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LE CONSEIL ENTAME SON DÉBAT SUR LES PERSONNES HANDICAPÉES ET LES PERSONNES ATTEINTES D’ALBINISME

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a entendu, en fin d’après-midi, la présentation des rapports de Mme Catalina Devandas Aguilar, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, et de Mme Ikponwosa Ero, Experte indépendante sur l'exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme. Le débat avec ces deux titulaires de mandats a bénéficié de l’interprétation en langue des signes.

Mme Devandas Aguilar a présenté son rapport thématique qui porte sur le droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées. Elle a indiqué que des millions d’entre elles sont systématiquement emprisonnées, recluses, arrêtées ou soumises à un type de restriction physique, comme par exemple l’hospitalisation contrainte, dans toutes les régions du monde. Pendant trop longtemps, a souligné la Rapporteuse spéciale, ces pratiques ont été considérées comme un mal nécessaire et l’une des principales erreurs a été de considérer que les facteurs qui déclenchent la privation de liberté sont liés au handicap, alors qu’en réalité ils sont souvent sociaux. La Convention relative aux droits des personnes handicapées rappelle que toutes les personnes handicapées ont les mêmes droits que les autres, sans exception, a souligné la Rapporteuse spéciale, rappelant les États à leur obligation d’éliminer les obstacles à la réalisation de ces droits.

La Rapporteuse spéciale a également rendu compte de sa visite en France, pays dont elle a salué l’adoption d’une feuille de route sur le handicap. Cependant, beaucoup y reste à faire pour garantir aux personnes handicapées les mêmes droits que les autres, a-t-elle ajouté, conseillant notamment une révision législative complète pour harmoniser le cadre normatif français avec les dispositions de la Convention. La France et sa Commission nationale consultative des droits de l’homme ont fait des déclarations suite à cette présentation.

Présentant son rapport consacré à l’accès à la justice pour les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ero a tout d’abord déploré les discriminations, la stigmatisation et l’exclusion sociale dont elles sont victimes, avant de constater l’existence d’un certain nombre de barrières à leur accès à la justice, citant notamment l’illettrisme, la méconnaissance du système judiciaire, la discrimination de la part des agents du système judiciaire, les obstacles financiers ou encore des barrières juridiques et normatives. Le rapport identifie toutefois des bonnes pratiques, notamment des mécanismes de protection communautaires ou une collaboration multisectorielle entre divers acteurs.

L’Experte indépendante a ensuite rendu compte de ses visites aux Fidji et au Kenya. Ces deux pays ont fait des déclarations en tant que pays concernés.

En fin de journée, Israël, l’Azerbaïdjan et la Chine ont exercé leur droit de réponse.


Demain matin, à partir de 10 heures, la Haute-Commissaire aux droits de l'homme présentera son rapport annuel au Conseil; le Conseil poursuivra ensuite son débat interactif avec les titulaires de mandats sur les droits des personnes handicapées et sur l’exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d’albinisme.


Dialogue interactif groupé sur les droits des personnes handicapées et sur l'exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d'albinisme

Présentation de rapports

Le Conseil était saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées (A/HRC/40/54), Mme Catalina Devandas Aguilar, et des additifs au rapport relatifs à sa visite en France (Add.1 et Add.2).

MME CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, a indiqué que l’une de ses priorités depuis un an avait été de soutenir les efforts pour l’adoption d’une approche systémique de l’inclusion des droits des personnes handicapées dans le système des Nations Unies. Dans cette optique, son mandat a réalisé une étude sur la façon dont l’ONU répond en matière d’inclusion des personnes handicapées, étude qui a servi de réponse pour concevoir les instruments nécessaires. Mme Devandas Aguilar a saisi l’occasion pour appeler les États à soutenir publiquement ce processus qui pourrait marquer un point d’inflexion s’agissant de l’inclusion des personnes handicapées à tous les niveaux de travail de l’ONU.

La Rapporteuse spéciale a ensuite rendu compte de sa visite menée en France en octobre 2017. Elle a reconnu les engagements de la France pour faire avancer les droits des personnes handicapées et renforcer son cadre institutionnel et normatif et a salué, en particulier, l’adoption d’une feuille de route sur le handicap, ainsi que les efforts pour rétablir le droit de vote des citoyens handicapés et le récent projet de réforme législative pour garantir le droit à la capacité juridique. Cependant, la France a encore beaucoup de chemin à parcourir pour garantir les droits des personnes handicapées sur un pied d’égalité avec les autres, a poursuivi Mme Devandas Aguilar, conseillant au pays de procéder à une révision législative complète pour harmoniser le cadre normatif français avec les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et, en priorité, de supprimer les dispositions discriminatoires. La France doit ensuite transformer son système de protection sociale pour promouvoir la vie en communauté et la participation active des personnes handicapées, a ajouté la Rapporteuse spéciale, regrettant que nombre de handicapés résident dans des institutions spécialisées.

La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté son rapport thématique sur le droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées. Même s’il n’existe pas de données statistiques précises, elle a assuré que des millions de personnes handicapées sont systématiquement emprisonnées, recluses, arrêtées ou soumises à un type ou un autre de restriction physique, comme par exemple l’hospitalisation contrainte, dans toutes les régions du monde. En outre, les personnes handicapées privées de liberté, et en particulier les femmes et les filles, sont extrêmement vulnérables à la violence sexuelle et physique, à la stérilisation, à la traite de personnes et autres formes de torture et d’abus, a-t-elle ajouté. Pendant trop longtemps, a souligné Mme Devandas Aguilar, ces pratiques ont été considérées comme un mal nécessaire et les efforts des États ont été dirigés vers leur réglementation. L’une des principales erreurs a été de considérer que les facteurs qui déclenchent la privation de liberté sont liés au handicap, alors qu’en réalité les causes sous-jacentes sont souvent sociales. La Convention relative aux droits des personnes handicapées nous rappelle que toutes les personnes handicapées ont les mêmes droits que les autres, sans exception. Aussi les États ont-ils l’obligation d’éliminer les obstacles à la réalisation de ces droits, comme les lois discriminatoires, l’intolérance, les préjugés, la culture institutionnelle, le manque de services, a souligné la Rapporteuse spéciale.

Le Conseil était en outre saisi du rapport de l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero (A/HRC/40/62), et des additifs au rapport traitant des visites de l’Experte indépendante aux Fidji (Add.1) et au Kenya (Add.3), et rendant compte d’une table ronde consacrée à la définition des priorités de sensibilisation et de recherche du mandat (Add.2).

MME IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l'homme par les personnes atteintes d’albinisme, a déclaré que ce n’est une surprise pour personne d’apprendre que les personnes atteintes d’albinisme continuent d’être l’objet d’attaques en Afrique subsaharienne. Au cours de la dernière décennie, plus de 700 cas d’attaques ont été répertoriés dans 28 pays de cette région – et encore ne s’agit-il que des cas rapportés, a-t-elle indiqué. Ailleurs, discriminations, stigmatisation et exclusion sociale sont-elles le lot quotidien de ces personnes, a souligné l’Experte indépendante. Mme Ero a indiqué que son rapport traite de l’accès à la justice pour les personnes atteintes d’albinisme et, dans ce cadre, évalue le taux de succès pour ce qui est d’amener ces affaires à leur conclusion logique devant les tribunaux. Il apparaît que les cas de nature criminelle, comme les meurtres ou les mutilations, sont globalement traités avec retard. Pour ce qui est des cas de moindre gravité, comme les menaces, la possession ou l’exhumation de parties du corps, soit ils font l’objet de procédures relativement vite, soit ils ne sont pas du tout pris au sérieux, a indiqué l’Experte, précisant que cela dépend des pays.

L’analyse de l’accès à la justice montre aussi que les barrières comme l’illettrisme, la méconnaissance du système judiciaire ou la discrimination de la part des agents du système judiciaire, ainsi que les barrières financières sont autant de défis pour l’accès à la justice pour ces personnes, a poursuivi Mme Ero. Il y a également des barrières juridiques et normatives, a-t-elle ajouté.

Cependant, le rapport identifie également de bonnes pratiques, notamment des mécanismes de protection communautaires; une collaboration multisectorielle entre divers acteurs; la création de divers mandats en lien avec les personnes atteintes d’albinisme; ou encore une augmentation du nombre d’étude sur le sujet.

Évoquant ses visites de terrain, Mme Ero a relevé que les Fidji n’ont pas de rapports faisant état d’attaques rituelles ou systémiques contre les personnes atteintes d’albinisme; pourtant, l’archipel a l’une des fréquences d’albinisme les plus élevées du monde, avec une personne atteinte sur 700. L’Experte indépendante a ajouté avoir reçu avant même sa visite des rapports indiquant que les politiques nationales fidjiennes manquaient de programmes spécifiques traitant de la situation des droits de l'homme des personnes atteintes d’albinisme. Au cours de sa visite, Mme Ero a dit avoir accordé une attention aux mesures nécessitant d’être renforcées afin d’assurer l’égalité et la non-discrimination pour ces personnes. Dans ce contexte, Mme Ero a indiqué avoir invité les Fidji à inclure dans leur cadre juridique concernant le handicap des mesures spécifiques traitant de la situation des droits de l'homme des Fidjiens atteints d’albinisme.

S’agissant du Kenya, Mme Ero a dit avoir été impressionnée par la façon dont le pays a pris en main la situation des droits de l'homme des personnes atteintes d’albinisme: c’est le seul pays de sa région disposant d’un budget distinct pour un programme sur l’albinisme, mis en œuvre par le Conseil national pour les personnes handicapées. Ce programma a été mis en place par reconnaissance du fait qu’une action affirmative était nécessaire pour les personnes atteintes d’albinisme et il a permis de sauver de nombreuses vies face au cancer de la peau qui tend à ravager ce groupe de population, a indiqué l’Experte indépendante. Elle a ensuite indiqué être arrivée dans le pays avec sept cas rapportés d’attaques contre des personnes atteintes d’albinisme et en être repartie moins de deux semaines plus tard avec 17 cas crédibles rapportés.

Pays concernés

La France a réitéré son engagement à limiter la privation de la liberté au strict nécessaire et, en particulier, à encadrer l’hospitalisation et le traitement sans consentement des personnes ayant un handicap psychosocial. C’est pourquoi la France vient d’adopter une stratégie de réduction du recours aux soins sans consentement, qui s’effectuaient déjà sous contrôle du juge, a ajouté la délégation. En outre, le retour à la citoyenneté pleine et entière des personnes sous tutelle a été acté, avec une réforme permettant un droit de vote inconditionnel, a indiqué la délégation.

La France a aussi souligné s’être engagée, conformément aux recommandations de la Rapporteuse spéciale, dans une transformation progressive du système éducatif et médicosocial afin qu’il soit plus inclusif. La délégation a estimé que la rentrée 2018 avait été un pas de plus dans ce sens, avec 6% d’élèves handicapés supplémentaires par rapport à l’année précédente. Elle a aussi fait état de l’adoption récente d’une stratégie sur l’autisme. La France a enfin indiqué qu’elle organiserait, le 14 mars, aux côtés de la présidence roumaine du Conseil de l’Union européenne, une conférence ministérielle sur les enjeux relatifs au handicap.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme de la France a estimé que les politiques publiques du pays étaient « loin d’être à la hauteur des enjeux ». La Commission a regretté en particulier que la France n’ait toujours pas transposé dans son droit interne la définition du handicap donnée par la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et que la conception actuelle fasse « porter sur les personnes handicapées la responsabilité de leur exclusion ». La Commission a regretté à ce propos que le Gouvernement n’ait pas pris la mesure du changement de perspective auquel engage la Convention.

Plus encore, a regretté la Commission, la loi Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) adoptée en novembre 2018 « constitue un grave recul concernant le droit à choisir un lieu de résidence ». En effet, alors que 100% des logements dans la construction neuve devraient être accessibles aux personnes handicapées, a relevé la Commission, cette loi réduit cet objectif à 20% seulement.

La Commission a cependant relevé que la France s’était engagée à abolir les dispositions du code électoral qui permettent de priver une personne majeure placée sous tutelle de son droit de vote, comme le demandaient tant la Commission elle-même que la Rapporteuse spéciale.

Pays concerné par le rapport de Mme Ero, les Fidji ont relevé que les conclusions de l’Experte indépendante rejoignaient les préoccupations nationales dans le domaine de l’éducation et de la santé des personnes atteintes d’albinisme. La délégation fidjienne a souligné qu’il importait aussi d’aborder le problème de la stigmatisation et de l’invisibilité des personnes atteintes d’albinisme. Les Fidji ont indiqué avoir invité Mme Ero en espérant que son expertise permettrait aux autorités d’aller de l’avant. La délégation a assuré que son Gouvernement tiendrait compte des recommandations de l’Experte. Les efforts engagés à ce jour pour les personnes atteintes d’albinisme ne constituent qu’un premier pas et les autorités entendent mettre l’accent, notamment, sur l’inclusion scolaire des enfants albinos, a indiqué l’archipel.

Le Kenya a, pour sa part, dit avoir été ravi d’accueillir l’Experte indépendante, qui a pu rencontrer toutes les personnes qu’elle souhaitait rencontrer. Le pays a assuré avoir fait des progrès en matière de protection des personnes atteintes d’albinisme et a rappelé qu’un programme spécifique pour ces personnes a été mis en place, qui est géré par le Conseil national des personnes handicapées. Le pays promeut également les personnes atteintes d’albinisme; en 2017, le meilleur écolier du Kenya était un jeune atteint d’albinisme. Les personnes atteintes d’albinisme sont en outre promues à des postes de responsabilité; aux dernières élections législatives, une personne atteinte d’albinisme a été élue au Parlement, a fait valoir le Kenya.

Droit de réponse

Israël a répondu à une déclaration de l’État de Palestine pendant le débat avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion en déplorant que le représentant palestinien se soit servi du Conseil comme d’une arène politique. La délégation israélienne a dénoncé les discours de haine religieuse, ainsi que l’intolérance religieuse prônée par le Hamas, de même que la tentative de nier les liens des juifs avec leur patrimoine. La liberté de religion en Israël est sans commune mesure avec ce qui prévaut dans les autres pays de la région, a assuré la délégation israélienne. Elle ajouté que les lieux de culte de toutes les religions en Israël étaient accessibles aux fidèles.

L’Azerbaïdjan a répondu « aux remarques fausses et trompeuses de l’Arménie » en affirmant que l’Arménie avait procédé à un nettoyage ethnique dans les territoires qu’elle occupe. Trente mille Arméniens vivent à Bakou, alors qu’aucun Azerbaïdjanais ne vit en Arménie, a indiqué l’Azerbaïdjan, avant de dénoncer l’agression en cours par l’Arménie et d’exiger le retrait de l’armée de ce pays du Haut-Karabagh.

La Chine a regretté qu’une organisation non gouvernementale l’ait faussement accusée d’avoir emprisonné un million d’Ouighours et a dit espérer que personne ne serait dupe des discours trompeurs de cette ONG. La Chine protège toutes les activités cultuelles normales, y compris celles des musulmans ouighours dans leurs mosquées au Xinjiang, a déclaré la délégation chinoise, avant d’ajouter que le pays a créé des centres de formation professionnelle pour aider certaines personnes à se délivrer de l’emprise du terrorisme.



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HRC/19/20F