Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT DE LA JORDANIE
Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial de la Jordanie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Présentant ce rapport, M. Mired Ra'ad Zeid Al Hussein, Président du Conseil supérieur des personnes handicapées, a indiqué que la Jordanie avait été un des premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2008, laquelle a depuis été intégrée au droit interne. L'article 6 de la Constitution, relatif à l'égalité et à la non-discrimination, contient un paragraphe spécifique concernant les personnes en situation de handicap, a-t-il fait valoir. Après une révision minutieuse de la législation nationale entamée en 2012, le Parlement est sur le point d'adopter une nouvelle loi sur les droits des personnes handicapées, assurant ces droits de manière pleinement conforme à la Convention. Le Gouvernement jordanien s'est rapproché des associations de défense des droits des personnes handicapées et des personnes en situation de handicap elles-mêmes pour mettre en œuvre les politiques publiques visant à se mettre en conformité avec la Convention, particulièrement pour ce qui est du droit d'accès équitable aux services sociaux de base, a indiqué M. Al Hussein.
La délégation de la Jordanie était également composée entre autres de Mme Saja Majali, Représentante permanente de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants du Ministère du développement social, du Ministère de l'éducation, du Conseil supérieur des personnes handicapées et la Mission permanente de la Jordanie à Genève.
La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, notamment, des questions d'éducation; de la reconnaissance et de l'utilisation de la langue des signes; du placement en institution; des réticences des personnes handicapées à porter plainte; des violences contre les personnes handicapées; de la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes handicapées; des réfugiés handicapés; des termes péjoratif à l'égard du handicap subsistant dans certains textes de loi; ou encore des questions d'aménagement raisonnable et d'accessibilité pour les personnes handicapées.
Lors de la discussion qui s'est nouée entre la délégation et les membres du Comité, M. Damjan Tatic, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie, a salué l'interdiction constitutionnelle de la discrimination basée sur le handicap et l'ambition du Gouvernement jordanien d'améliorer l'accès pour les personnes handicapées. Il s'est aussi dit satisfait de la condamnation par l'une des plus hautes autorités religieuses du pays de la pratique ignoble de la stérilisation forcée à l'encontre des personnes souffrant de handicaps, notamment mentaux, exprimant ainsi son souhait de voir changer les mentalités à l'égard de cette pratique. Toutefois, certains défis ont attiré l'attention des membres du Comité. Au nombre de ces défis, figurent la protection des personnes handicapées contre les discriminations et la mise en place de mécanismes de recours contre les violations de leurs droits; la protection des femmes et des filles contre les discriminations et la violence; la mise en œuvre effective des mesures d'accessibilité et les sanctions prévues en cas de non-respect de celles-ci; la protection contre les violences dans les institutions; ou encore la reconnaissance de la langue des signes.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Jordanie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le mercredi 12 avril.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Arménie.
Présentation du rapport
Présentant le rapport initial de son pays (CRPD/C/JOR/1), M. MIRED RA'AD ZEID AL HUSSEIN, Président du Conseil supérieur des personnes handicapées a indiqué que la Jordanie avait été un des premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2008, laquelle a depuis été intégrée au droit interne. L'article 6 de la Constitution, relatif à l'égalité et à la non-discrimination, contient un paragraphe spécifique concernant les personnes en situation de handicap, a-t-il fait valoir. Après une révision minutieuse de la législation nationale entamée en 2012, le Parlement est sur le point d'adopter une nouvelle loi sur les droits des personnes handicapées, assurant ces droits de manière pleinement conforme à la Convention. Le Gouvernement jordanien s'est rapproché des associations de défense des droits des personnes handicapées et des personnes en situation de handicap elles-mêmes pour mettre en œuvre les politiques publiques visant à se mettre en conformité avec la Convention, particulièrement pour ce qui est du droit d'accès équitable aux services sociaux de base, a indiqué M. Al Hussein.
En octobre 2016, a-t-il poursuivi, la banque centrale jordanienne a pris ses dispositions pour que les personnes handicapées aient un accès aux services bancaires et au crédit, dans le respect de leur droit à la vie privée. Aujourd'hui, toutes les banques doivent s'assurer que leurs locaux sont accessibles aux personnes handicapées. En outre, le nouveau projet de loi sur les personnes handicapées a mis à jour la définition de ce qu'est une personne handicapée, renforcé les aides à la prise de décision et supprimé la mise sous tutelle. Cette nouvelle loi obligera le législateur à consulter les personnes handicapées et les associations qui les défendent s'agissant des décisions qui les concernent. De surcroît, un projet de loi a été déposé, demandant à ce que la situation de handicap d'une victime constitue une circonstance aggravante pour tout acte délictueux.
Malgré des ressources limitées, le Gouvernement jordanien s'est engagé au plus haut niveau en faveur de la désinstitutionalisation des personnes handicapées, a en outre souligné le Président du Conseil supérieur des personnes handicapées. Ce processus de désinstitutionalisation sera entamé en 2018 et achevé en 2028, a-t-il précisé. Les résistances sociales à l'inclusion des personnes handicapées à l'école sont très fortes en Jordanie, a-t-il en outre fait observer. Toutefois, la Jordanie a mené des efforts sans répit pour modifier les attitudes et lutter contre les stéréotypes afin de jeter les bases d'une éducation inclusive. La Jordanie a fait face à un autre défi de taille, qui est d'assurer l'accessibilité des infrastructures, des services et des informations aux personnes handicapées.
Examen du rapport
Questions et commentaires des membres du Comité
M. DAMJAN TATIC, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Jordanie, a souligné avec satisfaction l'interdiction constitutionnelle de la discrimination basée sur le handicap et a salué l'ambition du Gouvernement jordanien d'améliorer l'accès pour les personnes handicapées. Il s'est aussi dit satisfait de la condamnation par l'une des plus hautes autorités religieuses du pays de la pratique ignoble de la stérilisation forcée à l'encontre des personnes souffrant de handicaps, notamment mentaux, exprimant ainsi son souhait de voir changer les mentalités à l'égard de cette pratique. Toutefois, certains défis ont attiré l'attention des membres du Comité.
Au nombre de ces défis, figurent la protection des personnes handicapées contre les discriminations et la mise en place de mécanismes de recours contre les violations de leurs droits; la protection des femmes et des filles contre les discriminations et la violence; la mise en œuvre effective des mesures d'accessibilité et les sanctions prévues en cas de non-respect de celles-ci; la protection contre les violences dans les institutions; ou encore la reconnaissance de la langue des signes.
Plusieurs experts ont également mis en avant la question de l'éducation inclusive, ainsi que les questions de la participation politique des personnes handicapées et de la situation des réfugiés handicapés.
La délégation jordanienne a par ailleurs été interrogée sur le contenu et les conditions de délivrance de la carte handicapée et de la carte d'identité, ainsi que sur les intentions du Gouvernement concernant la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.
Un expert du Comité s'est enquis de la place et du soutien accordés par le Gouvernement aux organisations représentatives des personnes handicapées, ainsi que de leur rôle dans la rédaction de la nouvelle loi sur les droits de ces personnes.
Un autre expert a fait état d'allégations selon lesquelles certaines familles cacheraient leurs enfants handicapés mentaux par honte et par peur des stigmatisations.
Il a par ailleurs été rappelé que la notion d'accessibilité ne couvrait pas uniquement les question d'accessibilité physique, mais également l'accès à l'information et à l'éducation.
Un membre du Comité a demandé à la délégation de fournir des données ventilées sur les enfants en situation de handicap en Jordanie et a souhaité savoir si des campagnes de sensibilisation étaient menées concernant la consanguinité.
La Présidente du Comité, Mme Theresia Degener, a noté avec satisfaction la décision d'abolir la peine de mort en Jordanie, malgré le fait que les exécutions se poursuivent à l'heure actuelle.
Un membre du Comité a relevé que la loi jordanienne donne la possibilité de détenir une personne et de la placer dans une institution sur la seule base d'un certificat médical. Certaines personnes seraient ainsi détenues depuis plus de 20 ans sans que les familles n'aient accès à leur bulletin de santé. Cet expert a demandé si des modifications allaient être apportées à cette disposition législative pour permettre à la législation d'être en adéquation avec les dispositions de la Convention. Un autre expert a demandé ce qu'il en était des personnes privées de liberté à cause de leur handicap et ce qu'il en était de la prestation de services gratuits et non obligatoires pour leur réinsertion dans la communauté. Cet expert a demandé s'il existait un programme prévoyant la désinstitutionalisation des personnes handicapées.
Un membre du Comité a fait observer que la subsistance de textes législatifs qui reconnaissent des termes comme démence ou malsain d'esprit constitue un obstacle pour la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées. L'expert a demandé s'il était prévu d'éliminer ces termes de la législation. Qu'en est-il en outre de l'assistance juridique offerte aux personnes dont les droits ont été bafoués.
Un expert s'est enquis du nombre d'institutions en Jordanie et du nombre de personnes qui y vivent.
Un autre expert a demandé comment les personnes ayant un handicap psychosocial sont traitées du point de vue de leur participation à la vie politique et publique; dans quelle mesure peuvent-elles exercer leur liberté sans soutien ou aide d'un tuteur?
Certaines personnes handicapées jordaniennes ont expliqué qu'il y avait dans ce pays des problèmes liés à l'accès à l'éducation, aux services et aux transports, a-t-il en outre été souligné. Ces personnes estiment que la bureaucratie jordanienne n'est pas sincère et ne répond pas à leur demande; elles ont en outre indiqué craindre la corruption généralisée dans la société.
Un expert a demandé si les réfugiés handicapés pouvaient s'enregistrer dans le pays.
Un autre expert a souligné que les technologies avaient changé le sens du mot «réadaptation»; dès lors, il a demandé comment l'État partie encourage les entreprises innovantes dans le domaine du handicap.
Dans le monde arabe, beaucoup de personnes sont handicapées suite à des coups de feu chaotiques tirés à l'occasion d'événements comme des mariages, a fait observer un expert, avant de demander si ce genre de pratique allait être prohibé.
Selon diverses informations, les personnes handicapées sont soumises à des actes de torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, a indiqué un expert. Des femmes et des filles dans les centres sont soumises à des violences sexuelles, a-t-il ajouté. Il a souhaité savoir si les autorités reconnaissaient ce problème et si des mesures allaient être prises pour poursuivre les auteurs de tels crimes et permettre l'accès des victimes à la justice.
Un expert a demandé comment la Jordanie promeut une société inclusive. Un autre expert s'est enquis des mesures d'incitation existantes pour permettre l'embauche de personnes handicapées, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, et pour permettre de financer l'aménagement raisonnable. Il s'est aussi enquis de ce qu'il en est de l'égalité des sexes dans l'embauche s'agissant des personnes handicapées.
Un membre du Comité s'est enquis du statut de la langue des signes et du braille dans la législation jordanienne.
Un expert a souligné que des mesures pouvaient être prises, qui ne demandent pas de financements importants, pour permettre d'améliorer le quotidien des personnes handicapées. Quelque 79% des enfants handicapés en Jordanie sont privés de l'accès à l'éducation, a regretté cet expert, avant de s'enquérir des mesures prises pour remédier à cette situation. Relevant que la nouvelle loi sur l'éducation prévoit de rejeter toute forme d'exclusion fondée sur le handicap lorsqu'il s'agit d'inscrire un élève dans une école ou dans une quelconque discipline, un expert a souhaité savoir si l'on pouvait considérer que cette loi peut assurer une école inclusive.
Un expert s'est enquis des mesures prises pour empêcher la stérilisation forcée des femmes et des jeunes filles handicapées.
Un autre expert a demandé quel soutien concret était proposé par les autorités pour permettre la participation concrète des personnes handicapées dans les clubs de sport ou dans le secteur de la culture. Un autre expert a demandé comment étaient mis en valeur les artistes handicapés.
Un expert s'est enquis des mesures mises en œuvre pour lutter contre la pauvreté des personnes handicapées.
Un membre du Comité a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises pour permettre l'accessibilité des personnes handicapées dans les lieux touristiques comme Pétra.
Une experte s'est enquise du nombre de femmes handicapées ayant subi des violences dans les centres d'hébergement. Elle a souhaité savoir si la nouvelle loi relative aux droits des personnes handicapées allait permettre d'enquêter sur les violences sexuelles à l'encontre de ces personnes dans les centres de santé.
Réponses de la délégation
La délégation a réitéré le ferme engagement du Gouvernement jordanien en faveur de la promotion des droits des personnes handicapées, comme en atteste la création du Conseil supérieur des personnes handicapées. La délégation a reconnu que la Jordanie faisait face à un vrai défi quant à l'éducation des personnes handicapées et a dit espérer que la loi prochaine sur les droits des personnes handicapées permettrait d'améliorer cette situation.
L'enseignement pour les enfants handicapés est gratuit, a ensuite expliqué la délégation. Les manuels scolaires sont présentés en braille pour tous les enfants malvoyants, a-t-elle fait valoir. De plus, l'État fournit des chaises roulantes pour tous les enfants handicapés moteurs, a-t-elle ajouté. Les établissements doivent fournir l'enseignement nécessaire à tous les enfants handicapés tout en les dotant de tous les outils nécessaires devant leur permettre de suivre les cours dans les meilleures conditions. Le Ministère de l'éducation garantit le transport scolaire pour les enfants handicapés, a poursuivi la délégation. Il reste néanmoins un très long chemin à parcourir pour permettre l'intégration des enfants handicapés dans le système scolaire, a reconnu la délégation. Parfois, il y a des amalgames entre inclusion et intégration. Ce sont deux sujets qui préoccupent en plus haut lieu et qui ont la priorité. La loi dresse un cadre clair qui oblige le Gouvernement à s'acquitter de toutes ses obligations, a insisté la délégation.
La délégation a ensuite expliqué que l'enseignement des mathématiques et de l'informatique n'était pas disponible pour les étudiants handicapés car les professeurs ne sont pas formés pour enseigner ce type de matières en braille ou en langue des signes. Il est urgent de former les professeurs à ces langages. D'une manière générale, les professeurs doivent être mieux formés pour interagir avec les élèves handicapés, a admis la délégation.
La langue des signes n'est pas reconnu comme langue officielle, a par ailleurs indiqué la délégation; cela nécessiterait des mesures tout à fait exceptionnelles. Il faut d'abord définir ce qu'on entend par langue officielle. Le pays reconnaît la langue comme outil pour faciliter la vie des personnes handicapées. La langue des signes est enseignée et est utilisée dans le secteur du tourisme et des services. Un stage d'entraînement de la police a été organisé afin qu'elle soit consciente des difficultés rencontrées par les personnes handicapées. La langue des signes est proposée dans certaines pharmacies, par exemple, a ajouté la délégation; certaines se dotent d'un interprète 24 heures sur 24 afin de pouvoir répondre aux attentes de personnes malentendantes.
Toutefois, la délégation a regretté que certaines questions, notamment relatives à la peine de mort, n'entrent pas dans le champ des droits des personnes handicapées. La peine capitale est en train d'être abolie progressivement en Jordanie et aucune personne handicapée n'y a été soumise, a fait valoir la délégation.
La Jordanie a signé le Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, ce qui souligne la volonté du Gouvernement d'assurer l'accès à l'information pour les personnes handicapées. Toutefois, la Convention n'oblige aucun État à ratifier le Traité de Marrakech, a rappelé la délégation.
La délégation a en outre déclaré que la définition actuelle du handicap, basée sur des critères physiques, allait être harmonisée avec la Convention, qui retient des critères sociaux comme définition du handicap. En outre, le nouveau projet de loi sur les droits des personnes handicapées va au-delà des dispositions de la Convention en prenant en compte aussi le handicap temporaire. Ce projet de loi, voté en commission, va être transmis au Parlement pour adoption.
La délégation a expliqué que l'État jordanien visait à mettre en place un système inclusif pour les personnes handicapées. Des efforts institutionnels sérieux sont consentis afin de traiter tous les problèmes liés au handicap, a-t-elle assuré, précisant que l'État jordanien coopère avec la société civile dans ce domaine et que ce partenariat est bénéfique.
Le Gouvernement reconnaît qu'il subsiste des lacunes, a poursuivi la délégation. Des mesures sont prévues pour y remédier, a-t-elle assuré, soulignant ici encore que le Gouvernement compte tirer profit de la coopération avec la société civile pour combler ces lacunes.
Il y a très peu de plaintes auprès de la Commission nationale des droits de l'homme de la part des personnes handicapées, notamment sur la question des aménagements raisonnables, a ensuite indiqué la délégation. Les personnes handicapées ont des réticences à porter plainte, a-t-elle fait observer. Le Gouvernement doit donc redoubler d'efforts pour sensibiliser les personnes et inciter les personnes handicapées à porter plainte, a-t-elle indiqué.
La femme handicapée fait face à une double discrimination, a expliqué la délégation, d'une part parce que c'est une femme et, d'autre part, en raison de son handicap. En 2016, la Jordanie a été pionnière en adoptant un projet d'amendement du Code pénal qui vise notamment à incriminer la violence sexuelle, physique ou encore la diffamation en faisant du handicap de la victime une circonstance aggravante. La Jordanie a rencontré des succès concernant la protection des droits des femmes handicapées, a assuré la délégation. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées concernant l'hystérectomie forcée, a-t-elle notamment précisé. Cette campagne appelle à une criminalisation de cette pratique et une fatwa a été lancée contre cette pratique.
Dans tous les domaines, les Objectifs de développement durable ont été appuyés par le Roi de Jordanie et par toutes les parties prenantes, s'agissant notamment de la question des personnes handicapées. Le Programme de développement durable à l'horizon 2030 a été incorporé dans le plan national global, a expliqué la délégation.
Certaines formes de violences ont été commises dans des centres de personnes handicapées ou des institutions, a reconnu la délégation. Le Gouvernement a pris des mesures radicales pour lutter contre toute forme de violence. L'une de ces mesures a consisté à modifier certains aménagements, considérant en effet que la manière dont sont aménagés ou non ces instituts pouvait favoriser une certaine forme de violence.
Par ailleurs, la personnalité juridique est reconnue aux personnes handicapées. Il reste des difficultés pour la reconnaissance de cette capacité juridique pour les personnes ayant un handicap mental, lesquelles restent sous tutelle. Le système de tutelle nécessite une définition flexible.
Il n'y a aucune réserve concernant la capacité juridique des personnes handicapées, a ensuite insisté la délégation. Avant toute démarche ou toute décision la concernant, une personne handicapée doit être tenue au courant et doit donner son accord préalable. La Jordanie est l'un des rares pays où la banque centrale a lancé des instructions claires s'agissant du respect du droit à la vie privée et de l'accès au crédit, de manière indépendante, pour les personnes handicapées, a fait valoir la délégation.
L'afflux de réfugiés constitue un gros problème pour la Jordanie, a expliqué la délégation. La population est passée de 6 à 10 millions de personnes en un laps de temps très court, a-t-elle rappelé. Les réfugiés en Jordanie se trouvent dans des zones d'urgence ou dans des camps, raison pour laquelle il n'existe pas de statistiques sur le nombre de réfugiés handicapés. Cependant, un plan d'action pour les réfugiés syriens prévoit de toute mettre en œuvre pour permettre aux personnes handicapées d'accéder à leurs droits.
Il y aurait 19 000 personnes handicapées parmi les réfugiés, a par la suite indiqué la délégation.
La délégation a expliqué que certains termes péjoratifs qui figurent dans le Code civil et dans le Code du statut personnel, ont été repris de la jurisprudence islamique. Ils n'étaient pas péjoratifs à l'époque, mais lorsqu'ils ont commencé à être péjoratifs, les autorités ont décidé de s'en éloigner. Le processus visant la révision de ces termes péjoratifs est en cours, a indiqué la délégation. Le nouveau projet de loi sur les droits des personnes handicapées va adopter cette rénovation terminologique. Il s'agit d'une évolution naturelle dans la vie des textes juridiques.
La délégation a rappelé que jusqu'ici, la loi prévoyait que le Ministère de la santé pouvait placer des personnes ayant un handicap mental dans une institution. Mais ce texte tombe désormais caduc car le nouveau projet de loi interdit le placement en institution, sauf si la personne concernée donne son accord sur décision libre et éclairée. La délégation a souligné qu'il n'existait pas de statistiques précises sur le nombre de personnes ainsi placées en institution. Le placement involontaire n'est pas un phénomène répandu, a toutefois affirmé la délégation. Il y a très peu d'instituts psychiatriques en Jordanie, a-t-elle précisé.
La délégation a expliqué qu'en Jordanie, la loi prime sur les coutumes et les traditions. Cependant, il est très difficile d'intervenir dans les choix personnels de la population, a-t-elle indiqué. Si une personne souhaite se marier avec un cousin, par exemple, il est difficile de pouvoir s'y opposer. Concernant, la coutume de tirer des coups de feu lors de fêtes, notamment à l'occasion de mariages, la délégation a souligné que le Roi s'est montré opposé à cette pratique et que de tels tirs restent quoi qu'il en soit des cas exceptionnels. Très peu de personnes ont été touchées par des tirs qui leur auraient provoqué un handicap, a assuré la délégation; le phénomène n'est pas assez important pour avoir des statistiques sur cette question.
Le Code de la nationalité exige du postulant (à la citoyenneté jordanienne) qu'il jouisse de la capacité juridique, a expliqué la délégation, assurant que les personnes handicapées ne sont pas visées en tant que telles par cette disposition. La nouvelle loi sur les droits des personnes handicapées va reconnaître la personnalité juridique pleine et entière pour les personnes handicapées. Il ne devrait donc plus y avoir de problème dans ce domaine à l'avenir, a souligné la délégation.
S'agissant des questions d'aménagement, la délégation a souligné que l'aéroport d'Amman est un aéroport moderne où toutes les infrastructures sont aménagées pour permettre l'accueil des personnes handicapées. Il reste des efforts à faire concernant la signalétique, a concédé la délégation. La plupart des bâtiments en Jordanie sont anciens et nécessitent des aménagements pour permettre l'accessibilité des personnes handicapées, a-t-elle ajouté. Tout ce qui émane de la Convention a été intégré dans les plans d'urbanisme ou architecturaux, a-t-elle précisé.
La délégation a fait part de diverses initiatives qui doivent permettre une meilleure accessibilité des personnes handicapées aux lieux touristiques. Le pays fait appel à des organisations internationales spécialisées dans ce domaine pour améliorer les infrastructures.
Les bureaux de vote devraient également être mieux équipés pour accueillir les personnes handicapées, a reconnu la délégation. Cette question n'a pas été assez prise en compte ces dernières années, mais des améliorations devraient cependant être apportées lors des prochaines élections, a-t-elle assuré.
La lutte contre les violences, y compris intrafamiliales, à l'encontre des personnes handicapées est une priorité pour le Gouvernement jordanien, a poursuivi la délégation. Les différents ministères concernés ont pris des mesures pour protéger les personnes handicapées et pour sensibiliser leurs familles. Des visites sont en outre prévues dans les centres d'hébergement. Des équipes indépendantes aident le Gouvernement à assurer le contrôle de ces lieux d'hébergement; elles peuvent réaliser des visites inopinées. Des sanctions allant jusqu'à la fermeture du centre concerné peuvent être prises en cas de manquement constaté par les équipes indépendantes.
D'une façon générale, il n'y a pas eu dans les centres d'hébergement de cas de torture tels que définis par la Convention contre la torture, a ensuite assuré la délégation.
Des mesures contre les violences à l'encontre des personnes handicapées ont été prises par le Conseil supérieur des personnes handicapées. Le département de la protection de la famille surveille aussi les violences familiales. Il faut travailler davantage pour permettre aux centres d'accueil de mieux accueillir les femmes handicapées et lutter contre toute violence au sein de ces centres. Les plaintes déposées par des femmes handicapées sont peu nombreuses car il n'existe pas de bons moyens, tels que des lignes téléphoniques (hotlines) pour porter plainte. En Jordanie, il n'y a pas cette culture de plainte ou de requête devant les tribunaux et ce phénomène est accentué chez les personnes handicapées, a expliqué la délégation.
Le Conseil supérieur des personnes handicapées est responsable d'élaborer des politiques, de proposer des lois et d'assurer la coordination pour tout ce qui touche aux personnes handicapées; il vise aussi à intégrer les dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées dans le droit interne. Les personnes handicapées ne sont pas représentées au sein du Conseil supérieur des personnes handicapées, a regretté la délégation, avant d'ajouter qu'à l'avenir, il est dit que les personnes handicapées doivent être représentées.
Concernant la corruption qui empêcherait prétendument les personnes handicapées d'avoir accès à leurs droits, la délégation a expliqué que les experts du Comité ne pouvaient pas prendre pour argent comptant les histoires des uns et des autres; il faut se baser sur des arguments étayés. Le Comité doit aider la délégation dans son effort de mise en œuvre de la Convention; or, ce genre d'histoires colportées ne sert pas les travaux, a ajouté la délégation, tout en rappelant qu'elle n'avait jamais prétendu que la situation en Jordanie était idéale.
Le recensement de la population de 2015 comprenait des questions relatives au handicap. Il est apparu que 11,2% de la population jordanienne âgée de plus de cinq ans souffre d'un handicap, a indiqué la délégation. Il y a dans le pays 35 000 chômeurs handicapés, dont un tiers sont des femmes, a-t-elle ajouté. Le taux de chômage parmi les personnes handicapées atteint 65%, a-t-elle en outre précisé. La loi prévoit que les entreprises doivent employer 4% de personnes handicapées, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
La délégation a affirmé que la lutte contre la pauvreté des personnes handicapées était une priorité des autorités jordaniennes. Des budgets importants sont prévus pour aider les familles de personnes handicapées, a-t-elle fait valoir. La lutte contre la pauvreté inclut la mise en œuvre des Objectifs de développement durable.
Il faut faire preuve de davantage d'engagement et déployer des efforts pour permettre aux personnes handicapées de mieux participer aux activités sportives et mieux adapter les infrastructures à cette fin, a d'autre part indiqué la délégation. Une unité spéciale devrait coordonner la question de l'accès des personnes handicapées à la culture, a-t-elle ajouté. La délégation a reconnu qu'il n'y avait pas beaucoup de progrès dans ce domaine.
La Jordanie a été pionnière pour ce qui est de signer la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ce qui prouve en la matière la volonté politique du pays, qui est très attaché aux droits des personnes handicapées, a rappelé la délégation. L'amendement apporté à la Constitution en 2011 fait aussi parti des progrès. Toutes les personnes intéressées, notamment les enfants, sont consultées lors des discussions et lors de la définition de stratégies pour les personnes handicapées. Le pays est sur la bonne voie, a conclu la délégation.
Déclaration de Centre national des droits de l'homme
Dans un message transmis par vidéo, le Directeur du Centre national des droits de l'homme de la Jordanie a indiqué que la Jordanie n'avait pas ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, malgré les recommandations du Centre. Certaines lois devraient être amendées pour être mises en conformité avec la Convention, a-t-il en outre souligné. Les mécanismes de facilitation pour les personnes handicapées restent très limités dans les tribunaux, les maisons d'éducation ou encore dans les centres de détention, a-t-il poursuivi; les employés ne peuvent dans la plupart des cas pas répondre aux attentes des personnes handicapées, a-t-il déploré.
Il n'y a pas suffisamment de débouchés, en termes d'emploi, pour les personnes handicapées, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, a poursuivi le Directeur du Centre national des droits de l'homme. Les personnes handicapées continuent de faire l'objet de discriminations, a-t-il ajouté. Elles restent également victimes de violences. En outre, les services de réadaptation sont de mauvaise qualité et il n'existe pas de centre de détection précoce du handicap. Les étudiants handicapés, pour leur part, ont du mal à se déplacer, à accéder à l'école, surtout dans les régions éloignées; ils ont du mal à suivre certains cours à cause du manque d'infrastructures adaptées. Les familles des personnes handicapées n'inscrivent pas suffisamment leurs enfants à l'école. Il n'y a pas de budget suffisant pour répondre aux besoins des personnes handicapées, a conclu le directeur du Centre.
Remarques de conclusion
M. AL HUSSEIN, Président du Conseil supérieur des personnes handicapées, a indiqué que sa délégation avait pris note des questions et des commentaires du Comité. Ce dialogue a permis de mettre en lumière les lacunes qui subsistent et qu'il faut combler, a-t-il relevé. La Jordanie a décidé de faire preuve de sincérité sur la question des droits des personnes handicapées, a-t-il fait observer, reconnaissant la nécessité de bénéficier de l'expérience d'autres pays et d'autres parties comme ce Comité. La Jordanie va s'atteler à mettre en œuvre les recommandations du Comité, conjointement avec la société civile et les organisations de personnes handicapées, a indiqué M. Al Hussein. Les observations finales du Comité seront publiées et partagées avec l'ensemble des personnes handicapées en Jordanie, a-t-il assuré. Le pays a la ferme volonté de vaincre les difficultés que les personnes handicapées rencontrent; la Jordanie est un pays pionnier dans ce domaine, a-t-il conclu.
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RPD17.007F