Fil d'Ariane
LE CONSEIL SE PENCHE SUR LES DROITS DES MIGRANTS ET SUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATON A L’ÉGARD DES PERSONNES TOUCHÉES PAR LA LÈPRE
Le Conseil des droits de l’homme a entendu, cet après-midi, la présentation des rapports du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, M. Felipe González Morales, et de la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, Mme Alice Cruz.
Présentant son rapport, qui contient une étude sur le droit à la liberté d'association des migrants et de leurs défenseurs, ainsi que le compte rendu des visites qu’il a effectuées en Hongrie et en Bosnie-Herzégovine, M. González Morales a déploré l’apparition dans de nombreux pays d’un discours toxique sur le rôle des organisations de la société civile qui aident les migrants. Il a en outre jugé urgent d’agir pour protéger les droits syndicaux des migrants, l’exercice du droit d’association étant essentiel pour les sortir de la marginalisation.
S’agissant de la Hongrie, le Rapporteur spécial s’est dit heureux d'apprendre que les autorités avaient, après sa visite, fermé les zones de transit pour migrants et transféré toutes les personnes qui y étaient détenues dans des établissements ouverts ou semi-ouverts. Il s’est néanmoins dit préoccupé par l'utilisation d'une rhétorique discriminatoire à l'encontre des migrants et demandeurs d'asile par des fonctionnaires hongrois. Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, M. González Morales a notamment accueilli avec satisfaction la fermeture, après sa visite, du site de Vucjak – les migrants qu’abritait ce site ayant été transférés vers un nouveau lieu d'accueil près de Sarajevo.
Suite à cette présentation, la Hongrie est intervenue en tant que pays concerné et de nombreuses délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec le Rapporteur spécial. La protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des personnes migrantes, quel que soit leur statut, doit rester une priorité pour les États, y compris dans le contexte du coronavirus, ont déclaré plusieurs délégations.
Présentant son rapport, Mme Cruz a quant à elle regretté que, dans un contexte où la lèpre – à travers le monde – est toujours synonyme de mort civile, neuf des dix pays dans lesquels elle a souhaité effectuer une visite ne l'aient pas invitée. Elle a estimé que les leçons tirées de la lèpre peuvent éclairer utilement les ripostes de santé publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.
La Rapporteuse spéciale a par ailleurs rendu compte des visites qu’elle a effectuées au Brésil - deuxième pays au monde pour le nombre absolu de nouveaux cas de maladie de Hansen (dénomination officielle de la lèpre au Brésil) – et au Japon – où la maladie de Hansen est aujourd'hui rare, mais où, jusqu'à la dernière décennie du XXe siècle, l’histoire de la lèpre s’est caractérisée par de nombreuses violations des droits de l’homme, pour lesquelles l'État a d’ailleurs présenté des excuses officielles.
Le Brésil et le Japon ont ensuite fait des déclarations en tant que pays concernés, avant que plusieurs délégations** n’engagent le débat avec la Rapporteuse spéciale. Avant toute chose, la déshumanisation et les stéréotypes visant les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille doivent cesser pour que les autres outils d'intervention soient efficaces, a-t-il notamment été souligné. Le débat avec Mme Cruz se poursuivra demain après-midi
À la fin de la séance, l’Iran a exercé son droit de réponse.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil examinera les rapports des Rapporteurs spéciaux sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme et sur la violence envers les femmes, après avoir achevé le dialogue – entamé ce matin – avec le Groupe de travail sur la discrimination contre les femmes en droit et dans la pratique.
Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV .
Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport de M. FELIPE GONZÁLEZ MORALES,Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants ( A/HRC/44/42), qui contient une étude sur le droit à la liberté d'association des migrants et de leurs défenseurs, ainsi que des deux additifs au rapport contenant les comptes rendus des deux visites que le Rapporteur spécial a effectuées en Hongrie ( Add.1) et en Bosnie-Herzégovine ( Add.2).
Présentant son rapport, M. González Morales a indiqué que le droit international des droits de l'homme garantissait aux migrants le droit à la liberté d'association et que les pays qui ont des associations de migrants actives ont constaté des améliorations en matière de droits des migrants. Mais des obstacles juridiques et pratiques à l'organisation des migrants existent partout, notamment pour ce qui concerne l’activité syndicale, a souligné le Rapporteur spécial.
D’autre part, a déploré M. González Morales, un discours toxique sur le rôle des organisations de la société civile qui aident les migrants est apparu dans de nombreux pays. Or, la solidarité joue un rôle crucial dans le soutien aux migrants en situation périlleuse, a-t-il rappelé.
Rendant ensuite compte de la visite qu’il a effectuée en Hongrie en juillet 2019, le Rapporteur spécial s’est dit heureux d'apprendre que les autorités avaient, après sa visite, fermé les zones de transit pour migrants et transféré toutes les personnes qui y étaient détenues dans des établissements ouverts ou semi-ouverts. M. González Morales s’est néanmoins dit préoccupé par l'utilisation d'une rhétorique discriminatoire à l'encontre des migrants et demandeurs d'asile par des fonctionnaires hongrois.
Rendant également compte de la visite qu’il a effectuée en Bosnie-Herzégovine, toujours en 2019, le Rapporteur spécial a constaté avec satisfaction que la détention des immigrants y est utilisée en dernier recours et qu’ils ont généralement accès aux services de base. Il a accueilli avec satisfaction la fermeture, en décembre 2019, après sa visite, du site de Vucjak, les migrants qu’abritait ce site ayant été transférés vers un nouveau lieu d'accueil près de Sarajevo. M. González Morales a par ailleurs déploré que des migrants aient été repoussés avec violence par des policiers croates à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine. Il a demandé que les autorités croates enquêtent sur ces faits.
Pour conclure, le Rapporteur spécial a fait observer que la pandémie de COVID-19 avait considérablement aggravé les conditions de vie des migrants, notamment parce qu’ils n'ont pas accès aux principaux services publics, y compris les services de santé, et que certains d'entre eux travaillent sans mesures préventives suffisantes.
Pays concerné
La représentante de la Hongrie a dit avoir pris note de la différence qu’établit le Rapporteur spécial entre migrants en situation régulière et migrants en situation irrégulière, une distinction qui importe aussi à l’État. Le Rapporteur spécial a obtenu une coopération totale de la part des autorités et a pu, pendant sa visite, rencontrer toutes les personnes qu’il a souhaité, a-t-elle ajouté.
La représentante a cependant regretté que le rapport contienne des erreurs factuelles sur les conditions de vie dans les camps de transit, sur le nombre exact de demandes d’asile en Hongrie et sur le cadre législatif relatif à l’immigration – un cadre adopté au plus fort des flux migratoires, en 2015, a-t-elle précisé. Dans tous les cas, a ajouté la représentante, la Hongrie a toujours appliqué les normes européennes pour le traitement des dossiers des immigrés et aucune mesure ne vise les personnes qui viennent en aide aux migrants.
Aperçu du d ialogue interactif
La protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales des personnes migrantes, quel que soit leur statut, doit rester une priorité pour les États, y compris dans le contexte du coronavirus, ont déclaré plusieurs délégations, en expliquant que la COVID-19 touche de manière disproportionnée les personnes vulnérables et notamment les migrants.
Plusieurs délégations ont défendu le droit d’association pour les migrants, rappelant qu’il s’agissait là d’un droit pour tous. Les libertés fondamentales doivent être garanties pour les personnes migrantes, a-t-on insisté. Pour assurer que leur voix soit entendue, il faut aussi garantir la liberté d’expression des migrants et lutter contre les obstacles linguistiques auxquels ils se heurtent, a souligné une délégation.
Certains intervenants ont mis en exergue l’apport positif des migrants pour l’économie tant du pays d’accueil que du pays d’origine. Plusieurs délégations ont partagé la préoccupation du Rapporteur spécial concernant la situation des femmes migrantes et des travailleurs domestiques.
La flexibilisation croissante et le manque de réglementation aboutissent à une précarisation générale dans le monde du travail, a-t-il été rappelé. Un traitement inégal des travailleurs migrants impacte de manière négative leurs conditions de vie, de salaires et de travail sur les marchés nationaux, a souligné une délégation.
Plusieurs délégations ont dénoncé les discours de haine et le racisme à l’encontre des migrants dans certaines régions du monde, notamment en Europe et aux États-Unis. Un grand nombre d’intervenants ont rendu hommage aux organisations de la société civile qui prennent en charge les migrants ; il faut que les organisations qui aident les migrants puissent travailler en toute autonomie et transparence, ont-elles plaidé, tout en condamnant les actes d’intimidation et les représailles à l’encontre de ces organisations et de leurs membres.
Réponses et conclusion du Rapporteur spécial
M. GONZÁLEZ MORALES a indiqué que dans le cadre de sa visite «très efficace» en Hongrie, la question s’est posée, avec les autorités hongroises, de la capacité du mandat de traiter ou non le domaine de l’assistance judiciaire aux migrants. Le Rapporteur spécial estime à cet égard que les migrants ont le droit de faire appel des décisions concernant leur statut migratoire.
D’une manière plus générale, le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que l’exercice du droit d’association est essentiel pour les migrants, afin qu’ils puissent sortir de la marginalisation dans laquelle ils sont plongés. La liberté syndicale est essentielle pour que les migrants ne soient pas confondus avec les délinquants, a-t-il insisté. Quant aux femmes migrantes, qui n’ont aucun ou très peu de droits syndicaux, elles courent davantage de risque d’être exploitées, a fait observer M. González Morales.
Le Rapporteur spécial a jugé urgent d’agir pour protéger les droits syndicaux des migrants et les personnes qui les défendent. Les États pourraient commencer par mettre leurs lois en conformité avec le droit international s’agissant du droit d’association et du droit syndical. En outre, des enquêtes devraient être réalisées – et des sanctions prises – au sujet des véritables campagnes organisées de harcèlement contre les défenseurs des droits de l’homme, a ajouté M. González Morales.
*Liste des intervenants: Union européenne, Burkina Faso (au nom du Groupe africain), Mexique (au nom d’un groupe de pays), Équateur (au nom d’un groupe de pays), Fonds des Nations Unies pour l’enfance, ONU Femmes, Togo, Fédération de Russie, Équateur, Thaïlande, Libye, Chine, Croatie, Venezuela, Tunisie, France, Pakistan, Sénégal, Arménie, Inde, Philippines, Portugal, Syrie, Iran, Bangladesh, Indonésie, Maroc, Afghanistan, Iraq, Irlande, Turquie, Égypte, Maldives, Népal, Uruguay, Îles Marshall, Serbie, Algérie, Albanie, Niger, Myanmar, Éthiopie, Sri Lanka, Liban, Pays-Bas, Bolivie, Tchad, Women’s international League for Peace and Freedom , Comité consultatif mondial de la Société des amis, Organisation mondiale contre la torture - OMCT, Franciscans International,Global Institute for Water, Environment and Health, Comision Mexicana de Defensa y Promocio de los Derechos Humanos, CIVICUS – Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Human Rights Watch, Mouvement international de la réconciliation, et China Family Planning Association.
Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre
Présentation du rapport
Le Conseil était saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille , MME ALICE CRUZ ( A/HRC/44/46, à paraître en français), ainsi que des deux additifs au rapport concernant les visites qu’elle a effectuées au Brésil ( Add.2) et au Japon ( Add.1 , version préliminaire en anglais). Le rapport contient notamment des recommandations pour aider les États à préparer « un cadre stratégique pour l’élaboration de plans d’action fondés sur les droits visant à garantir que les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille soient effectivement traités dans des conditions d’égalité avec les autres ».
MME CRUZ a indiqué s’être rendue en mai 2919 au Brésil, qui est le deuxième pays au monde pour le nombre absolu de nouveaux cas de maladie de Hansen (dénomination officielle de la lèpre au Brésil). Les obstacles structurels à la jouissance de leurs droits par les personnes touchées par la maladie sont de puissants déterminants de l'incidence de la maladie de Hansen, a souligné la Rapporteuse spéciale. Le Brésil devrait remédier aux désavantages socioéconomiques subis par ces personnes en adoptant des mesures de redistribution qui assurent un niveau de vie minimum, ainsi que des stratégies contre la stigmatisation basées, notamment, sur l'éducation et la formation professionnelle.
La maladie de Hansen est aujourd'hui une maladie rare au Japon, a par ailleurs indiqué Mme Cruz, rendant compte de la visite qu’elle a menée dans l’archipel en février 2020. Cependant, jusqu'à la dernière décennie du XX e siècle, l’histoire de la lèpre au Japon s’est caractérisée par de nombreuses violations des droits de l’homme, pour lesquelles l'État a d’ailleurs présenté des excuses officielles, a-t-elle observé. La Rapporteuse spéciale a souligné que dans son rapport sur sa visite au Japon, elle identifie plusieurs bonnes pratiques en cours et fait au Gouvernement des recommandations en ce qui concerne les programmes de réparation, les droits des personnes âgées touchées par la maladie de Hansen et les immigrants atteints.
Au niveau global, dans un contexte où la lèpre – à travers le monde – est toujours synonyme de mort civile, Mme Cruz a regretté que neuf des dix pays dans lesquels elle a souhaité effectuer une visite ne l'aient pas invitée. Deux États, qui sont des pays prioritaires pour la lèpre, ont accepté sa demande mais n'ont pas confirmé les dates malgré plusieurs rappels, a-t-elle précisé. Enfin, la Rapporteuse spéciale a estimé que les leçons tirées de la lèpre peuvent éclairer utilement les ripostes de santé publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Pays concernés
Le Brésil a indiqué que Mme Cruz avait rencontré, pendant sa visite, plusieurs responsables ministériels et autres experts de la maladie de Hansen parmi la société civile. L’éradication de la maladie de Hansen et la stigmatisation qui frappe ses victimes est une priorité du Gouvernement brésilien, a assuré la délégation brésilienne. Les personnes isolées et détenues de force par le passé recevront des dédommagements, a-t-elle précisé. Les diagnostics et les soins aux personnes touchées sont gratuits, a d’autre part fait valoir la délégation, assurant que l’objectif des autorités est aussi de diminuer le fardeau de la maladie. La stratégie nationale dans ce domaine est conforme aux recommandations de la Rapporteuse spéciale, a-t-elle ajouté. La Rapporteuse spéciale dispose de connaissances étendues et fait preuve pour son sujet d’une passion remarquable, a souligné la délégation brésilienne, appelant les États à répondre de manière positive aux demandes de visite de Mme Cruz.
Autre pays concerné, le Japon a expliqué que le rapport de la Rapporteuse spéciale était excellent et rendait dûment compte des efforts déployés par le pays pour lutter contre les discriminations à l’encontre des personnes atteintes de la lèpre et des excuses du pays pour les violations des droits de l’homme commises par le passé. Les efforts devant être menés dans le monde pour éliminer ces discriminations ne sont pas encore terminés et c’est pourquoi le Japon va proposer au Conseil de prolonger le mandat de la Rapporteuse spéciale pour trois ans supplémentaires, a ajouté la délégation japonaise. Le Japon s’est en outre enquis auprès de la Rapporteuse spéciale des mesures que les États devraient prendre pour éviter que les personnes touchées par la lèpre ne soient touchées de manière disproportionnée par la COVID-19
Aperçu du dialogue
Les délégations ont largement mis en avant la nécessité d’éliminer les stéréotypes qui entourent encore les personnes touchées par la lèpre afin qu’elles soient traitées à égalité avec les autres. De même, il importe de combattre la stigmatisation des victimes, car elle les dissuade de demander des soins dès l’apparition des symptômes, ce qui a des conséquences néfastes sur la suite du traitement.
Un groupe de pays a ainsi estimé qu’avant toute chose, la déshumanisation et les stéréotypes visant les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille doivent cesser pour que les autres outils d'intervention soient efficaces. À cet effet, le cadre politique proposé par la Rapporteuse spéciale peut servir de point de référence, a-t-il été affirmé. A par ailleurs été saluée l'approche de Mme Cruz qui, simultanément, protège les principes et normes universels des droits de l'homme tout en prenant en compte les spécificités des contextes nationaux et locaux et est fermement ancrée dans l’expérience des personnes touchées et de leurs familles.
Une délégation a insisté sur l’importance de l’habilitation des victimes de la maladie de Hansen, afin qu’elles puissent prendre part aux décisions les concernant.
**Liste des intervenants : Union européenne, Burkina Faso (au nom du Groupe africain), Malaisie, Fidji, Ordre souverain de Malte, Chine, Venezuela, Inde, Portugal, Sénégal, Népal, Îles Marshall, Myanmar, Éthiopie, Iran, Maroc, The International Federation of Anti-Leprosy Associations,Instituto de Desenvolvimento e Direitos Humanos,China Society for Human Rights Studies, et United Nations Watch.
HRC20.062E