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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU PEROU

Compte rendu de séance

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Pérou sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Miguel Angel Soria Fuerte, Vice-Ministre des droits de l’homme et de l’accès à la justice au Ministère de la justice et des droits de l’homme du Pérou, a affirmé que le Pérou mène des efforts importants afin d’éradiquer la discrimination raciale. Les observations finales présentées par le Comité en 2014 ont permis la mise en œuvre de politiques concrètes en faveur du pluriculturalisme et de la diversité, a-t-il indiqué. Il a ensuite précisé que le Pérou avait mené des recensements nationaux en 2017 et que deux questions importantes avaient été posées dans ce contexte, concernant la langue maternelle et le sentiment d’appartenance à une communauté autochtone.

En janvier 2018, a poursuivi le Vice-Ministre, le Pérou a adopté le Plan national des droits de l’homme pour la période 2018-2021. Ce plan accorde la priorité aux personnes les plus vulnérables, s’agissant notamment des filles, des femmes, des peuples autochtones, des populations afro-péruviennes, des personnes atteintes par le VIH/sida ou encore des victimes des violences durant la période 1980-2000. Pour la première fois de son histoire, ce document va être traduit dans les différentes langues du pays et sera remis aux représentants des peuples autochtones. Le Pérou a en outre mis en œuvre la Stratégie nationale pour l’élimination de la discrimination ethnique et raciale (2016-2021), a fait valoir M. Soria Fuerte.

S’agissant du principe de consultation préalable (des populations concernées par un projet de développement), M. Soria Fuerte a affirmé que le Pérou avait une position de fer de lance dans la région.

La délégation péruvienne était également composée, entre autres, de M. Claudio Julio De la Puente Ribeyro, Représentant permanent du Pérou auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Carlos Giovani Arias Lazarte, juge de la Cour suprême du Pérou ; ainsi que de représentants de la Mission permanente du Pérou auprès des Nations Unies à Genève.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, le projet de reconnaissance des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens comme parties constituantes de la nation péruvienne; la définition de la discrimination ; le Plan national des droits de l’homme ; la Stratégie nationale pour l’élimination de la discrimination ethnique et raciale ; les politiques interculturelles et la situation des peuples autochtones et afro-péruviens, y compris pour ce qui est de leur accès à la justice et du principe de consultation préalable ; les activités minières ; la lutte contre les violences familiales et sexuelles ; les migrants vénézuéliens ; ou encore la lutte contre les stéréotypes et les préjugés raciaux dans les médias.

M. Pastor Elias Murillo Martinez, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Pérou, a relevé que ces dix dernières années, le Pérou avait enregistré énormément de progrès au regard de la Convention. Cependant, le pays connaît de grands défis en matière d’inclusion et de reconnaissance des peuples autochtones et afro-descendants, a-t-il ajouté, faisant observer que la pauvreté parmi ces peuples est deux fois plus élevée que dans le groupe de population majoritaire. M. Murillo Martinez s’est en outre inquiété de la situation des femmes, en particulier des femmes autochtones.

Les normes en vigueur au Pérou dispensent les forces de l’ordre de responsabilité pénale lorsqu’elles interviennent à l’occasion de manifestations et cela peut avoir des conséquences très graves, a par ailleurs fait observer M. Murillo Martinez. D’autre part, la notion de consultation préalable n’est pas suffisamment prise en compte dans le pays, notamment en raison de pressions économiques ou militaires, ce qui aboutit à des tensions, a-t-il déploré. Il semble y avoir un pacte entre les entreprises, notamment pétrolières, et les forces de l’ordre nationales pour assurer la protection de ces entreprises, s’est inquiété le rapporteur.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Pérou et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 11 mai.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entame l’examen du rapport de l’Arabie saoudite.


Examen du rapport

Le Comité était saisi des vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques du Pérou combinés en un seul document (CERD/C/PER/22-23)

Présentant le rapport de son pays, M. MIGUEL ANGEL SORIA FUERTE, Vice-Ministre des droits de l’homme et de l’accès à la justice au Ministère de la justice et des droits de l’homme du Pérou, a fait part de sa profonde émotion suite aux assassinats d’Olivia Arevalo, représentante du peuple autochtone Shipibo-Konibo, et du ressortissant canadien Paul Woodroffe. Pour que ces crimes ne restent pas impunis, tout sera fait pour que leurs auteurs soient mis à la disposition de la justice, a assuré M. Soria Fuerte.

Depuis leur entrée en fonctions, le Président de la République et le Gouvernement du Pérou se sont donnés pour mission d’améliorer la vie des personnes les plus vulnérables et se sont engagés à assumer les engagements internationaux du pays en matière de droits de l’homme, a souligné le chef de la délégation.

M. Soria Fuerte a affirmé que le Pérou mène des efforts importants afin d’éradiquer la discrimination raciale. Les observations finales présentées par le Comité en 2014 ont permis la mise en œuvre de politiques concrètes en faveur du pluriculturalisme et de la diversité, a-t-il indiqué.

M. Soria Fuerte a ensuite précisé que le Pérou avait mené des recensements nationaux en 2017 et que deux questions importantes avaient été posées dans ce contexte, concernant la langue maternelle et le sentiment d’appartenance à une communauté autochtone, la population ayant préalablement été – grâce à une vaste campagne de sensibilisation – dûment informée sur la nature des questions qui allaient lui être posées. Les résultats de ces recensements seront disponibles en juillet prochain et transmis au Comité, a ajouté le Vice-Ministre. Il a par ailleurs indiqué que la base de données sur les peuples autochtones du Ministère de la culture recensait quelque 45 peuples autochtones sur l’ensemble du territoire péruvien et plus de 2500 communautés amazones autochtones, entre autres. De plus, la carte géographique de répartition ethnique de la population péruvienne enregistre la présence d’Afro-péruviens dans onze régions du pays, a expliqué M. Soria Fuerte. Le Pérou a en outre passé des accords interministériels afin d’inclure la variable d’auto-identification ethnique dans les registres administratifs.

En janvier 2018, a poursuivi le Vice-Ministre, le Pérou a adopté le Plan national des droits de l’homme pour la période 2018-2021. Ce plan accorde la priorité aux personnes les plus vulnérables, s’agissant notamment des filles, des femmes, des peuples autochtones, des populations afro-péruviennes, des personnes atteintes par le VIH/sida ou encore des victimes des violences durant la période 1980-2000. Pour la première fois de son histoire, ce document va être traduit dans les différentes langues du pays et sera remis aux représentants des peuples autochtones.

Le Pérou a en outre mis en œuvre la Stratégie nationale pour l’élimination de la discrimination ethnique et raciale (2016-2021), a fait valoir M. Soria Fuerte. Le Code pénal a, quant à lui, été modifié et prévoit désormais une peine privative de liberté pour les personnes qui se rendent coupables d’actes de discriminations à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes aux motifs, notamment, de la race ou du genre, a-t-il ajouté.

Le Pérou a par ailleurs créé, au niveau national, le prix « Incluir para Crecer » (Inclure pour grandir), décerné aux municipalités qui mènent un travail pour améliorer les services publics, ce qui permet ainsi d’améliorer les conditions de vie de la population et son intégration dans la société. Ce prix récompense notamment les projets qui mettent l’accent sur la multiculturalité des services, a précisé le chef de la délégation.

Le Pérou a par ailleurs mis en œuvre une Stratégie d’action sociale durable qui vise essentiellement à améliorer les conditions de vie et de développement des membres des communautés natives d’Amazonie en s’appuyant sur des interventions intersectorielles et intergouvernementales coordonnées. Dans le cadre de cette Stratégie, le Gouvernement a mis en place des plates-formes itinérantes d’action sociale (PIAS), a précisé M. Soria Fuerte. Ces plates-formes multisectorielles ont pour principal objectif d’améliorer la qualité de vie des populations en situation de pauvreté et d’exclusion sociale dans les zones rurales et dispersées de l’Amazonie péruvienne ; elles permettent de pallier les carences de services publics dans ces zones reculées, notamment dans les domaines de la santé et de l’enregistrement des naissances. Ce service permet aussi de connaître l’identité des personnes qui vivent dans ces régions, a ajouté le Vice-ministre.

S’agissant du principe de consultation préalable (des populations concernées par un projet de développement), M. Soria Fuerte a affirmé que le Pérou avait une position de fer de lance dans la région. Cinq processus de consultation préalable sont actuellement en cours dans le pays, a-t-il fait valoir, avant d’ajouter qu’onze consultations avaient été menées, par exemple, pour des projets dans le secteur des hydrocarbures.

En vertu du Plan national des droits de l’homme, l’État péruvien s’est engagé à garantir la propriété foncière pour les peuples autochtones, a ajouté le chef de délégation. Des normes complémentaires visent à garantir le droit à l’autodétermination des peuples autochtones qui sont en situation de premier contact ou d’isolement, a-t-il indiqué.

Le Plan intégral de réparations collectives prévoit des réparations sous forme d’indemnisation financière et d’accès à la santé voire à un logement pour les victimes du conflit durant la période 1980-2000, a poursuivi le Vice-Ministre. Quelque 90 000 personnes ont ainsi reçu une indemnisation dans le cadre de ce programme, a-t-il précisé. Des espaces de mémoire participative ont également été ouverts et quatre sanctuaires ont été édifiés en mémoire des communautés concernées par les violences.

Les actions des forces de police dans le cadre des manifestations des communautés andines et amazoniennes ont été règlementées, suite à l’adoption d’un décret, a d’autre part indiqué M. Soria Fuerte. Des manuels d’instruction ont été élaborés pour mettre fin aux conflits sociaux de manière cohérente ainsi qu’aux violations des droits de l’homme par les forces de police, a-t-il ajouté.

L’État péruvien a mené un important travail pour enregistrer les victimes des stérilisations forcées intervenues entre 1995 et 2001. Ce registre est entre les mains du Ministère de la justice et des droits de l’homme et plus de 6000 personnes y sont inscrites, a par ailleurs indiqué le Vice-Ministre des droits de l'homme et de l’accès à la justice.

Un groupe de travail a été mis sur pied pour renforcer la participation politique des peuples autochtones, a en outre fait valoir M. Soria Fuerte. Ce groupe a pour objectif de réfléchir à des mécanismes permettant de garantir la représentation des peuples autochtones au sein du Parlement péruvien. Lors des élections qui doivent se dérouler cette année, des quotas vont être appliqués à cette fin dans la plupart des départements et des provinces, a précisé le chef de la délégation.

Le Pérou s’est doté de divers mécanismes judiciaires permettant de sanctionner les auteurs de discrimination raciale, a souligné le Vice-Ministre. Cependant, le pays est conscient des défis qui restent à surmonter dans le domaine de la discrimination raciale, a-t-il ajouté, assurant que le Pérou allait continuer à assumer ses engagements internationaux. Le pays souhaite continuer à améliorer la protection et la promotion des droits de l’homme, notamment pour les personnes les plus vulnérables, a-t-il conclu.

Un expert a fait observer que les processus de consultation préalable n’étaient pas assez anticipés au Pérou et que les femmes y étaient très peu représentées. Cet expert a en outre insisté pour que le pays revoie les recommandations du Comité concernant la propagation des stéréotypes à travers les médias. Le droit à la liberté d’expression ne doit pas être utilisé pour offenser d’autres personnes ou d’autres peuples, a-t-il été ajouté.

Une experte a souligné que le racisme structurel avait un lien avec la pauvreté.

Une autre experte s’est enquise de la part de production minière se trouvant sous contrôle des populations autochtones.

Un expert s’est demandé si l’enseignement pluriculturel n’était pas une manière d’uniformiser l’enseignement et de l’hispaniser.

A quels services ont droit les demandeurs d’asile, a-t-il par ailleurs été demandé ?

Une experte s’est enquise de la représentation des femmes au niveau des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et a souhaité savoir ce qu’il en était de leur accès à la justice.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. PASTOR ELIAS MURILLO MARTINEZ, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Pérou, a regretté le manque de représentation des différents peuples autochtones et l’absence d’un représentant de l’institution nationale des droits de l’homme durant ce dialogue. Il a ensuite rappelé que le Pérou était l’un des rares pays de la région à avoir connu une croissance économique régulière. Les dynamiques économiques et politiques ont des répercussions sur les différents groupes ethniques, a-t-il ajouté. Au cours des 28 dernières années, le pays a dû relever énormément de défis liés à la démocratisation et à la lutte contre la corruption, ce qui a mis à l’épreuve la stabilité démocratique du pays, a poursuivi le rapporteur. Les cinq derniers présidents de la République ont été associés à des affaires ayant constitué des défis pour la démocratie, a insisté l’expert. La manière dont l’État a géré ces affaires témoigne de la maturité de la démocratie péruvienne, a-t-il relevé.

Ces dix dernières années, a poursuivi M. Murillo Martinez, le Pérou a enregistré énormément de progrès au regard de la Convention, notamment avec l’adoption du Plan national des droits de l’homme et de la législation relative à la consultation préalable. Cependant, le Pérou connaît de grands défis en matière d’inclusion et de reconnaissance des peuples autochtones et afro-descendants, a ajouté le rapporteur. La pauvreté parmi ces peuples est deux fois plus élevée que dans le groupe de population majoritaire. Une personne d’ascendance africaine a beaucoup plus de risques de se retrouver dans une situation de pauvreté que les autres personnes, a insisté M. Murillo Martinez.

Le rapporteur s’est enquis des mesures prises par l’État péruvien pour engager des réformes constitutionnelles visant à reconnaître la diversité (de la population). Cela permettrait aux peuples autochtones et d’ascendance africaine d’obtenir la reconnaissance de leurs droits spécifiques et différenciés, a-t-il souligné. Il a ensuite souhaité savoir si le Pérou avait prévu de prendre au niveau législatif des mesures visant à assurer l’égalité des chances, de manière à lutter contre le racisme et la discrimination raciale structurelle. Ces mesures pourraient par exemple prendre la forme de quotas, a-t-il précisé. Le rapporteur a également demandé si le Pérou envisageait de réformer le Code pénal afin, notamment, d’y intégrer le délit de racisme et plus, généralement, les dispositions de la Convention.

Les normes en vigueur au Pérou dispensent les forces de l’ordre de responsabilité pénale lorsqu’elles interviennent à l’occasion de manifestations et cela peut avoir des conséquences très graves, a par ailleurs fait observer M. Murillo Martinez. D’autre part, la notion de consultation préalable n’est pas suffisamment prise en compte dans le pays, notamment en raison de pressions économiques ou militaires, ce qui aboutit à des tensions, a-t-il déploré. Il semble y avoir un pacte entre les entreprises, notamment pétrolières, et les forces de l’ordre nationales pour assurer la protection de ces entreprises, s’est-il inquiété, avant de demander à la délégation de dire s’il est vrai que de tels accords existent.

S’agissant des femmes autochtones, M. Murillo Martinez s’est inquiété que selon certaines sources, plus de 1000 femmes auraient été assassinées au Pérou entre 2009 et 2017, alors que de nombreuses femmes autochtones ou afro-péruviennes sont victimes de violences sexuelles dans ce pays.

M. Murillo Martinez s’est enquis de l’impact réel du Plan national des droits de l’homme et a souhaité savoir si le Pérou envisageait de ratifier la Convention n°189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Un autre expert s’est dit frappé par le faible nombre d’interprètes disponibles dans le système de justice, ce qui rend particulièrement difficile l’accès à la justice pour les personnes autochtones. Il reste beaucoup de défis à relever dans ce domaine, a-t-il insisté. Cet expert a par ailleurs relevé que très peu de victimes de stérilisation forcée avaient obtenu justice et réparation. L’expert a ensuite regretté qu’un programme véhiculant des stéréotypes sur les populations autochtones ou afro-péruviennes soit toujours programmé, alors que les autorités avaient annoncé au Comité qu’elles allaient interdire sa diffusion. Le Pérou doit donner corps au niveau national à son engagement international en faveur des peuples autochtones, a insisté l’expert. Il a en outre demandé davantage d’informations sur les mines, légales et illégales, dans le pays et sur leur niveau de pollution.

Un expert a fait observer que 16% des communautés autochtones n’ont pas de titres de propriété foncière et s’est dès lors enquis des mesures prises pour permettre l’enregistrement des terres autochtones. Il a par ailleurs souhaité connaître les chiffres de l’abandon scolaire s’agissant des enfants des communautés autochtones et afro-péruviennes.

Un autre expert s’est inquiété de la protection des défenseurs des droits de l’homme, lesquels n’ont généralement pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat. Cet expert s’est enquis des mesures que les autorités entendaient prendre pour assurer la protection de ces personnes, notamment par le biais d’un mécanisme véritablement indépendant. Il s’est ensuite enquis de la possibilité pour les migrants d’avoir accès aux soins de santé et à l’éducation. Est-il vrai qu’un millier de migrants vénézuéliens arrivent chaque jour au Pérou, a-t-il demandé, avant de s’enquérir de l’éventuelle existence d’un programme de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes à leur encontre? Cet expert a ensuite demandé comment les autorités péruviennes luttaient contre le travail forcé et comment ce phénomène affectait les peuples autochtones et les personnes vulnérables.

Un expert s’est félicité que les autorités péruviennes reconnaissent que des problèmes de racisme existent au sein de la société. Il s’agit là d’une attitude positive tout à fait essentielle, a-t-il estimé. Il a souhaité savoir si la société civile avait participé au processus d’élaboration du rapport et s’il existait un mécanisme permanent chargé d’élaborer des rapports de suivi concernant la mise en œuvre des recommandations adressées au pays. Cet expert s’est en outre enquis de la représentation des peuples autochtones et d’ascendance africaine dans le secteur de la justice, dans la fonction publique et au sein du pouvoir législatif : des mesures d’action affirmative ont-elles été prises dans ce domaine ? Cet expert a ensuite demandé où en était la mise en œuvre de la la Stratégie nationale pour l’élimination de la discrimination ethnique et raciale 2016-2021. Quelles mesures concrètes les autorités comptent-elles adopter pour lutter contre les discriminations raciales, a-t-il demandé ?

Un autre expert a souhaité savoir combien de condamnations définitives ont été prononcées à l’encontre d’auteurs d’actes de discrimination raciale. Les autorités ont-elles déjà procédé à un premier bilan du Plan national des droits de l’homme, a-t-il également demandé ?

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le Congrès de la République avait approuvé le projet de loi qui propose d’inclure la reconnaissance des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens comme parties constituantes de la nation péruvienne.

Le Code pénal a récemment été modifié et contient désormais une définition du délit de discrimination conforme aux normes internationales et à la Convention, a d’autre part fait valoir la délégation. S’agissant des motifs de discrimination sanctionnés, le Code pénal fait référence à « tout autre motif de discrimination », ce qui permet de sanctionner l’ensemble des actes discriminatoires, y compris la discrimination raciale, a précisé la délégation.

Le Plan national pour le développement de la population afro-péruvienne (2016-2020) prévoit une stratégie sectorielle par laquelle l’État accorde les budgets en fonction des résultats, a ensuite indiqué la délégation.

Le Plan national des droits de l’homme est, quant à lui, le fruit d’un processus participatif très large auquel ont pris part quelque 500 fonctionnaires et 300 représentants de la société civile. Les autorités ont mis en place un mécanisme de suivi de ce Plan, a précisé la délégation. Cela ne fait qu’un mois que ce Plan a été approuvé, de sorte que ses effets ne peuvent pas encore être visibles, a-t-elle ajouté. Dans le cadre de ce Plan, a été prévue la mise en place d’un mécanisme de protection des défenseurs droits de l’homme, en étroite collaboration avec les défenseurs eux-mêmes ; ce mécanisme sera certes géré par le Ministère de la justice et des droits de l’homme, mais il aura toutes les garanties d’indépendance, a assuré la délégation.

Le Pérou a formulé une Stratégie nationale pour l’élimination de la discrimination ethnique et raciale 2016-2021, qui doit notamment permettre de mettre en lumière les actes de racisme afin de conscientiser la population à cette problématique. Les résultats de l’enquête sur la perception des discriminations raciales font partie du diagnostic stratégique ayant présidé à l’élaboration de la politique de lutte contre le racisme qui sera validée après plusieurs consultations décentralisées, a expliqué la délégation.

La délégation a ensuite expliqué que les politiques interculturelles sont une reconnaissance de la richesse interculturelle du pays. L’approche interculturelle suppose que l’État développe une citoyenneté interculturelle qui se base sur le dialogue et qui tient compte des populations autochtones et d’ascendance africaine. L’enseignement pluriculturel bilingue vise à reconnaître la culture des populations autochtones tout en permettant aux élèves d’apprendre l’espagnol en deuxième langue. Le Plan national des droits de l’homme prévoit de former les enseignants à cette approche interculturelle.

La délégation a par la suite assuré qu’il n’y avait au Pérou aucune volonté d’hispaniser le pays.

Le Pérou dispose également d’un Plan sectoriel de santé interculturelle 2016-2021 tout à fait spécifique pour certaines régions. Dans ce cadre, quelque 175 000 personnes ont reçu des soins grâce à des unités mobiles, a en outre fait valoir la délégation. Pour 2018, les autorités prévoient la formation de plus de 500 agents communautaires de santé dans certaines régions, où se trouvent en particulier les populations autochtones.

Pour ce qui est du principe de consultation préalable, la délégation a assuré que, suite à un certain nombre de résolutions prises par le Pérou, en particulier dans le domaine des hydrocarbures, tout projet d’exploitation ou d’exploration minière passerait dorénavant par un processus de consultations préalables.

La délégation a ensuite expliqué que les autorités péruviennes contrôlaient les activités à l’intérieur des réserves afin d’éviter toute activité illégale. La réduction progressive de l’utilisation du mercure dans les mines est une priorité des autorités afin de protéger les populations autochtones, notamment en Amazonie, a-t-elle souligné, évoquant un plan national d’action sur le mercure afin de mettre en œuvre la Convention de Minamata sur le mercure. L’émission de mercure ne dépend pas, bien sûr, de la légalité de l’activité mais des techniques utilisées, a ensuite souligné la délégation. L’activité minière est très importante pour l’économie du pays, a-t-elle rappelé, avant d’ajouter que les entreprises minières travaillent au Pérou en toute légalité. Un dialogue entre les autorités et ces entreprises permet de discuter de toutes les questions sociales liées aux activités minières, a par ailleurs indiqué la délégation.

S’agissant de l’accès des peuples autochtones et afro-péruviens à la justice, la délégation a expliqué que des mesures concrètes avaient été prises dans ce domaine. Des programmes de formation ont été mis au point, à travers l’académie nationale de la magistrature, à l’intention des différents juges. Un premier cours de langue quechua pour les juges a été proposé cette année, a fait valoir la délégation. Des centres de justice disséminés à travers tout le pays fournissent aux citoyens différents services afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits. L’emplacement de chacun de ces centres est indiqué sur une carte géo-référencée et disponible sur Internet. À ce jour, a ajouté la délégation, plus de 80 interprètes et traducteurs sont répartis dans l’ensemble du pays pour proposer leurs services dans les langues autochtones dans le contexte des procédures judiciaires. Dans certaines affaires, les jugements ont été prononcés en langues autochtones, a insisté la délégation.

En ce qui concerne le recours à la force par les forces de l’ordre, le Pérou a approuvé la création d’un centre de formation pour former les forces de police à un usage adéquat de la force, notamment à l’occasion de manifestation, a poursuivi la délégation. Les procureurs reçoivent eux aussi une formation sur cette question. Il existe au Pérou quelque 80 conventions actuellement en vigueur qui ont été passées entre la police et le secteur privé, notamment avec des entreprises minières ; ces accords sont justifiés par le fait que le Pérou doit protéger ses investissements, a expliqué la délégation.

Différents groupes de travail ont été mis sur pied pour protéger les femmes autochtones et afro-péruviennes, a d’autre part indiqué la délégation. Le programme national contre la violence familiale et sexuelle s’est appuyé sur des processus participatifs afin de mettre en œuvre des mesures de prévention et de protection des violences faites aux femmes, dans les zones rurales en particulier.

La délégation a ensuite tenu à préciser que les femmes ne sont pas marginalisées au Pérou. Tout est mis en œuvre pour autonomiser les femmes et les responsabiliser dans toutes les sphères de l’État. Le Gouvernement compte cinq femmes ministres sur dix-huit et il y a par ailleurs trente-six femmes parlementaires au Congrès. Sur vingt juges de la Cour suprême, quatre sont des femmes. Ces chiffres sont en constante augmentation, a souligné la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que le Pérou offrait une alternative aux migrants vénézuéliens : une possibilité de refuge pour les personnes qui encourent un risque certain pour leur sécurité et une possibilité de permis de séjour temporaire pour les autres. Durant toute la procédure, ces personnes peuvent obtenir un visa de travail renouvelable tous les trois mois. Les requérants vénézuéliens peuvent accéder à un compte bancaire avec une carte (d’identité) de demandeur d’asile. Les enfants de migrants vénézuéliens ont aussi droit à l’enseignement et à l’accès aux soins de santé, a fait valoir la délégation péruvienne, avant de préciser que tous les migrants ont accès aux soins de santé, quel que soit leur statut migratoire. Le Pérou a reçu la reconnaissance de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour son action humanitaire face à l’immigration vénézuélienne dans le pays, a ajouté la délégation.

L’évaluation du deuxième Plan national de lutte contre le travail forcé (2013-2017) est maintenant achevée et le rapport y afférent devrait être disponible sous peu, a d’autre part indiqué la délégation. Les autorités se penchent désormais sur l’élaboration d’un troisième plan national dans ce domaine, a-t-elle précisé. La lutte contre le travail forcé est une priorité pour les autorités péruviennes, a assuré la délégation.

Les documents relatifs à la ratification de la Convention n°189 de l’OIT sur les travailleuses et les travailleurs domestiques ont été déposés pour signature, selon la procédure convenue au niveau national, afin que le dossier puisse ensuite être envoyé au Congrès pour ratification. Cette ratification devrait être une priorité du Congrès, a indiqué la délégation.

Le Pérou s’est doté de mécanismes d’auto-réglementation dans le domaine des médias, a d’autre part indiqué la délégation. Pour les citoyens, il existe en outre un mécanisme de plaintes contre des programmes ou contre des propos tenus dans les émissions. Le Ministre de la culture promeut une consommation responsable des moyens de communication, a ajouté la délégation. Les autorités péruviennes ont mené des campagnes pédagogiques afin de lutter contre tout stéréotypes ou préjugé racial dans les émissions de télévision, a-t-elle également fait valoir. Les autorités sont néanmoins limitées dans leurs moyens d’intervention en raison de la liberté d’expression, a affirmé la délégation. L’État met tout en œuvre pour que les télévisions ne transmettent plus de programmes qui diffusent des stéréotypes négatifs à l’encontre des populations autochtones, a-t-elle insisté.

Remarques de conclusion

M. Murillo Martinez s’est réjoui de ce dialogue constructif et de la présentation de toutes les mesures positives prises par le Pérou pour lutter contre les discriminations raciales. Renforcer la participation des populations autochtones à l’étude des mesures à prendre dans le cadre des changements climatiques serait une excellente initiative, a-t-il affirmé. Le Pérou a un défi considérable à relever en matière de protection des femmes contre les violences à leur encontre, a par ailleurs souligné le rapporteur. Le pays est néanmoins sur la bonne voie, a-t-il conclu.

M. SORIA FUERTE a remercié les membres du Comité pour leurs questions et observations, qui permettront au pays d’élaborer et de mettre en œuvre de nouvelles politiques. Le Pérou fera tout son possible pour réaliser les objectifs liés à la mise en œuvre de la Convention, a-t-il assuré. Le pays est bien conscient qu’il lui reste beaucoup à faire, a-t-il ajouté, avant de faire valoir les efforts déployés par le Pérou depuis de nombreuses années pour préserver les droits de l’homme de toutes les personnes présentes sur son territoire.


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CERD18.04F