Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME PORTE SON ATTENTION SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, un dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, et avec le Président-Rapporteur du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, M. Albert Kwokwo Barume. Il a également entendu le Président du Président du Conseil d’administration du Fonds volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones, M. Binotha Dhamai, faire un exposé sur l’état du fonds, qui permet aux peuples autochtones et à leurs représentants de participer concrètement aux réunions des Nations Unies qui les concernent directement, et qui organise à l’intention de leurs représentants des modules de formation à Genève et à New York.
À l’occasion du dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, célébré par le Conseil plus tôt dans la journée, Mme Tauli-Corpuz a salué les progrès dans la mise en œuvre de ce document, notamment l’émergence de lois et politiques nationales pour protéger les droits des personnes autochtones et l’intégration des droits figurant dans ladite Déclaration dans les mécanismes régionaux des droits de l’homme, comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme.
La Rapporteuse spéciale a souligné, nonobstant, que la communauté internationale se trouvait dans une impasse : si la Déclaration elle-même n’est pas mise en cause, ses dispositions, elles, ne sont pas pleinement appliquées. Mme Tauli-Corpuz a attribué cette impasse, en partie, à la non-reconnaissance des peuples autochtones et à la criminalisation des défenseurs des droits des personnes autochtones par certains États.
La Rapporteuse spéciale, qui présentait son rapport thématique relatif à l’impact des changements climatiques sur les droits des peuples autochtones, a indiqué que les peuples autochtones représentent 5% de la population mondiale mais 15% des personnes vivant dans la pauvreté. Partant, et à l’instar d’autres organismes de l’ONU, elle a plaidé pour l’inclusion de dispositions concernant les peuples autochtones dans les Accords de Paris sur le climat.
L’Australie et les États-Unis sont intervenus en tant que pays concernés par les visites de Mme Tauli-Corpuz. La Commission des droits de l’homme de l’Australie est aussi intervenue, par vidéoconférence.
Pour sa part, le Président-Rapporteur du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (EMRIP), M. Albert Kwokwo Barume, a brossé les grandes lignes d’une étude sur les bonnes pratiques et les défis en matière de lutte contre la discrimination des peuples autochtones et d’accès aux services financiers. M. Kwokwo Barume a également présenté le rapport du Mécanisme d’experts intitulé : « Dix ans de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : bonnes pratiques et enseignements tirés de l’expérience, 2007-2017 ». Le Président-rapporteur a en outre fourni des informations sur les nouvelles méthodes de travail du Mécanisme d’experts suite à l’amendement de son mandat, en particulier la simplification de la procédure de requêtes urgentes.
Lors du débat interactif auquel ont pris part de nombreuses délégations et organisations non gouvernementales, il a été souligné que le mandat révisé du Mécanisme d’experts lui octroyait des moyens d’interaction avec les États et les bailleurs de fonds. Soulignant le caractère unique de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, des intervenants ont appelé à la mise en œuvre concrète de ses dispositions par l’adoption de mesures juridiques et pratiques visant à la protection des peuples autochtones dans tous ses aspects, et plus particulièrement dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et de l’Accord de Paris sur le climat. D’autres orateurs ont plaidé en faveur du respect des ressources naturelles des peuples autochtones et de leur droit à l’autodétermination, de même que du respect de leurs savoirs.
L’Argentine, le Brésil et la Fédération de Russie ont exercé leur droit de réponse en fin de séance.
Le Conseil poursuivait ses travaux en fin d’après-midi en tenant un dialogue avec son Comité consultatif, avant d’engager son débat général sur les organismes et mécanismes de protection des droits de l’homme.
Droits des peuples autochtones
Présentations de rapports
Le Conseil est saisi des rapports de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes autochtones (A/HRC/36/46, à paraître en français et Add.1 et 2).
MME VICTORIA TAULI-CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes autochtones, a rappelé que 2017 marquait le dixième anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Elle a noté certains progrès dans la mise en œuvre de la Déclaration, notamment dans l’émergence de lois et de politiques nationales pour protéger les droits des autochtones. La Déclaration est source de droit pour les mécanismes régionaux de droits de l’homme comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a-t-elle fait valoir.
Mme Tauli-Corpuz a ensuite souligné qu’avec d’autres organismes onusiens, elle avait plaidé avec succès pour l’inclusion de dispositions concernant les peuples autochtones et les droits de l’homme dans les Accords de Paris. Elle s’est réjouie que le Programme de développement durable à l'horizon 2030 établisse des indicateurs pertinents pour les peuples autochtones.
La communauté internationale est actuellement dans une impasse, a fait observer la Rapporteuse spéciale: la Déclaration n’est pas remise en cause, mais ces dispositions ne sont pas appliquées. Les États reconnaissent certes certains problèmes relatifs aux droits des personnes autochtones, mais cela ne les exempte pas de mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration, a-t-elle souligné.
La meilleure manière de célébrer ce dixième anniversaire de la Déclaration est d’identifier les obstacles à sa mise en œuvre à tous les niveaux, a indiqué Mme Tauli-Corpuz. Certains États ne reconnaissent pas les peuples autochtones et il s’agit là d’une barrière à la mise en œuvre des droits de ces peuples, a-t-elle souligné. D’autres États adoptent des législations concernant les droits des peuples autochtones, mais ces législations se retrouvent souvent en contradiction avec d’autres normes, a-t-elle en outre fait observer. Les législations relatives aux droits des personnes autochtones doivent être appliquées et respectées, a-t-elle insisté, ajoutant que le fait que les droits des personnes autochtones ne soient pas respectés est pour elle une préoccupation majeure. Traduire les droits dans la pratique se fera par l’adoption, de concert avec les populations autochtones, de politiques nationales qui permettront de mettre en œuvre des plans stratégiques, a expliqué Mme Tauli-Corpuz. Une autre difficulté est l’absence d’indicateurs, qui rend difficile toute mesure de l’efficacité des politiques en faveur des peuples autochtones.
Mme Tauli-Corpuz a ensuite indiqué avoir entrepris une série d’activités dans le cadre de son mandat et ce, dans quatre domaines de travail visant respectivement à encourager les bonnes pratiques, à rédiger des rapports thématiques, à rédiger des rapports de pays et à répondre aux cas de violations des droits de l’homme.
Présentant son rapport thématique sur l’impact des changements climatiques sur les droits des peuples autochtones, Mme Tauli-Corpuz a expliqué que les peuples autochtones font partie de ceux qui ont le moins contribué aux changements climatiques, mais ils en sont les premières victimes, la plupart d’entre eux dépendant d’écosystèmes vulnérables au changement climatique. Les peuples autochtones représentent 5% de la population mondiale mais 15% des personnes vivant en situation de pauvreté, a-t-elle souligné. Plus de 100 millions de personnes risquent de vivre en situation d’extrême pauvreté en raison du changement climatique, a relevé Mme Tauli-Corpuz.
Cependant, les peuples autochtones occupent une position unique pour s’adapter aux changements climatiques ; ils sont un réservoir de connaissance dans le domaine de la préservation de l’écosystème, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques a montré que ces peuples peuvent puiser dans leurs connaissances traditionnelles pour s’adapter aux changements climatiques.
Les engagements financiers dans le cadre des changements climatiques n’ont pas encore été pris, a par ailleurs regretté Mme Tauli-Corpuz. Le Fonds vert pour le climat doit intégrer les peuples autochtones dans la prise de décision pour appliquer des mesures de sauvegarde. Le financement du climat devrait renforcer les droits des personnes autochtones, a affirmé la Rapporteuse spéciale, avant de faire observer qu’au contraire, leurs droits ont été bafoués lors de la mise en œuvre de certains projets d’énergie renouvelable. Certains mécanismes de financement s’agissant du climat ne reconnaissent pas les normes de droits de l’homme, a regretté la Rapporteuse spéciale.
Mme Tauli-Corpuz a ensuite rendu compte de la visite qu’elle a effectuée en Australie du 20 mars au 3 avril dernier. Elle a indiqué regretter d’avoir observé toutes les tendances négatives en dépit de l’engagement de l’Australie à mettre en œuvre les droits des peuples autochtones. Les autorités australiennes n’ont pas permis de mettre en œuvre le droit à l’autodétermination dans ce contexte, a-t-elle notamment déploré. Le taux d’incarcération des personnes issues des populations autochtones est très élevé, a-t-elle ajouté. Les Aborigènes et les insulaires du détroit de Torrès représentent 27% de la population carcérale en Australie alors qu’ils constituent 3% de la population australienne. D’après certaines projections, ils devraient représenter 50% de la population carcérale d’ici 2020, a insisté la Rapporteuse spéciale. Les enfants des peuples autochtones représentent quant à eux 94% des enfants détenus dans deux centres de détention pour enfants visités par la Rapporteuse spéciale. La détention d’enfants doit rester une mesure exceptionnelle, a rappelé Mme Tauli-Corpuz. De graves atteintes aux droits de l’homme ont été commises à l’encontre des enfants aborigènes en détention, a-t-elle déploré. Elle a ensuite relevé qu’il y avait très peu de progrès dans le domaine de l’éducation, de l’accès aux soins et de l’emploi pour les peuples autochtones en Australie. Leur espérance de vie est toujours de 10 ans moindre que celle du reste de population, a-t-elle en outre fait observer. Pour terminer sur une note positive, Mme Tauli-Corpuz a salué l’engagement des Aborigènes et des insulaires du détroit de Torrès dans les mesures innovantes mises en œuvre pour soutenir leurs communautés.
La Rapporteuse spécial a ensuite rendu compte de la visite qu’elle a effectuées aux États-Unis du 22 février au 3 mars 2017. Elle a souligné que de nombreux peuples autochtones estiment qu’il n’est pas tenu compte des conséquences futures des projets d’extraction menés sur leurs terres, notamment dans le cadre du projet de pipelines dans le Dakota, dont ils ont été exclus de l’élaboration. L’objectif n’est pas seulement de donner aux tribus la possibilité d’être entendues; il est aussi de donner aux décideurs fédéraux les informations nécessaires pour protéger les intérêts de ces tribus, a expliqué Mme Tauli-Corpuz. La Rapporteuse spéciale a dans ce contexte dénoncé la criminalisation des peuples autochtones et l’intervention militaire contre ceux qui s’opposaient pacifiquement au projet de pipeline ayant des effets néfastes sur leur terre et leur environnement. Il faut que les autorités concernées se dotent de pratiques cohérentes et consultent les tribus lorsque des projets ont des répercussions sur les peuples autochtones. Pour tous les projets d’extraction, les États-Unis devraient exiger une évaluation des impacts sur l’environnement et sur les droits des peuples autochtones, a recommandé la Rapporteuse spéciale.
Mme Tauli-Corpuz a enfin dénoncé le fait que certains pays nient les droits des personnes autochtones, ainsi que la tendance croissante qui consiste à ériger en crime les activités des mouvements de défense des droits des personnes autochtones.
Le Conseil est aussi saisi des rapports du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (A/HRC/36/56 et A/HRC/36/57).
M. ALBERT KWOKWO BARUME, Président-Rapporteur du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, a souhaité à tous les représentants des peuples autochtones présents dans la salle, et plus particulièrement les jeunes, un joyeux dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (adoptée le 13 septembre 2007). M. Kwokwo Barume a indiqué que ce document a vu le jour dans la salle du Conseil et fait partie des toutes premières décisions prises par cet organe. Le caractère unique de cet instrument justifie la nécessité de procéder à un inventaire des réalisations au cours de la décennie écoulée, a-t-il expliqué.
M. Kwokwo a ajouté qu’en vertu des résolutions 33/13 et 33/25, et en sus du rapport annuel au Conseil, le Mécanisme d’experts soumet à cette session une étude sur les bonnes pratiques et les défis, notamment en termes de discrimination, dans le commerce et dans l’accès des peuples autochtones, surtout les femmes et les personnes handicapées, aux services financiers, ainsi qu’un rapport intitulé : « Dix ans de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : bonnes pratiques et enseignements tirés de l’expérience, 2007-2017». Il a salué l’amendement par le Conseil du mandat du Mécanisme qu’il préside (cf. résolution 33/25) et a assuré que les experts dudit Mécanisme s’évertuent à le rendre opérationnel en espérant que les États Membres, les peuples autochtones et d’autres parties prenantes s’impliqueront et apporteront leur appui. M. Kwokwo Barume a ensuite annoncé que le Mécanisme d’experts avait d’ailleurs fini de mettre au point ses méthodes de travail et que les procédures de soumission de requêtes seront publiées en ligne immédiatement après cette session.
S’agissant de l’étude sur les bonnes pratiques et les défis/difficultés, le Président-Rapporteur a salué la contribution de University of Colorado Law School qui, en mars dernier, a accueilli un séminaire d’experts de préparation de l’étude. M. Kwokwo Barume a souligné que les entreprises ou économies des peuples autochtones sont les manifestations de nombre de leurs droits: autodétermination, vie digne et priorités et stratégies fondamentales pour l’exercice de leur droit au développement, respectivement garantis par les articles 3,15 et 23 de la Déclaration. L’étude révèle en particulier que les entreprises autochtones, générant des milliards de dollars, contribuent aux économies nationales et que ces contributions pourraient être mieux jaugées et valorisées. Il a fait remarquer que les communautés autochtones dont les ressources et les terres sont reconnues et protégées ont tendance à s’engager plus ouvertement dans des activités commerciales, notamment à travers leurs propres industries extractives. Axée sur les droits de l’homme, l’étude identifie plusieurs obstacles structurels empêchant les autochtones de donner libre cours à leurs potentiels par le biais d’entreprises et d’un accès égal aux marchés financiers en vue de jouir de leur droit à un développement autonome, tel que garanti par la Déclaration. L’étude s’achève avec le conseil n°10 du Mécanisme d’experts qui contient des mesures à l’intention des États, des peuples autochtones et d’autres parties prenantes pour résoudre des difficultés telles que la discrimination dans l’accès aux services financiers, l’absence de protection juridique des droits fonciers ou encore s’agissant des ressources, du manque de gouvernance inclusive et de leadership commercial des autochtones, de même que pour relever des défis spécifiques aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées autochtones.
Le Président-Rapporteur a également présenté le rapport sur la mise en œuvre de l’alinéa 2.B de la résolution 33/25 sur les bonnes pratiques, les leçons apprises et les principales tendances concernant la mise en œuvre de la Déclaration, premier rapport du genre à être soumis dans le contexte du nouveau mandat. Il a annoncé que le Mécanisme d’experts travaillera à un autre rapport axé sur les commissions vérité et réconciliation.
M. BINOTA DHAMAI, Président du Conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones, a quant à lui rappelé le rôle fondamental qu’avait joué le Fonds en son temps pour faire adopter la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Le Fonds permet aux peuples autochtones et à leurs représentants de participer concrètement aux réunions des Nations Unies qui les concernent directement. Au-delà de cette aide financière individuelle, le Fonds organise des modules de formation à Genève et à New York pour aider les représentants autochtones à participer de manière plus efficace aux réunions, à mieux cibler leurs interventions et à contribuer à l’application des recommandations. M. Dhamai a remercié les États qui ont contribué au Fonds en 2016/2017 et a appelé tous les autres États à envisager de faire de même.
Pays concernés
L’Australie a assuré qu’elle examinait attentivement les recommandations de la Rapporteuse spéciale. L’Australie travaille en partenariat avec aborigènes d’Australie et ses programmes obtiennent de bons résultats, a ajouté la délégation australienne. L’Australie s’engage à obtenir de meilleurs résultats encore dans les domaines essentiels de la santé, de l’emploi et de la sécurité des communautés, a-t-elle indiqué. Les autorités australiennes entendent aussi remédier aux causes de l’incarcération des Aborigènes : elles investissent 250 millions de dollars australiens par an dans la sécurité communautaire, les programmes de justice pénale, les mesures de protection de la jeunesse et la prévention de la consommation d’alcool et de substances psychotropes, a fait valoir la délégation.
La défense des droits des autochtones en Australie et dans le monde entier est l’un des cinq piliers qui sous-tendent la candidature australienne au Conseil des droits de l’homme, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement australien défend les droits des peuples autochtones au sein du système des Nations Unies; il a ainsi défendu avec fierté le principe de l’autonomisation économique des peuples autochtones devant le Mécanisme d’experts des Nations sur les droits des peuples autochtones, le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale et la Commission de la condition de la femme, a fait valoir la délégation.
L’Australie est consciente qu’il lui reste des progrès à faire pour donner effet à nombre de recommandations de la Rapporteuse spéciale. C’est pour cela que le pays est en train de passer en revue son programme-phare, Closing the Gap (Combler l’écart), en vue d’améliorer la collaboration entre les différents services gouvernementaux et de constituer une base de données solide à l’appui des politiques publiques, a expliqué la délégation.
La Commission des droits de l’homme de l’Australie a indiqué avoir pour mission, entre autres, de conseiller le Gouvernement australien sur les mesures à prendre pour garantir les droits des Aborigènes et des indigènes (insulaires) du détroit de Torrès sur tout le territoire australien. La Commission a dit partager nombre des préoccupations de la Rapporteuse spéciale, s’agissant notamment du fait que nombre de recommandations émises par son prédécesseur en 2009 n’ont toujours pas été appliquées. La Rapporteuse spéciale observe également que les autorités australiennes n’ont pas su obtenir la pleine participation des Aborigènes et des indigènes aux prises de décision les concernant. La Commission regrette de plus l’échec du Gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de santé, d’éducation et d’emploi, dont témoignent les taux toujours plus élevés d’incarcération et de placement d’enfants parmi les Aborigènes et les indigènes.
La délégation des États-Unis a estimé que le rapport de Mme Tauli-Corpuz sur les industries extractives donnait des informations utiles sur les mesures que le Gouvernement pourrait prendre pour évaluer les répercussions des projets d’infrastructures sur les peuples autochtones aux niveaux environnemental et de la santé. Le rapport contient également des propositions utiles sur les moyens de remédier à la violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones.
Les États-Unis ont cependant tenu à préciser que plusieurs agences gouvernementales consultent régulièrement les gouvernements tribaux sur les questions afférentes à l’infrastructure et à l’énergie, d’une façon tout à fait responsable et concrète qui offre aux tribus la possibilité de s’impliquer en temps voulu et en toute bonne foi. « Nous prenons très au sérieux nos responsabilités de consultations tribales et nous nous efforçons d’impliquer des fonctionnaires de haut rang et d’autres experts dans ce domaine », a assuré la délégation des États-Unis. Elle a mis en avant cadre statutaire et réglementaire complexe qui régit les décisions fédérales sur divers aspects liés aux projets d’infrastructure et d’énergie, et qui affecte la manière dont les consultations sont effectuées avec les tribus reconnues au niveau fédéral. En effet, a-t-elle argué, chaque statut, ordonnance de réglementation, politique et protocole, doit être individuellement étudié aux fins de déterminer la meilleure façon de conduire les consultations avec les tribus indiennes. De ce fait, il n’existe pas de modèle unique de consultation valable pour toutes les situations.
La délégation a également exprimé son désaccord avec certaines affirmations et conclusions du rapport, notamment l’absence de consultations préalables au sujet du Dakota Access Pipeline (paragraphes 26 et 64 du rapport). Elle a souligné qu’au contraire, des consultations avaient eu lieu pendant trois ans dans les régions concernées. La délégation a aussi déploré que la Rapporteuse spéciale donne l’impression que tout désaccord avec le Gouvernement est criminalisé. La délégation a assuré qu’aucun militant autochtone n’a été mis en prison pour cette raison, conformément au Premier amendement de la Constitution qui protège la liberté de parole. La délégation a enfin demandé à la Rapporteuse spéciale de dire quelles mesures spécifiques pourraient être envisagées par les États Membres en vue d’adopter une approche holistique lors de la préparation de projets énergétiques.
Débat interactif
Le Mexique a considéré que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones avait pesé de façon positive sur les normes législatives nationales et régionales. Le Mexique a espéré que ce cadre normatif aurait des conséquences positives dans le domaine de la lutte contre la discrimination envers les peuples autochtones.
La Finlande, au nom des pays nordiques, a salué le nouveau du mandat du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (EMRIP) et demandé au Conseil de poursuivre ses efforts pour la pleine participation des représentants des peuples autochtones au sein de ses travaux, comme le recommandent le Mécanisme d’experts et l’Assemblée générale. L’Australie, au nom du groupe CANZ (Canada, Australie et Nouvelle Zélande), a observé que le nouveau mandat de l’EMRIP lui offrait désormais les moyens d’interagir avec les États et les bailleurs de fonds. Le Pérou a demandé pourquoi les recommandations ne s’adressent qu’aux États et aux bailleurs de fonds, et non pas aux peuples autochtones eux-mêmes.
L’Union européenne a dit orienter son action au niveau national et international vers la lutte contre les discriminations et violences faites aux peuples autochtones, y compris dans le cadre des activités des industries extractives. L’Union européenne s’est interrogée sur les méthodes efficaces susceptibles d’améliorer la situation.
La Fédération de Russie a estimé aussi que les États doivent se doter de cadres juridiques pour permettre aux peuples autochtones de mener leurs activités, y compris dans le cadre du développement durable et de la préservation de l’environnement. À cet égard, la Fédération de Russie dispose d’exemples positifs mentionnés dans de nombreux rapports institutionnels, qu’elle est prête à partager.
La Bolivie a souligné l’importance des droits fonciers des peuples autochtones : elle-même a distribué plus de 700 000 titres de propriété aux communautés autochtones. Les États-Unis ont dit avoir mis en place un programme de formation pour les petits entrepreneurs issus des communautés autochtones : il devrait permettre de créer de nombreux emplois à temps plein et à mi-temps. La Hongrie a souligné à cet égard que la création d’une entreprise durable n’est possible que si l’on a accès à des institutions financières. L’accès à ces institutions est donc à la base de la création d’entreprises par les communautés autochtones.
S’agissant des effets des changements climatiques, le Brésil – partie prenante à l’Accord de Paris sur le climat – a développé en 2016 un plan d’action sur la protection de l’environnement qui reconnaît les dangers que font peser les changements climatiques sur les peuples autochtones. Le plan contient notamment des mesures pour renforcer la résilience des peuples autochtones, compte tenu de leurs spécificités. Le Paraguay a encouragé les États à établir une corrélation claire entre les droits des peuples autochtones et la biodiversité. Le plan national paraguayen pour les peuples autochtones intègre cette dimension, en particulier par un programme d’atténuation des émissions des gaz à effet de serre et de préservation des forêts. La Malaisie a dit veiller au renforcement de la gestion des risques liés aux catastrophes naturelles. Elle a aussi créé un fonds de financement des technologies vertes.
L’Équateur a rappelé que l’action de la communauté internationale était indispensable pour remédier aux effets du changement climatique. Les peuples autochtones ne peuvent être perçus comme des victimes de ce phénomène mais aussi comme des acteurs à même d’y apporter des solutions viables, a souligné l’Équateur. La délégation a demandé que les peuples autochtones soient associés plus étroitement au projet REDD (de réduction des émissions de CO2 provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts). L’Équateur a aussi dit sa solidarité avec le Mexique au lendemain du tremblement de terre qui a frappé ce pays.
Les Philippines et leurs populations autochtones sont le moins responsables des changements climatiques mais en sont les plus grandes victimes. Les Philippines admettent que les populations autochtones, compte tenu de la connaissance qu’elles ont de leur environnement, peuvent apporter beaucoup dans la lutte contre les changements climatiques. Le Guatemala a insisté lui aussi sur l’importance du recours aux savoirs des autochtones, une dimension mise en évidence également par la Rapporteuse spéciale. La Colombie a indiqué qu’elle envisageait de renforcer sa législation pour que les peuples autochtones aient une plus grande maîtrise de leurs ressources naturelles et de l’utilisation de leurs terres.
L’Iran a recommandé que les peuples autochtones participent activement aux mesures d’adaptation aux changements climatiques. L’Iran a par ailleurs regretté que les femmes autochtones subissent des discriminations multiples notamment concernant l’accès à l’emploi les rendant plus vulnérables à la pauvreté. L’Estonie s’est interrogée sur les possibilités qui s’offrent aux peuples autochtones de s’adapter aux changements climatiques. L’Estonie a souligné le décalage qui existe entre le soutien exprimé par les États et le soutien effectivement accordé. Elle a demandé aux États de contribuer activement au Fonds volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones.
Petit État insulaire en développement, les Fidji doivent relever les défis posés par le changement climatique. Quatre cent zones à risque ont été identifiées aux fins d’aider les autochtones à la résilience à travers leurs organes dirigeants. Les Fidji n’ayant pas de ressources suffisantes, elles cherchent à créer des solutions innovantes.
Le Venezuela a souligné, quant à lui, la nécessité d’aborder la question environnementale sous l’angle des droits de l'homme des peuples autochtones. Dans ce contexte, on ne peut que déplorer que certains États persistent à nier la réalité des changements climatiques, a dit le Venezuela. L’Espagne a elle aussi souligné la nécessité de protéger les peuples autochtones sous l’angle des droits de l'homme. C’est pour cette raison qu’elle travaille main dans la main avec les organisations représentatives des peuples autochtones pour accroître leur participation à la vie politique et économique.
L’Ukraine a expliqué que les Tatars de Crimée étaient victimes de violations systématiques de leurs droits de l’homme par les autorités russes. La politique discriminatoire à l’encontre des Tatars se poursuit. L’Ukraine reprend à son compte l’idée d’organiser une journée sur les défenseurs des populations autochtones. La Lituanie a souhaité elle aussi attirer l’attention sur les peuples autochtones de Crimée, notamment des Tatars. La Lituanie a dénoncé la mise en œuvre d’une politique discriminatoire par la Fédération de Russie et la répression intensive contre les Tatars de Crimée.
L’Organisation de coopération islamique, par la voix du Pakistan, a rappelé que tous les droits de l’homme sont égaux et qu’il ne saurait y avoir de jouissance des droits de l’homme sans partenariats internationaux et régionaux, sans lutte contre les poches de pauvreté qui subsistent et sans dépassement des préjugés. L’OCI demande que l’on porte une attention particulière aux peuples autochtones vivant dans des zones éloignées. En son nom propre, le Pakistan a mis l’accent sur l’importance du droit au développement et du droit à l’autodétermination des peuples autochtones. Il a recommandé la réalisation de projets propices au développement durable des États.
L’Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme a demandé à l’EMRIP de tenir compte des recommandations des institutions nationales de droits de l’homme et se rapprocher d’elles pour obtenir des informations sur le sort réservé aux peuples autochtones.
International Development Law Organization (IDLO) a souligné que la Déclaration demeurait une pierre angulaire, qu’il faut prendre dûment en compte dans les objectifs de développement durable par la mise sur pied d’institutions solides et l’élimination de toutes les lois contraires aux droits des autochtones.
Des organisations non gouvernementales ont aussi participé au débat. Alsalam Foundation s’est dite préoccupée par les discriminations dont sont victimes les membres de la communauté chiite à Bahreïn. Plus de 23 lieux sacrés ont été détruits, l’accès aux lieux de culte est refusé et les autorités ont pris pour cible les membres du clergé chiite. En 2012, plus de 400 personnes ont été privées de façon arbitraire de leur nationalité et sont aujourd’hui en situation d’apatridie, a dénoncé l’ONG. Cultural Survival a dénoncé la traite des personnes sur les terres des Iroquois, qui s’accompagne de nombreux mauvais traitements. Elle a demandé aux Nations Unies de mener des enquêtes sur ces cas. African Regional Agricultural Credit a expliqué que les forces de sécurité pakistanaises étaient responsables de nombreuses violations des droits de l’homme des minorités du Baloutchistan. Le Pakistan doit être tenu responsable des atrocités commises à l’encontre des communautés autochtones du Baloutchistan, a demandé l'ONG.
Indian Council of South America a fait part de sa préoccupation en ce qui concerne les personnes vivant dans le bassin de l’Amazonie. L’ONG a notamment attiré l’attention sur un parc national en Bolivie qui est menacé par la construction d’une route.
World Barua Organization (WBO) a expliqué que l’arrivée de populations non autochtones à Assam, avec la complicité Gouvernement indien, mettait en péril les communautés autochtones d’Assam qui deviennent minoritaires sur leur territoire. Libération a déploré que les entreprises pétrolières continuaient leurs activités dans l’Assam sans tenir compte des intérêts des populations autochtones. La construction d’un barrage et d’une centrale hydroélectrique va détruire des terres ancestrales des communautés de l’Assam. Le Conseil doit influencer le Gouvernement indien pour qu’il mette en œuvre les dispositions de la Déclaration.
Conectas Direitos Humanos admis que les droits des peuples autochtones avaient été renforcés ces dernières années au Brésil. Il n’en demeure pas moins, a regretté l’ONG, que le Gouvernement brésilien a divisé par dix les subventions aux fonds dédiés aux peuples autochtones, et que la violence contre les représentants des peuples autochtones s’intensifie. En raison de la réduction de ces budgets, on risque de voir des peuples autochtones entiers disparaître, a affirmé Franciscain international, au nom également de Conselho Indigenista Missionário CIMI. FIAN International e.V. a cité à cet égard le sort du peuple Warao du Brésil, privé de ses terres après la suppression de la démarcation qui limitait leurs territoires. Au Guatemala, c’est le droit au consentement préalable éclairé qui n’est pas respecté par les autorités, a dit L’Action de Carême, au nom également de Humanist Institute for Co-operation with Developing Countries. L’Organisation internationale pour le droit a l'éducation et a la liberté d'enseignement (OIDEL), au nom également de Catholic International Education Office et Pax Romana (International Catholic Movement for Intellectual and Cultural Affairs and International Movement of Catholic Students), a dénoncé aussi les violations des droits culturels et à la santé des peoples autochtones.
Amnesty International a déploré la persistance de la surreprésentation des Aborigènes dans le milieu carcéral australien. L’ONG a demandé au Gouvernement australien de consulter les peuples autochtones puis de revoir ses politiques et lois pénales. Les gouvernements des pays africains devraient, pour leur part, défendre les droits fonciers des peuples autochtones, comme les y incitent une décision de la Cour africaine des droits de l'homme et des directives de la Commission de l’Union africaine, a dit Minority Rights Group, prenant exemple du cas des Ogiek au Kenya.
Les droits des peuples autochtones en Asie – en particulier les Papous d’Indonésie, les autochtones vivant le long du fleuve Narmada en Inde, les communautés tribales des régions montagneuses du Népal ou de la région de Mindanao, aux Philippines, de même enfin que les Baloutches du Pakistan – ne sont guère défendus, a regretté Asian Legal Ressources Centre, appelant le Conseil à évaluer les cadres juridiques en vigueur dans les pays de la région asiatique.
Réponses et conclusions des titulaires de mandat
M. KWOKWO BARUME a déclaré qu’il apparaît clairement, dans le nouveau mandat de l’EMRIP, que la Déclaration restera lettre morte si elle n’est pas intégrée dans les législations nationales. Les capacités des pays récipiendaires doivent être renforcées pour qu’ils soient en mesure d’épauler les peuples autochtones. Il faut que les États s’approprient la Déclaration car elle ne peut être imposée depuis Genève, a-t-il ajouté, invitant à une réflexion sur les meilleurs moyens de s’acquitter du nouveau mandat du Mécanisme d’experts. S’agissant de la protection des défenseurs autochtones des droits de l’homme, M. Kwokwo Barume a renvoyé au prochain rapport de Mme Tauli-Corpuz.
Les discriminations dont les peuples autochtones sont victimes sont structurelles et résultent du regard négatif que la société porte sur eux. Le Forum des entreprises autochtones pourrait fournir au Conseil des recommandations judicieuses, notamment sur la pérennisation des droits collectifs. Concernant l’avis consultatif de la Cour africaine des droits de l’homme sur la définition des peuples autochtones, M. Kwokwo Barume a souligné qu’en plus d’une nouvelle loi spécifique au Congo Brazzaville, cet avis pourrait servir à d’autres pays du continent. Ce sont les différents ministères qui doivent veiller à divulguer les rapports du Mécanisme d’experts au niveau national, a-t-il encore répondu.
MME TAULI-CORPUZ a pris bonne note des commentaires de l’Australie et des États-Unis sur ses rapports de visite. Concernant la santé, elle a rappelé que le Fonds des Nations Unies pour la population avait préparé des pistes très intéressantes que les États pourraient emprunter. Les mécanismes de suivi des projets au profit des peuples autochtones sont importants et de nouvelles initiatives sont prises à cet égard au sein même des structures autochtones, a-t-elle observé en conclusion.
Droit de réponse
L’Argentine a rejeté les allégations portées contre elle au sujet du peuple Mapuche. L’Argentine a adopté en 20106 la loi 26/160, toujours en vigueur, qui gèle les expropriations foncières. Les Mapuche ont également la possibilité de recourir à des avocats, a dit la représentante. Elle a aussi assuré qu’aucun élément ne lie les autorités gouvernementales avec la disparition de M. Maldonado.
Le Brésil a précisé que 462 zones sont réservées aux peuples autochtones, soit 13% du territoire brésilien, autrement dit une superficie plus grande que la France, la Belgique et les Pays Bas réunis.
La Fédération de Russie a jugé les déclarations de l’Ukraine infondées. Elle a demandé à l’Ukraine de consulter les rapports des organes des Nations Unies au sujet de l’Ukraine, avant de faire des commentaires sur d’autres pays.
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HRC/17/138F