoriser des processus consultatifs à large assise, représentatifs de tous les Sri-Lankais.
Certains ont fait part de leur inquiétude concernant la loi sur la prévention du terrorisme et notamment l’arrestation de trois organisateurs de manifestations étudiantes. Il est crucial que les libertés démocratiques fondamentales, telles que le droit d’exercer pacifiquement la liberté d'expression, soient respectées et défendues, a-t-il été souligné.
Plusieurs intervenants ont exhorté les autorités sri-lankaises à protéger la liberté d’expression et de réunion pour tous, y compris pour les personnes appartenant à des minorités, et à mettre fin aux arrestations arbitraires lors de manifestations pacifiques. Les récentes attaques contre des manifestants témoignent de la culture persistante d’impunité, d'intimidation et de surveillance dont souffrent la société civile et les journalistes, ont déploré certaines délégations.
De nombreux intervenants de la société civile ont fait part de leurs préoccupations face à l’absence de liberté religieuse et de progrès pour établir la vérité sur les attentats du dimanche de Pâques survenus en 2019. Ils ont plaidé en faveur d’une enquête de suivi indépendante et transparente.
De nombreux intervenants ont pour leur part rejeté la résolution 46/1 du Conseil, produit, selon eux, d’une politisation du Conseil. Cette résolution revêt un caractère de confrontation et n’a pas reçu l’assentiment du pays concerné, ont-ils insisté. Par son travail de collecte de preuves - mandat qui ne lui a jamais été conféré par une résolution de l’Assemblée générale - le Haut-Commissariat remet en question les principes de dialogue et de coopération, a-t-il été affirmé. L'agenda des droits de l'homme doit être discuté à travers un véritable dialogue et une approche basée sur le consentement, la non-confrontation, la non-politisation et la non-sélectivité, a-t-on insisté, d’aucuns ajoutant que l’Examen périodique universel (EPU) est la meilleure garantie pour aborder la question des droits de l’homme à Sri Lanka.
Plusieurs intervenants ont en outre mis l’accent sur la disponibilité de Sri Lanka à dialoguer avec le Conseil dans un esprit de coopération, ainsi qu’à accueillir sur place les visites du Haut-Commissariat.
Plusieurs délégations ont réitéré l'importance pour le nouveau Gouvernement sri-Lankais de défendre la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit ainsi que des institutions indépendantes. Les autorités doivent s’attaquer aux causes profondes de la situation actuelle, à savoir le manque de bonne gouvernance et de responsabilité, l'impunité de longue date et la corruption.
Un appel a été lancé afin que Sri Lanka coopère pleinement avec le Haut-Commissariat conformément à la résolution 46/1 et à toute nouvelle résolution.
**Liste des intervenants : Pays-Bas (au nom d'un groupe de pays), Finlande (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Arabie saoudite (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Liechtenstein, Suisse, Égypte, Inde, France, République populaire démocratique de Corée, Macédoine du Nord, Australie, Irlande, Japon, Maldives, Éthiopie, Cuba, Kazakhstan, Venezuela, Viet Nam, Fédération de Russie, Chine, Nigéria, République arabe syrienne, Nicaragua, États-Unis, Népal, Royaume-Uni, Bangladesh, Pakistan, Soudan du Sud, Burundi, Bélarus, Zimbabwe, Yémen, République démocratique populaire lao, Niger, Monténégro, Azerbaïdjan, Cameroun, Canada, Nouvelle-Zélande, Thaïlande, Ouganda, Philippines, Kenya, République islamique d’Iran, Türkiye, Bolivie, Liban, Soudan, Malawi, Cambodge, Érythrée, Niger, Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture, Christian Solidarity Worldwide, Asian Forum for Human Rights and Development, Baptist World Alliance, World Evangelical Alliance (pour une déclaration conjointe), Centre pour les Droits Civils et Politiques , Franciscans International, People for Equality and Relief in Lanka , Commission internationale de juristes, Global Life Savers,
Remarques de conclusion
MME AL-NASHIF a notamment affirmé que le nouveau contexte politique du pays allait ouvrir de nouvelles possibilités de collaboration entre Sri Lanka et le Haut-Commissariat.
S’agissant du processus de justice transitionnelle, la Haute-Commissaire par intérim a insisté sur la nécessité d’élaborer une feuille de route. Tout mécanisme d’établissement de la vérité doit s’accompagner de mesures pénales et d’un mandat fort et indépendant ; des ressources financières significatives seront indispensables, a ajouté Mme Al-Nashif, relevant que les mécanismes actuels n’ont pas fonctionné et ne jouissent pas de la confiance des victimes. Même l’Office des personnes disparues souhaite avant tout classer les dossiers plutôt que d’éluder le sort des personnes disparues, a-t-elle observé.
Déclaration du troisième Vice-Premier Ministre de la Guinée équatoriale
M. ALFONSO NSUE MOKUY, troisième Vice-Premier Ministre de la Guinée équatoriale, a souligné que les effets de la crise économique internationale et de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 ont représenté un défi de taille pour la jouissance effective des droits de l’homme en général et des droits économiques et sociaux en particulier.
Nous comprenons bien que chaque pays a sa propre culture, des valeurs, une législation et des demandes sociales qui lui sont propres, mais nous estimons également qu’il est fondamental de parvenir tous à des accords fondamentaux pour promouvoir le respect, la non-discrimination et la lutte contre la violence dans tous les domaines, a-t-il poursuivi. Il a ensuite attiré l’attention sur la stratégie nationale de développement durable à l’horizon 2035 issue de la troisième Conférence économique nationale qu’a tenue son pays.
Le nouveau Code pénal que le pays avait annoncé lors de la cinquantième session du Conseil des droits de l’homme a désormais été approuvé par le Parlement et entériné par le chef de l’État au travers de la Loi n°4/2022 en date du 17 août dernier, dont l’article 26 stipule l’abolition totale de la peine capitale dans l’ordre juridique de la République de Guinée équatoriale, a poursuivi le troisième Vice-Premier Ministre.
Le Plan national de surveillance et de réponse à la COVID-19 a produit des effets positifs en Guinée équatoriale avec l’approbation, permettant de réduire l’incidence et la mortalité de cette maladie dans le pays, a-t-il ajouté.
La Guinée équatoriale a connu ces derniers mois un regain d’insécurité avec notamment des vols et des meurtres à l’encontre des citoyens, et pour contrer ce fléau, le Gouvernement a créé un plan national de lutte contre la délinquance, qui a été mis en œuvre à travers le pays avec la rétention et l’arrestation d’un certain nombre de jeunes impliqués dans des bandes organisées criminelles dans tout le pays. a par ailleurs indiqué le troisième Vice-Premier Ministre. Il a en outre indiqué qu’une commission des droits de l’homme intégrant des membres de la Croix-Rouge internationale mènera à la fin de cette année des visites d’inspection dans toutes les institutions pénitentiaires et commissariats de police du pays pour se conformer aux procédures spéciales du Haut-Commissariat.
Enfin, il a informé le Conseil que la Déclaration institutionnelle adoptée par le Parlement national exhorte le Gouvernement de la République de Guinée équatoriale à organiser conjointement les élections présidentielles, législatives et municipales en 2022. Ainsi, tous les acteurs politiques du pays se sont réunis le 8 septembre dernier pour confirmer cette Déclaration et décider de la tenue de ces élections.
HRC22.079F