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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME OUVRE LES TRAVAUX DE SA QUARANTIÈME SESSION

Compte rendu de séance
« L’agenda des droits de l’homme perd du terrain dans de nombreuses parties du globe, mais je ne perds pas espoir », affirme le Secrétaire général de l’ONU

Le Conseil des droits de l'homme a ouvert, ce matin, les travaux de sa quarantième session, qui se tient à Genève jusqu’au 22 mars, en entendant des déclarations du Secrétaire général de l’ONU, de la Présidente de l’Assemblée générale, de la Haute-Commissaire aux droits de l'homme et du Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse.

M. António Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que le Conseil des droits de l'homme était « l’épicentre » du dialogue et de la coopération internationale en matière de protection de tous les droits de l'homme. Soyons clairs, a-t-il poursuivi: « l’agenda des droits de l’homme perd du terrain dans de nombreuses parties du globe, mais je ne perds pas espoir ». Oui, nous assistons à des tendances troublantes, mais nous voyons aussi de puissants mouvements en faveur des droits de l'homme et de la justice, a-t-il relevé.

M. Guterres a souligné que les femmes et les filles sont encore confrontées à l'insécurité, à la violence et à d'autres violations de leurs droits tous les jours; s’est dit alarmé par le rétrécissement de l'espace civique dans toutes les régions du globe et à chaque coin de l'Internet; a fait observer que l’augmentation brutale des inégalités non seulement limite la croissance économique, mais est aussi source d’instabilité et de mécontentement; et a rappelé que « le discours de haine est une menace pour les valeurs démocratiques, la stabilité sociale et la paix. Il a indiqué avoir demandé à son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, de mettre sur pied une équipe des Nations Unies pour « renforcer notre réponse au discours de haine, définir une stratégie à l’échelle du système et présenter un plan d’action global dans les meilleurs délais ». Il a en outre indiqué qu’il convoquerait un sommet sur le climat le 23 septembre, qui réunira les dirigeants politiques, le monde des affaires et la société civile.

Mme María Fernanda Espinosa Garcés, Présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies, a relevé qu’aujourd’hui, les principes fondamentaux du multilatéralisme sont plus menacés que jamais, ce qui pourrait mettre en péril l’architecture internationale des droits de l’homme. Elle a rappelé l’adoption par l’Assemblée générale, ces derniers mois, d’un certain nombre d’instruments qui viennent enrichir le Conseil, faisant plus particulièrement référence au Pacte mondial sur des migrations sûres et ordonnées et à la Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. L’un des plus grands défis à relever en matière de droits de l’homme demeure l’inégalité, a-t-elle souligné.

Mme Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souhaité partager deux leçons qu’elle a tirées de son expérience de chef d’Etat. La première est qu’il existait rarement un grand fossé entre l’intérêt de l’humanité et celui de notre propre pays; cela est vrai pour le changement climatique, mais aussi pour la guerre, pour la discrimination et pour les inégalités, a-t-elle indiqué. La seconde leçon est que les politiques fondées sur les droits de l'homme sont efficaces, donnent de meilleurs résultats pour tous les groupes sociaux et évitent les injustices, les conflits, les inégalités, la souffrance et les discriminations de toutes sortes. Aucun pays n’affiche un bilan parfait en matière de droits de l'homme, a-t-elle souligné; mais ils reconnaissent tous que leur peuple a des droits et que leur gouvernement se doit de les défendre et de les protéger, a-t-elle fait observer.

M. Ignazio Cassis, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a évoqué deux tendances dangereuses. La première consiste à fermer les yeux lorsque nous assistons à des violations ou à la réduction de l’espace des droits de l’homme; la deuxième consiste à parler de ces droits de manière toujours plus générique et abstraite, ce qui n’aide pas les jeunes générations à percevoir l’importance du thème, a-t-il indiqué. Il a en outre averti contre le risque de cesser de se battre pour la liberté et de s’habituer à considérer la démocratie et les libertés comme une évidence.

M. Cassis s’est dit convaincu que « seuls des états démocratiques, qui respectent l’état de droit, peuvent assurer la paix et la prospérité des peuples ». Il a ensuite attiré l’attention sur le lancement, la semaine dernière, de l’organisation «Geneva Science and Diplomacy Anticipator», précisant que l’objectif de cette fondation est de mettre à disposition de la communauté internationale un instrument novateur et flexible pour catalyser le travail des organisations internationales et traiter rapidement les thèmes de la diplomatie multilatérale du XXIème siècle.

Ouvrant les travaux de cette quarantième session en tant que Président du Conseil, le Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Coly Seck, a dit espérer qu’un esprit consensuel et constructif continuerait à prévaloir tout au long de cette session. Il a en outre rappelé les résolutions 16/21 et 36/21 du Conseil qui rejettent catégoriquement tout acte d’intimidation ou de représailles à l’encontre des personnes ou des groupes qui coopèrent ou ont coopéré avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme.


Le Conseil poursuivait ses travaux ce matin en entamant son débat de haut niveau, au cours duquel, jusqu’à mercredi, il doit entendre une centaine de hauts dignitaires.


Déclarations d’ouverture de la quarantième session du Conseil

Ouvrant les travaux de la quarantième session du Conseil des droits de l’homme en tant que Président du Conseil, le Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, M. COLY SECK, a rappelé que la session de mars du Conseil est considérée comme la plus importante des trois sessions ordinaires de l’année, précisant que le Conseil allait entendre les allocutions de cent hauts dignitaires. Le Président du Conseil a souhaité la bienvenue aux sept délégués des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement, en particulier les délégués des Iles Marshall et de Samoa, qui n’ont pas de représentation permanente à Genève et dont la participation a été rendue possible grâce au généreux soutien du Fonds d’affectation spéciale pour l’assistance technique à l’appui de la participation des pays les moins avancés et des petits États insulaires en développement aux travaux du Conseil et de ses 26 pays donateurs.

M. Seck a exprimé sa profonde gratitude aux membres du Conseil pour la confiance placée en son pays, à travers sa personne, pour présider cet auguste organe et les a assurés de son plein engagement à servir le Conseil dans la mise en œuvre de son mandat. Le Président du Conseil a ensuite dit espérer qu’un esprit consensuel et constructif continuerait à prévaloir tout au long de cette session. Il a par ailleurs rappelé les résolutions 16/21 et 36/21 du Conseil qui rejettent catégoriquement tout acte d’intimidation ou de représailles à l’encontre des personnes ou des groupes qui coopèrent ou ont coopéré avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme; M. Seck a exhorté les États à prévenir de tels actes et à assurer la protection voulue à ceux qui risquent d’y être soumis.

MME MARÍA FERNANDA ESPINOSA GARCÉS, Présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies, a rappelé que Genève était un symbole de paix et la capitale du multilatéralisme. Aujourd’hui, a-t-elle poursuivi, les principes fondamentaux du multilatéralisme sont plus menacés que jamais; cela pourrait mettre en péril l’architecture internationale des droits de l’homme et le Conseil entame cette nouvelle session dans un monde encore plus complexe qu’il ne l’était il y a un an.

En décembre dernier, l’ONU a célébré le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui est un joyau du multilatéralisme, a rappelé Mme Espinosa Garcés. L’ONU a également commémoré le vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, qui reconnaissent le caractère universel, indivisible et indépendant des droits de l’homme. Au cours des derniers mois seulement, l’Assemblée générale a adopté un certain nombre d’instruments qui viennent enrichir le Conseil de droits de l’homme, a ajouté Mme Espinosa Garcés, faisant plus particulièrement référence au Pacte mondial sur des migrations sûres et ordonnées et à la Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Aujourd’hui, de nombreux défis restent à relever, a poursuivi la Présidente de l’Assemblée générale. Il faut redonner la dignité aux êtres humains aux quatre coins de la planète, a-t-elle souligné. Elle a reconnu que le travail au sein de ce Conseil n’était guère aisé mais a insisté sur la nécessité d’y renouveler les engagements et d’ériger comme priorité le dialogue et l’entente mutuelle. Au cours de ces treize dernières années de fonctionnement, les travaux du Conseil ont été utiles et ont permis de mettre en place des systèmes de surveillance et de reddition des comptes, a-t-elle fait valoir. Pourtant, beaucoup reste à faire, a-t-elle ajouté. Les difficultés auxquelles se heurtent les programmes de défense des droits de l’homme sont encore trop nombreuses. Les femmes et les filles continuent d’être victimes de violence et de ne pas bénéficier des mêmes droits politiques que les hommes. Les populations autochtones continuent d’être vulnérables, tandis que les personnes handicapées ne bénéficient pas des mêmes chances. Il incombe au Conseil de droits de l’homme d’apporter les réponses adéquates, a insisté Mme Espinosa. L’un des plus grands défis à relever en matière de droits de l’homme demeure l’inégalité, a-t-elle souligné, insistant sur l’importance de créer des instruments adéquats pour atteindre les Objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Les États Membres ont besoin d’un Conseil fort et efficace, d’un Conseil qui réponde à toutes les violations, à toutes les atteintes à l’encontre des droits de l’homme, indépendamment de l’endroit où elles ont été commises et de qui les a commises, a conclu la Présidente de l’Assemblée générale.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que le Conseil des droits de l'homme était « l’épicentre » du dialogue et de la coopération internationale en matière de protection de tous les droits de l'homme. Les droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme appartiennent à tous, partout, a-t-il rappelé; ils sont indépendants de la nationalité, du sexe, de l'orientation sexuelle, de la race, de la religion, de la croyance ou de tout autre statut.

Le Secrétaire général a ensuite rappelé que dans son discours inaugural en tant que Secrétaire général, il avait élevé la prévention au rang de priorité. Toutes les mesures visant à soutenir les droits de l'homme contribuent à atténuer les tensions, à assurer le développement durable et à maintenir la paix, a-t-il déclaré. « Si le cessez-le-feu tient à Hodeïda, si le récent accord de paix s’enracine en République centrafricaine, si le conflit se termine au Soudan du Sud, nous réduirons considérablement la souffrance humaine et ouvrirons la voie à une justice tant nécessaire pour les victimes », a-t-il déclaré, avant de rappeler que la responsabilité première du soutien aux droits de l'homme incombe aux États Membres.

Soyons clairs, a poursuivi le Secrétaire général: « l’agenda des droits de l’homme perd du terrain dans de nombreuses parties du globe, mais je ne perds pas espoir ». Oui, nous assistons à des tendances troublantes, mais nous voyons aussi de puissants mouvements en faveur des droits de l'homme et de la justice, a-t-il relevé. Les jeunes, les autochtones, les migrants et les réfugiés réclament leurs droits et font entendre leurs voix. Les journalistes sortent courageusement leurs histoires. Les femmes se lèvent courageusement pour dire « Me Too » (moi aussi). Un nombre de pays sans précédent dans l’histoire ont aboli la peine de mort ou ne la pratiquent plus. Davantage de gens parlent du caractère indispensable des droits culturels pour protéger la diversité des croyances et des pratiques sur notre planète et l’on assiste à une plus grande reconnaissance du fait qu’il est impératif d’assurer les droits des personnes handicapées. Nous avons fait la preuve qu'il n'est possible de lutter efficacement contre le terrorisme que lorsque les droits de l’homme sont maintenus. Notre initiative « Les droits de l'homme avant tout » (Human Rights Upfront) permet de façon plus systématique de repérer les signes précoces de crises et d'améliorer la manière d’y répondre, s’est réjoui le Secrétaire général, avant de se féliciter en outre qu’un milliard personnes aient été sorties de l'extrême pauvreté en une génération seulement. Par ailleurs, des progrès considérables ont été réalisés dans la lutte pour les droits des femmes et l'égalité des sexes au cours des dernières décennies, a-t-il ajouté.

Mais beaucoup reste à faire à l'ONU et dans le monde, a poursuivi M. Guterres. Les femmes et les filles sont encore confrontées à l'insécurité, à la violence et à d'autres violations de leurs droits tous les jours: les portes de l'opportunité économique restent fermées et de nombreux plafonds de verre subsistent, a souligné le Secrétaire général, rappelant que l’égalité de genre est une question de pouvoir.

M. Guterres a dit être tout aussi alarmé par le rétrécissement de l'espace civique dans toutes les régions du globe et à chaque coin de l'Internet. Les militants et les journalistes sont ciblés par la surveillance, les campagnes de désinformation, les menaces de violence qui, trop souvent, se finissent par une violence réelle. Les mégadonnées (big data) et la technologie de reconnaissance faciale sont détournées à des fins de surveillance indue et d'ingérence dans la liberté d'expression. Plus d'un millier de défenseurs des droits humains et de journalistes ont été tués au cours des trois dernières années, a souligné le Secrétaire général de l’ONU. En 2018, quatre militants de l'environnement, principalement des autochtones, ont été tués chaque semaine, a-t-il ajouté. Davantage doit être fait pour la protection de ces personnes et la responsabilisation des auteurs de violence à leur égard. Il faut également travailler à combler les lacunes dans les lois et pratiques discriminatoires qui ciblent les personnes simplement en raison de leur l'orientation sexuelle, leur identité de genre ou de caractéristiques sexuelles, a également plaidé M. Guterres.

Le Secrétaire général a ensuite évoqué le mouvement de xénophobie, de racisme et d'intolérance – y compris l'antisémitisme et l’islamophobie, en soulignant que « le discours de haine est une menace pour les valeurs démocratiques, la stabilité sociale et la paix; il se propage comme un feu de forêt à travers les médias sociaux, l'Internet, et les théories du complot ». Le discours de haine est encouragé par le discours public qui stigmatise les femmes, les minorités, les migrants, les réfugiés et quiconque est considéré comme "autre", a souligné M. Guterres. Il a indiqué avoir demandé à son Conseiller spécial pour la prévention du génocide, M. Adama Dieng, de mettre sur pied une équipe des Nations Unies pour « renforcer notre réponse au discours de haine, définir une stratégie à l’échelle du système et présenter un plan d’action global dans les meilleurs délais ». Une campagne insidieuse a cherché à noyer le Pacte mondial sur les migrations dans un flot de mensonges; cette campagne a échoué, a ajouté le Secrétaire général.

La pauvreté est un déni des droits de la personne, a par ailleurs souligné le Secrétaire général. « Notre monde a accompli des progrès remarquables dans la lutte contre l’extrême pauvreté. Et je remercie le Conseil pour son rôle central dans la promotion du droit au développement », a-t-il déclaré. Mais aujourd’hui, les bénéfices de la croissance économique sont inégalement répartis et les inégalités se creusent dans les pays et entre les pays, a-t-il observé, relevant qu’«une poignée de personnes détient autant de richesse que la moitié de l’humanité». L’augmentation brutale des inégalités non seulement limite la croissance économique, mais elle est aussi source d’instabilité et de mécontentement, a-t-il souligné. Rappelant que les dirigeants mondiaux ont promis de ne laisser personne de côté, il a fait valoir que « l’Agenda 2030 et les objectifs du développement durable sont notre contribution à une mondialisation équitable ».

Remerciant enfin le Conseil de s’être rapidement penché sur « le plus grand défi du monde d’aujourd’hui et de demain », à savoir le changement climatique, il a indiqué qu’il convoquerait un sommet sur le climat le 23 septembre, qui réunira les dirigeants politiques, le monde des affaires et la société civile.

Le travail de ce Conseil a pour but de repousser les limites du possible, de faire ressortir le meilleur de nous-mêmes et de permettre à nos sociétés de réaliser leur plein potentiel, a conclu le Secrétaire général.

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souhaité partager deux leçons qu’elle a tirées de son expérience de chef d’État. La première est qu’il existait rarement un grand fossé entre l’intérêt de l’humanité et celui de notre propre pays. « Si une politique semble à court terme faire avancer un intérêt étroit mais qu’elle nuit au futur de l’humanité, c’est que cette politique est certainement contre-productive », a-t-elle expliqué. Cela est vrai pour le changement climatique: « si vous pensez que les intérêts économiques sont plus importants que l’environnement, essayez de compter votre argent en retenant votre respiration » , a-t-elle souligné par reprise d’un dicton. Cela est vrai pour la guerre; cela est vrai pour la discrimination; et cela est vrai pour les inégalités, « qui sont au cœur même de notre lutte pour protéger et promouvoir les droits de l'homme », a-t-elle ajouté.

La seconde leçon que Mme Bachelet a mise en avant est celle qu’elle a tirée de son expérience non seulement de chef d’État mais aussi de ministre, de membre d’organisations non gouvernementales et de réfugiée: à savoir que les politiques fondées sur les droits de l'homme sont efficaces, donnent de meilleurs résultats pour tous les groupes sociaux et évitent les injustices, les conflits, les inégalités, la souffrance et les discriminations de toutes sortes. Les mesures en faveur de la justice sociale contribuent également à développer une économie plus forte, a ajouté la Haute-Commissaire, soulignant qu’il ne peut y avoir de « développement optimal, durable et inclusif si la voix de la société civile est absente ».

Appelant à faire preuve de courage et de vision, Mme Bachelet a rappelé que les normes des droits de l'homme ont montré leur intérêt pour la sécurité, la résilience, l’équité, la cohésion sociale et la paix. Aucun pays n’affiche un bilan parfait en matière de droits de l'homme, a-t-elle souligné; mais ils reconnaissent tous que leur peuple a des droits et que leur gouvernement se doit de les défendre et de les protéger. Elle a assuré que le Haut-Commissariat continuera à coopérer avec les États Membres et à les aider à assumer leurs responsabilités. La Haute-Commissaire a cependant regretté que la volonté politique ne soit pas toujours présente et que, dans certains pays, les progrès en matière de droits de l’homme aient été remis en question, par exemple sur les droits des femmes, des minorités ou des peuples autochtones. « D’autres États traînent les pieds sur des questions comme le changement climatique », a ajouté Mme Bachelet, indiquant que les manifestations des jeunes pour l’adoption de mesures en faveur du climat, ces dernières semaines, lui inspiraient la ferme détermination de poursuivre la lutte pour défendre ces droits.

Nous ne pouvons pas céder au défaitisme et regarder passivement les structures qui maintiennent la paix et la sécurité s’effondrer, a averti Mme Bachelet. La génération des dirigeants actuels a la capacité d’assurer un meilleur bien-être pour les peuples et les outils existent, a-t-elle déclaré. Elle a par ailleurs exprimé son admiration pour le bilan du Conseil en matière d’alertes précoces. Elle a aussi insisté sur l’importance des organes de traités, dont les recommandations sont très souvent pertinentes. Quant au Haut-Commissariat, c’est un tremplin essentiel pour le bien-être et la liberté des hommes et des femmes dans le monde entier et il continuera à faire de son mieux pour renforcer toutes les institutions internationales des droits de l'homme, a-t-elle conclu.

M. IGNAZIO CASSIS, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a évoqué deux tendances dangereuses. La première consiste à fermer les yeux lorsque nous assistons à des violations ou à la réduction de l’espace des droits de l’homme; la deuxième consiste à parler de ces droits de manière toujours plus générique et abstraite, ce qui n’aide pas les jeunes générations à percevoir l’importance du thème, a-t-il indiqué. « Nous parlons de droits, mais il n’y a pas de droits sans devoirs », a poursuivi M. Cassis, évoquant « le devoir de nous tous et toutes, dans cette salle et en dehors, de lutter pour ces droits avec courage et détermination ». Cette année nous fêtons le centième anniversaire de la Société des Nations, ce premier effort organisé des nations pour maintenir la paix, a rappelé le Chef du Département fédéral des affaires étrangères. En ces cent ans d’expérience, nous avons appris que rien n’est définitif et que l’humanité tombe souvent dans les mêmes pièges, a-t-il souligné. « Si nous cessons de nous battre pour la liberté et si nous nous habituons à considérer la démocratie et les libertés comme une évidence, nous risquons de tomber à nouveau », a-t-il averti.

Les droits de l’homme sont les fondements de nos sociétés démocratiques et c’est notre responsabilité, notre devoir, de les préserver, a insisté M. Cassis, avant de prendre l’exemple du droit à la liberté d’opinion. Même en Suisse, où ce droit fondamental est inscrit dans la Constitution, « exprimer un avis contraire au main stream peut fâcher », a relevé M. Cassis. Il s’agit alors de continuer à encourager celles et ceux qui font preuve de courage et osent aller personnellement à l’encontre de la pensée unique, dans le respect des autres, sans besoin de se cacher derrière l’anonymat des médias sociaux, a-t-il poursuivi. « Je ne peux pas m’empêcher de penser ici aux journalistes, comme par exemple Jamal Khashoggi de l’Arabie Saoudite ou Ján Kuciak de la Slovaquie, assassinées en 2018 à cause de ce courage », a déclaré M. Cassis.

Après avoir rappelé l’assise du rôle international de Genève, M. Cassis a souligné que la démocratie est un chemin ardu; la Suisse l’a aussi parcouru pas après pas, avec fatigue, au cours des siècles, a-t-il déclaré, se disant convaincu que « seuls des états démocratiques, qui respectent l’état de droit, peuvent assurer la paix et la prospérité des peuples ». « La Suisse soutient le Secrétaire général Guterres et ses réformes qui visent à améliorer l’efficacité et l’efficience du multilatéralisme », a également souligné M. Cassis.

La Suisse estime aussi que c’est de son devoir de contribuer activement à relever les défis du XXIème siècle, telles que les avancées de la génétique (avec leur impact sur la médecine et l'agriculture) ou les disruptions technologiques comme la numérisation et l’intelligence artificielle (avec leur impact sur le travail et la société), a enfin indiqué M. Cassis, invitant à s’interroger sur les défis que posent ces changements à nos démocraties, à nos États de droits et aux droits de l’homme. Le Gouvernement suisse – avec le Canton et la Ville de Genève – ont lancé, la semaine dernière, l’organisation «Geneva Science and Diplomacy Anticipator», a-t-il indiqué, précisant que l’objectif de cette fondation est de mettre à disposition de la communauté internationale un instrument novateur et flexible pour catalyser le travail des organisations internationales et traiter rapidement les thèmes de la diplomatie multilatérale du XXIème siècle. La liberté de recherche est primordiale pour avancer, mais ceci doit se faire en respectant l’être humain, a-t-il insisté, remerciant le Directeur général de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Michael Møller, pour son soutien à cette fondation et pour son engagement pour la Genève internationale.



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HRC/19/02F