Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SON DÉBAT ANNUEL SUR LES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES
Cet après-midi, le Conseil des droits de l'homme a tenu son débat annuel sur les droits des personnes handicapées, consacré cette année à l’article 26 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui traite de l’adaptation et de la réadaptation. Le débat était accessible aux personnes handicapées et a bénéficié de l’interprétation en langue de signes. Auparavant, le Conseil a terminé son débat interactif, entamé hier, avec Mme Catalina Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, et Mme Ikponwosa Ero, Experte indépendante sur l'exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme, en entendant les déclarations de nombreuses organisations non gouvernementales*, qui se sont notamment inquiétées des mythes et croyances qui alimentent les violences contre les personnes atteintes d’albinisme.
Ouvrant le débat annuel sur les droits des personnes handicapées, Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire aux droits de l'homme, a plaidé pour axer l’adaptation et la réadaptation sur une approche soucieuse des droits de l’homme. Elle a souligné que les services devaient être fournis avec le consentement libre et informé des personnes et de manière non discriminatoire. Mme Bachelet a constaté de graves lacunes dans les domaines de l’adaptation et de la réadaptation des personnes handicapées dans de nombreux pays. Il faut donc s’assurer que les professionnels aient une formation spécialisée adéquate, que les populations rurales puissent avoir accès aux services et que ces services soient disponibles, abordables et de bonne qualité, a-t-elle souligné.
Ont ensuite participé à ce débat les quatre panélistes suivants: Mme Catalina Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées; M. Lauro Purcil, de l’ONG International Disability Alliance; Mme Alarcos Cieza, Coordinatrice de l’Équipe handicap et réadaptation de l’Organisation mondiale de la Santé; et M. Jörg Weber, Conseiller global, CBM International. De nombreuses délégations** ont pris part au débat, faisant essentiellement part des mesures d’adaptation et de réadaptation que les États ont mises en place ou des obstacles qu’ils rencontrent dans ce domaine.
Mme Devandas Aguilar a rappelé que l’accès à l’adaptation et à la réadaptation est une obligation des États en matière de droits de l'homme – une obligation qui découle de plusieurs droits, comme le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au travail et le droit à la participation. Le grand apport de la Convention relative aux droits des personnes handicapées est de rendre cette obligation explicite, ce qui permet de sortir du paradigme médical et « paternaliste » qui cherchait à « guérir » et « réparer » les personnes porteuses d’un handicap plutôt que d’encourager leur indépendance et leur participation, s’est-elle félicitée. Les programmes prévus par l’article 26 de la Convention doivent être mis en place le plus tôt possible, être fondés sur une évaluation multidisciplinaire, soutenir la participation et l’inclusion, être volontaires et à la disposition des personnes handicapées au plus près de leur propre communauté, a souligné la Rapporteuse spéciale.
Alors que l’article 26 de la Convention établit clairement les obligations des États en matière de mesures à prendre pour permettre aux personnes handicapées d’atteindre et de conserver le maximum d’autonomie et de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel, beaucoup d’États n’ont toujours pas atteint ces objectifs, a pour sa part regretté M. Purcil.
Mme Cieza a indiqué que le principal obstacle à la réadaptation, selon les observations de l’OMS, est que les services de réadaptation sont insuffisants et inefficaces. Elle a mentionné un autre obstacle encore plus fondamental, à savoir le manque d’engagement politique en faveur de la réadaptation. S’agissant de la stratégie de l’OMS pour renforcer la réadaptation, Mme Cieza a indiqué que l’Organisation plaidait pour inclure la réadaptation dans le programme de couverture de santé universelle (CSU) car la CSU est basée sur les principes de l’équité, de la qualité des services et de la protection financière – autant de principes qu’il convient d’appliquer à la réadaptation.
Quant à M. Jörg Weber, il a fait observer que les personnes handicapées sont parmi les groupes les plus à risque de subir des conséquences négatives dans les situations d’urgence humanitaire comme la guerre, la pauvreté ou les catastrophes naturelles. Pour faciliter une réadaptation effective, fondée sur les droits de l'homme et durable, il a mis en avant la participation des personnes handicapées et le soutien des pairs.
Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil tiendra un dialogue avec Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, sur le thème du Programme de développement durable à l'horizon 2030.
Fin du débat interactif groupé sur les droits des personnes handicapées et sur l'exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme
S’agissant des droits des personnes handicapées, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont fait des déclarations. La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme a ainsi demandé à la Rapporteuse spéciale quelle stratégie elle propose pour mieux protéger et intégrer les personnes âgées et les enfants porteurs de handicap. Iraqi Development Organization a demandé à la Rapporteuse spéciale ses recommandations pour que les personnes handicapées soient à l’abri de la torture. L’ONG a dit avoir déjà signalé des faits de torture sur deux personnes handicapées à Bahreïn. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc a attiré l’attention sur un défenseurs des droits de l’homme détenue à vie à Bahreïn en raison de son travail. Atteint de polio, ce militant détenu ne reçoit aucun soin médical: au contraire, il est moqué par les surveillants en raison de son handicap. Bahreïn fait fi de tous ses engagements internationaux dans le traitement des détenus, a déploré l’ONG.
La Fondation Alsalam a dénoncé la condamnation à mort, en Arabie saoudite, d’une personne partiellement aveugle et sourde en raison de sa participation à une manifestation. Cette même personne a été torturée et frappée là où se situait son handicap. Elle encourt le risque imminent d’être exécutée, malgré la demande d’organismes des Nations Unies qui appellent à sa libération. Le Gouvernement saoudien ne soutient pas assez les associations de défense des personnes handicapées, a aussi regretté la Fondation.
Indigenous People of Africa Coordinating Committee a salué le fait que l’Inde ait transcrit les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées dans le droit interne. Mais l’ONG a regretté que l’Inde ne respecte pas la loi et que le Commissaire aux personnes handicapées ne dispose d’aucun moyen. Mbororo Social and Cultural Development Association a regretté que les services publics en Inde ne sachent pas répondre aux besoins des personnes autochtones handicapées. Prahar a déclaré que seules les personnes handicapées appartenant aux classes privilégiées reçoivent une assistance en Inde. Le système de caste prive un grand nombre de personnes d’accès à l’école et les empêche de disposer d’une source de revenu suffisante, a déploré l’ONG. Elle a également dénoncé le fait que les espaces publics en Inde ne garantissent pas l’accès des personnes handicapées.
China Society for Human Rights Studies (CSHRS) a assuré qu’aujourd’hui, en Chine, les personnes handicapées vivent sur un pied d’égalité avec le reste de la population. La Chine s’améliore aussi dans le domaine de l’accessibilité: les personnes handicapées ont ainsi accès aux bâtiments universitaires et on compte aujourd’hui des millions d’universitaires avec un handicap. La participation inclusive est une expression courante en Chine, un pays où l’avenir des personnes handicapées s’annonce radieux, a dit l’ONG.
L’Association cubaine des Nations Unies a souligné que la qualité du système de santé mis en place à Cuba était reconnue. Entre autres succès, l’ONG a fait état d’une meilleure intégration des écoliers et étudiants handicapés dans le système d’enseignement ordinaire.
Concernant l’exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d’albinisme, plusieurs ONG sont également intervenues. La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme a demandé à l’Experte indépendante ses suggestions pour lutter contre l’impunité dont bénéficient ceux qui attaquent les personnes atteintes d’albinisme.
La Fédération luthérienne mondiale a déploré les violations des droits des personnes atteintes d’albinisme et souligné que l’accès à la justice était, à cet égard, un droit fondamental. L’ONG a estimé que l’effort de toutes les parties prenantes était nécessaire pour lever les obstacles à l'égalité de traitement, y compris en matière d'éducation et de soins de santé. Le Congrès juif mondial a relevé que les problèmes dont souffrent les personnes atteintes d’albinisme relèvent de mythes et de croyances infondés. Elle a demandé à l’Experte indépendante si elle avait constaté un recul de ces pratiques depuis la création de son mandat.
Amnesty International a dit avoir publié, l’an dernier, une note d’information sur les agressions perpétrées contre les personnes atteintes d’albinisme au Malawi. La majorité de ces crimes ne sont toujours pas résolus, alors que règne un climat d’impunité et de peur. Le Malawi doit améliorer son système judiciaire et faire en sorte que tous les meurtres de personnes atteintes d’albinisme fassent l’objet d’enquête, a demandé l’ONG.
Conclusions des titulaires de mandats
MME DEVANDAS AGUILAR a insisté sur la nécessité non pas d’améliorer la loi ou de prendre des mesures cosmétiques, mais bien d’éradiquer la privation de liberté pour les personnes handicapées. Concernant les enfants handicapés, les normes établies à l’article 23 de la Convention relative aux droits de l’enfant et à l’article 14 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées sont les plus élevées sur cette question, a souligné la Rapporteuse spéciale.
MME ERO a, pour sa part, demandé aux États d’élaborer des critères pour définir les personnes atteintes d’albinisme. Elle a relevé que le Groupe de Washington sur les statistiques du handicap classait ces personnes dans le groupe des personnes à déficience visuelle. Or, a fait observer l’experte, toutes les personnes atteintes d’albinisme ne souffrent pas de déficience visuelle. Il faut tenir compte du fait que le problème tient aussi à la pigmentation de la peau, avec les implications que cela a en termes de discriminations, a dit Mme Ero.
L’Experte indépendante a également recommandé de travailler sur l’éducation et la sensibilisation des communautés. Il faut par exemple « expliquer aux gens pourquoi une personne, alors qu’elle est africaine, a la peau blanche. Il faut également lutter contre les pratiques néfastes, comme la sorcellerie et autres, », a plaidé l’Experte indépendante.
Débat annuel sur les droits des personnes handicapées
Discours d’ouverture
MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que cela faisait 10 ans que le premier débat annuel sur ce thème a eu lieu. Aujourd’hui, on compte 177 pays ayant adhéré à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui est devenue la base de la promotion des droits des personnes handicapées. Les Objectifs de développement durable contiennent des références explicites aux personnes handicapées, a rappelé Mme Bachelet, avant de souligner que ce débat annuel continue de jouer un rôle très important pour permettre aux techniciens de se réunir.
S’agissant du thème d’aujourd’hui, à savoir l’adaptation et la réadaptation, la Haute-Commissaire a souligné que ces concepts étaient apparus dans un contexte où il s’agissait plutôt de soigner ou de réparer un handicap; les personnes handicapées n’étaient alors pas considérées comme des personnes titulaires de droit. Il faut donc axer l’adaptation et la réadaptation autour d’une approche soucieuse des droits de l’homme, a-t-elle plaidé. La Haute-Commissaire a ainsi souligné que les services devaient être fournis avec le consentement libre et informé des personnes et de manière non discriminatoire. Il ne faut pas utiliser les termes adaptation et réadaptation pour tous les services en lien avec les personnes handicapées, a insisté Mme Bachelet. Bien que l'obligation d'assurer des services de réadaptation et de prendre des mesures connexes soit importante pour préparer les personnes à l'emploi, à l'éducation et à de nombreux contextes sociaux, toutes ces mesures ne constituent pas une réadaptation.
Il y a des graves lacunes dans les domaines de l’adaptation et de la réadaptation des personnes handicapées dans de nombreux pays, a poursuivi Mme Bachelet. Il faut s’assurer que les professionnels aient une formation spécialisée adéquate, que les populations rurales puissent avoir accès aux services et que ces services soient disponibles, abordables et de bonne qualité, a-t-elle souligné.
De nombreux États membres du Conseil et la société civile ont joué un rôle fondamental pour la promotion et la protection des personnes handicapées en organisant ce débat afin de ne laisser personne de côté, a conclu Mme Bachelet.
Exposés des panélistes
MME CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a voulu rappeler que l’accès à l’adaptation et à la réadaptation est une obligation des États en matière de droits de l'homme – une obligation qui découle de plusieurs droits, comme le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au travail et le droit à la participation. Si les personnes handicapées n’ont pas accès à des services d’adaptation et de réadaptation, nombre d’entre elles ne pourront pas développer pleinement leur potentiel, comme aller à l’école ou garder un emploi, a précisé la Rapporteuse spéciale. Le grand apport de la Convention relative aux droits des personnes handicapées est de rendre cette obligation explicite, ce qui permet de sortir du paradigme médical et « paternaliste » qui cherchait à « guérir » et « réparer » les personnes porteuses d’un handicap plutôt que d’encourager leur indépendance et leur participation, s’est-elle félicitée.
Mme Devandas Aguilar a néanmoins dénoncé les graves violations des droits de l'homme qui ont été commises, et continuent de l’être, au nom de la réadaptation, citant la séparation des personnes handicapées de leur famille, leur placement en institution contre leur volonté ou encore des procédures médicales inutiles, invasives et douloureuses.
Les programmes prévus par l’article 26 de la Convention (qui traite de l’adaptation et de la réadaptation) doivent être mis en place le plus tôt possible, être fondés sur une évaluation multidisciplinaire, soutenir la participation et l’inclusion, être volontaires et à la disposition des personnes handicapées au plus près de leur propre communauté, a rappelé la Rapporteuse spéciale. En outre, la Convention fait expressément référence aux services et programmes d’adaptation pour les enfants naissant avec un handicap ou le portant dès la plus tendre enfance.
Dans de nombreux cas, a fait remarquer la Rapporteuse spéciale, les programmes d’adaptation et de réadaptation peuvent être inadéquats pour une personne, soit parce qu’elle ne perçoit rien de négatif dans son handicap, soit parce que l’élimination des obstacles serait une réponse plus appropriée à ses besoins. C’est la raison pour laquelle la réadaptation doit se baser sur les demandes, les besoins et les capacités de la personne. De plus, il est nécessaire de s’assurer de la disponibilité, de l’accessibilité, de l’acceptabilité et de la qualité de ces services et programmes et, pour cela, les États devraient envisager un système intégral et intersectoriel. Enfin, il est nécessaire de veiller à ce que les personnes handicapées et les organisations qui les représentent participent à tous les processus d’adoption de décisions relatives à la conception, la mise en place, la supervision et l’évaluation desdits programmes, a souligné Mme Devandas Aguilar.
M. LAURO PURCIL, International Disability Alliance, a déclaré que son organisation appréciait les efforts du Conseil des droits de l'homme et du Haut-Commissariat en faveur des droits des personnes handicapées. Selon lui, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, née de négociations entre les États, la société civile et les organisations représentatives des personnes handicapées marque un changement de paradigme en matière d’approche des droits des personnes handicapées. Cela est notamment reflété dans ses articles 5 (égalité et non-discrimination); 12 (reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité); 19 (autonomie de vie et inclusion dans la société); 24 (éducation) et 26 (adaptation et réadaptation).
Alors que l’article 26 établit clairement les obligations des États en matière de mesures à prendre pour permettre aux personnes handicapées d’atteindre et de conserver le maximum d’autonomie, de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel, beaucoup d’États n’ont toujours pas atteint ces objectifs, comme l’a d’ailleurs souligné le Comité des droits des personnes handicapées, a fait observer le panéliste.
Dans beaucoup de pays, a poursuivi M. Purcil, l’adaptation et la réadaptation restent encore considérées comme relevant d’un autre domaine des systèmes de santé, les services étant souvent centralisés dans les grandes villes. Nombre de personnes handicapées sont en outre souvent placées de force dans les institutions par leurs familles, en raison du manque d’alternatives. Par ailleurs, les services existants n’ont pas d’approche par âges ou par genre. Sur la base de ces faits, le panéliste a fait savoir que son organisation suggérait aux États de réviser leurs législations afin de lever toutes le entraves à la jouissance des droits de l'homme par les personnes handicapées; de développer des politiques spécifiques relatives à l’adaptation et à la réadaptation et d’y allouer les ressources nécessaires; et de mener des campagnes de sensibilisation auprès de leurs agents sur les questions de handicap.
MME ALARCOS CIEZA, Coordinatrice de l’Équipe handicap et réadaptation à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a déclaré qu’elle allait se concentrer sur trois questions: les obstacles à l’accès à la réadaptation, comprendre la réadaptation; et la stratégie de l’OMS pour renforcer la réadaptation.
Le principal obstacle à la réadaptation, selon les observations de l’OMS, est que les services de réadaptation sont insuffisants et inefficaces, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Plus concrètement, a précisé Mme Cieza, ces services n’atteignent pas toutes les personnes qui en ont besoin, ne couvrent pas tous les besoins de ces personnes et sont de médiocre qualité. Cela est dû au manque de professionnels, au manque de financement, au manque de mécanismes permettant d’assurer la qualité et au manque de disponibilité des produits d’assistance, tels que les chaises roulantes ou les appareils de soutien auditif, a-t-elle expliqué, avant d’ajouter que ces obstacles s’accompagnent d’un autre obstacle encore plus fondamental, à savoir le manque d’engagement politique en faveur de la réadaptation.
Mme Cieza a ensuite expliqué que la réadaptation était souvent mal comprise: selon l’OMS, a-t-elle rappelé, la réadaptation est l’ensemble des interventions conçues pour optimiser le fonctionnement des personnes ayant des problèmes de santé en interaction avec leur environnement.
Elle a donné l’exemple d’une personne, Maria, pour bien comprendre ce concept. Maria a été victime d’un accident, il y a une dizaine d’années; elle a été touchée à l’épine dorsale, doit déménager vers une nouvelle ville et a du mal à se déplacer en fauteuil roulant. Maria n’a pas besoin de réadaptation aujourd’hui mais a plutôt besoin de stratégies pour lui permettre de vivre au quotidien avec des bâtiments accessibles et du matériel notamment. La réadaptation, Maria en a eu besoin il y a dix ans lorsqu’elle a dû s’habituer à sa nouvelle vie et à sa chaise roulante notamment. L’OMS déploie de nombreux efforts pour expliquer ce qu’est réellement la réadaptation aux États, a insisté Mme Cieza.
Enfin, s’agissant de la stratégie de l’OMS pour renforcer la réadaptation, Mme Cieza a indiqué que l’Organisation plaidait pour inclure la réadaptation dans le programme de couverture de santé universelle (CSU) car la CSU est basée sur les principes de l’équité, de la qualité des services et de la protection financière – autant de principes qu’il convient d’appliquer à la réadaptation. Pour faire avancer ce programme de réadaptation dans le contexte de la CSU, l’OMS a lancé deux initiatives: Réadaptation 2030 et GATE (The Global Initiative on Assistive Technology – Initiative globale sur la technologie d’assistance).
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir dans le domaine de la réadaptation et l’OMS ne peut faire avancer seule cet agenda. Il faut que tous les partenaires, et notamment les personnes handicapées et leurs organisations ainsi que les conseils des droits de l’homme dans tous les pays promeuvent cette vision de la réadaptation et des produits d’assistance comme faisant partie de la CSU, a conclu Mme Cieza.
M. JÖRG WEBER, Conseiller global, CBM International, a fait observer que les personnes handicapées sont parmi les groupes les plus à risque de subir des conséquences négatives dans les situations d’urgence humanitaire comme la guerre, la pauvreté ou les catastrophes naturelles. Mais elles tendent à être invisibles dans les centres d’enregistrement d’urgence humanitaire et ne sont pas informées de l’existence de services de réadaptation ou ne peuvent pas y accéder, a-t-il ajouté. En outre, trop souvent, les personnes handicapées sont considérées comme des victimes passives ayant besoin d’assistance et ne sont pas consultées sur les options de réadaptation les concernant. Un autre obstacle systématique est le manque de coordination entre les fournisseurs de services de réadaptation, a fait observer M. Weber.
M. Weber a ensuite évoqué les mécanismes facilitant une réadaptation effective, fondée sur les droits de l'homme et durable, et a mis en avant l’importance de la participation et du soutien des pairs. Selon lui, des communautés informées et préparées sont le moyen le plus sûr d’assurer l’accès aux services de réadaptation. Quant à la participation, elle est essentielle car ce sont les personnes handicapées qui sont le mieux à même d’exprimer leurs besoins et de donner des informations sur les obstacles auxquels elles font face et sur l’efficacité des mesures de réadaptation proposées.
S’agissant du soutien entre pairs, ce peut être un appui social, émotionnel ou pratique de la part de personnes ayant vécu l’expérience du handicap, a expliqué M. Weber. Les groupes d’entraide permettent de partager des informations et des expériences et ils permettent de surmonter l’isolement et l’exclusion. Les pairs jouent un rôle important en veillant non seulement à ce que les personnes handicapées aient un accès à des mesures de réadaptation sur un pied d’égalité, mais aussi à ce qu’elles disposent d’une totale autonomie dans les décisions sur les interventions de réadaptation. En conclusion, M. Weber a ajouté que l’inclusion des personnes handicapées dans les activités de préparation aux catastrophes est essentielle.
Débat interactif
Le Mexique, au nom également de l’Indonésie, de la République de Corée, de la Turquie et de l’Australie, a déclaré qu’il était de la responsabilité des États de prendre des mesures d’adaptation et de réadaptation afin de permettre l’autonomisation des personnes handicapées. Les pays au nom desquels le Mexique s’est exprimé reconnaissent que la réadaptation n’est que l’un des nombreux éléments à prendre en compte, avec les services de qualité et une approche axée sur les droits, y compris le consentement éclairé des personnes.
Bahreïn, s’exprimant au nom du Groupe arabe, a affirmé que les pays membres de ce groupe avaient pris, conformément à leurs croyances religieuses, toutes les mesures pour faire respecter les droits des personnes handicapées. Une banque de données a par exemple été créée afin de faciliter l’élaboration des programmes nationaux. Oman a assuré, quant à lui, que le Conseil de coopération du Golfe, au nom duquel il s’exprimait, avait une vision exhaustive du handicap, intégrée au développement. Tous les États membres ont donc adopté des mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées, entre autres domaines.
Le Conseil a aussi été informé par l’Indonésie que les membres de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) étaient tous parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. À ce titre, ils ont mis en place diverses politiques basées sur la Convention et sur une approche communautaire. Quant aux pays membres de la Communauté des pays langue lusophone (CPLC), ils ont adopté la Déclaration de Santa Maria par laquelle ils renouvellent leurs engagements en faveur des droits des personnes handicapées, a dit le Brésil. La question se pose de savoir comment la coopération internationale peut aider à mettre en œuvre l’article 26 de la Convention, a dit la délégation.
Les Bahamas ont mis en avant les initiatives nationales et régionales des États membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour faire en sorte que leurs sociétés soient inclusives, participatives et non discriminatoires pour toutes les personnes handicapées. En 2013, les Ministères de la santé de la région ont adopté la Déclaration de Pétion-Ville, par laquelle ils se sont engagés à instaurer des environnements physiques et sociaux favorisant l'adaptation et la réadaptation.
L’Angola a demandé aux panélistes comment les Nations Unies et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pourraient aider à renforcer les capacités des États membres du Groupe africain dans le domaine de la protection des droits des personnes handicapées. Le Mozambique, au nom de plusieurs membres du Comité d'assistance aux victimes dépendant de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, a voulu savoir comment les États pouvaient rendre les produits et les technologies d'assistance accessibles et abordables.
Pour sa part, la Finlande, au nom des États baltes et nordiques, a déploré que les femmes et filles handicapées soient particulièrement vulnérables en situation de crise ou de conflit. La représentante a demandé aux panélistes de dire quelles étaient les mesures que les États doivent prendre en faveur des femmes handicapées victimes de violences sexuelles. La Croatie, au nom d’un autre groupe de pays, a jugé souhaitable de supprimer des lois nationales la notion de « pleine capacité juridique », afin de se conformer à l’article 26 a Convention.
L’Union européenne a dit appliquer une stratégie européenne contre le handicap mettant l’accent sur la réadaptation. Des résultats ont été obtenus mais de nombreux domaines laissent encore à désirer. L’Union européenne est un bailleur de fonds majeur pour l’inclusion des personnes handicapées dans une centaine de pays dans le monde, a fait valoir sa délégation.
En Italie, toutes les politiques concernant les personnes handicapées ont été centralisées par le Ministère de la famille et du handicap. Les classes différenciées ont été supprimées et des enseignants sont formés pour répondre aux besoins spéciaux des enfants handicapés, afin que le système éducatif soit plus inclusif. L’Espagne a érigé en priorité le fait que tout personne handicapée atteigne le niveau le plus élevé d’indépendance dans les domaines de la santé, de l’emploi et de l’éducation. La délégation a également mentionné la loi de promotion de l’autonomie, qui vise l’accès sur un pied d’égalité des enfants de 3 ans au système scolaire, et l’extension des contrats d’apprentissage aux personnes handicapées.
La Grèce a présenté plusieurs mesures prises pour appliquer l’article 26 de la Convention, notamment un programme d’éducation inclusive et la préparation, par le Secrétariat aux droits de l'homme, d’un plan d’action intersectoriel en matière d’adaptation et de réadaptation. Le Royaume-Uni a dit appuyer l’autonomisation des personnes handicapées au travail: l’État peut ainsi octroyer des incitations financières aux employeurs afin qu’ils procèdent à des « accommodements nécessaires » permettant aux personnes handicapées de venir travailler.
La Fédération de Russie dispose d’un programme pour assurer la réadaptation complète des personnes handicapées. En 2017, elle a aussi lancé un registre fédéral recensant les droits et services accessibles à chaque personne handicapée.
Le Qatar a adopté plusieurs politiques et cadres juridiques pour que les personnes handicapées puissent jouir de leurs droits et trouver un emploi. Des professionnels de la santé sont et des services complets sont à la disposition des victimes de handicaps multiples. En Iran, la nouvelle loi sur le handicap prévoit des mesures de réadaptation médicales et non médicales. Le représentant a déploré les mesures coercitives imposées à son pays par les États-Unis et qui empêchent l’accès à de nombreux services et la mise à disposition d’appareils d’assistance destinés aux personnes handicapées.
Au Viet Nam, la loi sur les personnes handicapées de 2010 a posé le cadre juridique pour une reconnaissance complète de leurs droits. La prestation de services de réadaptation a été centralisée et une norme d’accessibilité aux bâtiments a été définie. L’Indonésie a indiqué que des services d’adaptation et de réadaptation étaient dispensés dans plus de 300 centres communautaires financés par le Gouvernement, surtout dans les zones rurales et reculées. L’un des principaux problèmes est le manque de données sur la prévalence du handicap, a dit l’Indonésie.
L’Afrique du Sud a dit veiller au lien entre le traitement médical et le passage à une vie productive et complète. La représentante a demandé des informations sur le concept de développement inclusif des personnes handicapées. Les Maldives ont regretté de ne pouvoir offrir que des services limités d’adaptation et de réadaptation. Toutefois, l’archipel applique une politique d’éducation inclusive pour les enfants souffrant de handicap.
Au Venezuela, la Constitution garantit pleinement les droits des personnes handicapées, tandis que leur accès à l’emploi et à la formation est encouragé. Les programmes d’adaptation et de réadaptation permettent aux personnes handicapées de parvenir à un niveau élevé d’indépendance, a assuré la délégation. Le Brésil a dit avoir accéléré la mise en œuvre de la loi d’application de la Convention. Le droit à l’éducation inclusive a été confirmé en 2016 pour tous les étudiants handicapés, qui sont de plus en plus nombreux à entrer à l’université.
Deux institutions nationales des droits de l'homme ont pris part au débat. La Commission nationale des droits de l'homme d’Indonesie (Komnas HAM) a dit apprécier le rôle des organisations des personnes handicapées pour promouvoir leurs droits de manière créative. Si l’Indonésie a adopté une nouvelle loi sur les personnes handicapées, certains problèmes subsistent dans ce pays en matière d’accès au travail et à l’éducation, tandis que des mauvais traitements sont toujours signalés à l’encontre des personnes handicapées placées en institutions, a regretté la Commission.
La Commission des droits de l'homme de la Fédération de Russie a déclaré que depuis qu’elle est partie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Fédération de Russie a entrepris de mettre en œuvre cet instrument, notamment à travers le plan « milieux accessibles ». Cependant, des problèmes persistent, notamment en ce qui concerne la protection des droits des personnes souffrant de maladies mentales, lesquelles sont souvent placées dans des institutions non adaptées.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont également intervenues. International Campaign to Ban Landmines a dit qu’elle tentait de répondre au besoin de réadaptation des personnes vulnérables victimes de conflits armés. À cet égard, il manque des ressources pour la réadaptation des victimes des mines antipersonnel, a regretté l’ONG, avant de recommander de mobiliser un appui dans ce domaine au niveau international.
Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc est préoccupée par le fait que Bahreïn ne traite pas correctement les personnes handicapées au regard de la Convention, en particulier des normes instituées par l’article 26. Ainsi, les prisonniers de conscience qui ont été blessés n’obtiennent aucun appui ni réparation après leur libération.
Iraqi Development Organization a déclaré que dans le contexte de la guerre menée au Yémen, les soldats handicapés ne savent pas où se tourner lorsqu’ils reviennent en Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis, ces deux États ne leur fournissant aucun service d’adaptation et de réadaptation. En Égypte aussi, les personnes handicapées ont besoin d’assistance; la loi censée mettre en œuvre les droits de 10% de la population n’est toujours pas entrée en vigueur et les 20% des emplois qui leur sont réservés ne sont toujours pas pourvus, a indiqué Maat for Peace, Development and Human Rights Association.
Réponses et conclusions des panélistes
MME DEVANDAS AGUILAR a déclaré que la réadaptation est un élément parmi d’autres de ce qui doit être mis en œuvre pour promouvoir et protéger les personnes handicapées, avec comme but ultime leur inclusion et leur participation entière. Le handicap enrichit la société et ne doit donc pas être soigné ou réparé, a-t-elle insisté. Les systèmes de couverture de santé universelle doivent inclure l’adaptation et la réadaptation, a-t-elle souligné. La réadaptation s’inscrit sur la durée et il faut veiller à ce que les personnes handicapées aient accès à ces services aussi longtemps qu’elles en ont besoin, a ajouté la Rapporteuse spéciale. Les personnes handicapées doivent avoir connaissance des services auxquels elles ont droit et être consultées s’agissant de la qualité de ces services, a-t-elle conclu.
M. PURCIL a déclaré qu’il fallait se concentrer sur le développement inclusif et sur les stratégies afférentes, qui restent le moyen le plus sûr pour apporter toute l’aide dont ceux qui sont laissés pour compte ont aujourd’hui besoin. Il est impératif que les services de réadaptation existent et soient accessibles à tous ceux qui en ont besoin, a-t-il souligné. Il faut permettre aux personnes concernées de participer pleinement afin de savoir précisément quels sont leurs besoins, car elles seules sont en mesure de dire quels sont les services de réadaptation adaptés à leurs besoins. Les personnes handicapées doivent pouvoir être les acteurs de leur propre vie.
MME CIEZA a déclaré que l’adaptation et la réadaptation ne doivent pas être utilisées pour tous les services aux personnes handicapées; lorsqu’il ne s’agit pas de santé, il ne s’agit pas de services de réadaptation, mais d’autres types de services qui doivent être offerts aux personnes handicapées. Tout État membre de l’OMS qui en a besoin recevra une aide de l’Organisation dans le domaine de la mise en place de services de réadaptation, a conclu Mme Cieza.
M. WEBER a déclaré qu’il fallait donner des services de réadaptation aussi près que possible des communautés qui en ont besoin afin de créer des communautés inclusives. Il faut veiller à ce que les personnes handicapées aient le soutien nécessaire pour participer à la vie familiale et communautaire, a-t-il ajouté. De telles stratégies sont efficaces pour améliorer l’accès aux services de réadaptation et aux appareils d’assistance. Il faut développer une approche participative et renforcer la coopération entre pairs, a conclu M. Weber.
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*Ont participé au débat : Mexique (au nom de l’Indonésie, de la République de Corée, de la Turquie et de l’Australie), Bahreïn (au nom du Groupe arabe), Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Indonésie, Brésil (au nom des pays membres de la Communauté des pays langue lusophone (CPLC)), Bahamas (au nom des États membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM)), Angola (au nom du Groupe africain), Mozambique (au nom d’un group de pays), Finlande (au nom des États baltes et nordiques), Croatie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Italie, Espagne, Grèce, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Qatar, Iran, Viet Nam, Indonésie, Afrique du Sud, Maldives, Venezuela et Brésil.
Commission nationale des droits de l'homme d’Indonésie (Komnas HAM) et la Commission des droits de l'homme de la Fédération de Russie.
International Campaign to Ban Landmines; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc; Iraqi Development Organization; Maat for Peace, Development and Human Rights Association; Prahar; Indigenous People of Africa Coordinating Committee; Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme; Association cubaine des Nations Unies; Fédération luthérienne mondiale; Congrès juif mondial; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc; Amnesty International; Mbororo Social and Cultural Development Association; China Society for Human Rights Studies (CSHRS); et la Fondation Alsalam.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HCR/19/22/F