Fil d'Ariane
La Conférence du désarmement se penche sur la manière pour elle d’aller de l’avant
Ce matin, à l’occasion d’une brève séance plénière, la Conférence du désarmement a examiné un document de travail résumant des consultations menées pendant la présidence australienne de la Conférence, en 2020, s’agissant du fonctionnement de la Conférence et de la manière pour elle d’aller de l’avant.
La Présidente de la Conférence du désarmement, l’Ambassadrice Leslie E. Norton, du Canada, a indiqué que plusieurs États avaient exprimé leur intérêt à discuter de ce document (CD/2197), qui est le résultat non seulement du travail de l'Australie, mais aussi des États qui ont proposé leurs contributions. La délégation australienne a précisé à ce propos qu’elle avait recueilli, de manière confidentielle, des avis sur les questions de sécurité ou de contrôle des armements qui sont les plus importantes pour les délégations, sur ce que la Conférence pourrait négocier au cours des cinq à dix prochaines années, et sur la manière dont la Conférence pourrait parvenir à un consensus sur ces négociations.
Les délégations suivantes ont ensuite fait part de leurs observations au sujet du document présenté par l’Australie : États-Unis, Pays-Bas, Inde, Chine, Pakistan, Iran, République de Corée, Malaisie (au nom du Groupe des 21), Indonésie, Turquie et Venezuela.
Pendant le débat, les délégations ont exprimé leurs points de vue sur le fonctionnement actuel de la Conférence. La prudence de certains États sur la question de l’amélioration des méthodes de travail s’explique, a-t-il été avancé, par la crainte de ces États d’un affaiblissement de la règle du consensus qui prévaut à la Conférence.
Il a aussi été regretté que, depuis plusieurs décennies, la Conférence n’ait pu aborder la question fondamentale du désarmement nucléaire et que, dans ces conditions, il était difficile d’y traiter d’autres questions importantes. La crainte a été exprimée que le refus de parler d'autre chose que du mandat principal de la Conférence n’éloigne encore cette instance de l’ouverture de négociations.
La prochaine séance publique de la Conférence aura lieu le jeudi prochain, 12 août, à 15 heures. La Conférence entendra, à l’occasion de la Journée internationale de la jeunesse, des déclarations de Mme Izumi Nakamitsu, Secrétaire générale adjointe et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement ; de Mme Jayathma Wickramanayake, Envoyée du Secrétaire général des Nations Unies pour la jeunesse ; et de quatre « Jeunes champions des Nations Unies » pour le désarmement, représentant le Canada, le Viet Nam, le Liban ainsi que le Rwanda et l’Ouganda.
Synthèse des consultations tenues pendant la présidence de l’Australie
Présentation
La Présidente de la Conférence du désarmement, l’Ambassadrice LESLIE E. NORTON, du Canada, a d’abord regretté que la Conférence n’ait pu se mettre d'accord, la semaine dernière, sur la mise à jour de son règlement intérieur pour qu'il reflète l'égalité des hommes et des femmes, malgré le soutien de nombreuses délégations. Mme Norton a cependant remercié les délégations d'avoir participé à la discussion sur ce sujet important. La Conférence ne parviendra pas à un consensus sur cette question au cours de la dernière semaine de la présidence canadienne, a observé Mme Norton, avant d’encourager les États à poursuivre les discussions informelles sur ce sujet.
La Présidente a dit n’avoir entendu, la semaine dernière, aucune objection de fond sur la question de l’égalité de sexes, et dit supposer que les prochaines présidences lanceraient une autre tentative pour mettre à jour le règlement intérieur pour refléter « nos valeurs et pratiques communes ». Mme Norton a estimé que la Conférence avait obtenu le début d’une conversation et, comme certaines délégations l'ont noté, le moment viendra peut-être de procéder à ces changements.
S’agissant ensuite de la séance plénière de ce jour, Mme Norton a expliqué qu’elle porterait sur le document CD/2197, soumis l'an dernier comme document officiel par la délégation australienne. Pendant sa présidence, l'Australie a entrepris de vastes consultations en demandant aux États leur point de vue sur la Conférence du désarmement et sur la manière d'aller de l'avant. Plusieurs États ont exprimé leur intérêt à discuter de ce document, qui est le résultat non seulement du travail acharné de l'Australie, mais aussi des États qui ont proposé leurs contributions.
L’Australie a précisé que le document CD/2197 résumait les consultations entreprises au cours de sa présidence de la Conférence, en 2020, lorsque les travaux de la Conférence avaient dû être interrompus en raison de la pandémie. Dans ce contexte, l’Australie avait estimé qu’une réflexion sur le travail de la Conférence serait utile. Elle a donc sollicité, de manière confidentielle, les points de vue de quelque quarante membres et observateurs de la Conférence et sondé les délégations pendant la période de confinement forcé.
Les consultations ont porté sur les moyens de sortir la Conférence de l’impasse et sur la manière de gagner en efficacité. L'Australie a aussi recueilli des avis sur les questions de sécurité ou de contrôle des armements qui sont les plus importantes pour les délégations, sur ce que la Conférence pourrait négocier au cours des cinq à dix prochaines années, sur la manière dont la Conférence pourrait parvenir à un consensus sur ces négociations et sur la manière de sortir le programme de travail de l'impasse.
Aperçu du débat
Pendant le débat, des délégations ont d’abord remarqué que le débat sur le fonctionnement de la Conférence était opportun et que le document soumis par l’Australie soulevait nombre de questions pertinentes à ce propos, concernant notamment l’examen des quelque 25 candidatures à l’adhésion à la Conférence ; les moyens de dépolitiser l’instance ; le format de la présidence de la Conférence ; ou encore la manière de sortir de l’impasse sur l’adoption du programme de travail.
D’autres participants au débat ont relevé que le document CD/2197 représentait la perception d’un seul membre – l’Australie – sur le fonctionnement de la Conférence. En outre, ce document « pessimiste », a-t-il été jugé, ne reflète pas la volonté de nombreux délégations de négocier autour de la prévention d’une course aux armements dans l’espace ou de garanties négatives de sécurité, notamment.
À propos de la présidence de la Conférence, une délégation a relevé que le règlement intérieur n’en définissait pas les fonctions et que le travail de la présidence devait être de faciliter l’adoption de décisions par consensus, tout en respectant les points de vue et préoccupations de tous les États membres et en évitant la confrontation.
S’agissant du programme de travail, une délégation a regretté qu’il soit devenu un objectif en soi, plutôt qu’un outil de coordination. Pour un autre intervenant, le fait que la Conférence n’ait pu adopter de programme de travail depuis 2009 reflète un manque de volonté politique de négocier des instruments juridiques contraignants. Plusieurs orateurs ont estimé que le règlement intérieur de la Conférence n’était pas la cause du blocage des travaux, puisque la Conférence a pu négocier des instruments, par le passé, avec le même règlement.
Une autre délégation a souligné que le programme de travail devait être au service des objectifs et du mandat de la Conférence. La délégation a recommandé que le succès enregistré en 2018, avec la tenue des travaux des organes subsidiaires, serve d’exemple et soit reconduit l’année prochaine.
Quant à la prudence de certains États sur la question de l’amélioration des méthodes de travail, elle s’explique, a avancé une délégation, par la crainte de ces États d’un affaiblissement de la règle du consensus qui prévaut à la Conférence.
Une délégation a fait part de sa préoccupation devant un nouvel élargissement des membres de la Conférence, auquel appellent plusieurs membres actuels de la Conférence, selon le document soumis par l’Australie. Un autre intervenant a fait remarquer que le règlement intérieur prévoit que « la composition de la Conférence sera revue périodiquement » (article 2) : or, la dernière révision remonte à 1999, a relevé cette délégation.
D’une manière générale, il a été souligné que la sécurité mondiale et la stabilité stratégique relèvent des intérêts légitimes des États, et que les priorités des membres de la Conférence diffèrent en fonction de leurs approches de la sécurité stratégique. Les membres devraient respecter le principe de la sécurité non diminuée pour tous et suivre une approche équilibrée, avec l’élargissement du consensus en ligne de mire, a-t-il été recommandé.
Il a été soutenu à plusieurs reprises que la priorité de la Conférence devrait être de négocier des instruments de désarmement juridiquement contraignants. Cependant, a-t-il été affirmé, aussi longtemps que cet objectif est hors de portée, la sécurité internationale pourrait être consolidée si les membres de la Conférence parvenaient à un consensus sur des normes, codes de conduite ou autres mesures liés aux points de l’ordre du jour de la Conférence.
Plusieurs intervenants ont appelé de leurs vœux l’ouverture de négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles. Une délégation a plaidé pour un accord destiné à éviter les essais d’armes antisatellite qui produisent des débris spatiaux. La mise en œuvre du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires est aussi une priorité, a-t-il été jugé, de même que la mise en place de garanties négatives de sécurité par le biais d’un instrument juridique contraignant.
Un intervenant a déploré que, depuis plusieurs décennies, la Conférence n’ait pu aborder la question du désarmement nucléaire, qui est la raison d’être de la Conférence, a estimé ce même intervenant. Dans ces conditions, a-t-il fait observer, il sera difficile d’aborder d’autres questions importantes, comme les garanties négatives de sécurité. Plusieurs autres délégations ont dit craindre que le refus de parler d'autre chose que du mandat principal de la Conférence n’éloigne encore cette instance de l’ouverture de négociations.
Une délégation a insisté sur l’importance de chercher des compromis entre les intérêts des États dotés d’armes nucléaires et États non dotés d’armes nucléaires. Si les États ne sont pas prêts à négocier, la Conférence peut ouvrir la voie à des négociations, par petites étapes, a ajouté cette délégation. Toutes les délégations ont été appelées à faire preuve de souplesse.
DC21.035F