Fil d'Ariane
LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE LA FRANCE
Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport de la France sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Présentant ce rapport, Mme Laurence Rossignol, Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes de la France, s'est réjouie des avancées de son pays depuis quatre ans, sous l'impulsion d'un Gouvernement strictement paritaire, avec un Ministère consacré aux droits des femmes. Elle a souligné que la dynamique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes était réelle et profonde en France, le Gouvernement ayant fait de l'égalité un principe structurant de l'ensemble de son action. C'est une «véritable culture de l'égalité» qui s'est instaurée, s'est réjouie Mme Rossignol. S'agissant des mesures concrètes, la Ministre a indiqué qu'un plan d'action pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école était mis en œuvre dans tous les établissements scolaires. Un accord-cadre a été signé avec Pôle Emploi pour contribuer à l'amélioration de la qualité des emplois proposés aux femmes. Un plan pour l'entreprenariat féminin a été lancé en août 2013, l'objectif étant de faire passer le taux de femmes créatrices d'entreprise de 30% à 40% d'ici à 2017. En matière de santé, le Gouvernement a facilité l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse. Une loi de 2016 a instauré la gratuité de la contraception pour les jeunes filles mineures. Parmi les autres domaines d'action des autorités figurent également la lutte contre la traite des êtres humains et la mise en œuvre du quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016). Enfin, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a vu ses compétences renforcées en matière de lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias.
Outre d'autres membres du Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes, l'imposante délégation française était également composée de représentants du Ministère des affaires sociales et de la santé; du Ministère des affaires étrangères et du développement international; du Ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche; du Ministère de l'Intérieur; du Ministère des Outre-mer; du Ministère de la Justice; et de la Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève. Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et le Directeur général de l'Office français de l'Immigration et de l'Intégration complétaient cette délégation.
La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité portant, entre autres, sur la coordination de la politique interministérielle pour l'égalité entre femmes et hommes au plan territorial; la parité dans la vie politique; la lutte contre le sexisme, notamment dans les médias; les possibles effets pervers de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel; les potentielles discriminations causées par l'application de la nouvelle loi régissant les relations de travail; les droits des réfugiés et la mise en œuvre de la politique d'asile; la situation à Calais; le nouveau projet de loi permettant des actions de groupe pour les cas de discriminations; et les conditions régissant l'acquisition de la nationalité par le mariage.
Une experte ayant souligné que l'absence de statistiques ethniques ou religieuses empêchait la mesure des discriminations envers différents groupes sociaux, la délégation a expliqué que le Conseil constitutionnel avait estimé que la tenue de statistiques ethniques ne saurait être conforme à la Constitution. La France est hostile aux statistiques raciales au motif qu'il n'y a qu'une seule race, la race humaine. La délégation a néanmoins reconnu la nécessité d'améliorer la compréhension des phénomènes de discriminations.
Une experte a félicité la France pour son cadre législatif impressionnant, ainsi que ses nombreux organes jouant un rôle en matière de non-discrimination à l'encontre des femmes, regrettant toutefois un «manque préoccupant d'effectivité». Par ailleurs, selon une membre du Comité, les stéréotypes visant les femmes doivent être étudiés à plusieurs niveaux: il y a tout d'abord l'image de la femme mère, épouse, chargée des tâches ménagères, qui, même si elle ne s'affiche pas nettement en France, demeure dans les esprits et influence les comportements. Ensuite, il y a les préjugés envers les femmes migrantes et issues des minorités.
En conclusion, la Ministre a assuré que la vigilance de la France à l'égard des actes antimusulmans était grande et qu'elle entendait les combattre, au même titre que tous les autres formes de racisme. Elle a reconnu la nécessité de continuer de protéger les femmes dans leur quête d'autonomisation, en particulier celles qui s'émancipent des convictions religieuses dont elles sont issues.
Le Comité rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 22 juillet, ses observations finales sur les rapports examinés depuis le 4 juillet, dont celui de la France.
Lundi après-midi, à 16 heures, le Comité tiendra une réunion informelle avec les représentants d'ONG et d'institutions nationales de droits de l'homme concernant l'application de la Convention dans les quatre pays dont les rapports seront examinés d'ici la fin de la session: Albanie, Turquie, Uruguay, Mali, et Trinité-et-Tobago.
Présentation du rapport de la France
Le Comité est saisi du rapport périodique de la France (CEDAW/C/FRA/7-8), ainsi que de ses réponses à une liste de sujets à traiter que lui a adressée le Comité (CEDAW/C/FRA/Q/7-8).
MME LAURENCE ROSSIGNOL, Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes de la France, s'est réjouie des avancées de son pays depuis quatre ans, sous l'impulsion d'un Gouvernement strictement paritaire, avec un Ministère consacré aux droits des femmes. Elle a toutefois fait observer que si les progrès étaient indéniables, ils étaient insuffisants au regard des situations de discriminations vécues par les femmes. Le pays est confronté quotidiennement à des situations qui rappellent que «les avancées en matière de droits des femmes ne sont jamais totalement acquises». La dynamique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes est réelle et profonde en France, mais sa progression est sans cesse exposée à des vents contraires, ceux du sexisme ou du relativisme culturel, a observé la Ministre.
Se tournant ensuite vers les principales mesures et dispositions que la France a engagées depuis la remise du rapport en 2013, elle a affirmé que le Gouvernement avait fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un principe structurant de l'ensemble de son action. Cette politique mobilise tous les ministères qui ont adopté de véritables réflexes «égalité» en matière de formation des agents aux enjeux de l'égalité, de valorisation de la mixité des métiers dans l'administration, et de promotion des femmes aux postes de direction. Grâce à cette approche transversale et intégrée, c'est une «véritable culture de l'égalité» qui s'est instaurée, s'est réjouie Mme Rossignol. Elle a également précisé que les fonds consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes étaient estimés à 221 millions d'euros par an. De nouveaux outils ont été créés: depuis 2012, des études d'impact sont effectuées préalablement à tout projet de loi pour analyser les effets des mesures prévues sur l'égalité entre les hommes et les femmes. En outre, le Gouvernement français a pérennisé et conforté le statut du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, créé en 2013, qui veille à l'application et à l'évaluation des politiques et dispositifs mis en place. Enfin, les inégalités sont mieux identifiées et repérées aujourd'hui.
Par ailleurs, la Ministre a attiré l'attention sur le réseau de 130 déléguées aux droits des femmes présent dans chaque département, coordonné par le Service des droits des femmes et à l'égalité. L'engagement de la France se prolonge également au niveau international: la stratégie «Genre et développement (2013-2017)» a pour objectif de prendre en compte la question du genre dans le suivi de l'action internationale de la France. Au plan national, Mme Rossignol a mentionné l'adoption de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes qui définit pour la première fois les objectifs d'une politique intégrée de l'égalité. Elle a souligné que l'ambition que porte le Gouvernement français s'inscrit, par conséquent, dans un arsenal législatif riche, une méthode de travail renouvelée, une pleine mobilisation interministérielle et une appropriation des objectifs d'égalité par les acteurs à tous les niveaux.
Soulignant que c'était dès le plus jeune âge qu'il fallait agir pour combattre les stéréotypes à l'origine des discriminations à l'égard des femmes, la Ministre a précisé qu'un plan d'action pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école avait été mis en œuvre dans tous les établissements scolaires, depuis septembre 2014. La loi sur l'enseignement supérieur et la recherche de 2013 a inscrit l'obligation de nommer un chargé de mission «égalité entre les hommes et les femmes» dans chaque université. S'agissant de l'égalité professionnelle, un premier accord-cadre a été signé en 2013 avec Pôle Emploi, agence nationale chargée de l'assistance aux chômeurs, pour contribuer à l'amélioration de la qualité des emplois des femmes. Un plan pour l'entreprenariat féminin a été lancé en août 2013, l'objectif étant de faire passer le taux de femmes créatrices d'entreprise de 30% à 40% d'ici 2017.
Outre l'éducation, le deuxième axe majeur de la politique française en faveur d'une véritable égalité est de garantir à toutes les femmes l'exercice de leurs droits fondamentaux, à commencer par celui de disposer de leur corps. Le Gouvernement s'est donc attaché à faciliter l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse sur tout le territoire. Une loi de 2016 a instauré la gratuité du parcours contraceptif pour les jeunes mineures. Enfin, l'État a financé la création d'une ligne téléphonique d'information sur la sexualité, l'avortement et la contraception. Par ailleurs, le Gouvernement a placé la prévention des violences, l'accompagnement et la protection des femmes qui en sont victimes au cœur de ses priorités, a précisé la Ministre, citant le quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016).
Parmi les autres domaines d'action du Gouvernement français figure également la lutte contre la traite des êtres humains. Une loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a été adoptée en 2016. Enfin, pour lutter contre le sexisme et les stéréotypes, une convention interministérielle entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif a été conclue pour la période 2013-2018 afin de transmettre une culture de l'égalité et de renforcer l'éducation au respect mutuel entre les sexes. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également vu ses compétences renforcées en matière de lutte contre les stéréotypes sexistes dans les médias.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
Une membre du Comité a félicité la France pour son cadre législatif impressionnant, ainsi que ses nombreux organes jouant un rôle en matière de non-discrimination à l'encontre des femmes. Toutefois, elle a constaté un «manque préoccupant d'effectivité». Constatant que la simplification et l'harmonisation envisagées par l'État-partie dans le traitement des divers motifs devraient augmenter l'effectivité des lois, elle s'est demandée si les discriminations multiples seraient pleinement reconnues dans les procédures judiciaires dans le cas où les tribunaux retiendraient un seul motif.
Une experte a constaté que la Convention semblait toujours méconnue et qu'aucune décision de justice n'y faisait référence. Elle a souhaité savoir si des formations étaient prévues pour que la Convention et son Protocole facultatif soient connus et appliqués par les juristes
L'attention a été portée sur les réfugiées et les demandeuses d'asile, une experte s'interrogeant sur les mesures prises pour assurer le respect minimum des standards de protection dans tous les camps et dans les zones d'attente à la frontière. Calais ne doit pas être répété, avec son lot de misère, violence et exploitation, a-t-elle souligné.
Une experte a émis des doutes sur le fait que la décentralisation puisse résoudre la protection des femmes au niveau local sans qu'il y ait de coordination réelle et de complémentarité effective. Elle a déploré que le rapport ne donne pas d'informations sur la situation dans les départements et territoires d'outre-mer.
Quelle est la part de ressources humaines et financières allouées à l'égalité des sexes, a demandé une experte qui a constaté que les chiffres variaient considérablement dans les différents document fournis.
Selon une membre du Comité, les stéréotypes qui visent les femmes doivent être étudiés à plusieurs niveaux: il y a tout d'abord l'image de la femme mère, épouse, chargée des tâches ménagères, qui, même si elle ne s'affiche pas nettement en France, demeure dans les esprits et influence les comportements. Ensuite, il y a les stéréotypes frappant les femmes migrantes et issues des minorités.
Dans les médias, la parité n'est pas assurée, a constaté une experte. Elle a indiqué à l'appui de ses propos que le pourcentage de femmes dans les programmes de sport atteignait 14%, alors que les femmes représentent 56% de l'audience télévisuelle.
Une experte a souhaité savoir si les autorités comptaient s'intéresser aux effets pervers de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées pour vérifier si la pénalisation des clients n'entraînait pas ipso facto la clandestinité des activités de prostitution, un moindre accès à la sécurité et à des soins de santé, y compris aux services de prévention de la contamination au VIH/sida.
Notant que la France avait ratifié la Convention d'Istanbul sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, une membre du Comité s'est enquise des possibilités de poursuivre les ressortissants français pour des violences, mariages forcées ou mutilations génitales féminines commis en dehors du territoire français.
Une experte s'est demandée s'il n'y aurait pas un risque de discrimination indirecte dans la mise en œuvre des dispositions du code civil relatives à l'acquisition de la nationalité, s'agissant par exemple de l'article 21-4 qui mentionne le problème de «défaut d'assimilation», les femmes ayant parfois moins de possibilités que les hommes de s'intégrer et d'apprendre le français. La délégation a également été invitée à s'exprimer sur les possibles effets pervers du projet de loi El-Khomri, dite «loi travail», des associations ayant dénoncé les discriminations indirectes de ce texte sur les femmes. Existe-t-il des mécanismes permettant de recevoir des plaintes de jeunes filles musulmanes qui auraient été victimes de discrimination à l'école, a par ailleurs demandé une experte ?
L'accès des femmes aux services de santé dans les territoires d'outre-mer est préoccupant, a constaté une membre de la délégation. Elle a souhaité savoir ce qui était prévu pour améliorer cet accès, en particulier pour les femmes autochtones. Elle s'est également enquise des mesures prévues pour réduire la mortalité maternelle et infantile en Guyane. Enfin, elle a demandé si les autorités prévoyaient d'indemniser les femmes exposées aux radiations en Polynésie.
Une membre du Comité a félicité la France pour la simplification de la procédure de divorce par consentement mutuel. Notant l'exigence que chaque époux ait son propre avocat, elle a rappelé que souvent les femmes avaient moins de moyens financiers que les hommes. Une augmentation du budget de l'aide juridictionnelle est-elle prévue ?
Constatant la prévalence du «patriarcat dans la transmission du nom de famille aux enfants», une membre du Comité a souhaité savoir s'il était possible d'attribuer les deux noms ou le nom de la mère aux enfants.
Les autres questions posées par les membres du Comité ont porté, notamment, sur les mesures prises pour accroître la représentation des femmes dans les exécutifs départementaux; la détérioration de la qualité de l'éducation dans certains secteurs de la société; et l'intention de la France de ratifier la Convention 189 de l'Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques, afin de protéger ces groupes de travailleurs particulièrement vulnérables.
Réponses de la délégation
La délégation a reconnu que la question de l'effectivité des lois était fondamentale. Il s'agit de l'orientation principale du Gouvernement, c'est pour cette raison que la loi du 4 août s'intitule pour «l'égalité réelle».
Si la Convention est certes rarement invoquée devant les juridictions nationales, elle l'est toutefois de façon croissante devant la Cour de Cassation. Si peu d'affaires s'y réfèrent, c'est simplement que les éléments relevant de la Convention pour les cas considérés n'étaient pas fondés.
La lutte contre toutes les discriminations est au cœur de l'approche de la France. Les personnes déléguées aux droits des femmes sur tout le territoire français sont associées aux travaux sur la lutte contre toutes les formes de discrimination, le racisme et l'homophobie. La prise en compte des discriminations multiples par les Tribunaux est possible. Enfin, l'appareil statistique créé par la France permet d'avoir une meilleure mesure et une plus grande connaissance des discriminations dont les femmes peuvent être victimes.
Une experte ayant souligné que l'absence de statistiques ethniques ou religieuses empêchait la mesure des discriminations envers différents groupes sociaux, la délégation a expliqué que cette question était encadrée par la jurisprudence constitutionnelle. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que la tenue de statistiques ethniques ne saurait être conforme à la Constitution. Le risque, en effet, serait de classer et de catégoriser les populations dans des catégories dans lesquelles elles ne se reconnaîtraient pas elles-mêmes. Il existe un large consensus au sein de la communauté scientifique pour ne pas recourir aux statistiques ethniques, selon elle. La délégation a ajouté que la France était hostile aux statistiques raciales au motif qu'il n'y a qu'une seule race, la race humaine. Les discriminations commises à l'encontre de certains groupes de personnes peuvent cependant être mesurées, a souligné la délégation, qui a néanmoins reconnu la nécessité d'améliorer la compréhension des phénomènes de discriminations. Les autorités entendent mieux exploiter les données publiques à disposition"
Répondant aux questions sur les droits des réfugiés et la mise en œuvre de la politique d'asile, la délégation a expliqué que tous les réfugiés et demandeurs d'asile avaient droit à l'Aide médicale d'État. La France reçoit actuellement 80 000 demandes d'asile, un chiffre qui devrait probablement atteindre les 100 000. La délégation a également attiré l'attention sur la loi portant réforme de l'asile adoptée en 2015 qui a profondément rénové les procédures administratives, en renforçant les garanties accordées aux requérants, avec une attention très particulière aux femmes. Cette loi permet de mieux répondre aux personnes en situation de vulnérabilité.
Une attention toute particulière est accordée à la situation à Calais. Les autorités ont mis en place un système de départ sans condition vers des centres d'accueil. Des maraudes sont assurées pour informer les personnes de leurs droits. La délégation a expliqué que le problème de Calais était causé par le fait que les autorités n'arrivaient pas à convaincre les migrants qu'ils pouvaient demander l'asile en France et bénéficier des services offerts aux demandeurs d'asile. Ces camps, qui témoignent de l'envergure des flux de déplacement de ces dernières années, sont un sujet de préoccupation pour la France, a assuré la délégation.
Un projet de loi intitulé «Justice du XXIe siècle» a été adopté par l'Assemblée nationale, a indiqué la délégation, par ailleurs. Ce texte intègre des dispositions permettant des actions de groupe en matière de lutte contre les discriminations. Les conditions d'entrée en vigueur des actions de groupe sont encore en débat actuellement, a-t-elle précisé. Elle a également expliqué que par «action de groupe», il fallait entendre une action menée par une association ou un syndicat qui introduit l'action en ayant reçu mandat d'une partie des victimes. Il est possible pour des associations féministes de mener des actions de groupe. À une experte qui demandait si des groupements ad hoc pouvaient lancer une action de groupe, la délégation a précisé que seules les associations agréées pouvaient introduire une action de groupe. En revanche, il n'est pas interdit d'introduire des actions conjointes pour des victimes de discriminations.
La connaissance de la Convention et des autres instruments internationaux auxquels la France a adhéré fait partie du cursus de formation des professions juridiques. En particulier, un travail important a été fait avec l'École nationale de la magistrature et les écoles de formation des policiers pour informer très spécifiquement sur les questions de discriminations consacrées dans la Convention.
À l'experte qui s'étonnait de l'absence d'informations sur les territoires d'outre-mer dans le rapport français, la délégation a précisé que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie avaient certaines compétences qui leur sont propres, ce qui explique qu'elles aient transmis séparément leurs rapports qui ont été ajoutés au rapport national.
Il existe un mécanisme pour coordonner la politique interministérielle pour l'égalité entre femmes et hommes et pour décliner cette politique au plan territorial. Un service composé d'une trentaine d'agents à Paris est chargé d'animer un réseau national composé de 150 agents et présent également dans les territoires d'outre-mer. Les relations sont permanentes. Leurs objectifs sont notamment de lutter contre le sexisme et de promouvoir une culture de l'égalité. Il s'agit d'un réseau entièrement consacré aux droits des femmes. La délégation a également précisé que le budget alloué à l'action d'animation des politiques d'égalité avait connu une augmentation ces dernières années.
L'année 2015 a été marquée par une forte augmentation des actes antimusulmans: ils se montaient à 133 en 2014 et à 409 en 2015. Toutefois, l'année 2016 a connu jusqu'à présent une baisse considérable de ces actes. Une surveillance particulière est accordée aux actes visant les femmes musulmanes. Un travail en profondeur d'éducation et de pédagogie est également mené au sein de l'éducation nationale et informelle. La délégation a précisé que le nombre de mosquées était passé de 1 500 au début des années 2000, à 2 700 aujourd'hui. Des dispositions sont prévues pour faciliter l'édification de lieux de culte: par exemple, les collectivités locales ont le droit de mettre des terrains peu coûteux à disposition des associations religieuses pour édifier un lieu de culte. Enfin, la France fait un effort pour les services d'aumônerie, notamment pénitentiaire et militaire.
S'agissant de la parité réelle dans la vie politique, la délégation a expliqué qu'il fallait distinguer la parité dans les élections à scrutins de listes de la parité dans les scrutins uninominaux: dans les scrutins de listes, les listes «à parité alternée» (un homme, une femme, etc.) sont obligatoires; lorsque les scrutins sont uninominaux, le même système ne peut être appliqué. Il existe une sanction, sous forme d'amende, pour les partis qui ne respectent pas la parité ou ne présentent pas un nombre suffisant de femmes. Certains partis politiques préfèrent payer cette amende que présenter un nombre suffisant de femmes mais les autorités ne désespèrent pas que la sanction financière finisse par agir comme levier de motivation à présenter des femmes.
L'égalité ne progresse pas au rythme auquel les autorités souhaiteraient qu'elle progresse, a reconnu la délégation, avant de constater que le problème résidait pour beaucoup dans des stéréotypes sexistes qui ont la vie dure. La lutte contre ces préjugés est par conséquent une priorité du Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes. S'agissant des stéréotypes dans les médias, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est chargé depuis 2014 de demander aux organes d'information d'identifier la place des femmes dans les programmes de télévision et de radio, leur présence, leur représentation et leur fonction (experte ou témoin). Cette identification chiffrée a notamment permis de faire en sorte que la Convention qui lie l'État à France Télévisions donne des orientations sur la place des femmes dans l'audiovisuel. Les autorités ont la volonté d'avoir des statistiques et de faire évoluer les milieux concernés, a répété la délégation. Elle a ajouté que la lutte contre le sexisme ne se ferait pas uniquement par la loi. Le Ministère des familles, de l'enfance et des droits des femmes travaille avec l'ensemble des professions pour promouvoir d'autres moyens de faire leur travail en excluant le sexisme. Il faut mobiliser les femmes et les activistes pour qu'ils portent la lutte contre le sexisme, a souligné la délégation. Elle a également annoncé qu'une grande campagne de sensibilisation contre le sexisme serait menée dès la rentrée.
Répondant à une question sur les mutilations génitales féminines, la délégation a expliqué que la loi du 5 août 2013 avait inscrit une nouvelle infraction dans le code pénal: est puni le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d'user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu'il se soumette à une mutilation sexuelle.
S'agissant de la lutte contre la prostitution et du soutien apporté aux personnes concernées, la délégation a indiqué qu'un volet de la loi prévoyait un accompagnement pour la sortie de la prostitution. Ces mesures comprennent notamment un hébergement d'urgence, des soins de santé, une prise en charge psychologique, et une aide au retour à l'emploi. La loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées prévoit qu'une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée aux victimes étrangères, ayant cessé l'activité de prostitution et étant engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle.
Interrogée sur les possibles effets pervers de cette loi, la délégation a souligné qu'il ne s'agissait en effet pas d'une loi consensuelle. Les questions soulevées par le Comité sont les mêmes que celles qui se sont posées au cours du débat national sur cette question. La France a fait le choix de cette loi, à l'instar d'autres pays, dont les pays scandinaves: il s'agit d'une loi qui dit que la société considère que l'achat et la vente de services sexuels constituent une atteinte aux personnes prostituées; c'est une loi qui souligne que le corps d'autrui n'est pas à vendre. La délégation a fait observer qu'à l'inverse, le fait d'autoriser l'achat de services sexuels auprès des femmes est préjudiciable à la représentation de la femme en général. Elle a souligné que depuis l'entrée en vigueur de la loi, les associations chargées du parcours de la sortie de la prostitution avaient assisté à une forte augmentation du nombre de personnes prostituées prenant contact avec elles. La délégation estime que la France mériterait d'être appuyée par le Comité dans son ambition de mettre un terme à un phénomène dont 85% des membres sont des femmes.
La délégation a mentionné l'existence d'un plan d'action pour la lutte contre la traite des êtres humains. Ce plan suit une approche globale et intégrée, fondée sur les droits humains, la protection des victimes, la poursuite des auteurs et la prévention du phénomène. Une attention particulière est portée à l'exploitation sexuelle dont les femmes sont les principales victimes. La loi du 13 avril 2016 - visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées - prévoit une autorisation provisoire de séjour aux victimes étrangères. Le renouvellement automatique de ce titre de séjour temporaire est prévu pour celles qui portent plainte en justice. Outre un accès élargi à un titre de séjour, le plan d'action pour la lutte contre la traite prévoit et met en œuvre un dispositif national d'accueil dit «sécurisant». Enfin, les victimes de la traite font partie des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux, quelle que soit la forme d'exploitation dont les personnes ont été victimes.
S'agissant de l'acquisition de la nationalité par le mariage, la délégation a expliqué qu'il y avait obligation de vie commune, en vertu du droit commun. Cette acquisition n'est en effet pas automatique, les cas de polygamie posant problème. La délégation a précisé par ailleurs que la référence au «défaut d'assimilation» dans l'article 21-4 du code pénal se référait à un défaut comportemental. Elle a précisé que cet article avait concerné uniquement des hommes pour des cas de polygamie.
Le projet de loi «Justice du XXIe siècle» actuellement déposé au Parlement prévoit une disposition qui porterait de trois à cinq jours le délai d'enregistrement des naissances et à huit jours lorsque le justifie l'éloignement entre le lieu de séjour et l'office d'enregistrement.
La réussite scolaire des enfants d'origine étrangère est un sujet que les autorités suivent avec attention. L'enquête «trajectoires et origines» de l'Institut national d'études démographiques illustre de façon précise ce qu'il en est, en particulier pour les filles, à chaque stade du parcours scolaire.
Quant à la loi El-Khomri («loi travail»), la délégation a estimé que l'analyse de certaines associations qui y décèlent des discriminations à l'égard des femmes n'était pas appropriée. En amenant la négociation au niveau des entreprises, donc au plus près des femmes, cela peut au contraire contribuer à l'égalité. En outre, l'entreprise est d'ores et déjà le principal lieu de négociations. La délégation a également fait observer que cette loi comportait aussi des mesures extrêmement favorables à l'égalité professionnelle. En outre, elle renforce les mesures concernant les agissements sexistes et le harcèlement.
La politique familiale en France est extrêmement favorable à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en matière notamment de financement des mode d'accueil des enfants. L'évolution du congé parental qui prévoit de répartir les congés entre les deux parents est favorable à l'emploi des femmes.
Interrogée sur les cas de mortalité infantile et maternelle, la délégation a précisé que 75% des femmes qui accouchaient à Mayotte étaient d'origine étrangère et arrivaient en fin de grossesse sans avoir bénéficié de soins de suivi.
Par ailleurs, la délégation a assuré que les questions de santé consécutives aux radiations atomiques en Polynésie font l'objet d'une surveillance accrue de la part des autorités. Des aides sont fournies aux victimes. Le Président de la République française vient d'ailleurs d'annoncer le renforcement du service oncologique de Papeete.
La délégation a précisé que les autorités s'intéressaient à la situation des jeunes femmes rom et déployaient des efforts tout particuliers, notamment en matière d'information sur la contraception.
Les jeunes femmes victimes de discriminations à l'école peuvent effectuer un signalement aux autorités compétentes. Permettre aux victimes de signaler les discriminations est le sens même des efforts déployés par le Gouvernement pour lutter contre le racisme et toutes les formes de discriminations.
Enfin, la délégation a précisé qu'il était possible de donner deux noms de famille aux enfants en utilisant un tiret entre les deux noms, celui du père et de la mère.
En conclusion, MME LAURENCE ROSSIGNOL, Ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes de la France, a estimé que cette audition avait été l'occasion d'effectuer une évaluation de la situation dans son pays. Les recommandations du Comité pourront servir de point d'appui pour l'action des autorités. Elle a rappelé que son action, en tant que Ministre, se situait dans ce que Simone de Beauvoir a posé comme étant les conditions de l'émancipation de la femme: l'autonomie par le travail et le contrôle des naissances par le droit de disposer de son corps. Constatant que le Comité avait beaucoup insisté sur les cas de racisme antimusulman, elle a assuré que la vigilance de la France à cet égard était grande, qu'elle entendait combattre ces cas, au même titre que tous les autres formes de racisme. La Ministre a conclu en rappelant la nécessité de continuer de protéger les femmes dans leur quête d'autonomisation, en particulier celles qui s'émancipent des convictions religieuses dont elles sont issues.
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CEDAW16.021F