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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir la Norvège, le République populaire démocratique de Corée et le Guatemala.

S'agissant de la Norvège, ont particulièrement été évoquées les violences faites aux femmes, la prévention de la traite de personnes, la situation des travailleuses du sexe, les discriminations contre les femmes migrantes, les conditions des femmes détenues et la situation des femmes sami.

En ce qui concerne la République populaire démocratique de Corée, les violences contre les femmes, l’absence de recours juridiques pour les femmes face aux violations de leurs droits, ainsi que la situation des femmes détenues, notamment les violences sexuelles à leur encontre, ont particulièrement été évoquées.

Pour ce qui est du Guatemala, la situation des femmes et jeunes filles autochtones, s’agissant notamment des grossesses adolescentes et du fort taux de mortalité maternelle, ainsi que les féminicides, les violences sexuelles et la situation des travailleuses domestiques et migrantes ont été particulièrement débattus.

Le Comité entamera demain matin, à 10 heures, l’examen du rapport de la Norvège (CEDAW/C/NOR/9).

Audition de la société civile

S’agissant de la Norvège

The Secretariat of the Shelter Movement of Norway a affirmé que les femmes victimes de violences ne sont pas suffisamment protégées en Norvège, ajoutant qu’une femme norvégienne sur dix a été victime de viol et que seule une victime de violences graves sur quatre ose porter plainte. Sur les cas présentés devant un tribunal, un cas sur quatre voit l’auteur acquitté. Il n’y a pas assez de campagnes de sensibilisation sur les violences contre les femmes. Il faut prendre les mesures nécessaires pour protéger ces victimes, a insisté l’ONG.

Amnesty International a estimé que les femmes et les personnes LGBTI n’étaient pas suffisamment prises en compte par le Gouvernement norvégien. En outre, il n’y a pas assez d’initiatives pour sensibiliser la population, dès l’école, contre les violences sexuelles. Il n’y a pas non plus assez de juges spécialisés dans ce domaine. Les travailleuses du sexe sont quant à elles vulnérables à l’exploitation et victimes de traite; en outre, elles n’ont pas suffisamment accès à la justice, a ajouté l’ONG.

The Norwegian Union of Municipal and General Employees and the Confederation of Unions of Professionals a expliqué que les changements concernant l’organisation du temps de travail, notamment pour ce qui est du travail nocturne, risquaient de toucher davantage les femmes, lesquelles sont en effet largement majoritaires dans les secteurs concernés, comme celui de la santé. Il y a dans ce contexte un risque de voir augmenter les erreurs et les accidents professionnels, a précisé l’ONG.

Women’s Front of Norway a rappelé la loi contre la traite des personnes adoptée par la Norvège, avant de souligner que le pays devait renforcer les programmes de réinsertion pour les victimes. La Norvège doit étudier attentivement chaque demande d’asile afin d’éviter tout nouveau cas de traite.

PION a expliqué que les risques sont de plus en plus importants pour les travailleuses du sexe: les prostituées sont en effet de plus en plus éloignées des centres urbains et ne peuvent pas réellement porter plainte car la police ne les prend pas au sérieux.

Forum for Women and Development a rappelé que les femmes doivent avoir accès à l’aide juridictionnelle et que le Gouvernement doit pour cela fournir une aide afin que les femmes puissent faire valoir leurs droits tels qu’ils sont prévus par la loi. Les femmes ne sont souvent pas en mesure de faire valoir leurs droits de la même manière que les hommes et faute d’aide juridictionnelle, elles en perdront donc la jouissance. L’ONG a dénoncé les discriminations dont sont victimes les femmes et les jeunes filles réfugiées dans de nombreux domaines, comme l’accès aux soins de santé, notamment.

Resource Centre for Black, Immigrant and Refugee Women a souligné que l’égalité entre hommes et femmes touche les femmes blanches mais pas les femmes immigrées, lesquelles restent victimes de nombreuses discriminations. Les restrictions associées à la politique d’immigration empêchent les femmes de pouvoir jouir de leurs droits. Les femmes migrantes sont victimes de violences sexuelles et de nombreuses discriminations, notamment dans les domaines du travail et de la santé, a insisté l’ONG.

L’institution nationale des droits de l’homme de la Norvège a souligné que, dans les prisons norvégiennes, les conditions qui sont celles des femmes privées de liberté sont moins bonnes que celles des hommes. Les prisons du pays sont organisées en fonction des besoins des hommes détenus et cela se ressent notamment dans l’architecture des locaux et dans les activités disponibles. Dans les prisons mixtes, les femmes détenues sont victimes de harcèlement de la part des hommes détenus. En outre, la violence sexuelle est un problème de grand ampleur en Norvège ; les statistiques de la police montrent une augmentation du nombre de plaintes déposées auprès des commissariats pour violences sexuelles. Il faut renforcer les capacités d’investigation dans les cas de violences sexuelles. Les femmes sami sont davantage touchées que les autres par les violences sexuelles et l’État norvégien devrait entamer des recherches sur les causes de ces violences au sein de cette communauté sami et adopter un plan d’action pour les prévenir et les combattre.

Un représentant du Parlement sami a expliqué que 49% des femmes sami ont fait face à des violences sexuelles, physiques ou psychologiques au cours de leur vie; dans la plupart des cas, l’auteur est connu de la victime. Une étude a signalé que de nombreux ressortissants sami souffrent de la politique de « norvéginisation » de la communauté sami. Le personnel des services publics manque de connaissance de la langue sami, ce qui fait que les femmes sami rencontrent des difficultés pour accéder à la justice et dénoncer des faits de violence.

L’Ombudsman norvégien pour l’égalité et contre la discrimination a attiré l’attention du Comité sur les causes profondes des violences basées sur le genre et sur les stéréotypes négatifs, en soulignant que la culture des jeunes est de plus en plus marquée par la sexualisation des filles. Environ 34% des enfants norvégiens ont déjà regardé de la pornographie sur Internet et c’est deux fois plus que la moyenne européenne, a-t-il ajouté. Le Gouvernement norvégien doit mettre en œuvre des stratégies afin de combattre les violences basées sur le genre et les stéréotypes négatifs, notamment dans le domaine de l’éducation, a-t-il indiqué. Un autre problème est la discrimination dans le domaine de l’accès au marché du travail; les femmes migrantes non européennes sont surreprésentées dans le travail à temps partiel. Enfin, la violence numérique contre les femmes et les filles est un problème nouveau qui a souvent un effet dévastateur sur les victimes.

Suite à ces exposés, une experte du Comité a demandé davantage d’informations sur l’accès des femmes à l’aide juridictionnelle. Elle a en outre souhaité savoir ce qui empêchait de changer la législation concernant le viol. Une autre experte a demandé s’il y avait un mécanisme de suivi et d’évaluation de l’application des lois après leur promulgation.

Une ONG a souligné que la nouvelle majorité politique en Norvège n’envisageait pas de modifier la législation sur le viol. Une autre ONG a expliqué que les coupes opérées, en termes de ressources, dans l’aide juridictionnelle allaient toucher de façon prépondérante les femmes et plus particulièrement les femmes vulnérables, notamment les étudiantes ou les femmes placées dans des centres.

S’agissant de la République populaire démocratique de Corée

Database Center for North Korean Human Rights a affirmé que les violences contre les femmes sont pratiquées de manière systématique dans le pays. Les femmes ne disposent pas de recours juridiques face aux violations de leurs droits. La violence contre les femmes est perpétrée systématiquement par les agents de l’État, a insisté l’ONG. Certains groupes de femmes sont particulièrement vulnérables, a-t-elle souligné. Il y a de nombreux cas recensés de violences contre les femmes en détention; la quasi-totalité d’entre elles sont victimes de violences sexuelles. Les victimes de traite sont quant à elles placées en détention, a poursuivi l’ONG, ajoutant qu’il est assez courant que les femmes nord-coréennes soient victimes de traite vers la Chine. L’ONG a en outre dénoncé l’absence de soutien du Gouvernement pour les victimes de traite. Les violations des droits de femmes en République populaire démocratique de Corée sont extrêmement répandues et il n’y a pas d’institutions spécifiques auprès desquelles il est possible de porter plainte contre ces violations, a insisté l’ONG.

Citizen’s Alliance for North Korean Human Rights a souligné qu’étant donné qu’il n’y a pas d’organisation défendant les droits des femmes en République populaire démocratique de Corée, il est difficile de savoir comment les autorités ont pu recueillir les données présentées dans le rapport. En outre, il n’y a pas de possibilité de porter plainte dans les cas de violation des droits des femmes et les femmes ne comprennent même pas le concept même de «plainte», a ajouté l’ONG. De plus, il n’y a pas de financement pour les hôpitaux et les écoles en dehors de Pyongyang. Par ailleurs, le Gouvernement ne fait état que d’un nombre bien trop peu important de femmes en détention, lesquelles sont en outre victimes de travail forcé, certaines étant même victimes de torture.

Suite à ces exposés, une experte a relevé que la République populaire démocratique de Corée avait levé sa réserve concernant la possibilité pour les femmes nord-coréennes de transmettre leur nationalité à leur enfant; elle a ensuite demandé si des recours étaient prévus pour corriger toutes les décisions discriminatoires ayant précédé l’adoption de la nouvelle législation allant dans ce sens.

Une ONG a expliqué que les enfants nés avant la nouvelle loi n’avaient pas de recours et qu’aucune réparation n’était prévue pour eux; ils sont donc aujourd’hui apatrides. Ainsi, les enfants de femmes nord-coréennes qui ont été en Chine et y ont donné naissance à un bébé n’ont accès ni à la nationalité nord-coréenne, ni à la nationalité chinoise.

S’agissant du Guatemala

Indigenous Women’s Movement of Guatemala a déclaré que les femmes autochtones font face à des taux de mortalité maternelle beaucoup trop élevés et a fait observer que la représentation des femmes autochtones dans les institutions est de seulement 0,58%. En outre, il n’y a pas de prestations sociales au profit de ces femmes autochtones et les violences à leur encontre sont historiques et structurelles. Le taux d’analphabétisme au sein de ces communautés est également très important, a ajouté l’ONG. En 2014, il y a eu 39 500 grossesses concernant des filles âgées de 10 à 17 ans dans les départements où la population est majoritairement autochtone. Il faut récolter des données ventilées en fonction de l’origine ethnique afin de pouvoir mettre en lumière les discriminations que subissent les femmes autochtones.

Pour The Guatemalan Women’s Group and Network Against Violence Against Women, il y a eu au Guatemala un retour en arrière depuis 2011 en termes de progrès enregistrés par les organisations féministes. Deux femmes sont assassinées chaque jour dans le pays et le taux de violences sexuelles y est très important. La loi censée contrer ces phénomènes n’est pas pleinement mise en œuvre et il n’y a pas assez de juges spécialisés. En outre, les institutions qui défendent les droits des femmes n’ont pas reçu les fonds nécessaires pour fonctionner efficacement. Il faudrait récolter des données ventilées concernant l’accès des femmes à la terre. Les questions de genre ne sont pas prises en compte dans les politiques de l’État, a insisté l’ONG.

Youth Network for Advocacy Policy (INCIDEJOVEN) a déclaré que les conditions de vie des jeunes filles sont alarmantes au Guatemala. L’ONG a déploré l’augmentation constante des grossesses adolescentes. En outre, les violences sexuelles sont très répandues dans ce pays, a-t-elle ajouté. L’État ne reconnaît pas que forcer une jeune fille à se marier et à devenir mère est une forme de torture. Les derniers gouvernements ont bloqué les initiatives visant à renforcer les droits en matière de santé génésique et sexuelle. Il faut que le Guatemala reconnaisse les jeunes filles comme des sujets de droits, a insisté l’ONG.

The Association of Domestic Workers Domicile and Maquila (ATRAHDOM) a affirmé qu’au Guatemala, les droits des travailleurs domestiques sont violés. Il faut que le Guatemala ratifie la Convention n°189 de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Il faut en outre que le pays crée des mécanismes de protection pour les travailleuses migrantes, notamment dans le secteur du textile; en effet, les personnes qui travaillent dans les ateliers voient leurs droits à la sécurité sociale ou à la santé violés. Il faut que ces travailleurs aient les mêmes droits que tous les autres travailleurs, a insisté l’ONG.

L’institution nationale des droits de l’homme du Guatemala (Ombudsman) a fait observer qu’en 2017, quelque 564 femmes ont été assassinées dans le pays, la majorité de ces décès étant dus à des armes à feux et à des armes blanches. L’exploitation sexuelle et la traite de personnes sont également des fléaux dont l’État guatémaltèque ne tient malheureusement pas compte, alors qu’il devrait prendre des mesures adaptées afin de les prévenir. Il convient en outre de déplorer l’absence d’efforts efficaces visant à sanctionner les auteurs de ces crimes, ainsi que l’absence de réparations suffisantes pour les victimes. D’autre part, les crimes sexuels ont augmenté ces dernières années. Par ailleurs, les grossesses d’adolescentes ont des répercussions importantes sur le taux de mortalité maternelle.

Suite à ces présentations, une experte a demandé si le Code pénal guatémaltèque avait été modifié pour permettre une meilleure protection des femmes contre les viols et les agressions. Une autre experte s’est enquise des répercussions des conflits agraires sur la situation des familles et des femmes. Elle a aussi souhaité savoir de quels types de violations étaient victimes les travailleuses domestiques. Une autre experte a demandé davantage d’informations sur la législation en matière d’avortement.

Une ONG a expliqué que certaines politiques publiques ne sont pas suffisamment promues et ne s’accompagnent pas d’un budget suffisant pour permettre leur pleine application; il en va ainsi des politiques de lutte contre les violences sexuelles et de lutte contre la mortalité maternelle. L’avortement reste la deuxième cause de mortalité maternelle, a expliqué une autre ONG.




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CEDAW/17/39F