Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE POPULAIRE LAO
Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le premier rapport présenté par la République populaire démocratique lao sur les mesures adoptées par le pays pour appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le rapport a été présenté par M. Bounkeuth Sangsomsak, Ministre auprès du Bureau du Premier Ministre de la République démocratique populaire lao, Président du Comité directeur national des droits de l’homme et chef de la délégation lao. Le Ministre a déclaré que les droits de l’homme étaient au cœur de l’action de son Gouvernement, action orientée également sur la paix et l’égalité au sein d’une société harmonieuse. En effet, a précisé le Ministre, la République démocratique populaire lao est composée de 49 groupes ethniques qui vivent dans la paix et la sécurité. Les politiques publiques visent donc à préserver cette harmonie et la solidarité entre les groupes ethniques. C’est pourquoi tout acte qui viendrait saper cette harmonie peut être poursuivi en vertu du Code pénal, a dit M. Sangsomsak.
Le Gouvernement, a poursuivi le Ministre, oriente sa stratégie de développement sur le peuple tout en défendant la bonne gouvernance, la démocratie populaire, les droits de l’homme et la justice sociale. Le pays jouit non seulement de stabilité politique mais aussi d’une croissance économique de plus de 7% par an, qui lui permet d’améliorer les conditions de vie de la population. Le chef de la délégation a cité, à cet égard, plusieurs stratégies qui doivent permettre à la République démocratique populaire lao de quitter, à l’horizon 2030, son statut de « pays moins avancé ».
À la fin du dialogue, M. Sangsomsak a estimé que les membres du Comité devraient donner les sources de leurs informations, dont certaines étaient inexactes, a dit le Ministre. Il s’est cependant dit heureux de voir qu’il n’y avait pas eu d’ingérence dans les affaires internes de son pays. « Un État nouvellement indépendant a besoin d’un leadership fort et d’une ligne politique claire », a-t-il conclu.
La délégation lao était également composée, notamment, de la Ministre adjointe des affaires étrangères, du Vice-Président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale lao, du Représentant permanent de la République démocratique populaire lao auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que des représentants des Ministères des affaires étrangères, de la sécurité publique, de l’information, de la culture et du tourisme, et de la justice.
Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des réserves apportées par la République démocratique populaire lao à plusieurs articles du Pacte ; du statut du Comité directeur national des droits de l’homme ; de la ratification de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ; des conditions de garde à vue et de détention ; de la législation contre le terrorisme ; de l’abolition de la peine de mort ; des mesures de rééducation ; de la loi sur les médias ; de la lutte contre la traite des personnes ; et des discriminations à l’encontre de minorités vivant dans la République démocratique populaire lao.
Plusieurs membres du Comité ont exprimé leurs préoccupations s'agissant des cas de disparition forcée dans le pays et de l’absence de cadre législatif dans ce domaine, ainsi que des limites imposées aux activités des organisations de la société civile et à la liberté d’expression. Il a aussi été souligné que le Comité directeur national des droits de l’homme, qui ne peut recevoir de plaintes, n’était pas une institution nationale des droits de l’homme au sens des Principes de Paris. La délégation a aussi été rendue attentive au fait que plusieurs motifs de discrimination ne sont pas explicitement interdits par la loi lao, notamment la race, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
En conclusion, M. Yuval Shany, Président du Comité, a assuré la délégation lao que le Comité respectait le droit des États de choisir leur système politique, mais a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les dispositions du Pacte.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la République démocratique populaire lao, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le 27 juillet prochain.
La prochaine séance publique du Comité des droits de l'homme, durant laquelle il poursuivra l’examen de son observation générale sur le droit à la vie, aura lieu le mercredi 18 juillet prochain, à 10 heures.
Examen du rapport de la République démocratique populaire lao
Le Comité était saisi du rapport initial de la République démocratique populaire lao (CCPR/C/LAO/1), ainsi que de ses réponses (CCPR/C/LAO/Q/1/Add.1) à une liste de points à traiter (CCPR/C/LAO/Q/1) que lui avait adressée le Comité.
Présentation du rapport
M. BOUNKEUTH SANGSOMSAK, Ministre auprès du Bureau du Premier Ministre de la République démocratique populaire lao, Président du Comité directeur national des droits de l’homme, chef de la délégation lao, a rappelé que son ancien pays avait connu de très nombreuses difficultés et s’était vu menacé dans son existence à plusieurs reprises. En 1975, la fondation de la République populaire démocratique lao a ouvert une ère de libération et de démocratie, qui a permis au peuple de jouir, pour la première fois, de ses libertés et de ses droits fondamentaux.
Les droits de l’homme sont désormais au cœur des politiques gouvernementales, qui sont axées également sur la paix et l’égalité au sein d’une société harmonieuse, a souligné M. Sangsomsak. Le pays, a précisé le Ministre, est composé de 49 groupes ethniques qui vivent dans la paix et la sécurité. Les politiques publiques visent donc à préserver cette harmonie et la solidarité entre les groupes ethniques. C’est pourquoi tout acte qui viendrait saper cette harmonie peut être poursuivi en vertu du code pénal, a dit M. Sangsomsak.
Le Gouvernement, a poursuivi le Ministre, oriente sa stratégie de développement sur le peuple tout en défendant la bonne gouvernance, la démocratie populaire, les droits de l’homme et la justice sociale. Le pays jouit non seulement de stabilité politique mais aussi d’une croissance économique continue de plus de 7% par an, qui lui permet d’améliorer les conditions de vie de la population. Le chef de la délégation a cité, à cet égard, plusieurs stratégies qui doivent permettre à la République démocratique populaire lao de quitter, à l’horizon 2030, son statut de « pays moins avancé ».
La promotion et la protection des droits de l’homme sont au cœur des politiques du Gouvernement, conformément aux engagements contractés au niveau international et régional – sept conventions des droits de l’homme des Nations Unies ayant ainsi été ratifiées, a dit le Ministre. Le Comité directeur national qu’il dirige est précisément chargé de protéger et de garantir les droits de l’homme, a expliqué en outre M. Sangsomsak. Ce mécanisme est en cours d’évaluation afin d’améliorer ses performances.
Le Ministre a fait savoir qu’une nouvelle Constitution avait été promulguée suite à un processus consultatif transparent en 2015. La nouvelle charte fondamentale apporte un certain nombre de progrès, notamment la création d’assemblées populaires provinciales. L’Assemblée nationale a adopté un nouveau Code pénal ainsi que plus de 120 lois pour appliquer les dispositions du Pacte, a affirmé le chef de la délégation. Ce Code pénal intègre les normes internationales en matière de droits de l’homme ; et de nombreux décrets ont été adoptés dans le domaine des droits civils et politiques en vue de la mise en œuvre des dispositions du Pacte, a précisé le Ministre.
Des réformes ont aussi été entreprises afin de garantir l’accès à la justice pour tous, a poursuivi M. Sangsomsak. D’ici à 2020, la République démocratique populaire lao entend devenir un pays régi entièrement par l’état de droit. Les libertés d’expression et d’association sont d’ores et déjà garanties par des lois et décrets, toute violation de ces libertés constituant une infraction pénale, a dit le Ministre.
Les conditions de vie dans les prisons lao se sont améliorées grâce, notamment, à la formation des agents pénitentiaires aux principes de la bonne gestion carcérale. Les prisonniers qui ont un bon comportement peuvent voir leur peine réduite, a par ailleurs déclaré M. Sangsomsak.
En conclusion de sa présentation, M. Sangsomsak a assuré que son Gouvernement avait redoublé d’efforts pour faire connaître et diffuser le Pacte et les autres conventions des droits de l’homme auxquels la République démocratique populaire lao est partie. Le Ministre a dit que sa délégation attendait les conseils du Comité pour aider son pays à mieux appliquer le Pacte. Il a espéré que le Comité, ce faisant, tiendrait compte des particularités de la République démocratique populaire lao.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a constaté avec satisfaction que la République démocratique populaire lao avait accepté un grand nombre de recommandations faites pendant l’Examen périodique universel (EPU) et qu’elle avait ratifié de nombreux instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme. L’experte a regretté cependant le retard de sept ans mis dans la présentation du rapport. Elle a aussi relevé que le Comité était préoccupé par les limites imposées aux activités des organisations de la société civile et à la liberté d’expression, par des cas de disparition forcée et par les discriminations à l’encontre des minorités vivant dans la République démocratique populaire lao.
Cette même experte a relevé que – selon une réponse du pays à la liste des points à traiter – en cas de conflit avec la législation interne, ce sont les traités internationaux qui prévalent. L’experte a souhaité savoir ce qu’il en allait réellement de cette disposition, après avoir constaté que les tribunaux lao n’invoquent pas directement les dispositions du Pacte. Elle a demandé comment les autorités judiciaires lao étaient formées à ces dispositions.
L’experte a aussi prié la délégation de dire pourquoi la République démocratique populaire lao avait émis des réserves aux articles du Pacte relatifs à la liberté de réunion et à la liberté d’expression. Elle a voulu savoir si les autorités lao envisageaient de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte et créant une procédure de plainte individuelle devant le Comité des droits de l’homme. L’experte a observé à ce propos que, plutôt que de créer une institution nationale des droits de l‘homme, le pays avait préféré donner mandat à des commissions nationales de protéger et promouvoir les droits de l’homme. Elle a demandé si tout était mis en œuvre pour garantir l’indépendance de ces commissions, notamment si elles pouvaient intervenir dans tous les domaines couverts par les conventions auxquelles la République démocratique populaire lao avait adhéré.
L’experte a souligné que la République démocratique populaire lao avait signé, voici dix ans, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées mais que rien n’avait été fait, depuis, pour ratifier cet instrument. Le Comité, a dit l’experte, souhaiterait avoir un aperçu plus précis sur les enquêtes diligentées sur des allégations de disparition forcée, notamment des chiffres sur les enquêtes en cours et sur leurs résultats. L’experte a par ailleurs souhaité savoir si la République populaire démocratique lao avait envisagé d’envoyer une invitation au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.
L’experte a ensuite demandé des informations détaillées sur l’enquête en cours suite à la disparition de M. Sombath Somphone en 2012. Certaines informations fournies par le Gouvernement à ce sujet laissent le Comité dubitatif, a expliqué l’experte. Elle a demandé combien de fonctionnaires avaient été affectés à l’enquête et à qui ils font rapport. L’experte a demandé si les autorités envisageaient de créer une commission chargée d’enquêter de manière indépendante et impartiale sur l’ensemble des affaires de disparition forcée dans le pays. Elle a prié en outre la délégation de décrire les mesures prises pour retrouver des personnes hmong disparues après leur retour forcé depuis la Thaïlande.
Une autre experte a souligné que plusieurs motifs de discrimination ne sont pas explicitement interdits par la loi, notamment la race, l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elle a recommandé que la République démocratique populaire lao se dote d’un cadre complet de lutte contre toutes les formes de discrimination. L’experte a voulu savoir combien de plaintes pour discrimination à l’encontre des femmes avaient été déposées ces cinq dernières années et quels en avaient été le résultat. L’experte a aussi voulu savoir comment l’État luttait contre les discriminations à l’encontre des personnes âgées et des peuples autochtones. L’experte a ensuite demandé combien de personnes avaient été condamnées en vertu des dispositions du Code pénal interdisant les discours de haine.
L’experte a relevé par ailleurs que la loi sur les médias autorisait la révocation des licences d’exploitation des entreprises médiatiques. Elle a demandé des statistiques sur le nombre de licences ainsi révoquées. L’experte s’est dite préoccupée par le fait que toute personne dissidente ou critique envers les autorités risque d’être poursuivie en justice.
Cette même experte a demandé pourquoi la République démocratique populaire lao n’avait pas imposé de moratoire sur l’application de la peine de mort. Elle a indiqué que le Comité était en train d'adopter son observation générale n° 36 sur le droit à la vie, selon laquelle l'expression « crime grave » doit être interprétée de manière restrictive et ne s'appliquer qu'aux crimes d'une extrême gravité, impliquant un meurtre intentionnel. L’experte a prié la délégation de dire à quand remontait la dernière condamnation à mort dans la République démocratique populaire lao et combien des 315 condamnés à mort se trouvaient dans le couloir de la mort pour des infractions liées à la drogue.
Un expert a souligné que la participation des femmes lao à la vie politique et leur présence aux postes à responsabilité étaient très limitées. Il a demandé ce que le pays comptait faire pour que, peu à peu, les femmes occupent davantage de postes à responsabilité et pour éliminer les stéréotypes sexistes à leur encontre.
La délégation a été priée, d’autre part, de dire dans quelle mesure la loi sur l’état d’urgence lao était compatible avec l’article 4 du Pacte.
Un expert a demandé si l’État partie estimait disposer d’un cadre juridique complet pour la lutte contre le terrorisme, contenant une définition du terrorisme et des garanties juridiques pour les personnes soupçonnées de terrorisme. Le même expert a voulu savoir si la définition du terrorisme donnée par la loi sur le blanchiment d’argent était conforme au Pacte.
Le même expert s’est interrogé sur les mesures prises pour encourager les victimes de violences familiales à déposer plainte ; et pour garantir des enquêtes rapides et efficaces au sujet des violences commises à l’encontre des femmes et des enfants.
Une experte a souligné que la République démocratique populaire lao était un pays d’origine et de transit de femmes et d’hommes victimes de la traite des êtres humains. Elle a demandé quelles mesures avaient été prises pour lutter contre ce problème et contre le tourisme sexuel visant les enfants. L’experte a voulu savoir si la police et les gardes-frontières étaient formés à la manière d’identifier les victimes de la traite des êtres humains. Elle a souligné que, selon certaines informations, des policiers lao se sont rendus complices de l’entrée dans la République démocratique populaire lao de milliers de migrants dont certains ont ensuite été victimes de travail forcé.
Un autre expert a observé que tous les niveaux du pouvoir judiciaire lao étaient confrontés au problème des ingérences du pouvoir exécutif. Le problème porte notamment sur la nomination des juges et des procureurs, qui sont en général issus du parti au pouvoir. En outre, le Gouvernement approuve la nomination et la destitution des juges.
L’expert a, par ailleurs, souhaité savoir si les autorités lao envisageaient d’adopter la définition de la torture donnée par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a voulu connaître le nombre d’agents de l’État ayant été condamnés pour des faits de torture et les réparations octroyées aux victimes. La délégation a aussi été priée de dire s’il existait toujours des camps de rééducation dans la République démocratique populaire lao.
Une experte a demandé si l’interruption volontaire de grossesse était autorisée et dans quels cas. La moitié des femmes hospitalisées pour des problèmes gynécologiques le sont en raison d’avortements dangereux, a relevé l’experte. Elle s’est enquise de l’existence de programmes d’éducation sexuelle dans les zones rurales. L’experte a aussi fait observer que le taux de mortalité dans la République démocratique populaire lao était élevé par rapport à d’autres pays de la même région.
Un autre expert a demandé quelle était la durée maximale de détention avant qu’une personne arrêtée ne soit déférée devant un juge. L’expert a mis en garde contre la détention de personnes hors du contrôle du système judiciaire. Le Comité, a ajouté l’expert, a été informé que des personnes sont détenues depuis des mois, voire des années, sans avoir été entendues par un magistrat.
Un expert a souligné que, selon certaines informations, des détenus sont passés à tabac par des surveillants. Les personnes accusées de délits liés aux stupéfiants sont les plus exposées à cette forme de violence. L’expert a demandé si les autorités avaient l’intention de réaliser une évaluation complète de la situation dans les prisons et les centres de détention pour mineurs. Il a demandé quelles mesures avaient été prises pour améliorer les conditions de vie en prison.
Ce même expert a demandé dans quelle mesure les minorités nationales peuvent donner leur consentement libre et éclairé à la réalisation des grands projets d’infrastructure. Le Comité, a dit l’expert, a été informé que certaines communautés ont été spoliées de leurs terres par des entreprises. Il a demandé quel dispositif juridique permettait à ces communautés de porter plainte en cas de violation de leurs droits. L’expert a aussi demandé si des mesures avaient été prises pour mettre un terme aux persécutions contre la communauté hmong, notamment les disparitions forcées dont ses membres seraient victimes. Des préoccupations ont été exprimées par un autre expert s’agissant de la discrimination et de la répression dont la communauté chrétienne serait victime.
Un autre expert a demandé davantage d’informations sur la « taxe de sortie » de prison. L’expert a souligné que maintenir en prison des personnes qui ont entièrement purgé leur peine n’est pas compatible avec le Pacte. Il a aussi mis en garde contre le risque de maintenir des personnes en prison pour dettes.
Un expert a souligné que l’Assemblée nationale peut renvoyer des dossiers au Ministère public, ce qui enfreint le principe d’indépendance du pouvoir judiciaire. L’expert a demandé s’il était vrai que l’État lao avait poursuivi certains de ses citoyens ayant participé à des manifestations pacifiques à l’étranger.
Une experte a demandé des informations sur les limites imposées aux activités des médias étrangers et sur les conditions d’octroi des autorisations d’activité aux organisations non gouvernementales et aux associations. L’experte a voulu savoir dans quelle mesure il était possible de s’opposer au Gouvernement lao et de le critiquer.
Une experte a demandé comment les autorités comptaient faire connaître les observations finales du Comité auprès de la population et plus spécifiquement auprès des minorités. L’experte a souligné que, puisque le Comité directeur national des droits de l’homme ne pouvait pas recevoir de plaintes, il ne s’agissait pas d’une institution nationale de droits de l’homme au sens des Principes de Paris.
Un autre expert a regretté que les explications de l’État partie s’agissant des allégations de torture et de disparition forcée se limitaient à un simple déni. Il a demandé des informations plus détaillées en réponse aux questions posées.
Réponses de la délégation
La délégation a souligné que la République démocratique populaire lao était un tout petit pays en sous-développement, et que l’application des dispositions du Pacte exigeait des moyens considérables. C’est pourquoi, tout en s’engageant à avancer dans la promotion et la protection des droits de l’homme, la République démocratique populaire lao a besoin de l’aide de la communauté internationale pour donner effet aux recommandations qui lui sont faites, a insisté la délégation.
La délégation a expliqué qu’une nouvelle loi avait été promulguée s’agissant de la mise en œuvre des traités ratifiés par la République démocratique populaire lao. La loi prévoit que les dispositions des traités prévalent sur le droit interne. En général, la transposition des traités internationaux dans la législation interne doit passer par une loi d’habilitation. Les dispositions de certains traités peuvent directement être applicables : mais il faut, pour ce faire, que l’autorité ayant ratifié le traité en ait décidé ainsi, a expliqué la délégation. Dans ce cas-là, le traité est auto- exécutoire. Les ministères concernés sont chargés de proposer des amendements aux lois afin de les rendre compatibles avec les traités ratifiés.
S’agissant des réserves apportées par la République démocratique populaire lao à plusieurs articles du Pacte, la délégation a expliqué que l’exercice de la liberté d’association devait se faire conformément à la Constitution lao. Or, l’article de la Constitution sur cette question diverge du Pacte. C’est pour cette raison que le pays a fait des réserve ou déclarations interprétatives sur les articles 1, 18 et 22. La délégation a ensuite précisé que la République démocratique populaire lao n’était pas prête à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, car elle n’a pas les moyens de créer un système des plaintes individuelles.
La délégation a souligné que son pays avait créé une institution nationale des droits de l’homme – le Comité directeur national des droits de l’homme – conforme aux Principes de Paris. Ce Comité est indépendant dans son travail mais fait partie de l’exécutif. Il est dirigé par un Ministre, ce qui montre l’importance de ce Comité aux yeux des autorités. Le Comité compte parmi ses membres des représentants de l’Assemblée nationale et d’autres institutions publiques. Le pays préfère renforcer les mécanismes existants plutôt que de créer de nouvelles institutions, a ajouté la délégation.
La République démocratique populaire lao est l’un des premiers pays à avoir signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, a dit la délégation. Les autorités lao ont étudié les dispositions de la Convention avec soin : elles ont constaté qu’il serait nécessaire, avant de la ratifier, de renforcer les capacités nationales pour appliquer l’instrument. Le système juridique ne contient pas la définition de la disparition forcée donnée par la Convention, car le pays n’a pas encore ratifié l’instrument et n’a donc pas d’obligation à cet égard, a justifié la délégation.
S’agissant des questions relatives à la lutte contre la discrimination, la délégation a relevé d’abord que la Constitution garantissait l’égalité en droit de l’ensemble des citoyens, sans discrimination aucune. En particulier, les personnes dont l’identité de genre et l’orientation sexuelle sont « différentes » jouissent elles aussi des mêmes droits. Ensuite, le code du travail prévoit que les travailleurs bénéficient d’un même salaire pour un même travail. Enfin, la République démocratique populaire lao est en train d’élaborer une nouvelle loi générale contre les discriminations, a annoncé la délégation.
Le pays s’est aussi doté d’outils pour faire évoluer les droits des femmes et améliorer leur protection contre les violences sexistes, a affirmé la délégation. Elle a expliqué qu’une grande campagne contre les violences faites aux femmes avait été organisée dans tout le pays. Au Ministère de la justice, 38% des employés sont des femmes, a relevé la délégation. La délégation a précisé qu’à ce jour, il n’y a pas eu de jugement prononcé invoquant l’article du Code pénal interdisant les discriminations à l’encontre des femmes.
Quant à l’égalité des droits des femmes et des enfants handicapés, elle est garantie par un décret présidentiel, a dit la délégation. Ce décret prévoit toute une série de mesures pour assurer l’inclusion sociale des personnes handicapées.
Le Comité a été informé que l’avortement est autorisé dans la République démocratique populaire lao si la vie de la mère est en danger. Il existe différents programmes pour éduquer les femmes et les jeunes pour qu’ils se protègent mieux afin, notamment, d’éviter les grossesses chez les adolescentes, a-t-il aussi été précisé.
La délégation a expliqué que le placement d’une personne en garde à vue dépend d’une décision du parquet. La police peut détenir une personne en garde à vue pendant 24 heures moyennant une autorisation du parquet. Dans ce délai de 24 heures, la police décide s’il est justifié ou non d’ouvrir une enquête ; si c’est le cas, elle transmet l’affaire au Ministère public.
La délégation a expliqué que la République démocratique populaire lao n’avait pas adopté de loi sur la lutte contre le terrorisme. En revanche, le Gouvernement a adopté une loi contre la traite des personnes, un domaine dans lequel il coopère avec les pays voisins.
La délégation a expliqué que l’Assemblée nationale avait examiné avec soin la question de l’abolition de la peine de mort. À la fin d’un débat animé, plus de deux tiers des voix se sont exprimées en faveur du maintien de la peine de mort. Toutefois, une nouvelle loi est venue limiter le nombre des crimes pour lesquels la peine de mort peut être requise. L’avis des organisations de la société civile sur cette question a été pris en compte, a déclaré la délégation.
La délégation a expliqué que des mesures de rééducation peuvent être prises à l’encontre de certaines personnes, l’objectif étant que ces personnes revoient leur comportement et qu’elles ne récidivent pas. En aucun cas il ne s’agit de torture : cette sanction constitue un traitement, d’une certaine manière, a affirmé la délégation.
La loi interdit toute agression de la part des surveillants contre les détenus, a ensuite expliqué la délégation. Elle a précisé que des sanctions administratives frappent les gardiens qui contreviendraient à la loi. Les accusations de violence à l’encontre de personnes toxicomanes dans les centres de détention sont fausses, a-t-elle affirmé par ailleurs. La torture va devenir prochainement une infraction pénale à part entière dans le Code pénal, a-t-elle encore fait savoir. Un médecin est présent dans chaque centre de détention. Si un détenu ne peut pas être soigné sur place, il sera transféré dans un hôpital pour y suivre un traitement.
La délégation a expliqué que son pays avait pris toute une série de mesures pour assurer de meilleures conditions de détention. En l’état, a dit la délégation, ces conditions de détention sont meilleures que les conditions de travail des surveillants. Chaque établissement prend en charge une catégorie spécifique de détenus et le Gouvernement envisage d’ouvrir de nouvelles prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale. À l’occasion de la fête nationale, le Président de la République peut prononcer des amnisties ou des commutations de peine, a dit la délégation.
La délégation a souligné par la suite que, dans les lieux de détention, les femmes, les enfants et les détenus souffrant de maladies psychiatriques sont séparés des autres prisonniers. S’agissant de la situation des mineurs, ils peuvent être envoyés dans des centres correctionnels s’ils ont contrevenu à la loi ; ils reçoivent alors des visites quotidiennes de leur famille. Les enfants en situation de rue ne sont pas mis en détention.
Les détenus qui ont purgé leur peine doivent se présenter devant les autorités pour solder d’éventuelles amendes non payées. Même non payées, ces amendes ne prêtent pas à une détention. Les sommes peuvent être réglées mensuellement. Il est arrivé que la libération de certains détenus soit retardée, a admis la délégation. Mais le Gouvernement s’attelle à ce que cette situation ne se reproduise pas, a-t-elle assuré.
La loi sur les médias protège les journalistes dans l’exercice de leur profession, a dit la délégation. Si les agences de presse sont tenues de respecter la déontologie, on n’a constaté aucune violation de la loi par ces agences ou par des médias, et aucun journaliste n’a vu son autorisation d’exercer retirée, a affirmé la délégation.
La délégation a assuré que les allégations de disparition forcée dans la République démocratique populaire lao étaient infondées. Il n’existe notamment aucune preuve de la présence sur le territoire de la République démocratique populaire lao des personnes citées par des membres du Comité. Quant à l’affaire Sombath Somphone, elle est complexe et délicate. Le Gouvernement a essayé par tous les moyens de fournir des informations aux proches de cette personne, a dit la délégation. La délégation a assuré que toute disparition d’une personne était, pour les autorités lao, une source de préoccupation.
La délégation a souligné que la Constitution de 2015 garantissait sans équivoque la liberté de croyance. Tous les croyants ont la possibilité de participer à des activités de culte si elles ne menacent pas la paix de la nation.
La délégation a souligné qu’une loi protège les peuples autochtones face aux grands projets d’infrastructure et aux activités des entreprises. La loi prévoit notamment que les populations touchées sont relogées dans de bonnes conditions. S’agissant des défenseurs des droits fonciers, la délégation a expliqué que rares sont ceux qui se voient refuser des dédommagements ou des indemnisations si leurs terres ancestrales ont été utilisées à des fins commerciales ou ont été acquises par des entreprises. Des centaines de familles ont ainsi accepté les dédommagements proposés par les autorités.
La délégation a expliqué que des réunions étaient en cours avec les organisations de la société civile afin d’améliorer le processus d’enregistrement des associations. Une nouvelle ordonnance imposera une limite de temps au processus d’enregistrement. De l’avis de la République démocratique populaire lao, les personnes ayant un casier judiciaire ne doivent pas pouvoir participer aux activités d’organisations de la société civile. L’ordonnance sur les activités des organisations non gouvernementales internationales n’a pas pour objectif de freiner l’arrivée d’associations étrangères dans le pays, a assuré la délégation lao.
La délégation a souligné que la loi sur les médias garantissait la liberté d’expression de la population, via notamment les médias de masse. Des télévisions et radios indépendantes émettent sur tout le territoire lao. Plus de trois mille personnes travaillent dans les médias, dont 30% de femmes journalistes, a par ailleurs relevé la délégation. Le décret sur les médias étrangers vise uniquement à réglementer les contenus étrangers, conformément à la loi et aux règlements applicables. Les médias étrangers ont un accès libre à l’information mais toute production médiatique étrangère doit faire l’objet d’une autorisation des autorités, a dit la délégation.
La délégation a expliqué que l’Assemblée nationale était habilitée à assurer le suivi du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Elle peut éventuellement déférer des plaintes au Ministère public. L’Assemblée communique avec le Ministère de la justice afin de veiller à ce que les décisions de justice soient bien appliquées.
La délégation a enfin expliqué que des citoyens lao avaient manifesté, avec des drapeaux, devant une Ambassade de la République démocratique populaire, portant ainsi atteinte au Gouvernement. Il s’agit là d’un acte répréhensible, qui va au-delà de la liberté d’expression et témoigne d’une intention de troubler l’ordre public. C’est pourquoi ces personnes ont été arrêtées, jugées et condamnées à la prison, a dit la délégation.
Remarques de conclusion
M. BOUNKEUTH SANGSOMSAK, Ministre auprès du Bureau du Premier Ministre de la République démocratique populaire lao, Président du Comité directeur national des droits de l’homme, s’est félicité d’un dialogue animé, constructif, franc et ouvert. Il a prié le Comité de prendre en compte les difficultés auxquelles son pays est confronté, tout en l’assurant de la volonté politique des autorités d’aller de l’avant dans la mise en œuvre des dispositions du Pacte.
M. Sangsomsak a estimé que les membres du Comité devraient donner les sources de leurs informations, dont certaines sont inexactes : il en va de la crédibilité du Comité, a-t-il déclaré. Il s’est cependant dit heureux de voir qu’il n’y avait pas eu d’ingérence dans les affaires internes de son pays. Un État nouvellement indépendant a besoin d’un leadership fort et d’une ligne politique claire, a conclu le chef de la délégation.
M. YUVAL SHANY, Président du Comité, a expliqué que ce dialogue était une première étape dans le travail de coopération avec le Comité. Il a assuré que le Comité respectait le droit des États de choisir leur système politique, mais a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Il faut que les droits soient respectés et donner un espace à la société civile, a conclu M. Shany.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CCPR/18/20F