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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARGENTINE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique de l'Argentine sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapport argentin a été présenté par le Secrétaire aux droits de l'homme et au pluralisme culturel, M. Claudio Avruj, qui a déclaré que depuis la fin 2015, son pays avait retrouvé un chemin qu'il n'aurait jamais dû quitter en maintenant un dialogue ouvert avec le monde. Par ailleurs, après plus d'une décennie de politiques populistes, le pays fait le choix de s'appuyer sur le réel afin d'affronter ses problèmes et dégager les solutions indispensables au prix d'un effort partagé. Le Gouvernement est conscient de la situation économique complexe et délicate du pays alors qu'il doit renégocier un accord avec le Fonds monétaire international pour faire face à ses engagements à un coût qui devra être le moins douloureux possible. Les indices de pauvreté et les carences structurelles dont le pays souffre sont, en partie, dus à des gaspillages considérables d'argent public et à la corruption. Il s'agit maintenant de plus tolérer l'impunité des prévaricateurs. Et l'Argentine continuera d'œuvrer en faveur du renforcement des politiques sociales afin de combattre la pauvreté. M. Avruj a enfin assuré que les droits de l'homme étaient partie intégrante des politiques publiques de l'Argentine.

La délégation argentine était également composée de M. Carlos Foradori, Représentant permanent de l'Argentine auprès des Nations Unies à Genève; de représentants des ministères des relations extérieures et du culte; de la santé et du développement social; de l'intérieur; de l'éducation, de la culture, de la science et de la technologie; et du Conseil national de coordination des politiques sociales. Elle a répondu aux questions qui lui ont été posées s'agissant, notamment, de la crise économique traversée par le pays; du droit syndical; de l'accès des femmes au marché du travail; de la situation des a populations autochtones; de la pénurie de logements; de la lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle; des mesures de prévention en matière de santé. La délégation a particulièrement évoqué les mesures sociales visant, par exemple, à en finir à terme avec les mauvaises conditions de logement affectant de nombreux quartiers populaires. Elle a d'autre part affirmé que le pays avait une forte tradition revendicative et qu'il n'était aucunement porté atteinte au droit syndical. Enfin, la migration n'est en rien restreinte, ainsi que le montre l'afflux de ressortissants vénézuéliens en Argentine.

Les membres du Comité ont relevé le «paradoxe argentin» qui veut que ce pays riche dérive d'une crise à l'autre. Il a été rappelé la nécessité que la justice puisse faire son travail face aux allégations d'atteintes aux droits fondamentaux, dont les libertés syndicales. La question de la conditionnalité de l'aide du Fonds monétaire international suscite également des préoccupations. Les problèmes de santé, en particulier l'obésité et le tabagisme, ont aussi été largement évoqués, ainsi que ceux induits par la priorité donnée à l'agriculture intensive qui, en outre, se fait au détriment des petites exploitations vivrières.

Les observations finales sur le rapport de l'Argentine seront rendues publiques à l'issue de la session qui se termine le 12 octobre prochain.


Lundi matin, le Comité doit entendre les interventions d'institutions nationales des droits de l'homme et d'organisations de la société civile des trois pays dont les rapports seront examinés la semaine prochaine, à savoir le Turkménistan, l'Afrique du Sud et Cabo Verde.


Présentation du rapport de l'Argentine

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est saisi du rapport périodique de l'Argentine (E/C.12/ARG/4), ainsi que de ses réponses (E/C.12/ARG/Q/4/Add.1) à la liste de points à traiter établie par le Comité (E/C.12/ARG/Q/4).

M. CLAUDIO AVRUJ, Secrétaire aux droits de l'homme et au pluralisme culturel de l'Argentine, a déclaré que depuis la fin 2015, son pays avait retrouvé un chemin qu'il n'aurait jamais dû quitter en maintenant un dialogue ouvert avec le monde. L'Argentine inaugure une nouvelle ère de renforcement et de vigueur retrouvée de ses institutions. Elle connaît «un changement de paradigme». Après plus d'une décennie de politiques populistes, le pays fait le choix de s'appuyer sur le réel afin d'affronter ses problèmes et dégager les solutions indispensables au prix d'un effort partagé. Le Président Mauricio Macri a toujours mis au premier plan la vérité et la transparence comme caractéristiques centrales de cette nouvelle Argentine.

M. Avruj a déclaré que les autorités avaient décidé d'emprunter une voie difficile face à la situation économique complexe et délicate à laquelle il se trouve confronté. Il se doit à présent de renégocier un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour faire face à ses engagements à moindre coût.

Pour partie, les indices de pauvreté et les carences structurelles dont le pays pâtit sont dus aux gaspillages énormes d'argent public qui, à cause de la corruption, n'est pas parvenu à ceux auquel il était destiné. Il s'agit actuellement de recréer une justice indépendante qui ne consacre plus jamais l'impunité des prévaricateurs.

L'Argentine continuera à œuvrer en faveur du renforcement de politiques sociales visant à combattre la pauvreté. Ainsi, cette année, l'investissement en matière de prestations sociales devrait atteindre le niveau record de 56% du budget principal du secteur public. L'appareil statistique a été normalisé afin de pouvoir s'appuyer sur une information fiable.

Le chef de la délégation a fait valoir que l'Argentine avait été l'un des premiers pays de la région à se doter d'un plan national d'action des droits de l'homme. Il a ajouté que ses frontières demeurent ouvertes, comme le prouve l'accueil de plus de 100 000 Vénézuéliens, ainsi que l'immigration sénégalaise.

Le Secrétaire aux droits de l'homme a fait valoir que le récent débat sur la légalisation de l'avortement témoignait du degré de maturité atteint par le pays. En outre, les politiques mémorielles, de vérité et de justice seront poursuivies afin que ne perdure aucune impunité et que des réparations soient dûment accordées. Le Gouvernement ne faiblira pas dans l'aspiration à la justice, en dépit des préjugés malveillants véhiculés par une opposition politique mesquine qui cherche à instiller le doute sur son engagement à cet égard.

Après des années de silence et d'indifférence de la part des précédents gouvernements, les autorités ont entrepris l'identification des militaires argentins morts aux îles Malvinas. Cela s'est fait avec le concours des autorités britanniques et du Comité international de la Croix-Rouge et a permis d'accompagner les familles de ces héros reposant dans le cimetière de Darwin.

Dans le domaine éducatif, des bourses ont été instituées pour garantir l'accès à l'éducation, avec un nombre record d'un demi-million de boursiers atteint cette année concernant des étudiants âgés de 18 à 30 ans.

M. Avruj a affirmé que l'on pouvait en conclure que les droits de l'homme étaient partie intégrante des politiques publiques de l'Argentine.

Pour sa part, le Représentant permanent de l'Argentine à Genève, M. Carlos Foradori, a rendu hommage aux travaux du Comité, estimant qu'il fallait se féliciter de «l'ingérence» de la communauté internationale s'agissant des questions relatives aux droits de l'homme. L'Argentine s'oppose à l'attitude des États jaloux de leur souveraineté, position de principe qui vise bien souvent à cacher leurs travers. C'est ainsi qu'à la fin de la dictature, l'Argentine a découvert que le nombre de personnes disparues se chiffrait en dizaines de milliers. À cet égard, le représentant argentin a loué le rôle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme s'agissant des disparitions pendant la dictature.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


M. RODRIGO UPRIMNY, président du groupe d'experts chargé de préparer l'examen du rapport de l'Argentine, a reconnu que ce pays suscitait la perplexité. Dans les années trente, il était l'un des plus riches du monde, jouissant de ressources nombreuses et d'un fort dynamisme. De nombreux spécialistes et les Argentins eux-mêmes partagent la même perplexité. Il existe une vieille boutade dans les milieux économiques qui dit qu'il existe quatre types de pays dans le monde : les pays développés, les sous-développés, le Japon et l'Argentine. L'Argentine apparaît actuellement, selon lui, comme un pays développé sur la voie du sous-développement.

Face à la crise qui vient à nouveau d'éclater dans le pays, l'expert a voulu savoir ce que comptait faire le Gouvernement pour y faire face, tout en veillant à protéger la population la plus vulnérable. Face aux mesures d'austérité, le Gouvernement s'est lancé dans la diminution de la progressivité des impôts, réduisant d'autant les dépenses, tout en soutenant que la croissance retrouvée permettra d'alléger le fardeau pesant sur la société alors que la capacité redistributive des impôts s'en trouve réduite. La question est de savoir à qui bénéficient majoritairement les allègements fiscaux.

Un certain nombre de ministères ne sont plus que des secrétariats d'État, a noté l'expert. C'est le cas de l'ancien Ministère du travail désormais rattaché au Ministère de la production. Cela signifie que le travail et la politique sociale ne sont plus que des questions liées à la production.

M. Uprimny a fait état par ailleurs d'informations inquiétantes en matière de droits de l'homme, d'une répression accrue et de persécutions des défenseurs des droits de l'homme. Il a rappelé qu'il fallait faire en sorte que la justice puisse faire son travail face aux allégations d'atteintes aux droits de l'homme.

Si des progrès ont été réalisés, avec notamment la loi sur l'identité de genre, on constate qu'un certain nombre de discriminations subsistent, et que persistent d'importantes inégalités entre hommes et femmes.

Parmi les autres membres du Comité, un expert s'est inquiété des conséquences de l'exploitation du gaz de schiste par la fracturation hydraulique, se demandant si elle était cohérente avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat. On peut être légitimement préoccupé par l'impact négatif sur l'environnement, le droit au logement, à l'eau, à la santé et à l'alimentation des habitants des régions concernées. L'expert a plus particulièrement cité le cas du gisement de Vaca Muerta, dans la province de Neuquén.

Un autre membre du Comité s'est inquiété du recours au Fonds monétaire international qui ne manquera pas de lui imposer ses conditions. Comment l'Argentine entend-elle faire face à la nouvelle situation et à l'austérité que ne manquera pas d'exiger le FMI? Un autre expert a fait part de sa préoccupation face au chômage qui a pratiquement doublé et qui frappe particulièrement les jeunes.

Une experte s'est interrogée sur la portée des libertés syndicales, des informations persistantes faisant en effet état de retards dans l'enregistrement de syndicats, de représailles telles que des licenciements contre des travailleurs prenant part à des manifestations et à des activités syndicales, ainsi que d'actes de violence contre des dirigeants et des membres d'organisations de travailleurs. Le nombre de syndicats a considérablement diminué depuis trois ans, a relevé un expert qui s'est interrogé sur les causes de ce phénomène. Un autre membre du Comité a fait état d'une utilisation abusive de la loi pour restreindre les libertés syndicales, par l'imposition de lourdes amendes par exemple, comme cela s'est produit avec le syndicat des camionneurs.

Notant le taux de féminicide élevé en Argentine, une experte a souhaité savoir ce que les autorités envisageaient de faire pour en finir avec ce fléau. Par ailleurs, l'Argentine est un pays d'origine et de destination de la traite, la même experte souhaitant savoir ce qui était fait pour identifier les victimes et faciliter leur réinsertion.

L'experte a évoqué, par ailleurs, la concentration foncière, le Gouvernement ayant pour objectif d'instaurer un modèle agricole intensif. Des mesures sont-elles prises pour soutenir l'agriculture vivrière, pratiquée notamment par les peuples autochtones, a-t-elle demandé, alors qu'il apparaît que les aides aux petites exploitations ont été réduites. Un expert a pour sa part relevé la forte augmentation de l'usage des pesticides dans l'agriculture argentine. Il a demandé ce que le Gouvernement comptait faire pour interdire au plus tôt un produit comme le glyphosate.

Face à la pénurie de logements en Argentine, une experte a souhaité savoir si des mesures avaient été prises contre la spéculation et ses effets sur la disponibilité et le coût du logement. Une autre a fait état d'expulsions locatives opérées par la violence, soulignant la nécessité d'édicter une loi réglementant les expulsions.

Dans le domaine de la santé, si l'Argentine a instauré une couverture universelle, la qualité des soins est mauvaise dans de plusieurs provinces. Outre le problème posé par le fait que la légalisation -- de l'interruption volontaire de grossesse ait été rejetée par le sénat, elle a demandé à la délégation de préciser quelle était la politique des pouvoirs publics dans la lutte antitabac, ainsi qu'en faveur d'une alimentation saine. Elle a relevé à cet égard que 21% de la population était obèse, un pourcentage qui dépasse les 40% chez les enfants.

Une experte a posé des questions au sujet d'informations faisant état d'opérations de «rectification » pratiquées sur les enfants intersexués.

La question autochtone a été abordée par un expert qui a souhaité connaître les méthodes employées pour résoudre les conflits fonciers. Des opérations de déboisement ont eu lieu dans des secteurs protégés et des activités extractives se produisent sans consentement préalable des populations, ou selon des modalités non conformes. L'expert a, par ailleurs, relevé qu'un leader mapuche avait été extradé vers le Chili en dépit du fait que le Comité des droits de l'homme avait demandé à l'Argentine de suspendre cette mesure. Il a d'autre part voulu savoir si une formation de professeurs autochtones bilingues était assurée. L'Argentine agit-elle afin d'inverser la tendance vers l'extinction des langues autochtones ?

Réponses de la délégation

Après sept trimestres de croissance, l'Argentine connaît une crise profonde, a reconnu la délégation. Alors qu'elle était déjà dans une situation de grande vulnérabilité en raison de ses déficits budgétaires et commerciaux, elle a subi le contrecoup des crises de ses partenaires, le Brésil en particulier, à quoi s'est ajoutée une grave sécheresse. Le pays était confronté, par ailleurs, à une absence de données chiffrées fiables. L'appareil statistique a été revu et renforcé mais les carences héritées du passé rendent problématiques toute comparaison sur la durée et toute analyse de l'évolution de la situation.

La quasi-totalité des personnes âgées sont néanmoins protégées s'agissant du niveau de leur retraite et des allocations diverses sont prévues pour celles n'ayant pas cotisé. À l'instar du salaire minimum, le niveau des prestations sociales est revalorisé quatre fois par an en fonction de l'inflation. Les allocations familiales sont également revalorisées tous les trois mois et toutes les familles se voient ainsi garantir un revenu minimum.

La réduction du déficit budgétaire est progressivement assurée sans que l'on puisse envisager à ce stade de le ramener complètement à l'équilibre. Plusieurs mesures ont été prises, notamment une réduction des subventions pour la consommation d'énergie, qui atteignaient plus de 90% dans certains secteur. Des mesures sont également prises pour favoriser l'investissement privé dans des secteurs qui auparavant étaient financés par les pouvoirs publics. Des efforts sont en outre consentis pour rationaliser les dépenses de biens et services, à l'exception notable de l'éducation et de la santé, qui sont «sanctuarisées». Le plan élaboré avec le FMI vise à parvenir à une réduction de l'inflation. La hausse des prix s'explique en partie par les déséquilibres du secteur public.

La délégation a reconnu que le pays avait une forte tradition revendicative, et assuré que le droit de manifester n'était pas remis en cause. Toutefois, deux rassemblements particulièrement violents ont eu lieu à la fin de l'année dernière dont les images sont visibles sur les réseaux sociaux, qui montrent d'ailleurs que l'attitude des forces de l'ordre n'est pas en cause. Il arrive toutefois que la police réagisse de manière excessive, a-t-elle reconnu, assurant que les bavures éventuelles sont passibles de poursuites.

Un plan d'action contre les discriminations est en cours de finalisation. L'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) élabore des politiques publiques visant à combattre et à éliminer les inégalités, tout en offrant une assistance aux victimes. La loi impose d'employer au moins 4% de personnes handicapées ayant les compétences requises et de leur réserver des postes. Des mesures ont été prises pour faciliter l'embauche de personnes handicapées en tant que titulaires dans la fonction publique.

En outre, l'INADI élabore des mesures visant à améliorer notamment la situation des homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI). Une politique volontariste est menée en faveur de l'emploi des transsexuels. Parmi les mesures mises en œuvre pour prévenir la discrimination dans le domaine de l'emploi figure l'établissement d'une Commission tripartite pour l'égalité des chances, qui constitue un espace de dialogue entre les acteurs du marché du travail (État, organisations de travailleurs et employeurs).

En ce qui concerne la condition féminine, un plan d'action contre la violence faite aux femmes a été lancé pour la période 2017-2019. Le mois prochain sera lancé un plan pour l'égalité des chances. Le taux d'emploi des femmes est de 43% contre 64% pour les hommes. L'écart salarial, qui est de 27% au détriment des femmes, peut atteindre jusqu'à 50% dans le secteur informel s'agissant des travailleurs sans qualification.

L'âge de la retraite est de 65 ans pour les hommes et de 60 ans pour les femmes. Toutefois, pour diverses raisons, économiques notamment, les femmes partent à la retraite à 63 ans en moyenne. La délégation a rappelé que la tendance générale dans le monde était au recul de l'âge du départ. Il existe par ailleurs un système de retraite universelle pour les personnes âgées n'ayant pas suffisamment cotisé au régime de retraite. Il n'existe pas de pension pour les personnes handicapées mais des pensions d'invalidité du travail, autrement dit pour les travailleurs n'étant plus en état d'avoir une activité salariée ou autre.

S'agissant de la question posée par un membre du Comité sur le caractère tatillon de l'enregistrement des syndicats, la délégation a expliqué que certaines demandes présentaient des irrégularités et des incohérences. Par exemple, il est arrivé que des membres inscrits ne soient pas des professionnels de la branche ou que la requête comporte des erreurs telles que l'inscription d'un siège inexistant ou d'un ancien siège. Ces vérifications ne constituent en aucun cas une ingérence dans la vie syndicale, a assuré la délégation, et il s'agit d'un simple contrôle administratif. Toutefois, les autorités mènent actuellement une étude détaillée sur les démarches d'enregistrement et d'acquisition de statut entreprises par les syndicats.

L'exploitation du gaz de schiste vise à rendre au pays son indépendance énergétique, sans que cela se fasse au détriment de la lutte contre le changement climatique dans le cadre de l'Accord de Paris. La province la plus avancée en matière de garanties environnementales exigées de la part des exploitants est celle de Neuquén. Elle interdit l'utilisation de l'eau souterraine destinée à l'approvisionnement de la population en eau potable ou à l'irrigation pendant les étapes de forage des puits dits «non conventionnels». Les entreprises sont tenues de présenter une déclaration sous serment précisant le volume estimé et la source d'approvisionnement de l'eau qui sera utilisée pour la fracturation hydraulique.

La délégation a déclaré que les autorités menaient une lutte contre le travail non déclaré en soulignant que depuis le début de l'année, quelque 138 000 inspections avaient été réalisées. Il s'agit en particulier de démasquer le recours abusif aux contrats de courte durée, l'externalisation et d'autres formes d'emploi précaire. Un Bureau de coordination du Groupe spécial pour l'inspection du travail dans le secteur informel a été créé au sein du Ministère du travail. Il a pour mission d'analyser, d'évaluer et de surveiller les cas d'emplois non déclarés dans les secteurs difficiles à contrôler et les autres formes de sous-traitance illégale et de fraude dans le domaine du travail ou de la sécurité sociale, ainsi que de mener des enquêtes.

Des efforts sont en outre menés en faveur de l'insertion des femmes sur le marché du travail.

Le Gouvernement est confronté à une hausse importante de l'inflation qui s'explique par la dollarisation de l'économie et la dépréciation du peso. S'agissant des mesures sociales prises pour aider les familles à faire face à l'inflation, les produits de première nécessité sont subventionnés, ainsi que les cantines scolaires, tout en mettant l'accent sur la distribution de fruits et légumes et en diminuant les sucres.

La pénurie de logements en Argentine est estimée à plus de 25%, a indiqué la délégation. On estime que 3,5 millions de personnes sont soit mal logés (deux millions environ), soit en recherche de logement (1,5 million). Ainsi, de nombreuses familles n'ont pas accès au réseau de gaz, ce qui est problématique pour le chauffage en hiver. Dans certains quartiers populaires, l'assainissement est insuffisant, avec parfois des problèmes d'adduction d'eau. Pour y remédier, des programmes d'amélioration et d'intégration socio-urbaine ont été lancés, y compris avec la création de parcs publics. La suspension des expulsions locatives a été mis en vigueur pour une durée de quatre ans grâce à une loi votée cette année. Les expulsions locatives sont ordonnées par un juge et peuvent entraîner, le cas échéant, l'intervention de la force publique. Des médiations sont néanmoins possibles avec l'intercession éventuelle d'avocats. La délégation a mis en avant un plan national de l'eau ambitieux afin d'améliorer un réseau d'assainissement largement déficient et à généraliser l'accès à l'eau potable.

La délégation a indiqué qu'un conseil fédéral de la traite a été créé afin de lutter contre ce fléau. Les sanctions pénales ont été alourdies, notamment avec la prise en compte de circonstances aggravantes. Par ailleurs, on ne fait plus la distinction entre victimes majeures et mineures et elles bénéficient d'une assistance pour préparer leur témoignage. Une ligne téléphonique gratuite permet de porter plainte et des foyers recueillent les victimes.

Actuellement, près de 300 affaires d'exploitation sexuelle sont en cours d'instruction devant la justice, a indiqué la délégation. La majorité des victimes sont des personnes migrantes. Outre, les cas liés à la prostitution forcée, les domaines dans lesquels on rencontre des cas d'exploitation dans la construction, le travail domestique, l'agriculture, voire le commerce en grandes surface.

De nombreux programmes ont été lancés pour lutter contre le féminicide. Ainsi, un plan national d'action contre la violence faite aux femmes a été lancé pour la période 2018-2020.

Dans le domaine de la santé, d'importants efforts sont menés dans la lutte contre l'obésité et le surpoids. Le code alimentaire argentin a introduit des restrictions de manière à limiter la teneur en sel, en sucres et en acides gras trans dans les aliments. Répondant à des questions sur les mesures prises dans la lutte antitabac, la délégation a indiqué que de nouvelles taxes ont été imposées pour en augmenter le prix. En outre, fumer est interdit dans les lieux publics.

La délégation a indiqué qu'une ligne téléphonique gratuite consacrée à la santé sexuelle peut recevoir les plaintes de personnes ayant été confrontées à des obstacles pour accéder à l'avortement légal, autorisé en cas de danger pour la vie de la femme enceinte et en cas de viol. La délégation a par ailleurs indiqué que, sur les 245 femmes décédées en couche en 2016, 17% des cas étaient dus à des complications liées à une interruption de grossesse, susceptible d'avoir été illégale. La délégation a rappelé que le Sénat argentin avait rejeté en août dernier un projet de loi prévoyant la légalisation de l'avortement, qui avait été adopté auparavant par la chambre des députés.

En réponse à une question sur le fait que la loi en faveur du soutien à l'agriculture familiale n'ait pas été suivie d'effet, la délégation a expliqué que les décrets d'application étaient en cours de finalisation.

En réponse à une question sur l'accueil des migrants en Argentine, la délégation a indiqué que la Direction générale des migrations s'était engagée à réduire les formalités et la durée des recours. Sur les quelque 560 000 migrants entrés dans le pays, 171 ont été expulsées depuis la fin de l'an dernier. Les Vénézuéliens fuyant la «dictature de Maduro» constituent le groupe le plus important de migrants, soit environ 150 000 personnes.

À une question sur les naissances d'enfants intersexués, la délégation a assuré que plus aucune opération chirurgicale visant à attribuer un genre précis n'avait lieu sans l'accord du sujet intersexué concerné.

En concertation avec les représentants des peuples autochtones, l'Argentine prévoit de se doter d'un cadre formel qui permettra de réglementer précisément les processus de consultation préalable, libre et informé. Par ailleurs, tous les États de la région sont préoccupés par la disparition des langues autochtones, s'efforçant de lancer des initiatives afin de tenter d'inverser cette tendance. Les documents à visée éducative concernant la prévention en matière de santé par exemple sont publiés dans les six langues autochtones principales. La Constitution reconnaît l'existence des peuples autochtones et leur droit à une éducation bilingue. Les élèves autochtones bénéficient eux aussi de bourses d'études.

S'agissant des questions d'éducation, les autorités ont constaté un grave problème d'abandon scolaire au niveau secondaire, un élève sur dix renonçant à poursuivre ses études. Dès qu'un cas est identifié, des membres de l'équipe éducative doivent contacter la famille concernée, y compris en se présentant au domicile, pour tenter de faire revenir l'élève. Plusieurs programmes, ainsi que des bourses, qui ont bénéficié a plus d'un demi-million d'enfants, visent à combattre ce phénomène. En outre, des tablettes ont été distribuées pour que les enfants puissent suivre des cours en ligne. S'agissant de la petite enfance, près de 43% des enfants de trois ans fréquentent l'école maternelle, ce taux approchant les 100% pour les plus de cinq ans.

La loi sur l'éducation sexuelle intégrale est appliquée de manière inégale, a reconnu la délégation, soulignant des disparités importantes d'une province à l'autre. Dans tous les établissements scolaires a été instaurée une journée sur la prévention de la violence au motif du genre et sur le droit à la diversité sexuelle. Quelque 30 000 enseignants ont été formés à cette fin.

Conclusions

Au nom du groupe d'experts du Comité chargé de l'examen du rapport argentin, M. Uprimny a qualifié le dialogue de sincère et d'honnête, notant qu'il s'était tenu dans un esprit constructif. Si l'on a davantage parlé des problèmes que des vertus de l'Argentine, cela résulte du mandat du Comité. Celui-ci reconnaît la situation de crise actuelle et les observations finales viseront à apporter une contribution du Comité en vue d'y remédier.

Le Secrétaire argentin aux droits de l'homme a reconnu les défis auxquels le pays était confronté en matière de droits fondamentaux. M. Avruj a fait valoir que l'État argentin veut être proche des gens en protégeant leurs droits sociaux, afin que personne ne soit laissé de côté.


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CESCR18.015F