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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LA PRÉSENTATION DES RAPPORTS SUR LA DETTE EXTÉRIEURE ET SUR LE LOGEMENT CONVENABLE

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l’homme a entendu, cet après-midi, la présentation des rapports de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure, M. Juan Pablo Bohoslavsky, et de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant, Mme Leilani Farha.

Dans son rapport thématique consacré, cette année, aux stratégies de logement basées sur les droits de l’homme, Mme Farha présente dix principes essentiels à cet égard. Au nombre de ces principes figure notamment le fait que les stratégies de logement doivent accorder la priorité à ceux qui sont dans le besoin, en particulier les sans-abri, et veiller à l’égalité au profit des femmes, des personnes handicapées et des groupes marginalisés et vulnérables. Les stratégies doivent aussi garantir une participation fondée sur les droits, grâce à laquelle les parties prenantes sont de véritables acteurs dans la prise de décision. Autre principe, chaque stratégie doit être accompagnée d’un budget raisonnable et d’un volet de justice fiscale, l’évasion fiscale étant un problème particulier dans le logement.

La Rapporteuse spéciale s’est dite d’autre part alarmée par la détérioration de la situation du logement dans le monde, observant que le nombre de sans-abri augmentait presque partout et que le logement devenait tout simplement inabordable, même pour la classe moyenne dans de nombreuses villes. Ce qui est peut-être encore plus préoccupant, a dit l’experte, ces atteintes à la dignité et à la vie sont acceptées comme des caractéristiques du nouvel ordre économique mondial. Mme Farha a ensuite présenté le rapport de sa visite au Chili en avril 2017.

Pour sa part, M. Bohoslavsky a indiqué que son rapport thématique décrivait les principaux problèmes rencontrés dans l’élaboration de principes directeurs destinés à aider les États et les institutions financières internationales à évaluer les conséquences sociales de leurs réformes économiques et politiques d’austérité. L’Expert indépendant a relevé, en effet, qu’il n’existait à ce jour pas de cadre général ni méthodologique pour étudier de manière adéquate les effets de ces réformes, qui sont le plus souvent justifiées par des analyses erronées prétendant dénoncer une augmentation excessive de la dépense publique, a-t-il ajouté. M. Bohoslavsky a ensuite rendu compte des visites qu’il a effectuées en Tunisie, au Panama et en Suisse dans l’exercice de son mandat.

Les quatre pays concernés par les rapports des deux experts ont ensuite fait des déclarations.

Le Conseil tiendra demain matin un débat interactif groupé avec les deux experts.


Cet après-midi à partir de 16 heures, le Conseil tient un débat de haut niveau pour célébrer le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et le vingt-cinquième anniversaire de la déclaration et du Programme d’action de Vienne.


Présentation des rapports sur la dette extérieure et sur le logement convenable

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, Mme Leilani Farha (A/HRC/37/53), accompagné d’une annexe concernant la mission de Mme Farha au Chili.

Le Conseil est également saisi du rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels (A/HRC/37/54). Dans ce rapport, l’Expert indépendant. M. Juan Pablo Bohoslavsky, examine l’élaboration de principes directeurs pour l’étude de l’impact des réformes économiques sur les droits de l’homme. Trois additifs au rapport concernent les visites effectuées par l’Expert indépendant en Tunisie, au Panama et en Suisse.

MME LEILANI FARHA, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination dans ce contexte, a présenté un rapport thématique concernant les stratégies de logement basées sur les droits de l’homme. Elle a rappelé que le Conseil lui avait demandé, l’année dernière, d’aider les États dans la mise en place des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et du Nouveau programme pour les villes. L’experte a précisé la distinction entre les politiques de logement – généralement composées de programmes visant une question en particulier – et les stratégies de logement, qui coordonnent les lois, programmes, politiques et décisions à plusieurs niveaux de gouvernement, et qui se préoccupent davantage des inégalités, l’objectif étant que personne ne soit laissé de côté et d’assurer un logement convenable pour tous.

Mme Farha a entendu de nombreux représentants d’États Membres évoquer les mesures prises pour améliorer les conditions de logement depuis qu’elle exerce son mandat, voici quatre ans. Ces interventions auraient pu lui donner l’impression que ces conditions s’amélioraient globalement, et pourtant il n’en est rien. Le nombre de sans-abri augmente presque partout dans le monde, les expulsions forcées se multiplient ; le nombre d’individus et de familles qui vivent dans des abris informels, sans accès aux services de base en l’absence de logements convenables abordables, est également à la hausse (880 millions environ en zones urbaines) ; des peuples autochtones sont évincés de leur terre par l’industrie extractive ; et le logement est tout simplement inabordable, même pour la classe moyenne dans de nombreuses villes. Et, ce qui est peut-être encore plus préoccupant, ces atteintes à la dignité et à la vie sont acceptées comme des caractéristiques du nouvel ordre économique mondial, s’est alarmée Mme Farha.

Le problème de garantir à tous un logement convenable d’ici à douze ans n’est donc plus seulement une question d’amélioration des programmes politiques, a affirmé Mme Farha, c’est une question de changement de focale, pour comprendre différemment le logement et le reconnaître comme un droit de l’homme. L’absence de logement, le logement non convenable et les expulsions forcées sont en effet des atteintes à la dignité, a expliqué la Rapporteuse spéciale. Les violations des droits de l'homme de cette nature ne peuvent pas être traitées comme de simples « erreurs de programme ».

Dans son rapport, Mme Farha présente dix principes essentiels pour une stratégie du logement fondée sur les droits. Au nombre de ces principes figure le fait que les stratégies de logement doivent accorder la priorité à ceux qui sont dans le besoin, en particulier les sans-abri, et veiller à l’égalité au profit des femmes, des personnes handicapées et des groupes marginalisés et vulnérables. Les stratégies doivent aussi garantir une participation fondée sur les droits, dans laquelle les parties prenantes sont de véritables acteurs dans la prise de décision. Autre principe, chaque stratégie doit être accompagnée d’un budget raisonnable et d’un volet de justice fiscale, l’évasion fiscale étant un problème particulier dans le logement.

Mme Farha a enfin présenté le rapport de sa visite au Chili en avril 2017. Elle a souligné que le pays avait investi des milliards de dollars dans l’aide au logement depuis 1990 et qu’aujourd’hui le taux de propriétaires est de 64 pour cent. Mais ce succès n’est pas dénué de paradoxe car nombre de ces logements sont de qualité médiocre et se trouvent en périphérie des villes, loin des possibilités d’emploi et sans transport décent. Cela est dû au fait que le Gouvernement s’est appuyé sur le secteur privé pour construire des logements, un secteur dont le principal objectif est de maximiser ses profits et non de garantir que les logements sont convenables, a expliqué la Rapporteuse. Cela débouche sur une ségrégation sociale des pauvres, contribuant à leur marginalisation et à leur discrimination. Le Gouvernement reconnaît et répond à certains de ces problèmes, a-t-elle précisé. La priorité pour le Chili est aujourd’hui de s’attaquer au problème des sans-abri ; à la discrimination des migrants, qui n’ont pas droit aux programmes d’aide au logement ; aux conditions de logement sur les terres ancestrales des peuples autochtones ; au droit de la propriété qui discrimine les femmes.

M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d'examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l'homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport thématique était le premier d’une série consacrée à l’évaluation des politiques de réformes économiques et à leurs impacts sur les droits de l'homme, en réponse à une demande antérieure du Conseil. Le rapport décrit les principaux problèmes rencontrés dans l’élaboration de principes directeurs pour encadrer les études d’impact en matière de droits de l’homme menées dans le contexte de politiques de réformes économiques. Le rapport identifie plusieurs initiatives et outils déjà disponibles pour traiter de cette question et souligne, notamment, que, pour des raisons économiques et juridiques, les programmes et politiques de réformes économiques doivent être inclusifs et faire avancer les droits de l'homme.

M. Bohoslavsky a fait observer que plusieurs mécanismes internationaux et régionaux de droits de l'homme avaient montré que les coupes budgétaires pratiquées par certains pays ont des répercussions sur les droits de l'homme, tels la santé, l’éducation, l’alimentation, le logement ou encore la sécurité sociale et l’eau et l’assainissement, voire la liberté d'expression et de réunion pacifique. Or, ces politiques d’austérité n’ont pas uniquement été mises en place dans les pays européens, puisque comme le note le rapport, presque 80% de la population mondiale est touchée par des mesures d’austérité. Elles sont le plus souvent justifiées par des analyses erronées prétendant dénoncer une augmentation excessive de la dépense publique, sans considération des conséquences sociales. Mais, à ce jour, il n’existe aucun cadre général ni méthodologique pour étudier et évaluer de manière adéquate les effets de ces réformes. Les principes directeurs aideront donc les États et les institutions financières internationales à évaluer l’impact de ces réformes, a conclu l’Expert indépendant.

Présentant ses rapports de pays, l’Expert indépendant a dit prendre bonne note des progrès de la transition démocratique en Tunisie. Mais ceux-ci sont peuvent être menacés si le pays n’est pas accompagné dans les domaines économiques, sociaux et culturels pour répondre aux aspirations de la population, comme le montrent les manifestations récentes. La dette publique tunisienne pourrait devenir insoutenable, a prévenu l’expert.

Concernant le Panama, M. Bohoslavsky a noté que si, entre 2008 et 2016, les chiffres disponibles montrent une réduction constante de la pauvreté, cette évolution n’est pas proportionnelle à la croissance économique. En 2016, environ 2,8% de la population urbaine vivait dans l’extrême pauvreté, tandis que la moyenne rurale s’établissait à 24,8%, soit un chiffre neuf fois plus élevé. Alors que l’affaire des Panama Papers a révélé des pratiques financières opaques et d’évasion fiscale, l’Expert indépendant est d’avis que le Panama devrait se doter d’un système de régulation bancaire plus robuste et faire de l’évasion fiscale un délit pénal et non plus seulement une infraction administrative ou fiscale.

Concernant enfin la Suisse, M. Bohoslavsky s’est réjoui de la politique des droits de l'homme cohérente développée par la Confédération au plan national et international. Le pays a même élaboré de bonnes pratiques en matière financière dont pourraient s’inspirer d’autres pays. Mais il y a encore beaucoup à faire en matière de responsabilité, de régulation et de supervision du marché bancaire suisse, dans le but de prévenir les impacts négatifs des transactions financières illicites, a conclu l’Expert indépendant.

Pays concernés

Le Chili s’est félicité du dialogue fructueux avec la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant. Le Chili s’est dit d’accord avec le diagnostic de l’experte relatif aux difficultés qu’il doit surmonter dans le domaine du logement. Le Chili s’est engagé à réaliser les Objectifs de développement durable. Dans ce cadre, le Chili est l’un des premiers pays à avoir présenté un rapport volontaire dans ce domaine. Il défend une approche transversale des droits de l’homme pour les intégrer à toutes les politiques nationales, notamment celles qui ont trait au droit au logement. Les politiques urbaines se fondent sur des institutions de plus en plus solides qui permettent aux personnes les plus vulnérables d’avoir accès à des logements répondant aux normes de qualité. Le Chili a reconnu qu’il restait des problèmes à résoudre dans le domaine des logements informels.

Pays concerné par le rapport de l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure, la Tunisie a souligné que la phase de la démocratisation actuelle était la plus importante qu’ait connu le pays. Malgré les défis importants que la Tunisie doit relever, elle a établi une ligne claire pour protéger et promouvoir tous les droits de l’homme de sa population. La Tunisie a expliqué que la loi de réconciliation concerne la reddition des comptes des fonctionnaires en cas d’erreur : il s’agit de mesures spéciales qui visent à révéler la vérité, à assurer une réparation et prévoir une conciliation – à moins que les actes ne constituent des actes de corruption. Il ne s’agit pas d’une loi de « deux poids et deux mesures » : il s’agit plutôt d’une loi qui vise à clore de vieux dossiers, a assuré la Tunisie.

Une loi adoptée cette année vise à préserver le pouvoir d’achat des personnes les plus vulnérables, a par ailleurs expliqué la délégation. Le Gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter le prix des denrées de base. Un citoyen peut exercer son droit à la manifestation pacifique en vertu de la Constitution. Cependant, le devoir des autorités est aussi de protéger les institutions, a déclaré la délégation, en affirmant que les manifestations avaient été encadrées avec retenue, conformément à la loi.

Autre pays concerné par le rapport de M. Bohoslavsky, le Panama s’est félicité d’une croissance économique qui lui permet d’améliorer progressivement la qualité de vie des citoyens. Le principal objectif du Gouvernement est que le revenu national soit redistribué au profit du développement humain, sans incidence négative pour les générations futures. La délégation a expliqué que les autorités panaméennes s’étaient résolument engagées dans le renforcement de la législation interne. Le Panama présente un niveau d’efficacité très élevé concernant la mise en œuvre de son plan national. Le pays fait aussi preuve de transparence, a assuré sa délégation.

La Suisse a expliqué avoir adressé une invitation permanente à toutes les procédures spéciales thématiques des Nations Unies. L’Expert indépendant a ainsi pu mener tous les entretiens désirés durant sa visite de dix jours en Suisse. La délégation suisse a expliqué que son pays était entièrement acquis à la cause de la lutte contre le blanchiment d’argent, contre le financement du terrorisme, contre l’évasion fiscale et contre les flux financiers illicites. La Suisse poursuit par ailleurs, depuis longtemps, une politique proactive en ce qui concerne les avoirs illicites détenus [chez elle] par des « personnes politiquement exposées ».

Enfin, la Suisse poursuit son engagement dans la lutte contre la corruption sur le plan international, notamment au sein de l’ONU, de la Banque mondiale, de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques ainsi qu’en coopération avec les États du G20 et du G7. La Suisse a estimé que le rapport de l’Expert indépendant ne donnait qu’une image partielle de cette situation. La délégation a rappelé que la Suisse avait approuvé les 17 recommandations d’action contenues dans le rapport de l’Expert indépendant, qui visent notamment à accroître la transparence, à améliorer la lutte contre le blanchiment et à promouvoir la responsabilité des entreprises et de l’État.


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HRC18/012F