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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES RAPPORTS SUR LE DROIT A L’ALIMENTATION ET SUR LA DETTE EXTÉRIEURE

Compte rendu de séance
Une quinzaine de délégations exercent leur droit de réponse suite aux déclarations faites dans le cadre du débat de haut niveau


Le Conseil des droits de l’homme a examiné, ce matin, les rapports de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, Mme Hilal Elver, et de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure, M. Juan Pablo Bohoslavsky. Il a auparavant entendu les délégations de la quinzaine de pays ci-après exercer leur droit de réponse suite aux déclarations faites dans le cadre du débat de haut niveau qui s’est tenu en début de semaine: Chine, Inde, Bahreïn, Arménie, République populaire démocratique de Corée, République de Corée, Chypre, Turquie, Pakistan, Liban, Bangladesh, Syrie, Azerbaïdjan, Japon, Qatar, Myanmar.

Présentant son rapport thématique consacré, cette année, aux travailleurs de la pêche et à la réalisation de leur droit à l’alimentation, Mme Elver a expliqué que les travailleurs de la pêche sont indispensables dans la réalisation progressive du droit à l’alimentation et pour lutter contre la faim dans le monde car les poissons sont devenus durant les dernières décennies une importante source de nutrition. Pourtant, encore aujourd’hui, les travailleurs de la pêche sont parmi les plus pauvres au monde, a-t-elle souligné, avant de plaider pour la réalisation des droits de ces travailleurs. L’essor de la pisciculture est l’un des changements majeurs intervenus dans le secteur de la pêche ces dernières décennies, a en outre souligné la Rapporteuse spéciale, précisant que l’élevage pose des problèmes pour les populations locales qui souffrent notamment d’expropriation au profit des fermes piscicoles.

La Rapporteuse spéciale a également rendu compte de ses visites effectuées au Viet Nam, en Indonésie et en Argentine. Ces droits pays ont ensuite fait des déclarations à titre de pays concernés. Est également intervenue l’institution nationale indonésienne des droits de l'homme.

M. Bohoslavsky a quant à lui indiqué que son rapport thématique contient 22 principes directeurs applicables aux études d’impact des réformes économiques sur les droits de l’homme. Sans approche axée sur les droits de l'homme, les politiques économiques ne serviront que l’agenda économique, mais laisseront les objectifs de développement de côté, a-t-il souligné. L’Expert indépendant a en outre rendu compte des missions qu’il a effectuées en Ukraine et à Sri Lanka, ces deux pays étant ensuite intervenus à titre de pays concernés. Sont également intervenues les institutions nationales de droits de l'homme des deux pays.

De très nombreux intervenants* ont ensuite pris part au dialogue groupé qui a suivi ces présentations. S’agissant du rapport de Mme Elver, la plupart ont salué le travail de la Rapporteuse spéciale et ont repris à leur compte ses propos sur l’importance du secteur de la pêche dans la mise en œuvre du droit à l’alimentation. L’accent a également été attiré sur l’impact des changements climatiques sur la situation alimentaire mondiale.

S’agissant des effets de la dette extérieure, les principes directeurs avancés par l’Expert indépendant ont reçu le soutien de nombreux orateurs. A particulièrement été soulignée la nécessité de tenir compte de la dimension droits de l’homme lors de la mise en œuvre des plans d’ajustement structurel.


Cet après-midi, le Conseil poursuit ses travaux en tenant un dialogue interactif groupé avec le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur la torture.


Droit de réponse

La Chine a regretté que des intervenants pendant le débat de haut niveau aient prononcé des déclarations mensongères au sujet du Xinjiang. Le Xinjiang vit aujourd’hui dans la paix et la stabilité, a assuré la délégation chinoise. Dans les années 1990, l’extrémisme et le terrorisme avaient fait de très nombreuses victimes parmi les civils; les autorités ont alors pris des mesures antiterroristes et de déradicalisation pour libérer les personnes sous l’influence de l’idéologie terroriste et les réinsérer dans la société, a expliqué la délégation. Aujourd’hui, les pouvoirs publics à tous les niveaux respectent les lois et politiques nationales, de même que les droits à la religion et à l’utilisation de sa propre langue, a fait valoir la délégation chinoise. La réalité sur le terrain montre le contraire de ce que disent les médias, a-t-elle insisté.

L’Inde a dit répondre à la « propagande » du Pakistan, ce pays qui essaime le terrorisme pour déstabiliser les États voisins. Le Pakistan est le pays qui a protégé Ben Laden et de nombreux autres terroristes, ainsi qu’une vingtaine d’organisations terroristes reconnues comme telles par les Nations Unies. Ce pays héberge aussi l’organisation « islamiste » Jaish-e-Mohammed, qui a revendiqué l’attaque ayant causé la mort de plus de 40 paramilitaires indiens à Pulwama, au Jammu-et-Cachemire, a ajouté la délégation indienne. Elle a également déclaré que le Pakistan n’avait jamais respecté les résolutions des Nations Unies lui demandant de quitter le Jammu-et-Cachemire, un territoire qui appartient à l’Inde.

Au nom de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes Unis et de l’Égypte, Bahreïn a répondu au Ministre qatarien des affaires étrangères pour expliquer que ces pays ont adopté des mesures de boycottage pour protéger leur sécurité de pratiques irresponsables de la part du Qatar et qu’il ne s’agit pas d’un blocus. La délégation bahreïnite a réaffirmé que Bahreïn et les autres États au nom desquels il parle ici étaient disposés à coopérer afin de mettre un terme à cette crise politique pour garder la paix et la stabilité dans la région. Pour réponde au Ministre danois des affaires étrangères au sujet du traitement d’un citoyen danois à Bahreïn, la délégation a ensuite indiqué que cet individu avait commis des actes répréhensibles et qu’il avait été jugé en conséquence. Bahreïn n’accepte pas d’ingérence dans son pouvoir judiciaire indépendant.

Répondant aux déclarations des hauts dignitaires de la Turquie et de l’Azerbaïdjan pendant le débat de haut niveau, l’Arménie a affirmé que la Turquie était mal placée pour parler de violations des droits de l’homme où que ce soit dans le monde. En effet, a-t-elle précisé, la Turquie a jeté des milliers de personnes en prison et condamné des milliers d’autres à l’exil. L’Arménie a déploré des déclarations provocatrices destinées, selon elle, à intensifier les divisions dans la région et à détourner l’attention de la communauté internationale des crimes commis par la Turquie ottomane – soit le génocide des Arméniens. L’Arménie a aussi condamné la propagande mensongère et destructrice sur le Nagorno-Karabakh.

La République populaire démocratique de Corée a dit être « consternée » que certains, notamment le Royaume-Uni, le Japon et l’Union européenne, continuent d’accuser son pays sur la base d’informations fausses et infondées fournies par de « prétendus déserteurs » - des informations et des déclarations qui sont erronées, politiquement motivées et n’ont rien à voir avec les droits de l'homme; au lieu de cela, ils feraient mieux de regarder d’abord dans leur cours avant de se mêler des affaires internes de la République populaire démocratique de Corée. Nombre de questions sont réglées dans le dialogue intercoréen, a poursuivi la République populaire démocratique de Corée. Par ailleurs, le Japon devrait, sur la question des femmes de réconfort et de l’esclavage de Coréens pendant la guerre, reconnaître ses torts, présenter des excuses et verser des réparations aux victimes, a conclu la République populaire démocratique de Corée.

La République de Corée a répondu à l’intervention du Japon dans le cadre du débat de haut niveau que la question des femmes de réconfort reste en suspens entre les deux pays, estimant qu’il fallait poursuivre les efforts pour rendre leur honneur aux victimes et également pour s’assurer que de tels événements ne se reproduisent plus. Le Gouvernement de la République de Corée continuera de collaborer avec les organisations internationales afin que les victimes retrouvent leur dignité et leur honneur.

Chypre a regretté les allégations étonnantes faites par le Ministre des affaires étrangères de la Turquie durant le débat de haut niveau. Chypre a relevé que la Turquie est le pays qui compte le plus de journalistes emprisonnés au monde, sans compter les très nombreuses arrestations de fonctionnaires et de magistrats. Chypre a aussi déploré que la Turquie refuse de se soumettre aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est en outre faux de dire que les Chypriotes grecs refusent que les Chypriotes turcs jouissent des mêmes droits qu’eux. Le Gouvernement chypriote continuera de travailler à la réunification de l’île, a ajouté la délégation chypriote.

La Turquie a assuré qu’elle respectait les droits de l'homme et les libertés fondamentales et a rappelé qu’elle avait été menacée par diverses activités de groupes terroristes et que les personnes qui ont été arrêtées l’ont été dans ce cadre. Répondant à l'Arménie, la délégation turque a dit que l’Arménie était directement responsable de l’enlèvement de plusieurs Azéris et de la situation dans le Nagorno-Karabakh. Par ailleurs, le Conseil des droits de l'homme n’est pas le lieu pour parler des « évènements de 1915 », a ajouté la Turquie. La Turquie reconnaît les souffrances qu’ont endurées les Arméniens pendant la guerre, mais le terme de génocide est clairement défini par le droit international, notamment dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, a-t-elle insisté. Répondant à Chypre, la délégation turque a ajouté que l’intervention de la Turquie en 1974 était conforme au Traité de garantie de la décennie précédente; aucun document des Nations Unies ne qualifie cette intervention d’invasion ou d’occupation, a-t-elle insisté.

Le Pakistan a répondu à l’Inde qu’il rejetait toute responsabilité dans l’incident survenu dans la zone du Cachemire occupé par l’Inde, dont le sort doit être résolu par un plébiscite, comme le prévoit le Conseil de sécurité. Le Pakistan a dénoncé les tactiques habituelles et les accusations non vérifiées de l’Inde. De l’avis du Pakistan, le niveau sans précédent de répression dans la région (du Cachemire occupé par l’Inde) a aliéné la population et renforcé la résistance, ce à quoi l’Inde devrait réfléchir plutôt que d’accuser le Pakistan. Ces derniers jours, l’Inde a violé l’intégrité territoriale du Pakistan et c’est un mensonge de dire qu’il s’agissait d’une attaque contre un camp terroriste, a poursuivi la délégation pakistanaise, ajoutant que la force aérienne du Pakistan s’en est prise à des cibles indiennes sans toucher aux civils. Le Pakistan n’a aucune intention de faire escalader le conflit mais peut le faire si nécessaire, a insisté la délégation pakistanaise, exprimant l’espoir que l’Inde donnera une chance à la paix.

Le Liban a regretté qu’Israël se soit une fois de plus présenté devant le Conseil comme une victime, alors que tous ses actes montrent le contraire. Comment penser qu’un pouvoir né du colonialisme et de l’occupation puisse être une démocratie, s’est interrogé le Liban ? C’est bien Israël qui occupe une partie du Sud Liban, quoi qu’il prétende, a insisté la délégation libanaise. Quant au Hezbollah, il s’agit d’un parti libanais, représenté au Gouvernement et au Parlement et son opposition à Israël n’en fait pas ipso facto un mouvement terroriste, a-t-elle déclaré.

Le Bangladesh, répondant à la déclaration faite par un membre du Gouvernement du Myanmar dans le cadre du débat de haut niveau, a déploré la fausse représentation des faits par le Myanmar s’agissant de la situation dans l’État Rakhine. L’exode des musulmans Rohingya vers le Bangladesh a été qualifié de « nettoyage ethnique », a rappelé la délégation du Bangladesh, appelant le Myanmar à mettre en œuvre l’accord de rapatriement et à garantir leur retour dans des conditions de sécurité.

La République arabe syrienne a répondu aux accusations des hauts dignitaires britannique et danois dans le cadre du débat de haut niveau en les accusant d’ignorer la situation des droits de l'homme dans leur propre pays. La délégation syrienne a renvoyé aux violations du droit international, en particulier en Libye, en Iraq, en Syrie et au Yémen, qui ont contribué à faire de nombreuses victimes parmi les civils. La délégation syrienne a ensuite affirmé, à l’adresse de la Turquie, que ce pays se cache derrière la lutte contre le terrorisme pour justifier ses attaques contre la Syrie et que ce n’est rien d’autre qu’une manœuvre de justification pour des ambitions politiques. La poursuite de la politique de violation flagrante de l’intégrité territoriale de la Syrie de la part de la Turquie n’est qu’une tentative de s’accaparer des richesses syriennes, en violation flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies, a insisté la délégation syrienne. Les déclarations turques répétées appelant à la création d’une zone tampon confirment la logique d’occupation et d’hostilité à l’encontre de la Syrie.

L’Azerbaïdjan a regretté les déclarations hostiles de l’Arménie et a ajouté que les événements de Sumgaït mentionnés par l’Arménie avaient été élucidés du temps de l’Union soviétique déjà: il s’était agi d’une provocation arménienne pour attiser le sentiment nationaliste, a affirmé l’Azerbaïdjan, avant de recommander d’interroger l’ancien président Sarkisian sur les crimes qu’il a reconnus dans un journal britannique.

Le Japon a répondu à la République populaire démocratique de Corée en affirmant que ses « allégation sur le passé » sont fondées sur des erreurs historiques. Le Japon a reconnu ses responsabilités historiques, a rappelé la délégation japonaise. En vertu des Accords de Stockholm de 2014, a-t-elle également rappelé, la République populaire démocratique de Corée avait promis de mener des enquêtes sur la question des enlèvements; la République populaire démocratique de Corée doit mettre en œuvre cet Accord et renvoyer les personnes enlevées chez elles, a demandé le Japon.

L’Inde a dénoncé la propagande du Pakistan à son encontre. Les minorités au Pakistan sont forcées de se convertir, a ajouté la délégation indienne, avant de dénoncer également les disparitions forcées dans ce pays.

La République démocratique populaire de Corée a dénoncé l’esclavage sexuel des enfants coréens dans les écoles japonaises durant la guerre. Les crimes contre l’humanité commis par le Japon durant la Seconde Guerre mondiale ont été documentés, a-t-elle ajouté.

Dans un second droit de réponse, le Pakistan a dénoncé une campagne de désinformation menée par l’Inde contre son pays. Le territoire du Jammu-et-Cachemire fait partie d’un contentieux international et l’Inde ne peut le nier en prétendant s’accaparer ce territoire. Un rapport du Haut-Commissariat a déjà fait état de la situation dans ce territoire, a rappelé le Pakistan, avant de dénoncer la tactique bien connue employée par l’Inde, qui invoque le terrorisme à des fins électorales.

S’adressant à nouveau au Japon, la République de Corée a affirmé ne pas souhaiter faire d’autres commentaires, mais a souligné que la question des femmes de réconfort devait être abordée et résolue sous l’angle des droits de l'homme.

Le Japon a de nouveau souligné qu’il avait reconnu ses responsabilités historiques et qu’il cherche désormais à restaurer la confiance et la paix dans la région. Le Japon a ajouté que l’on ne peut pas faire référence aux femmes de réconfort en les qualifiant d’« esclaves »

Le Qatar a dénoncé les mesures unilatérales prises à son encontre, comme l’a décrit lui-même le Conseil des droits de l'homme. Le Qatar a fait part de son souhait d’un règlement pacifique de la crise, conformément au droit international, et a jugé dangereux et infondé de lier ce pays au terrorisme.

La Turquie a notamment dénoncé les accusations infondées proférées par le « régime syrien » et a souligné qu’elle restait engagée en faveur de l’intégrité territoriale de la Syrie. La Turquie a en outre rappelé le bilan de meurtres de masse, d’utilisation de gaz et de répression qui est celui du « régime syrien ».

La Syrie a affirmé que la Turquie utilise des termes qui reflètent la mentalité du « régime Erdogan » et ne méritent pas de réponse. Cependant, la présence illégitime de soldats turcs sur certains territoires syriens va à l’encontre des déclarations de M. Erdogan sur le respect de l’intégrité territoriale; la Turquie doit retirer ses soldats de la Syrie et cesser sa politique agressive.

Le Myanmar a assuré que la question du rapatriement était traitée de bonne foi avec le Bangladesh, conformément à l’accord signé. Afin de maintenir des relations de bon voisinage, il serait bon de travailler en toute bonne foi et sincérité, a déclaré le Myanmar.

Dialogue interactif groupé sur le droit a l’alimentation et sur les effets de la dette extérieure

Présentation de rapports

Le Conseil était saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation (A/HRC/40/56), portant également sur les visites de travail effectuées par la titulaire du mandat, Mme Hilal Elver, au Viet Nam (Add.1), en Indonésie (Add.2 et Add.4 en anglais) et en Argentine (Add.3 et Add.5 en espagnol seulement).

MME HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a expliqué que son présent rapport thématique avait pour thème les travailleurs de la pêche et la réalisation de leur droit à l’alimentation. Les travailleurs de la pêche sont indispensables dans la réalisation progressive du droit à l’alimentation et pour lutter contre la faim dans le monde car les poissons sont devenus durant les dernières décennies une importante source de nutrition. Pourtant, encore aujourd’hui, les travailleurs de la pêche sont parmi les plus pauvres au monde. Environ 880 millions de personnes dépendent des pêcheries pour leur subsistance, dont 60 millions travaillent comme pêcheurs ou pisciculteurs et 120 millions dans des activités liées à la pêcherie; près de 85% de ces 880 millions vivent en Asie et 10% en Afrique. Plus de 90 % des pêcheurs mondiaux tirent leur subsistance de la pêche artisanale.

L’essor de la pisciculture est l’un des changements majeurs intervenus dans le secteur de la pêche ces dernières décennies, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. L’élevage pose des problèmes pour les populations locales qui souffrent notamment d’expropriation au profit des fermes piscicoles, a-t-elle souligné. La réalisation des droits des travailleurs nécessite la garantie d’un salaire suffisant; or le cadre de l’OIT pour les travailleurs du secteur de la pêche ne prévoit pas un salaire minimum dans ce domaine, de sorte que beaucoup de travailleurs de la pêche touchent moins que le revenu minimum en vigueur dans leur pays. Le travail de la pêche est éprouvant, sale et dangereux et peut causer des troubles de santé physique et psychologique, a ajouté Mme Elver. Les travailleurs de la pêche sont rarement syndiqués et ont donc peu de leviers pour faire valoir leurs revendications. Les femmes et les filles, très présentes dans ce secteur, bien que souvent invisibles, sont plus impactées par les problèmes de sécurité; elles sont aussi victimes de nombreuses violations des droits de l’homme. Le travail des enfants dans le secteur de la pêche constitue une des pires formes de travail des enfants, compte tenu des conditions de travail dans ce secteur, a en outre souligné la Rapporteuse spéciale. Les migrants sont eux aussi exploités dans les pêcheries, a-t-elle ajouté.

Le travail de la pêche est indispensable pour la jouissance du droit à l’alimentation. Malheureusement, la demande croissante pour les poissons bon marché encourage le mauvais traitement des travailleurs. Pourtant, des lignes directrices volontaires existent et sont disponibles pour les États s’agissant du traitement à accorder aux travailleurs de la pêche. Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en consommant d’autres espèces que les crevettes, le saumon et le thon; ils peuvent aussi chercher des informations sur l’origine des poissons qu’ils consomment en privilégiant les poissons pêchés par des pêcheurs artisanaux et en les achetant par des chaînes d’approvisionnement plus courtes.

Rendant compte de sa visite officielle au Viet Nam en novembre 2017, Mme Elver a ensuite expliqué que les progrès de la croissance économique étaient inégaux dans ce pays. Cette croissance a aussi eu des conséquences négatives sur l’environnement, les ressources naturelles et les conditions de vies des communautés locales, a-t-elle souligné.

S’agissant de sa visite effectuée en Indonésie en avril 2018, la Rapporteuse spéciale a relevé la croissance économique du pays, tout en soulignant qu’il reste des problèmes de sous-nutrition et d’obésité au sein de la population. Une trop grande place est accordée au riz dans l’alimentation en Indonésie, qu’il conviendrait de diversifier en incluant davantage de fruits et de légumes, a-t-il indiqué. Certaines communautés souffrent par ailleurs de discrimination et sont confrontées à des obstacles lorsqu’il s’agit de faire valoir leur droit à l’alimentation, a-t-elle ajouté.

S’agissant de sa visite en Argentine, effectuée en septembre 2018, la Rapporteuse spéciale a souligné que le pays traversait à ce moment-là une crise économique grave, ce qui avait des répercussions sur la jouissance du droit à l’alimentation de la population. Par ailleurs, l’utilisation de produits chimiques a des conséquences négatives, notamment sur la santé humaine, a-t-elle ajouté. Il faut rééquilibrer l’industrie agricole; les autorités argentines doivent concevoir des nouvelles politiques efficaces, avec la participation de tous les segments de la société, pour permettre l’accès à une alimentation adéquate et saine pour tous, a-t-elle indiqué.

Le Conseil était également saisi des principes directeurs applicables aux études de l’impact des réformes économiques sur les droits de l’homme (A/HRC/40/57) établis à son intention par l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, M. Juan Pablo Bohoslavsky. Il est également saisi des rapports de l’Expert indépendant sur ses visites de travail en Ukraine (A/HRC/40/57/Add.1 et Add.3) et à Sri Lanka (Add.2 et Add.4 en anglais).

M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, a déclaré, que conformément à la résolution 34/3 du Conseil des droits de l'homme, le rapport contient les principes directeurs applicables aux études de l’impact des réformes économiques sur les droits de l’homme. Ces derniers ont été élaborés sur la base des informations reçues de multiples sources et parties prenantes, à savoir États, institutions financières internationales, institutions nationales des droits de l'homme, société civile et universitaires.

Détaillant ensuite sur ces principes directeurs, il a indiqué qu’ils sont d’abord la reconnaissance que toute mesure économique, qu’elle porte sur la fiscalité, la privatisation des services publics, l’austérité économique ou autre, a des conséquences significatives sur la jouissance des droits de l'homme. La nature multidimensionnelle de toute mesure économique implique donc des effets sur une variété de droits humains, non seulement les droits économiques, mais aussi les droits sociaux, culturels, civils et politiques. De ce fait, a-t-il dit, sans une approche axée sur ces droits, les politiques économiques ne serviront que l’agenda économique, mais laisseront les objectifs de développement de côté.

Ces principes directeurs réaffirment et systématisent en outre les normes internationales des droits de l'homme existantes, en particulier celles qui s’appliquent aux politiques économiques, l’objectif étant d’aider les acteurs intervenant dans ces politiques à évaluer les aspects droits de l'homme de leurs décisions, et à progressivement les réaliser, a expliqué l’Expert indépendant. Ces principes sont flexibles et peuvent s’adapter à tous les besoins et à tous les niveaux décisionnels, tant des gouvernements que de la société civile. Ils soulignent également l’importance de tous les acteurs intervenant dans les domaines économiques, y compris les institutions financières internationales, comme celles de Bretton Woods, les banques multilatérales, les donateurs et autres bailleurs de fonds, qui ont l’obligation de veiller à ce que leurs transactions et les conditionnalités qui les accompagnent ne minent pas les capacités des débiteurs en matière de droits de l'homme. En agissant de bonne foi, ils doivent préalablement évaluer et tenir compte des conséquences de leurs prêts sur les droits de l'homme, a insisté l’Expert indépendant.

Rendant ensuite compte de ses visites de terrain, M. Bohoslavsky a indiqué s’être rendu en Ukraine, l’an dernier, pour y évaluer la mise en œuvre du droit international des droits de l'homme dans le domaine économique. Il en ressort que l’Ukraine a connu ces dix dernières années des défis économiques, aggravés par la récession et la dévaluation de sa monnaie entre 2008 et 2010, puis entre 2014 et aujourd'hui. À cela s’ajoute la profonde complexité de la situation actuelle, avec le conflit que traverse le pays depuis quatre ans. Mais le Gouvernement ukrainien a adopté une série de mesures pour s’attaquer à la pauvreté, à l’inflation et à la situation de la majorité de sa population, a poursuivi l’Expert indépendant. Environ 6,5 millions de personnes ont bénéficié d’une augmentation de leurs subsides pour leur logement et leurs pensions, a-t-il précisé. Cependant, le rapport de visite constate les grands défis qui restent à relever par l’Ukraine et recommande par exemple au pays de prendre des mesures pour que les prestations de sécurité sociale couvrent le coût minimum de la vie. Il lui recommande également de lutter davantage contre la corruption, dans le contexte où les flux financiers illicites sont importants dans ce pays.

S’agissant de Sri Lanka, où il a effectué une visite en septembre dernier, l’Expert indépendant a fait observer que la dette de ce pays avait considérablement augmenté ces dernières années. Un soutien de 1,5 milliard de dollars a été apporté par le Fonds monétaire international (FMI) et des réformes ont été engagées. Cependant, il y a un consensus sur le fait que davantage de ressources doivent être mobilisées. Pour cette raison, M. Bohoslavsky est d’avis qu’un système fiscal équitable, assorti d’un élargissement de la base fiscale, serait utile. Il faudrait également lutter contre les flux financiers illicites, a-t-il ajouté.

Pays concernés

L’Argentine a salué le rapport de la Rapporteuse spéciale, qui a reconnu les efforts du pays pour mener les réformes nécessaires, et a pris bonne note des recommandations qui lui sont adressées dans ce contexte. L’Argentine va relever les défis soulevés dans le rapport, a assuré la délégation argentine.

L’Indonésie a assuré que la protection et la promotion du droit de son peuple à l’alimentation avait toujours constitué pour elle une priorité. La délégation indonésienne a toutefois regretté quelques interprétations erronées dans le rapport de la Rapporteuse spéciale, notamment en ce qui concerne le terme de peuples autochtones. L’Indonésie est une nation pluriethnique et qui ne pratique aucune discrimination, a-t-elle insisté. Elle a regretté les conclusions hâtives de la Rapporteuse spéciale faisant état d’un échec du Gouvernement à remplir son obligation en matière de droit à l’alimentation dans certaines régions du pays. L’Indonésie estime en outre que la mention dans le rapport du processus de ratification des Conventions n°169 et 189 de l’Organisation internationale du travail n’est pas pertinente du point de vue du droit à l’alimentation. S’agissant des références à l’huile de palme, la délégation indonésienne a fait savoir que le Gouvernement avait pris des mesures pour garantir une bonne gouvernance dans ce secteur, au nombre desquelles figurent des règlementations pour protéger la forêt et s’assurer que les plantations ne provoquent pas de déforestation.

Consciente de la difficulté d’assurer la sécurité alimentaire de tous les citoyens, la Commission nationale des droits de l'homme de l’Indonesie a salué les efforts de la Rapporteuse spéciale pour identifier les situations complexes et faire des propositions en vue d’y répondre. La Commission a notamment recommandé la création d’un mécanisme de règlement des conflits fonciers, afin d’améliorer l’accès aux droits de l'homme.

Le Viet Nam a réaffirmé sa politique constante de promotion et de protection de tous les droits, y compris le droit à l’alimentation. Le Viet Nam a pu obtenir des résultats encourageants dans le domaine socioéconomique, ce qui a permis d’améliorer les conditions de vie de la population. Le pays a rappelé être l’un des plus grands exportateurs de noix de cajou, de café, de manioc, de poissons et de fruits de mer, ce qui a permis d’assurer la propre sécurité alimentaire du pays et de la région. La visite de la Rapporteuse spéciale a permis à toutes les parties de faire part des difficultés rencontrées, mais aussi des bonnes pratiques dans le domaine du droit à l’alimentation. Le Viet Nam a pleinement coopéré et a créé des conditions de visites favorables à la Rapporteuse spéciale, laquelle s’est rendue dans trois provinces du pays et a rencontré diverses organisations et individus pour se faire une idée de la situation au Viet Nam. Les conseils de la Rapporteuse spéciale seront pris en compte en vue de l’élaboration de politiques pertinentes, a conclu la délégation vietnamienne.

Sri Lanka a salué les observations de l’Expert indépendant sur les effets de la dette. Le pays, qui met en œuvre un certain nombre de recommandations émanant des organes de traités et des procédures spéciales, a beaucoup évolué dans le domaine de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, mais aussi des droits civils et politiques, a poursuivi la délégation sri-lankaise. Le Gouvernement accorde une grande importance à la lutte contre la pauvreté, en accordant la priorité à la diminution des inégalités régionales, a-t-elle ajouté. Les projets destinés au développement rural comprennent un programme de développement d’infrastructures rurales dont l’objectif est d’élever le statut socioéconomique de toutes les communautés. Le pays a mené des campagnes de sensibilisation s’agissant des problèmes rencontrés par les femmes touchées par la pauvreté, a également fait valoir la délégation. En outre, à Sri Lanka, l’évasion fiscale est une pratique reconnue comme illégale.

La Commission des droits de l’homme de Sri Lanka a indiqué que la dette est un sujet de profonde préoccupation car elle peut engendrer une baisse des dépenses publiques et avoir un impact sur la jouissance des droits de la population. Les indicateurs sociaux de Sri Lanka restent vulnérables, a poursuivi l’institution. La Commission exhorte le Gouvernement sri-lankais à faire des droits économiques, sociaux et culturels des droits justiciables. La Commission partage en outre la vision de l’Expert indépendant préconisant l’adoption d’une approche soucieuse des droits de l’homme pour évaluer les politiques économiques. Le manque de consultation publique accompagnant de nombreux de projets importants, durant les décennies passées, a eu des conséquences négatives. La Commission estime en outre que les institutions de micro-crédit doivent être régies par des normes strictes.

En tant que pays concerné par le rapport de l’Expert indépendant, l’Ukraine a dit regretter que ce dernier ait mis de côté les commentaires additionnels à ce rapport que lui a adressés sa Mission permanente et a invité les délégations à aller consulter ces commentaires, disponibles sur le site du Haut-Commissariat. Le rapport de l’Expert indépendant devrait contenir des références aux résolutions de l’Assemblée générale portant sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, violée par la Fédération de Russie. Il aurait dû tenir compte du fait que « l’agression russe » a des conséquences sur la situation économique de l’Ukraine, a insisté la délégation ukrainienne. Citant nombre de mesures prises par son Gouvernement, notamment en matière de lutte contre la corruption, elle a assuré que ce dernier allait tenir compte des recommandations de l’Expert indépendant.

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme, Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien a déclaré que l’occupation de la Crimée et du Donbass par la Fédération de Russie avait des conséquences sur les droits de l'homme. A cause de cette occupation, plus d’un million de personnes ont dû quitter leurs foyers et des dizaines de milliers d’Ukrainiens qui vivent encore dans ces « territoires occupés » doivent passer de multiples barrages et points de contrôle pour aller percevoir leurs pensions ou recevoir des services sociaux. L’occupation de territoires qui représentent 25% du PIB du pays a aussi des conséquences économiques, a insisté l’institution nationale, disant appuyer les recommandations du rapport.

Débat interactif groupé

S’agissant du droit à l’alimentation, l’Union européenne a dit faire la promotion active d’une meilleure gouvernance des mers et des océans pour qu’ils restent propres et exempts de pêche illégale. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale ce que pourraient faire les gouvernements pour améliorer la situation à cet égard. L’Espagne a souligné le rôle croissant des pêcheurs mais aussi les obstacles auxquels ils sont confrontés, plaidant pour un cadre juridique adéquat. La délégation espagnole a rappelé la tenue du premier Sommet parlementaire mondial contre la faim, à Madrid en fin d’année 2018. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale comment assurer une meilleure transparence dans les chaines d’approvisionnement mondiales et réduire les dommages qu’elles causent à la pêche.

Le Pakistan a souligné le rôle des travailleurs de la pêche et s’est félicité des recommandations visant à lutter contre les formes d’esclavage dans ce secteur. Etant l’un des principaux producteurs de poissons au monde, l’Inde a souligné que ce secteur était pour elle une importante source de revenus. Le pays a indiqué encourager l’aquaculture, traitée sur un pied d’égalité avec l’agriculture.

La Tunisie a expliqué que le secteur de la pêche en mer jouait un rôle très important dans de nombreux pays, y compris en Tunisie où le secteur représente une partie importante du produit intérieur brut. Il faut protéger ceux qui y travaillent et améliorer ainsi leurs conditions de travail, a ajouté le pays. La Jordanie a notamment indiqué avoir incorporé dans sa législation sur l’agriculture la protection des travailleurs dans toute une série de domaines. L’Iraq a souligné que ses deux grands fleuves procuraient une grande quantité de ressources en poissons. L’Iraq comprend donc l’intérêt de préserver les droits des pêcheurs, s’agissant notamment de leurs conditions de travail. Djibouti a rappelé qu’il dispose d’un grand domaine de pêche qui doit être soutenu car les pêcheurs travaillent toujours avec des méthodes artisanales. Un programme d’appui vise précisément à renforcer les coopératives de pêche, notamment en leur permettant d’avoir accès à du matériel moderne de pêche. Djibouti s’est par ailleurs doté d’une législation pour lutter contre la pêche illégale.

Cuba reconnaît l’importance du secteur de la pêche pour garantir l’alimentation de plus de 800 millions de personnes et attire l’attention sur les méfaits des changements climatiques dans ce secteur. Cuba a précisé travailler, dans ce domaine, a un plan d’action pour lutter contre les changements climatiques.

La Bolivie s’est dite préoccupée que la Déclaration sur les droits des paysans approuvée par l’Assemblée générale, qui comprend la protection des petits pêcheurs, ne soit pas reprise dans le rapport de la Rapporteuse spéciale.

L’État de Palestine a regretté que les effets du conflit sur la pêche à Gaza n’aient pas été pris en compte. Israël a unilatéralement déclaré une zone limitée de pêche autour de Gaza, a poursuivi la délégation palestinienne, ajoutant que les principales sources d’alimentation des Palestiniens sont ainsi menacées par Israël. La marine israélienne s’en prend régulièrement aux pêcheurs palestiniens qui sont fréquemment arrêtés, a-t-elle insisté. Il n’y a plus que 3000 pêcheurs enregistrés à Gaza, alors qu’ils étaient encore plus de 10 000 il y a quelques années, a indiqué la délégation.

La France a dit soutenir la Convention n°188 de l’OIT sur le travail dans la pêche, et appelle les autres pays à en faire autant. La France a ajouté qu’elle entendait responsabiliser les entreprises et les chaînes d’approvisionnement y compris dans le domaine de la pêcherie. En Azerbaïdjan, une agence pour la sécurité alimentaire a été créée qui est notamment compétente pour vérifier la qualité des produits alimentaires.

Pour l’Égypte, davantage d’efforts doivent être consentis pour lutter contre l’exploitation des travailleurs de la pêche, notamment des migrants.

Le Lesotho a estimé que, dans le contexte de la réduction de la pauvreté, il est important de faire un lien entre la pêche et le développement. Le Lesotho a insisté sur le fait que les travailleurs de la pêche sont essentiels et a proposé d’améliorer les mesures en faveur de la création d’un environnement propice pour le secteur.

Le Maroc a rappelé que l’agriculture demeure l’épine dorsale du PIB du pays et qu’il a dans ce contexte adopté une stratégie globale pour la durabilité du secteur de la pêche. Le pays a notamment signé un accord avec l’Union européenne. La gestion durable des ressources alimentaires est un défi important pour l’avenir de l’humanité, a insisté le Maroc. L’Algérie a dit accorder une attention particulière à la protection et à l’exploitation durable des espaces marins. La délégation algérienne a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles mesures elle recommandait en ce sens.

Pour la République islamique d’Iran, il ne fait aucun doute que les sanctions unilatérales et illégales imposées à son encontre par les États-Unis ont un impact sur les droits de l'homme, y compris sur l’agriculture et le droit à l’alimentation. L’Iran a souhaité savoir quels types de mécanismes existent pour protéger la population dans ce contexte.

Le Népal a souligné qu’assurer le droit à l’alimentation pour tous est une condition préalable à la réalisation des droits de l'homme. Le pays s’est engagé à mettre un terme à la faim d’ici à 2025 et le Gouvernement encourage dans ce contexte les petits agriculteurs. Le Bangladesh a rappelé l’importance de la pêche et de l’aquaculture dans son pays.

La Chine a souligné accorder une grande importance à la sécurité alimentaire et a estimé que la coopération internationale devrait être renforcée à cette fin. La délégation chinoise a également rappelé que le nombre de pauvres a considérablement diminué en Chine.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a fait observer que la faim dans le monde augmente, après une dizaine d’années de baisse. En mai 2018, le Conseil de sécurité a adopté une résolution qui condamne le recours à la famine comme arme dans le cadre d’un conflit. Dans beaucoup de situations de conflits prolongés, les organisations humanitaires rencontrent des obstacles sur le terrain car les garanties de sécurité ne sont pas suffisantes; toutes les parties aux conflits doivent respecter le droit international humanitaire, a rappelé le PAM. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a souligné que l’augmentation du nombre de personnes qui vivent dans l’insécurité alimentaire recadre le droit à l’alimentation et les Objectifs de développement durable. Mettre un terme aux conflits est essentiel pour la jouissance du droit à l’alimentation, a ajouté la FAO. Les petites pêcheries sont très importantes pour le droit à l’alimentation, a-t-elle souligné, avant de faire observer que les travailleurs de la pêche sont particulièrement durement touchés par les conditions de travail défavorables. La Turquie a relevé que de plus en plus de personnes étaient touchées par la famine. De nombreuses personnes vulnérables voient leurs droits bafoués dans le secteur de la pêche, a-t-elle également souligné, rappelant les obligations qui incombent aux États, aux entreprises mais aussi aux consommateurs pour améliorer la situation.

L’Afrique du Sud a dit appuyer la protection des droits de l’homme dans le secteur de la pêche et a attiré l’attention sur le lien entre les droits des pêcheurs et le droit à la sécurité alimentaire. Le Venezuela a expliqué qu’il promouvait l’agriculture et la pêche durables pour garantir la sécurité alimentaire pour toute sa population. La pêche au chalut est interdite dans le pays depuis plusieurs années, afin de favoriser la pêche artisanale, a ajouté le pays, avant de plaider pour la mise en place de mesures de coopération internationale dans le domaine de la sécurité alimentaire afin de permettre l’accès à la nourriture pour tous. Le Burkina Faso a indiqué avoir renforcé les droits des travailleurs agricoles et du secteur de la pêche et s’est enquis auprès de la Rapporteuse spéciale d’exemples de bonnes pratiques dans ce domaine.

L’Équateur a indiqué appliquer des programmes de politiques publiques qui visent à garantir le droit à l’alimentation et notamment des programmes spéciaux de nutrition pour les premières années de la vie.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) sont également intervenues. FIAN International e.V. a regretté que le rapport de Mme Elver n’identifie pas les causes de la vulnérabilité et de la pauvreté des pêcheurs. L’ONG a en outre exhorté les États à appliquer les traités sur les droits de l'homme. Iuventum e.V. a insisté sur l’importance que revêt la protection des droits des travailleurs des pêcheries et a regretté que l’impact des catastrophes industrielles soit souvent passé sous silence, par exemple pour ce qui est des conséquences de l’utilisation de produits chimiques.

World Barua Organization (WBO) s’est félicité de la recommandation faite aux États d’adopter des lignes directrices pour la durabilité des petites pêcheries. Dans des pays tels que l’Inde, cela permet de sauver des communautés, a insisté l’ONG. Pour Prahar, l’Inde est incapable de satisfaire aux besoins alimentaires de sa population. L’ONG a en outre condamné la violence exercée contre les minorités qui consomment de la viande de bœuf, comme les Dalits et les musulmans.

United Nations Watch a déclaré qu’il y a « quelques instants », un rapport avait été publié sur Israël, la seule démocratie au Moyen-Orient, alors qu’aucun rapport n’a été publié sur le Venezuela, pays menacé par la famine. L’ONG a accusé la Rapporteuse spéciale d’avoir tweeté qu’il n’y avait pas de faim au Venezuela, alors que son mandat est de défendre les affamés. Ingénieurs du monde a fait part des mêmes remarques, l’ONG affirmant elle aussi que la Rapporteuse spéciale n’avait rien dit sur le Venezuela, pas plus qu’elle n’avait cherché à effectuer une visite dans ce pays, ni n’avait demandé au Conseil de se saisir de la situation au Venezuela.

American for Democracy and Human Rights in Bahrain a évoqué la situation au Yémen, où une crise alimentaire, proche de la famine, touche plus de dix millions de personnes, notamment à cause du blocus imposé par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Quels sont les pistes qu’envisage Mme Elver pour se pencher sur cette situation, a demandé l’ONG Verein Südwind Entwicklungspolitik a affirmé que les petits pêcheurs en République islamique d’Iran sont préoccupés par la pêche au chalut, car les techniques utilisées dans ce contexte ont un impact destructeur sur la faune maritime. Des mesures doivent être prises pour éviter que ces personnes se retrouvent menacées par la faim, a ajouté l’ONG.

En ce qui concerne les effets de la dette extérieure, l’Angola, au nom du Groupe africain, a rappelé que l’Afrique reste un continent lourdement endetté. Même s’il faut se réjouir des perspectives de croissance, cet endettement n’a pas suffisamment permis de réduire la pauvreté. La production agricole reste le pilier de l’alimentation sur le continent, mais les guerres et les conséquences du changement climatique font baisser les rendements, a ajouté l’Angola, avant de demander aux deux titulaires de mandats comment combler ces lacunes afin de créer un cercle vertueux.

Le Koweït a rappelé les efforts qu’il a déployés pour soulager les États endettés de leur fardeau en instaurant le Fonds koweitien de développement économique, chargé notamment d’attribuer des microcrédits. Le Soudan a invité l’Expert indépendant à se rendre dans le pays cette année. Les dettes sont un obstacle à la jouissance des droits fondamentaux, a souligné la délégation soudanaise. Il est important de permettre aux pauvres d’accéder aux médicaments à des prix abordables, a-t-elle ajouté.

Le Pakistan a estimé que la réalisation des droits de l'homme est souvent impactée par l’absence de ressources et a souhaité que les créanciers externes réalisent des évaluations d’impact sur les populations des pays qui reçoivent les prêts.

Le Saint-Siège a souligné que les obligations en matière de droits de l'homme doivent rester le fil directeur des gouvernements dans l’élaboration de leurs politiques budgétaires et monétaires, lesquelles doivent être conformes à l’objectif de ne laisser personne de côté. La question de la dette fait partit du problème plus large de la pauvreté et des inégalités dans le processus de mondialisation, a ajouté le Saint-Siège.

Le Brésil a pour sa part estimé que des sacrifices à court terme sont souvent nécessaires pour assurer la sécurité économique à long terme. Le pays s’est dit convaincu que la responsabilité budgétaire est l’élément essentiel d’un développement économique et social durable et inclusif.

La Tunisie a défendu les principes directeurs proposés par l’Expert indépendant et l’approche globale soucieuse des droits de l’homme pour tous les projets économiques. Il faut créer un équilibre entre les contraintes économiques de la dette extérieure et la jouissance des droits de la population, a-t-elle insisté. Cuba a déclaré que la dette extérieure avait un impact négatif indéniable, notamment pour les pays en voie de développement, raison pour laquelle le pays présentera une résolution sur cette question au cours de la présente session. L’Iraq a salué les principes directeurs proposés par l’Expert indépendant, avant de souligner que le programme économique du Gouvernement iraquien pour les années 2018 à 2022 prévoit l’adoption de politiques qui donnent la priorité à l’intérêt de l’être humain.

La Fédération de Russie a déclaré que le mandat de l’Expert indépendant ne prévoit pas d’examiner les processus dans un État souverain. La Fédération de Russie est donc surprise des mentions faites à la Crimée et à Sébastopol; cela va à l’encontre du code de bonne conduite applicable aux titulaires de mandats, lesquels doivent rester strictement dans le cadre de leur mandat.

L’Égypte a insisté sur l’importance d’alléger le fardeau qui pèse sur les États en termes d’endettement.

La Grèce a rappelé avoir été un des pays les plus durement frappés par la crise de 2008 et a souligné qu’elle tente de prévenir de futures crises. Il est important d’observer les points communs entre les différents pays touchés par la crise, a ajouté le pays, avant de faire observer que les plans mis en place pour sortir de la crise ont souvent eu des conséquences négatives sur la jouissance des droits de l’homme. L’Équateur a déclaré que malheureusement, beaucoup d’exemples à travers le monde montrent que les conséquences des politiques d’ajustement structurel peuvent avoir de graves effets sur la jouissance des droits de l’homme, surtout pour les personnes les plus vulnérables.

En tant que pays à revenu intermédiaire lourdement endetté, la Jamaïque accorde une grande importance aux principes directeurs présentés par l’Expert indépendant. La réduction de la dette est une priorité du Gouvernement jamaïcain et la conséquence en est une baisse des dépenses de l’État. Le statut de pays intermédiaire ne permet pas d’avoir accès à des plans de réduction de dette, a rappelé la Jamaïque, déplorant que seul le PIB soit utilisé comme critère en la matière, alors que d’autres critères devraient être pris en compte par les institutions financières internationales.

Le Venezuela a dénoncé les mesures coercitives unilatérales illégales prises à son encontre par les États-Unis.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont également pris la parole. Conectas Direitos Humanos a remercié l’Expert indépendant pour ses lignes directrices sur les évaluations des réformes économiques du point de vue des droits de l'homme. Évoquant les mesures d’austérité au Brésil, l’ONG a assuré que l’augmentation des indices d’inégalité aurait pu être évitée avec de tels outils. Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil s’est inquiété pour sa part des politiques d’austérité et de l’ultralibéralisme en Argentine, qui ont eu un impact dévastateur sur l’agriculture paysanne.

Make Mothers Matter a déploré la persistance du travail domestique non payé et du travail, également non payé, des soins à la personne. L’ONG a plaidé pour l’évaluation de l’impact des réformes économiques sur les droits de l'homme et a affirmé qu’aucune réforme ne devrait pénaliser les mères et les familles. Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté a évoqué les effets disproportionnés de la crise économique sur les droits des femmes en Ukraine. Pour l’ONG, l’inégalité de genre est une ligne de faille dans la cohérence sociale et elle contribue aux conflits violents. L’ONG s’est félicitée des études d’impact qui remettent l’accent sur la vie des gens afin de remédier à l’exploitation et de faire appliquer les droits de l'homme.

Iraqi Development Organization s’est étonné du prêt de 10 milliards de dollars consenti à Bahreïn par l’Arabie Saoudite et le Koweït, qui est notamment utilisé par Bahreïn pour acheter des armes et réprimer la population, a affirmé l’ONG.

Action Canada pour la population et le développement a salué les conclusions de l’Expert indépendant, notamment celle affirmant que les mesures économiques ont des conséquences sur les droits de l'homme, en particulier dans les pays du sud. Cela est particulièrement vrai pour les politiques néolibérales. Pour ces raisons, l’ONG demande aux États de mettre en œuvre les principes directeurs n°7 et 8 tels que proposés dans le rapport de l’Expert.

Réponses et conclusions des titulaires de mandats

MME ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a répondu à l’Indonésie en assurant qu’elle avait suivi toutes les procédures habituelles afférentes à la rédaction des rapports, y compris pour ce qui est de la prise en compte des commentaires des États. Cela dit, elle comprend qu’une délégation puisse ne pas être du même avis que le rapport. Cela dit, la différence cultuelle ne saurait en aucun cas être invoquée pour justifier une violation des droits de l'homme, a souligné Mme Elver. Elle a également déclaré que le Gouvernement indonésien avait le droit d’employer le terme qui lui plaisait, mais qu’au final c’est bien leur statut de peuples autochtones qui compte lorsqu’on parle de certaines communautés, d’autant que nombre de communautés indonésiennes se réclament autochtones.

Mme Elver a par la suite expliqué qu’il était très important que les gouvernements prennent au sérieux la question des 800 millions de pêcheurs dans le monde. S’agissant du rôle du secteur privé dans ce domaine, il faut aller plus loin et creuser davantage cette question, a-t-elle ajouté; tous les acteurs sont importants, y compris les travailleurs du secteur eux-mêmes, a-t-elle insisté.

Mme Elver a par ailleurs expliqué que les Nations Unies avaient beaucoup travaillé à la promotion de la Déclaration sur les droits des paysans et que la question de cette Déclaration avait été abordée à l’occasion d’un précédent rapport, raison pour laquelle il n’y est pas fait référence dans le présent rapport. La Rapporteuse spéciale a expliqué qu’elle allait se concentrer sur les raisons de l’augmentation du nombre de personnes en insécurité alimentaire, notamment en raison des changements climatiques ou des conflits. Enfin, Mme Elver a souligné qu’il fallait aussi étudier la question de la situation des pêcheurs à Gaza. Répondant à une question du Venezuela, la Rapporteuse spéciale a souligné qu’elle ne pouvait pas se pencher sur une situation dans un pays si le pays ne répond pas aux demandes de visites qui lui ont été envoyées.

M. BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, a répondu à l’Ukraine en expliquant que la résolution 73/263 de l’Assemblée générale avait été adoptée en décembre dernier et n’avait donc pas pu être intégrée à temps au rapport (déjà finalisé à cette date). Cependant d’autres résolutions sont citées, en particulier au paragraphe 6 du rapport, a-t-il ajouté.

M. Bohoslavsky a rappelé que les prêteurs et donateurs doivent veiller à ce que les conditions de transaction ne sapent pas la capacité des États à honorer leurs obligations en matière de droits de l’homme. Les institutions financières internationales, lorsqu’elles accordent un prêt, ont l’obligation d’évaluer l’impact de ces mesures sur les droits de l’homme, a-t-il insisté. Il a rappelé que l’année dernière, dans son rapport présenté au Conseil, il avait recueilli une série de bonnes pratiques dans ce domaine. Il s’est en outre dit ouvert à apporter une coopération technique aux États qui le souhaitent.


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*Ont participé au débat : Afrique du Sud, Algérie, Angola (au nom du Groupe africain), Azerbaïdjan, Bangladesh, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Chine, Cuba, Dinde, Djibouti, Égypte, Espagne, Équateur, État de Palestine, Fédération de Russie, France, Grèce, Inde, Irak, Iran, Jamaïque, Jordan, Koweït, Lesotho, Maroc, Népal, Pakistan, Saint-Siège Soudan, Tunisie, Union européenne et le Venezuela.

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (F.A.O); Programme alimentaire mondial.

Commission nationale des droits de l'homme de l’Indonesie (Komnas HAM); Commission des droits de l'homme de Sri Lanka; et Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien.

Conectas Direitos Humanos; Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil; Make Mothers Matter; FIAN Internationale.V.; Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Iraqi Development Organization; World Barua Organization (WBO); Prahar; iuventum e.V.; Action Canada pour la population et le développement; United Nations Watch; Ingénieurs du Monde; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc; et Verein Südwind Entwicklungspolitik.



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HRC/19/11F