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LE CONSEIL ACHÈVE SON DÉBAT ANNUEL SUR LES DROITS DE L'ENFANT

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, son débat annuel sur les droits de l'enfant, qui porte cette année sur les technologies de l'information et des télécommunications et l'exploitation sexuelles des enfants. Après s'être penché ce matin sur le cadre international et les défis associés à cette problématique, il s'est concentré, cet après-midi, sur le rôle des technologies de l'information et des télécommunications dans l'exploitation sexuelle des enfants en ligne, ainsi que sur les approches multipartites et les pratiques exemplaires contre ce problème.

Animé par la Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, Mme Marta Santos Pais, le débat a compté avec la participation d'experts issus du système des Nations Unies, d'Interpol, de la société Google et du monde associatif. Dans une déclaration liminaire, Mme Santos Pais a souligné que l'accès à Internet et aux technologies de l'information et de la communication (TIC), s'il est essentiel aux jeunes d'aujourd'hui, peut également constituer un danger pour eux. Mais, a-t-elle ajouté, on ne peut pas, au nom de la protection des enfants, mettre en cause la liberté d'expression et de créativité qu'offre Internet. Mme Santos Pais a plaidé pour des partenariats entre tous les acteurs capables de prévenir les risques liés aux technologies de l'information et des télécommunications .

Les experts invités étaient M. Anders Franco, Directeur adjoint du Département de l'engagement avec le secteur privé du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); M. Håkon Fostervold Høyda, journaliste au quotidien norvégien Verdens Gong; M. Michael Moran, Directeur adjoint chargé des communautés vulnérables à l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol); Mme Brittany Smith, responsable de la politique pour la sécurité des enfants de Google (Europe); et Mme Gaby Reyes, directrice de l'association Crecer en Red, du Pérou.

M. Franco a souligné d'emblée que si la «révolution Internet» est source de transformations positives en matière d'éducation et d'information, les nouvelles technologies exposent aussi ces enfants – qui représentent un tiers des internautes – à de nouvelles formes d'exploitation et à de nouveaux risques. M. Moran a rappelé que l'exploitation sexuelle des enfants existait bien avant l'apparition d'Internet et que la production de matériel pédopornographique a toujours répondu à une demande existante. Seulement, aujourd'hui, les technologies de l'information et des télécommunications rendent possible d'échanger très facilement des films copiés et des images scannées. C'est pourquoi Interpol a créé une banque de données à laquelle sont connectés 49 pays, pour identifier les enfants victimes de crimes pédophiles. Également au chapitre de la prévention, Mme Smith a expliqué que le moteur de recherche Google avait été modifié de sorte à bloquer les contenus pédophiles ; les ingénieurs de YouTube, qui est une filiale de Google, ont élaboré une technologie similaire pour repérer et bloquer les vidéos pédopornographiques.

De l'avis de M. Høydal, la police n'aura jamais les moyens que d'enquêter sur les cas de pédophilie les plus graves ou ceux présentant le plus grand danger. La question se pose donc de ce qu'il adviendra de la majorité des pédophiles, ceux qui ne passeront jamais à l'acte mais qui, par leur comportement, contribuent à créer ou à alimenter la demande en matériel pédopornographique sur des forums et sites spécialisés. Dernière experte invitée, Mme Reyes a souligné que la bonne approche ne consiste pas à susciter un sentiment de peur d'Internet chez les enfants. Il faut au contraire renforcer les compétences numériques des enfants pour leur permettre d'utiliser intelligemment cet outil.

Parmi les nombreuses délégations* qui sont intervenues au cours du débat, bon nombre ont souligné le rôle positif que jouent Internet et les autres technologies de l'information et des télécommunications pour l'éducation et la vie sociale des enfants, y compris dans les pays en développement. Il ne serait donc pas légitime de limiter l'accès à Internet au prétexte de lutter contre les abus commis sur les enfants, ont plaidé nombre d'intervenants, avant de présenter les mesures prises par leurs gouvernements respectifs pour réprimer l'exploitation sexuelle des enfants. Mais, au-delà de ces mesures, plusieurs délégations ont souligné la nécessité de renforcer la coopération internationale entre les services de répression, les acteurs de la société civile et les entreprises technologiques. Ont par ailleurs été présentés des exemples d'initiatives lancées avec des fournisseurs d'accès locaux, allant de l'élaboration d'un code de bonne conduite au profilage des sites Internet pédopornographies, en passant par la transmission de données aux autorités de police.


Demain matin, à 9 heures, le Conseil achèvera ses débats interactifs, entamés ce midi, avec la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'alimentation et l'Expert indépendant sur les effets de la dette extérieure sur les droits de l'homme. Il tiendra ensuite des débats interactifs groupés avec les Représentants spéciaux du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants et sur les enfants et les conflits armés. En deuxième partie de journée, le Conseil tiendra des débats interactifs combinés avec le Rapporteur spécial sur la torture et avec la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants.


Débat annuel sur les droits de l'enfant

Documentation

Le Conseil est saisi d'un rapport du Haut-Commissaire sur le thème «Technologies de l'information et de la communication et exploitation sexuelle des enfants» (A/HRC/31/34).

Deuxième partie - Les technologies de l'information et des télécommunications et l'exploitation sexuelles des enfants : rôle des technologies de l'information et des télécommunications, approche multipartites et pratiques optimales

Déclaration liminaire

MME MARTA SANTOS PAIS, Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants, modératrice du débat de cet après-midi, a indiqué que l'un des objectifs du nouveau Programme de développement durable à l'horizon 2030 est l'éradication de toute forme de violence contre les enfants. Le Programme reconnaît, à cet égard, le rôle du secteur privé et celui, essentiel, des technologies de l'information et des télécommunications (TIC) dans la réduction de la fracture numérique. Mme Santos Pais a fait observer que les principes de la Convention relative aux droits de l'enfant restaient tout aussi pertinents aujourd'hui qu'en 1989, lors de son adoption.

La Représentante spéciale du Secrétaire général a constaté que l'accès à Internet et aux technologies de l'information et des télécommunications est essentiel pour les jeunes. On sait que ces technologies servent aussi, souvent, à commettre des crimes contre les enfants. Il faut cependant admettre qu'elles sont utiles pour l'éducation des enfants et leurs activités sociales. La Représentante spéciale a donc estimé qu'on ne pouvait, au nom de la protection des enfants, mettre en cause la liberté d'expression et de créativité qu'offre Internet. En outre, aucun pays, aucune stratégie ne peut répondre seule au problème de l'exploitation et de la violence contre les enfants. Pour prévenir les risques liés aux TIC, on aura intérêt à favoriser les partenariats entre tous les acteurs concernés. Dans tous ces domaines, l'intérêt supérieur de l'enfant, qui préside à la Convention relative aux droits de l'enfant, devra être placé au premier plan, a insisté Mme Santos Pais.

Exposés des panélistes

M. ANDRES FRANCO, Directeur adjoint du Département de l'engagement avec le secteur privé du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a souligné qu'un utilisateur d'Internet sur trois est un enfant. La «révolution Internet» est source de transformations positives en matière d'éducation et d'information, a constaté M. Franco, tout en reconnaissant, à son tour, que les nouvelles technologies exposent les enfants à de nouvelles formes d'exploitation et à de nouveaux risques. Si le nombre d'enfants victimes d'exploitation sexuelle en ligne n'est pas connu, on sait cependant que le nombre de pages Web présentant des abus sexuels à l'encontre des enfants a augmenté de 147% entre 2012 et 2014, 80% de ces contenus mettant en scène des filles et des garçons de moins de 10 ans.

Dans ce contexte, l'UNICEF met en œuvre un programme mondial pour renforcer les capacités de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants en ligne. Son objectif est de protéger les enfants, d'appréhender et de poursuivre leurs auteurs et de faire en sorte que les enfants puissent profiter d'Internet sans danger. Parmi les problèmes à surmonter, M. Franco a cité le manque de coordination entre les parties prenantes aux niveaux national et international et la faible sensibilisation des enfants et de leurs parents aux risques posés par les nouvelles technologies.

Le représentant de l'UNICEF a rappelé que ce qui se passe en ligne est le reflet des risques que connaissent les enfants dans la vie réelle. Les efforts pour protéger les enfants en ligne doivent être intégrés aux autres efforts déployés pour assurer la sécurité des enfants. Enfin, M. Franco a rappelé aux États qu'en adoptant le Programme de développement durable à l'horizon 2030, ils se sont aussi engagés à mettre un terme à l'exploitation et à toutes les formes de violence à l'encontre des enfants.

M. HÅKON FOSTERVOLD HØYDAL, journaliste au quotidien Verdens Gang (Norvège), a dit avoir réalisé, en 2013, une enquête sur le revenge porn, une pratique qui consiste à publier des photos volées de personnes nues sur Internet dans un but de vengeance. Cette enquête a permis incidemment à ses auteurs de comprendre les mécanismes complexes utilisés par les auteurs de publications pédopornographiques et d'identifier 95 000 hommes ayant téléchargé des images et vidéos à caractère pédophile. L'équipe d'enquête a pu retrouver dix de ces hommes vivant en Norvège. Leurs profils étaient divers, certains n'ayant qu'un comportement fantasmatique quand d'autres présentaient des risques de passage à l'acte. Parmi ces hommes, certains ont regretté leurs actes ; d'autres ont expliqué leur réelle difficulté à se désintoxiquer de ces pratiques, a expliqué le journaliste.

De l'avis de M. Høydal, la police n'aura jamais les moyens d'enquêter sur les cas autres que les plus graves ou ceux présentant le plus grand danger. La question se pose donc de ce qu'il adviendra des autres cas, soit le plus grand nombre, qui concernent les hommes qui ne passeront jamais à l'acte mais qui, par leur comportement, contribuent à créer ou à alimenter la demande en matériel pédopornographique sur des forums ou sites pour pédophiles.

Mais il est possible d'agir, a assuré M. Høydal, y compris pour sauver les pédophiles et éviter qu'ils ne passent à l'acte. Les médias, à l'image de son journal et de l'enquête qu'il a menée, ne sont pas impuissants. Il faut également que des personnes «normales» soient présentes sur les sites pédophiles, car on ne peut laisser se transformer ces lieux en endroits où les comportements illégaux sont la norme. Enfin, il faut, comme l'industrie de la propriété intellectuelle l'a fait, traquer les adresses Internet de ces personnes, non pas seulement pour les poursuivre, mais aussi pour les prévenir que leur comportement est repéré et connu.

M. MICHAEL MORAN, Directeur adjoint chargé des communautés vulnérables à l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), a rappelé que l'exploitation sexuelle des enfants existait bien avant l'apparition d'Internet et que la production de matériel pédopornographique a toujours répondu à une demande existante. L'avènement des technologies de l'information et des télécommunications est une révolution car elles rendent possible d'échanger des films copiés et des documents scannés. Heureusement, grâce au travail des services de police et d'organisations non gouvernementales soutenus par un public particulièrement peu tolérant face à ce genre d'abus, l'explosion de matériel pédopornographique est plus ou moins contenue depuis 15 ans. Toutefois, il demeure de très importants échanges sur des plateformes informatiques clandestines, le plus souvent sans manipulation d'argent.

M. Moran a, lui aussi, souligné que le nombre des coupables identifiés dépassait les capacités de répression des pays les plus développés; plus de 50 000 enfants figurant dans du matériel pédopornographique, en général âgés de moins de dix ans, n'ont pas encore pu être identifiés. C'est pourquoi Interpol a créé en 2001, grâce à des financements du G8 et de l'Union européenne, une banque de données à laquelle sont connectés 49 pays, afin que chaque enfant signalé ait une chance d'être identifié. Ce n'est que par la coopération que l'on pourra, à l'avenir, gérer ce problème, a conclu M. Moran.

MME BRITTANY SMITH, Responsable de la politique pour la sécurité des enfants de la société Google (Europe), a souligné que son entreprise travaillait d'arrache-pied pour qu'aucun contenu pédopornographique ne soit disponible sur ses services. L'entreprise déploie 16 équipes, soit plus de 200 personnes, pour éliminer ces contenus atroces d'Internet et collabore avec les autorités nationales afin d'appréhender les personnes qui cherchent ou partagent ces contenus. Mme Smith a précisé que l'outil de recherche Google a été modifié de sorte à empêcher ces contenus d'apparaître dans les pages de résultat, étant entendu que Google ne peut pas empêcher les pédophiles d'ajouter des images sur Internet. De plus, des avertissements ont été ajoutés en haut de la liste des résultats, expliquant que la pédopornographie est illégale et indiquant où trouver de l'aide.

Mme Smith a expliqué qu'il est difficile de détecter automatiquement les images pornographiques impliquant des enfants, car les automates de détection ont encore du mal à les distinguer des autres images innocentes d'enfants. Par contre, une fois qu'une image a été détectée, elle est marquée de telle sorte qu'elle ne pourra plus réapparaître dans les services de Google. L'entreprise s'engage maintenant à partager ses propres données, afin que les images soient aussi éliminées des autres services. Les pédophiles ayant de plus en plus souvent recours à la vidéo, les ingénieurs du diffuseur YouTube (filiale de Google) ont créé une technologie similaire pour repérer et bloquer les contenus pédopornographiques. Par ailleurs, Google répond chaque année à des millions de requêtes liées à la protection des enfants émanant des autorités. Enfin, Google propose des formations et une assistance technique aux agents chargés d'enquêter sur les crimes contre les enfants commis sur Internet. Les entreprises comme Google ont une vraie responsabilité pour assurer que les utilisateurs surfent sur Internet en toute sécurité, a conclu Mme Smith.

MME GABY REYES, Directrice de l'association Crecer en Red, au Pérou, a elle aussi souligné que les TIC pouvaient se transformer en un vecteur de violences sexuelles contre les enfants. Mais, a-t-elle ajouté, il ne faut pas pour autant négliger les nombreux avantages que les TIC présentent, aussi, pour l'épanouissement des enfants. Mme Reyes a donc plaidé pour des politiques pénales plus répressives qui tiennent compte des besoins globaux des enfants.

Du point de vue de Crecer en Red, il faut améliorer la compréhension de l'interaction des enfants avec Internet, les États devant financer les études dans ce domaine. Il faut faire participer les enfants à l'élaboration d'outils et de programmes de prévention, par exemple en tirant parti de leur compétence et de leurs habitudes en ligne. C'est la méthode retenue par une campagne de sensibilisation nommée Just a click away, montée en collaboration avec Google et Save the Children. Crecer en Red travaille aussi, avec Walt Disney et Google, à l'élaboration de méthodologies de renforcement des capacités des parents et des enseignants dans leur interaction avec les TIC. Enfin, il est utile de renforcer les compétences numériques des enfants pour leur permettre d'utiliser intelligemment ces outils, a conclu Mme Reyes.

Débat

De nombreuses délégations ont rappelé le rôle positif que joue Internet dans l'éducation et la vie sociale des enfants. La Slovénie a ainsi déclaré que 75% de ses enfants âgés de 9 à 16 ans avaient au moins un profil sur les réseaux sociaux utilisant l'Internet. La République du Congo a fait observer que, malgré la fracture numérique entre pays développés et pays en développement, l'influence des technologies de l'information et de la communication (TIC) sur la société congolaise devenait manifeste, sans que le pays ne dispose d'infrastructures permettant d'en limiter les effets néfastes sur les couches vulnérables. Le pays juge donc important que les mécanismes du Conseil des droits de l'homme continuent d'œuvrer pour la protection des droits de l'enfant, sans pour autant restreindre les avantages découlant d'une utilisation saine d'Internet. Le Portugal a lui aussi plaidé pour un équilibre entre le devoir de protéger les enfants des dangers de l'Internet et la nécessité de préserver leur liberté en ligne. Avec la moitié de sa population âgée de moins de 18 ans, le Mali souscrit à toute initiative visant à réprimer durement cette nouvelle menace (de l'exploitation sexuelle des enfants via Internet), tout en préservant la liberté de chacun d'avoir accès aux TIC.

L'Union européenne a estimé que tous les services oeuvrant à la protection et au bien-être de l'enfant doivent pouvoir disposer des moyens d'agir efficacement en ligne et hors ligne. L'Union a salué les efforts déployés ces dernières années par les entreprises liées à Internet pour éviter que cette technologie ne soit utilisée pour des activités criminelles; elle a cependant appelé à de nouveaux efforts. L'Union européenne soutient en outre des initiatives telles que l'Alliance mondiale contre l'exploitation sexuelle des enfants et WePROTECT. Le Conseil de l'Europe a présenté son cadre normatif de coopération pour garantir aux enfants le plein exercice de leurs droits dans le cadre de l'utilisation d'Internet, attirant notamment l'attention sur la Convention sur la cybercriminalité, qui définit les crimes commis sur ou par les systèmes informatiques. La pédopornographie est le seul crime lié au contenu reconnu dans cette Convention – laquelle a été ratifiée par 48 pays, ce qui témoigne du consensus sur la question, a précisé le Conseil de l'Europe, avant d'attirer également l'attention sur la Convention de Lanzarote, qui vise à combattre les abus sexuels contre les enfants, en ligne ou hors ligne. Les deux Conventions susmentionnées sont dotées d'un mécanisme de suivi qui évalue les législations nationales et aide les États à les rendre suffisamment solides pour assurer une protection efficace des enfants sur Internet. L'Organisation de la coopération islamique (OCI) a rappelé que l'article 17 de la Charte des droits de l'enfant dans l'islam, adoptée en 2005, invite les États membres à adopter toute mesure de protection de l'enfance, y compris contre l'exploitation sexuelle. L'organe scientifique de l'OCI a publié un guide pratique sur les risques de la cybercriminalité à l'encontre des enfants. L'OCI souhaite savoir comment les familles pourraient contribuer à la protection des enfants sans restreindre les avantages qu'ils peuvent tirer de l'utilisation d'Internet.

De nombreux États ont présenté les mesures qu'ils ont prises pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants. Bahreïn a expliqué avoir pris différentes initiatives pour sauvegarder les droits des enfants; une étude nationale a été entreprise concernant la sécurité sur Internet et des opérations de sensibilisation ont été menées à l'intention des enfants, des étudiants et des familles. Israël a présenté ses mesures en matière de régulation, de poursuites, de changements institutionnels, d'éducation, de formation et de sensibilisation aux fins de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants par le biais d'Internet. La Bosnie-Herzégovine a mentionné son plan d'action 2014-2015 contre la violence envers les enfants par le biais des technologies de l'information et de la communication, qui compte plus de 40 activités. Les Maldives, qui ont le plus fort taux de pénétration d'Internet en Asie du Sud, ont expliqué avoir lancé en 2015, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), la campagne nationale «Écoutez-nous» pour protéger les enfants contre toute forme d'abus ou de négligence, avec comme slogan «il faut une communauté pour élever un enfant». L'éducation des enfants mais aussi des parents et des enseignants à un bon usage d'Internet est un des éléments de cette campagne.

En Amérique latine, 40% des enfants entrent en contact avec un inconnu en ligne, a indiqué la représentante de la Bolivie, ajoutant que cette situation doit pousser les États à aborder les questions relatives au danger que courent les enfants en ligne et à adopter des mesures de répression efficaces contre les actes à leur encontre. Dans ce contexte, la délégation bolivienne s'est enquise des mesures qui pourraient être prises pour lutter contre le phénomène, tout en respectant la liberté sur Internet. Pour combattre efficacement ce phénomène, il faut exercer une contrôle policier et judiciaire accru sur les sites Internet incriminés, en bonne coopération avec la communauté internationale, a souligné le Venezuela. L'Argentine a quant à elle indiqué avoir investi dans la prévention, notamment à travers des campagnes de sensibilisation, mais aussi dans la répression, par le biais d'une loi sur les délits électroniques et d'une autre sur les crimes et sollicitations à caractère sexuel. Le Monténégro a pour sa part lancé une initiative «Save Internet» pour apprendre aux enfants à utiliser cette technologie d'une manière sûre. Le Monténégro fait également partie des 17 pays prenant part au programme de de lutte contre la violence sexuelle sur les enfants mis en place par l'UNICEF. Le Belarus a indiqué mettre l'accent sur la prévention des délits liés à la violence sexuelle, en misant notamment sur les capacités à faire face au harcèlement et aux comportements indélicats dont les enfants pourraient être victimes sur l'Internet. Le Belarus insiste toutefois sur le rôle crucial que peut jouer la coopération internationale en la matière. L'Albanie a indiqué avoir pris des «mesures positives» pour protéger les droits des enfants, au nombre desquelles figure l'adoption de lois et de campagnes de sensibilisation des parents aux risques courus par les enfants sur Internet. Une large coopération, y compris avec la société civile, peut aider à apporter des solutions à ce problème, a elle aussi souligné la délégation albanaise.

Au Soudan, le Conseil national de protection de l'enfant a adopté plusieurs programmes incluant des campagnes de sensibilisation sur la violence faite aux enfants, sous la supervision d'une équipe spéciale. En République islamique d'Iran, les autorités ont mis en place diverses mesures; ont notamment été adoptées des lois visant la protection des enfants et un centre de cyber-police a été créé pour traquer les auteurs d'actes criminels en ligne. Au Royaume-Uni, outre l'initiative WePROTECT impliquant divers acteurs publics et privés, le Gouvernement prépare une Alliance globale contre les abus sexuel sur les enfants en ligne, qui coordonnera pour la première fois les efforts mondiaux en la matière. Le Premier Ministre britannique a par ailleurs promis de contribuer à hauteur de 50 millions de Livres sterling, dont 10 ont déjà été versés, au programme global de l'UNICEF, a indiqué le Royaume-Uni. Ce n'est que par des efforts communs que l'on pourra protéger les enfants contre les crimes en ligne, a souligné le Kirghizistan, appelant les États à unir leurs efforts pour sanctionner des actes tels que le harcèlement en ligne.

La Thaïlande – rappelant qu'Internet ne fait qu'aggraver une menace qui pesait déjà sur les enfants – a dit avoir amendé son Code pénal pour imposer jusqu'à cinq années d'emprisonnement pour la simple possession de matériel pédopornographique, et jusqu'à dix ans pour la production et le commerce de tels matériaux. Le Pakistan a dit criminaliser l'exploitation sexuelle des enfants par le biais de la loi sur la criminalité électronique. Monaco a déclaré que sa loi de 2007 sur le renforcement de la répression des crimes et délits contre l'enfant contient plusieurs dispositions spécifiques sur l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. En outre, le pays a ratifié en 2014 la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Convention de Lanzarote).

La France a souligné que la prévention passait par deux axes. Il s'agit d'une part d'améliorer les outils mis à la disposition des parents, tels que les logiciels de contrôle parental, comme il en existe un en France, installé gratuitement sur les boîtiers («box») de tous les fournisseurs d'accès et, d'autre part, de sensibiliser les enfants et leurs familles aux réalités d'internet. Il faut ensuite compléter la prévention par une réponse pénale sévère, ainsi que par des mesures administratives de blocage (des sites visés).

Le Mexique a estimé que les États devaient conclure des alliances entre eux et avec les ONG et a insisté sur l'importance de la collaboration avec les services chargés de l'application des lois. Le pays a par ailleurs demandé si les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme pourraient avoir une influence en ce domaine et quels mécanismes pourraient être mis en place pour inciter les secteurs concernés à s'auto-réglementer. À cet égard, l'Italie a rappelé que, pour ce qui la concerne, dès 2003, un groupe de fournisseurs d'accès à Internet avait convenu d'un code de bonne conduite pour assurer la protection des enfants sur Internet et qu'avait été mis en place en 2006 un Centre national de lutte contre la pédopornographie. Ce Centre national se concentre sur le profilage et a établi une liste noire des sites Internet transmise aux organes compétents d'autres pays. En outre, certaines écoles ont pris des mesures pour lutter contre le harcèlement sur Internet et promouvoir une «citoyenneté numérique», a ajouté la délégation italienne.

Au vu de la gravité des menaces, les Émirats arabes unis recommandent de suivre de très près l'évolution d'Internet et de veiller à ce que ce suivi ait lieu tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement.

L'Uruguay a déploré la banalisation des pratiques d'abus sexuels visant les enfants sur Internet et a mis l'accent sur la responsabilité particulière des fournisseurs d'accès à Internet, sans lesquels il ne pourra être mis fin à l'exploitation sexuelle des enfants en ligne. L'organisation non gouvernementale Bureau international catholique de l'enfance a rappelé que l'approche de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet devait être globale et a elle aussi souligné que le rôle des fournisseurs d'accès à Internet était essentiel. Il faut en outre former correctement les forces de l'ordre, a ajouté l'ONG. Africa Culture Internationale a indiqué soutenir l'éducation des enfants et l'adoption de mesures visant à les sensibiliser aux risques d'Internet. Il reste beaucoup à faire pour promouvoir les droits des enfants, hors ligne comme en ligne, a souligné l'ONG. À cet égard, les États doivent œuvrer de concert avec les organisations non gouvernementales et adopter des sanctions pénales sévères contre les «prédateurs».

La Commission arabe des droits de l'homme a attiré l'attention du Conseil sur la violence subie par les enfant au Yémen, en Palestine, en Syrie, en Iraq ou encore en Libye, attirant notamment l'attention sur les enfants victimes de recrutement forcé dans les forces armées. Le Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme a pour sa part alerté le Conseil sur le «Bacha Bazi», une pratique coutumière pachtoune qui implique une exploitation sexuelle des garçons âgés de 9 à 18 ans sous couvert de jeu; elle peut se terminer par des violences physiques, voire la mort dans certains cas, a souligné l'ONG, ajoutant que la communauté internationale ne peut plus ignorer cette pratique.

European Union of Public Relations a demandé aux États de ne pas perdre de vue le fait que enfants ne sont pas uniquement des consommateurs passifs, mais également des utilisateurs actifs d'Internet.


Réponses et conclusions des panélistes

MME SANTOS PAIS a souligné que les abus en ligne s'inscrivent dans un ensemble de violations qui se produisent aussi en-dehors du cyberespace. Il faut combattre toutes les formes d'exploitation sexuelle des enfants et engager tous les acteurs concernés, a-t-elle indiqué. Il faut aussi sensibiliser les enfants, faire en sorte qu'ils acquièrent les capacités de se protéger et de demander de l'aide. Il est en outre absolument nécessaire de coordonner les approches aux niveaux national et transnational. De l'avis de la Représentante spéciale du Secrétaire général, il serait judicieux de tirer parti des normes déjà adoptées par la communauté internationale et d'investir dans les technologies et les outils les plus modernes pour permettre aux forces de l'ordre de faire au mieux leur travail. Enfin, Mme Santos Pais a constaté qu'il n'y pratiquement pas de recherche sur la manière dont les très jeunes enfants perçoivent l'utilisation d'Internet; il faudrait donc y remédier.

M. FRANCO a attiré l'attention des délégations sur les Lignes directrices à l'usage des professionnels pour la protection en ligne des enfants élaborées par l'UNICEF avec l'Union internationale des télécommunications, en concertation avec la société civile et plusieurs entreprises. Il a par ailleurs recommandé de promouvoir des plateformes engageant la participation de toutes les parties prenantes au niveau national. Enfin, l'engagement des entreprises est crucial: l'UNICEF veut en faire «un outil de changement».

MME SMITH a précisé que l'objectif de Google est de respecter non seulement la lettre mais également l'esprit de la loi, en surveillant de très près ses plateformes. Google est également membre de la «Coalition TIC» qui propose une approche de la sécurité en ligne comprenant plusieurs principes comme celui de limiter l'exposition des mineurs à des contenus inappropriés et de promouvoir l'éducation et la sensibilisation aux risques des activités en ligne. Mme Smith a ensuite souligné qu'il existe de bons exemples de coopération entre les États et les entreprises comme Google, par exemple en matière d'élimination de contenus. S'intéressant au fonctionnement de YouTube, où près de 400 heures de vidéo sont téléchargées par minute, elle a expliqué qu'il n'y a pas de contrôle systématique mais des incitations à instaurer des valeurs sur la plateforme. Tous les jours, des vidéos sont dénoncées – spams, extrémisme, discours d'incitation à la haine, pornographie: Google a créé un programme permettant aux utilisateurs de l'aider à améliorer la plateforme, a indiqué Mme Smith.

Pour M. MORAN, l'important est de ne jamais oublier que l'on travaille d'abord et avant tout à la sécurité des enfants. Interpol accorde une importance particulière à la coopération transnationale, les difficultés auxquelles elle se heurte se trouvant souvent au niveau international. Sur le plan national, M. Moran a estimé que la création de conseils interministériels spécialisés est une bonne idée pour promouvoir la collaboration entre les différentes parties concernées. Il a invité les États à consulter les lignes directrices de l'Association GSM qui définissent les modalités de coopération entre les fournisseurs d'accès à Internet, les organisations non gouvernementales et les forces de l'ordre. M. Moran a ensuite appelé à une «tolérance zéro» à l'égard des contenus pédopornographiques et à l'adoption de lois parfaitement claires, y compris pour réprimer les sollicitations en ligne: les contacts inappropriés avec les enfants font partie, dans de nombreux pays, d'une «zone grise» qui effraie beaucoup de parents.

MME REYES a dit avec insistance que la lutte contre l'exploitation sexuelle en ligne devait impérativement passer par la prévention. Il faut tirer parti des avantages offerts par les technologies de l'information et des télécommunications, a-t-elle également recommandé. En réponse à une question, elle a expliqué que les membres du Red Natic [NDLR : Réseau d'organisations d'Amérique latine pour les droits de l'enfant à une utilisation sûre et responsable des technologies de l'information et de la communication] organisent des campagnes de sensibilisation pour démonter certains mythes : contrairement aux croyances répandues, les jeunes sont bel et bien conscients des risques existant sur Internet. Mme Reyes a par ailleurs fait observer que le Conseil s'est aujourd'hui intéressé à un aspect particulier de l'utilisation des TIC: la protection contre l'exploitation sexuelle. D'autres droits, comme la liberté d'expression, doivent être aussi respectés et abordés dans une perspective globale, a-t-elle souligné. Enfin, notant qu'il existe parfois une tentation de privilégier la restriction, Mme Reyes a estimé, au contraire, que les politiques de prévention doivent primer sur les politiques restrictives.

M. HØYDAL a quant à lui estimé que rien n'est joué a priori: il a indiqué avoir été contacté, suite à la publication d'un article, par des pédophiles lui demandant de les aider à se défaire de leur dépendance. Il a par ailleurs fait remarquer qu'une fois que les images sont en ligne, il est très difficile de les supprimer définitivement. C'est pourquoi il faut autonomiser les enfants et leur donner des moyens de se protéger. Le panéliste a fait référence à l'histoire d'une fille séduite en ligne par un homme lorsqu'elle avait 12 ans et poussée à lui envoyer des photos; en racontant son histoire dans un journal, la fillette a pu reprendre la maîtrise de son destin.

«Au lieu d'avoir peur que les enfants ne se noient sur Internet, il vaut mieux leur apprendre à nager», a-t-il été conclu.

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*Délégations ayant participé au débat sur le débat annuel sur les droits de l'enfant: Union européenne, Bahreïn, Conseil de l'Europe, Uruguay, Israël, République du Congo, Maldives, Mexique, Bosnie-Herzégovine, Italie, France, Slovénie, Venezuela, Argentina, Bolivie, Monténégro, Belarus, Albanie, Portugal, République islamique d'Iran, Royaume-Uni, Kirghizistan, Soudan, Mali, Thaïlande, Organisation de la Coopération islamique (OIC ), Pakistan, Monaco, Émirats arabes unis, Bureau international catholique de l'enfance, Africa Culture Internationale, Commission arabe des droits de l'homme , Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme, European Union of Public Relations.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC16/019F