Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TIENT UNE RÉUNION INFORMELLE AVEC LES ÉTATS PARTIES
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a tenu, cet après-midi, une réunion informelle avec les États au cours de laquelle de nombreuses délégations de pays ont fait part des mesures particulières prises par leurs autorités en matière de lutte contre la discrimination.
Ont particulièrement été abordées les questions relatives à l’essor des actes de discrimination à l’encontre des migrants, au nécessaire renforcement de la lutte contre les discours haineux ou encore à la situation des Roms, des autochtones, des musulmans et des personnes d’ascendance africaine. La procédure simplifiée de présentation des rapports a également été évoquée.
La Présidente du Comité, Mme Anastasia Crickley, a rappelé que cette réunion avait lieu à une période particulièrement houleuse propice à la multiplication des discriminations raciales et des discours de haine. Elle a souligné que, même si le racisme trouve un profond enracinement historique dans la pratique de l’esclavage, il constitue un phénomène complexe, à la jonction de différents types de discriminations, notamment à l’encontre des femmes ou encore des minorités confessionnelles.
Les membres du Comité ainsi que les représentants des pays suivants ont pris part à la discussion : Espagne, France, Italie, Autriche, Belgique, Guatemala, Équateur, Monténégro, Ukraine, Bolivie, Suède, Israël, États-Unis, Maurice, Serbie, Chine, Brésil, Colombie, Japon, Mauritanie et Jamaïque.
À l'issue de sa session, qui doit clore ses travaux en séance publique vendredi 12mai, le Comité rendra publiques ses observations finales sur l'ensemble des rapports examinés durant cette 92ème session.
Lundi matin, 1er mai, à 10 heures, le Comité auditionnera les organisations de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention dans les trois pays dont les rapports doivent être examinés durant cette deuxième semaine de session : Kenya, Chypre et Bulgarie.
Aperçu des discussions
La Présidente du Comité, MME ANASTASIA CRICKLEY, a rappelé que cette réunion avait lieu à une période particulièrement houleuse propice à la multiplication des discriminations raciales et des discours de haine. Elle a souligné que, même si le racisme trouve un profond enracinement historique dans la pratique de l’esclavage, il constitue un phénomène complexe, à la jonction de différents types de discriminations, notamment à l’encontre des femmes ou encore des minorités confessionnelles.
Dans le cadre de l’échange de vues qui s’est noué durant la réunion, M. ALEXEI AVTONOMOV, membre du Comité, a rappelé que la Convention avait été adoptée en 1965 et que le Comité avait quant à lui lancé ses premiers travaux en 1970. Quelque 178 États sont aujourd’hui parties à la Convention; 18 États ont signé la Convention mais ne l’ont pas encore ratifiée et 57 États ont fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles, a précisé M. Avtonomov. Depuis 1982, 53 plaintes ont donné lieu à des décisions du Comité (constatations), a-t-il indiqué, ajoutant que le Comité accordait une importance particulière à certains groupes vulnérables tels que les Roms, les migrants, les peuples autochtones ou encore les personnes d’ascendance africaine.
M. ANWAR KEMAL, également membre du Comité, s’est inquiété de ce que le monde faisait face à une crise économique et une crise des migrants sans précédent et propices au développement des discours haineux. Selon une étude, 20 à 30 % des migrants de certains pays européens ont été victimes d’un discours haineux et 50 à 60% d’entre eux en gardent des traumatismes psychologiques. L’expert a noté l’importance, dans ces circonstances, de l’éducation aux droits de l’homme et des formations dispensées aux juges, aux forces de sécurité et aux citoyens en général.
Les experts du Comité ont insisté sur la nécessité pour les États parties à la Convention d’ériger les discours haineux en infraction pénale. Ils ont également souligné l’importance de mettre en place des statistiques destinées à refléter la diversité des sociétés ainsi qu’à rendre visibles certaines minorités parfois marginalisées.
Les membres du Comité ont dit comprendre les lourdeurs associées aux procédures de contrôle et à la multiplication des mécanismes de surveillance qui pèsent sur les États et ont souligné l’importance de trouver des solutions à cela à travers un dialogue continu. Ils ont rappelé que la solution était entre les mains des États, lesquels adoptent des résolutions et siègent à l’Assemblée générale des Nations Unies sur une base volontaire.
La Présidente du Comité a rappelé que le mécanisme de procédure simplifié de présentation des rapports faisait l’objet d’une mise en place progressive en fonction du nombre d’États en retard dans la soumission de leurs rapports.
De nombreux États ont pris part à la discussion. L’Espagne a indiqué avoir adopté une stratégie de lutte contre la discrimination raciale ainsi que des mécanismes de suivi de sa mise en œuvre; le pays fait toutefois face à plusieurs difficultés dans la mise en œuvre du fait d’une situation économique dégradée. Des campagnes de sensibilisation pour lutter contre différents types de discrimination et améliorer la formation du personnel judiciaire ont été mises en place. L’Espagne a reçu 8 millions d’étrangers en 15 ans et accompli un travail d’intégration efficace, a fait valoir la délégation espagnole. Elle a suggéré que le Comité mène des visites de terrain afin de vérifier l’efficacité des mécanismes mis en œuvre.
La France a déclaré avoir fait face à une hausse inquiétante des actes d’islamophobie et d’antisémitisme suite à une vague d’attentats en 2015. Une forte mobilisation a toutefois permis de diminuer de 60% les actes à caractère antimusulman et antisémite en 2017. Les autorités ont renforcé les actions de prévention et d’éducation. Tous les ans, une semaine est consacrée dans les écoles à la lutte contre les discriminations. La France a par ailleurs rappelé que le livret de circulation pour les gens du voyage avait été supprimé en 2015 suite aux recommandations du Comité en ce sens.
L’Italie a relevé que les attitudes racistes persistent dans certains secteurs de la société italienne. Le pays a indiqué que des efforts importants avaient été entrepris afin de promouvoir l’inclusion des migrants arrivés en grand nombre en Italie ces dernières années.
L’Autriche a soulevé la question de la multiplication des organes de contrôle, des rapports d’enquête demandés aux Etats et des recommandations formulées par les organisations internationales et régionales (ONU, Union européenne..). La production de ces documents, dont les contenus se chevauchent parfois, exerce une pression importante sur les États qui ne disposent pas toujours des ressources suffisantes pour s’y atteler. Le pays a insisté sur la nécessité de mettre en place une procédure simplifiée. La Belgique a déploré que la procédure simplifiée de présentation des rapports ne soit pas cohérente pour l’ensemble des organes de traités onusiens.
Le Guatemala a mis l’accent sur la nécessité de renforcer les institutions promouvant les droits des peuples autochtones. Il a rappelé que les médias devaient être étroitement associés aux efforts de lutte contre la discrimination afin de montrer les limites de la liberté d’expression dans ce contexte. Des efforts de traduction des documents administratifs et des lois en langues autochtones sont en cours au Guatemala, a en outre souligné la délégation guatémaltèque. L’Équateur a indiqué avoir criminalisé les faits de discrimination dans son Code pénal. Le pays a en outre insisté sur la nécessité de garantir que les médias ne diffusent pas de préjugés racistes.
Le Monténegro a souligné que le pays avait amendé son Code pénal pour ériger en infraction les actes de discrimination conformément à la Convention. Une initiative d’intégration des Roms pour la période 2016-2020 a été mise en place, a en outre indiqué la délégation monténégrine. Le pays a précisé qu’il faisait face à un important défi dû à l’accroissement des naissances et à l’augmentation des demandes d’obtention de permis de résidence.
L’Ukraine a déclaré que la Fédération de Russie promouvait la supériorité russe et pratiquait des actes systématiques de discrimination à l’encontre des populations ukrainiennes et tatares en Crimée. L’Ukraine a rappelé avoir lancé une procédure auprès de la Cour internationale de justice, demandant à la Fédération de Russie de respecter ses engagements internationaux et les droits des peuples présents en Crimée.
La Bolivie a enjoint les États parties à la Convention à éradiquer le patriarcat et la domination coloniale fondée sur des piliers discriminatoires. Le pays a déploré que les contrôles aux frontières soient devenus des moments de généralisation de la discrimination.
La Suède a souligné qu’une meilleure coordination entre les différents ministères ainsi qu’une meilleure coopération avec la société civile étaient nécessaires afin de mettre pleinement en œuvre les mesures de lutte contre la discrimination raciale.
Israël a rappelé avoir ratifié la Convention en 1979. Depuis 2011, une équipe interministérielle a été mise en place afin de suivre l’harmonisation du droit interne avec les règles de la Convention. Une campagne a été lancée afin de sensibiliser la population au fait que les discours racistes constituaient une infraction pénale. Israël a indiqué vouloir améliorer la présence des minorités dans les entités de l’administration et dans les médias.
Les États-Unis ont rappelé leur engagement à mettre en œuvre les recommandations du Comité.
Maurice a pour sa part rappelé avoir promulgué une loi sur l’égalité des chances pour interdire tout type de discrimination.
La Serbie a indiqué avoir établi de nouveaux instruments pour mettre en œuvre des mesures efficaces de lutte contre les discriminations. Trois principaux défis demeurent pour le pays, a-t-elle ajouté: la situation de Roms; l’amélioration de la protection des minorités nationales; la crise des migrants et les difficultés économiques. Plus d’un million de migrants sont passés par la Serbie, a rappelé la délégation serbe.
La Chine a rappelé son engagement à mettre en oeuvre les principes de la Convention et a regretté que les droits des minorités ne soient pas toujours garantis.
Le Brésil a mis l’accent sur les mesures qui ont été mises en place afin de promouvoir l’intégration sociale et économique des populations afro-brésiliennes. Des quotas ont été mis en place dans les universités pour les étudiants afro-brésiliens, a notamment souligné le pays. Des mesures de lutte contre le profilage racial ont également été mises en place afin de diminuer les taux d’incarcération des populations afro-brésiliennes. La Colombie a souligné l’importance d’agir en faveur de la reconnaissance des populations afro-colombiennes et autochtones.
Le Japon a indiqué avoir renforcé ses efforts pour agir contre les discours haineux et vouloir renforcer encore davantage la coopération entre le Gouvernement et la société civile. Le Japon a déploré la montée des comportements intolérants envers les minorités ethniques et religieuses.
La Mauritanie a souligné qu’elle était un pays composé de multiples ethnies qui se sont enrichies les unes, les autres à travers l’histoire. Une stratégie nationale de promotion de la cohésion nationale a récemment été mise en place par le Gouvernement, a fait valoir la délégation mauritanienne.
La Jamaïque a rappelé l’importance d’œuvrer au démantèlement des séquelles héritées de 400 ans de traite transatlantique des esclaves.
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CERD17/007F