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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA SUÈDE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Suède sur les mesures qu'elle a prises en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport, M. Per Olsson Fridh, Secrétaire d'État auprès du Ministère de la culture de la Suède, a affirmé que l'objectif de la politique du Gouvernement était de parvenir au respect absolu des obligations de la Suède en matière de droits de l'homme. Pour ce faire, il a notamment prévu la création d'une institution nationale des droits de l'homme qui soit conforme aux Principes de Paris. La Suède a aussi adopté un Plan national d'action sur les entreprises et les droits de l'homme qui stipule que les sociétés opérant en Suède ou à l'étranger se doivent de respecter les droits de l'homme dans toutes leurs activités. «La Suède a un Gouvernement féministe», ce qui signifie que celui-ci considère que «l'égalité de genre fait partie de la solution aux nombreux défis à laquelle la société fait face», a déclaré M. Fridh. Face au plus important afflux de réfugiés depuis la Seconde guerre mondiale, la Suède s'engage en faveur d'un système d'asile au sein de l'Union européenne qui soit basé sur une répartition équitable pour tous les demandeurs d'asile. Pour tenter de neutraliser les discours de haine, la Suède va lancer un plan national contre le racisme. Elle réaffirme par ailleurs son engagement à protéger et développer la culture sami, tout en renforçant le droit de ce peuple à l'autodétermination. Le respect des droits fondamentaux du peuple rom est une autre priorité du Gouvernement.

La délégation suédoise était également composée de Mme Veronika Bard, Représentante permanente de la Suède à Genève, et de représentants des Ministères de la culture, de la justice, de la santé et des affaires sociales, ainsi que de l'emploi. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, du rôle du Médiateur; des dispositions relatives à la détention préventive; de la lutte contre le terrorisme et de la surveillance des données personnelles; des plaintes pour discrimination; des mesures en faveur de l'égalité salariale entre hommes et femmes; de la lutte contre la violence à l'égard des femmes, ainsi que contre les discours de haine; de l'intégration des Roms et du traitement du phénomène de la mendicité; de l'accueil des étrangers s'agissant de la réforme de la politique d'immigration et d'asile; des relations de la population avec la police; des mesures en faveur de l'autodétermination du peuple sami.

Les membres du Comité ont notamment souhaité avoir des précisions sur les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la Suède estimant que certains droits et libertés pouvaient être restreints légalement tout en garantissant le respect des droits fondamentaux. Des inquiétudes ont été exprimées du fait que la communauté musulmane semble ciblée par une forme de profilage ethnique de la part de la police. Si près de deux mille plaintes ont été déposées pour discrimination ces dernières années, les experts ont constaté le faible nombre de cas qui ont effectivement abouti à un procès. Des membres du Comité se sont inquiétés d'informations récentes sur l'intention du Gouvernement de procéder au renvoi d'un grand nombre d'étrangers. Des cas de recours excessif à la force de la part de la police ont été relevés, ainsi que le très faible nombre de cas ayant abouti à une action en justice. Le sort du lanceur d'alerte Julian Assange, réfugié depuis plusieurs années à l'ambassade de l'Équateur à Londres, a aussi été évoqué, un membre du Comité soulignant les droits dont il devrait pouvoir se prévaloir en cas d'extradition.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Suède qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le jeudi 31 mars.


Lors de sa prochaine réunion publique, qui se tiendra lundi 14 mars à 10 heures, le Comité reprendra l'examen d'un projet d'observation générale sur l'article 6 du Pacte, relatif au droit à la vie. Il entamera ensuite l'examen du rapport de la Nouvelle-Zélande.


Présentation du rapport de la Suède

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Suède (CCPR/C/SWE/7), établi sur la base de la liste de points que lui a adressée le Comité (CCPR/C/SWE/QPR/7). Le Comité est également saisi du document de base de la Suède (HRI/CORE/SWE/2011) contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels la Suède est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.

M. PER OLSSON FRIDH, Secrétaire d'État auprès du Ministère de la culture de la Suède, a indiqué au préalable que le septième rapport périodique de son pays avait été remis au Comité en avril 2015 en vertu de la nouvelle procédure prévoyant une liste de points à traiter en priorité. Il a souligné que la promotion et la protection des droits de l'homme constituait l'une des tâches les plus importantes du Gouvernement, étant de fait la pierre angulaire de la politique extérieure de son pays. Le nouvel objectif de la politique gouvernementale est de parvenir au respect absolu des obligations de la Suède en matière de droits de l'homme. Cette politique constituera la base sur laquelle sera menée l'action systématique future du pays en faveur des droits de l'homme, ainsi que l'a entériné récemment le Parlement. Le Gouvernement a prévu de lui soumettre une stratégie à cet égard prévoyant la création d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris.

Le Gouvernement suédois a par ailleurs entrepris d'harmoniser la législation suédoise avec la Convention des droits de l'enfant. Une enquête publique a été lancée à ce sujet et elle devait rendre ses conclusions au Gouvernement aujourd'hui même. En outre, une nouvelle politique du handicap sera lancée l'an prochain. La Suède a en outre adopté l'an dernier un Plan national d'action sur les entreprises et les droits de l'homme, à l'instar de cinq autres pays l'ayant précédé à ce sujet. Ce plan, qui s'inspire des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, établit que l'État s'attend à ce que les sociétés opérant en Suède ou à l'étranger respectent les droits de l'homme dans toutes leurs activités.

La Suède réaffirme son engagement à protéger et développer la culture sami, tout en renforçant le droit de ce peuple à l'autodétermination. Elle a l'intention de ratifier la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail relative aux droits des peuples autochtones, la décision définitive à cet égard relevant du Parlement. Le Gouvernement a entrepris de dresser le bilan de la loi sur les minorités nationales et les langues nationales minoritaires. Le respect des droits fondamentaux du peuple rom est une autre priorité du Gouvernement. Six millions d'euros ont été alloués afin de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie d'inclusion rom à l'horizon 2019.

«La Suède a un Gouvernement féministe», ce qui signifie qu'il considère que «l'égalité de genre fait partie de la solution aux nombreux défis à laquelle la société fait face», a déclaré M. Fridh. Le Gouvernement a récemment présenté son plan d'action en faveur d'une «politique étrangère féministe». L'objectif est de parvenir à des résultats concrets renforçant à la fois l'égalité de genre et la pleine jouissance des droits de l'homme par toutes les femmes et les filles. Le Gouvernement entend aussi continuer à lutter contre la discrimination de genre, ce qui implique d'agir sur les fronts de l'éducation et de la vie active. Il prévoit de soumettre un texte de loi à ce sujet au cours du printemps.

Face au plus important afflux de réfugiés depuis la Seconde guerre mondiale, le peuple suédois fait preuve d'un grand élan de solidarité, a affirmé M. Fridh. L'an dernier, plus de 160 000 demandeurs d'asile, dont 35 000 mineurs non accompagnés, sont arrivés dans le pays, ce qui constitue fait de la Suède le pays ayant le plus grand nombre de requérants par habitant au sein de l'Union européenne. À l'heure actuelle, la Suède compte plus de 180 000 demandeurs d'asile, ce qui constitue un défi en matière de logement, d'éducation et d'emploi. Le pays fait face à un manque d'établissements scolaires et d'enseignants et à des insuffisances en matière sociale et de soins de santé. La Suède s'engage en faveur d'un système d'asile au sein de l'Union européenne qui soit supportable, en étant basé sur un système de répartition équitable pour tous les demandeurs d'asile.

Le Secrétaire d'État s'est dit au regret d'informer le Comité qu'un certain nombre de lieux d'accueil avaient été incendiés et d'autres vandalisés, des incidents qui n'ont heureusement pas fait de victimes.

S'agissant des Roms, les autorités ont notamment pour objectif d'améliorer leurs conditions de vie dans leurs pays d'origine. C'est ainsi qu'il a lancé un certain nombre d'initiatives, à la fois sur le plan bilatéral avec la Roumanie et la Bulgarie, ainsi qu'au niveau européen.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait de la promotion et la protection de droits égaux pour les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres une autre de ses priorités. Il examine actuellement une proposition visant à renforcer la protection des personnes transgenres dans le code pénal.

Face aux discours et crimes de haine, la Suède a décidé de lancer un plan national contre le racisme qui sera présenté prochainement en mettant l'accent sur l'afrophobie, l'antisémitisme, l'antitsiganisme et l'islamophobie. Il s'est dit inquiet par ailleurs des menaces visant à faire taire les journalistes et les hommes politiques.

M. Fridh a indiqué par ailleurs que la nouvelle Autorité de la police avait créé il y a un peu plus d'un an un nouveau département d'enquêtes spéciales pour traiter les plaintes contre les forces de l'ordre. Les autorités estiment que cet organe doit dépendre de cette Autorité, cela pour des raisons tenant à la nécessaire qualité des enquêtes à mener. L'indépendance des investigations est garantie par un budget complètement séparé de celui de la police et par la nomination d'un directeur par le Gouvernement. Par ailleurs, celui-ci réfléchit à la nécessité de créer un crime spécifique de torture dans le code pénal.

La lutte contre la violence à l'égard des femmes est l'une des autres priorités du Gouvernement. Des programmes de prévention ont lieu dans les écoles, tandis qu'un appui financier est fourni aux centres psychologiques destinés à soigner les auteurs de violences. Ces actions comprennent un volet qui concerne les personnes handicapées. Le Gouvernement a alloué dix millions d'euros par an en faveur des institutions gérant des refuges pour femmes toxicomanes, handicapées, s'adonnant à la prostitution ou victimes de la traite. Il prévoit d'actualiser prochainement son Plan national d'action visant à protéger les mineurs de la traite, de l'exploitation et des abus sexuels à l'horizon 2018. Il prévoit en outre de faire le bilan des dispositions du code pénal sur le viol, afin notamment de comprendre pour quelles raisons ce crime entraîne un faible nombre de poursuites en justice et de condamnations.

En août dernier, le Gouvernement a lancé une nouvelle stratégie antiterroriste. Il a nommé en 2014 un coordonnateur national chargé de protéger la démocratie de l'extrémisme violent. En avril dernier, ont été édictées de nouvelles dispositions visant à limiter au maximum la détention préventive.

En conclusion, M. Fridh a souligné le rôle essentiel des organisations de la société civile qui ont été consultées pour l'élaboration des rapports de la Suède

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert s'est demandé dans quelle mesure le Pacte s'inscrivait dans la législation suédoise; si les tribunaux peuvent l'invoquer, le font-ils couramment pour autant, a-t-il demandé. Par ailleurs, si la Suède précise que tout justiciable est désormais jugé dans des «délais raisonnables», que faut-il entendre concrètement par cette expression?

L'expert a aussi souhaité avoir des précisions sur les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la Suède soulignant sa préoccupation envers la protection des droits de l'homme, tout en expliquant que certains droits et libertés pourraient être restreintes légalement, en vertu de conditions spécifiques;' il s'agit de faire en sorte que de telles limitations soient imposées afin de répondre à des objectifs acceptables dans une société démocratique, avait expliqué en son temps le Gouvernement. Il a demandé à la délégation d'expliciter cette prise de position. Il a observé que la communauté musulmane semblait ciblée par une forme de profilage ethnique de la part des forces de l'ordre, mentionnant les contrôles d'identité au faciès. Les autorités s'efforcent-elles de faire toute la lumière sur ces manquements ? Une formation est-elle dispensée à la police afin de prévenir tout abus dans ce domaine ? À la suite des attentats de Paris, les autorités suédoises ont envisagé un renforcement de la sécurité. Quelles sont les implications concrètes de cette prise de position, a demandé le même expert.

Un autre membre du Comité a évoqué les réserves formulées par la Suède à l'égard de plusieurs dispositions du Pacte, souhaitant savoir si la délégation disposait d'indications quant à l'évolution de cette position. Il a aussi souhaité savoir si la délégation avait des indications sur le futur projet de loi sur la torture. Le même expert a abordé le problème des excès en matière de détention préventive, ayant été informé de cas ayant dépassé les quatre années d'incarcération dans l'attente de procès. Par ailleurs, il a signalé que des détentions illégales avaient lieu en hôpital psychiatrique de par l'incapacité des pouvoirs publics à proposer un logement à certains patients à l'issue de leur traitement.

Une experte s'est félicitée que la loi suédoise ait élargi la protection contre les discriminations en prenant en compte désormais l'âge et le handicap. Toutefois, il est difficile de se faire une idée de l'application concrète de ces nouvelles dispositions en l'absence de statistiques à ce sujet. Si près de deux mille plaintes ont été déposées pour discrimination ces dernières années, un faible nombre ont effectivement abouti à un procès, a-t-elle observé. Le Médiateur pour l'égalité ne dispose pas de la faculté de suivre les cas de discrimination en justice, a-t-elle constaté. Quant à la création d'une institution nationale des droits de l'homme, elle a souligné la nécessité que celle-ci rende compte de ses activités devant le Parlement et non pas au Gouvernement. La délégation peut-elle informer le Comité du calendrier pour la mise en place de cette institution?

Un autre membre du Comité a demandé de quelle manière la Suède prenait en compte les observations et recommandations du Comité. Celui-ci donne en effet des indications précises sur la mise en œuvre du Pacte mais l'État partie semble avoir son propre mode opératoire dans ce domaine. Le Comité souhaiterait en savoir plus sur les ressources financières du Médiateur. Il ne semble pas en mesure de se pencher sur un certain nombre des plaintes qu'il reçoit.

Si quelques cas d'agressions contre des migrants ont donné lieu à des poursuites, la délégation dispose-t-elle d'éléments sur les mesures prises contre les discours et actes de haine, l'expert ayant le sentiment d'une relative passivité du Ministère de la justice. Le même expert a demandé s'il était exact que la Suède envisageait de renvoyer entre 60 000 et 80 000 réfugiés vers des pays où ils n'encourent pas de menaces, ainsi que l'affirment des articles de presse. Il a demandé s'il serait possible d'avoir des précisions sur le futur plan d'action national contre le racisme. Quels sont les résultats de la Stratégie en faveur de l'intégration des Roms, a-t-il enfin demandé.

Un expert a abordé les cas de recours excessif à la force de la part de la police, constatant le très faible nombre de cas – moins d'une dizaine - ayant abouti à une plainte en justice malgré un nombre substantiel de cas dénoncés – proche du millier. Quant aux peines infligées, elles semblent légères, puisque la plus courante est l'imposition de «jours amendes», l'expert souhaitant savoir au passage en quoi consistait cette peine. Il a aussi mentionné le nouveau «Département des enquêtes spéciales» chargé de la «police de la police», souhaitant savoir s'il avait la capacité de porter plainte en justice ou si son rôle était uniquement d'ordre disciplinaire. Il a enfin posé plusieurs questions sur le contrôle de l'utilisation de l'électrothérapie (électrochocs) dans les établissements psychiatriques, une méthode potentiellement dangereuse.

Un expert a mentionné le cas de Julian Assange dont de plus en plus de personnalités souhaitent qu'il recouvre la liberté. La délégation est-elle en mesure de prendre position à ce sujet? Suite aux réponses de la délégation, il a souligné que toute personne passible d'extradition doit pouvoir bénéficier d'un certain nombre de garanties, notamment celle de pouvoir obtenir une mesure de libération provisoire.

Un expert a observé que le code pénal ne semblait pas couvrir la discrimination au motif du handicap. Il a dit avoir le sentiment que les Roms ne semblaient pas bénéficier d'un véritable statut en Suède, alors qu'il s'agit de citoyens européens.

Une experte a abordé la question des écarts de salaire entre hommes et femmes, rappelant que la Cour de justice européenne s'était prononcée à diverses reprises en s'appuyant sur les directives affirmant la nécessaire égalité des émoluments pour des emplois similaires. Pour l'ensemble de l'Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 16,3% de moins que les hommes, l'experte souhaitant connaître le pourcentage concernant la Suède. Un autre aspect de l'inégalité hommes-femmes concerne la discrimination face à la maternité. La loi suédoise définit les concepts de sexe et de genre, ce qui constitue un progrès, a-t-elle souligné. Toutefois, les textes sur la discrimination ne sont pas suffisamment transparents, n'étant pas suffisamment harmonisés avec la Convention européenne des droits de l'homme. Elle a souhaité avoir des informations sur la jurisprudence, notamment s'agissant des cas de discrimination contre des femmes en raison de leur grossesse et leur maternité.

La même experte a demandé si la situation s'était améliorée en matière de violence contre les femmes. La délégation dispose-t-elle de statistiques à cet égard, a-t-elle demandé. Il est évident par ailleurs que la Suède a pris un certain nombre de mesures contre la traite. Elle a demandé si la délégation disposait de chiffres s'agissant des cas de pédophilie et si le plan visant à la combattre avait été évalué. Qu'est-ce qui a été fait en matière de programmes de réadaptation, a-t-elle demandé, l'experte souhaitant avoir le plus d'exemples concrets possibles. Elle a aussi posé des questions sur la discrimination au travail, souhaitant savoir si la situation s'était améliorée sur la base des statistiques disponibles. Elle a notamment demandé des renseignements sur la situation des travailleurs saisonniers dans l'agriculture.

Une série de questions ont été posées sur l'afflux actuel de migrants en Europe, un membre du Comité se félicitant que les municipalités puissent être réquisitionnées en vue d'accueillir des migrants, alors qu'elles ne le font généralement pas volontiers spontanément. Il a souhaité savoir si était exacte l'information toute récente sur le fait que la Suède envisageait un renvoi massif d'étrangers – le chiffre de 80 000 personnes ayant été cité. Il a aussi demandé quel bilan la Suède avait tiré de l'expérience de la Plate-forme européenne pour le retour des mineurs non accompagnés qui était financée par l'Union européenne pour organiser le retour des enfants non accompagnés dans leur pays d'origine, avant d'être abandonnée en raison de son échec. Il a relevé le chiffre de deux mille mineurs dont les autorités suédoises auraient semble-t-il perdu la trace après leur arrivée dans le pays, souhaitant savoir si la délégation avait des indications à ce sujet. Il a enfin demandé des précisions sur la nouvelle politique du handicap qui doit entrer en vigueur l'an prochain. Pourquoi le taux d'emploi des personnes handicapées est-il en diminution ces dernières années, ayant atteint un niveau historiquement bas.

Un autre membre du Comité a mentionné l'expulsion de 521 ressortissants iraquiens, s'inquiétant qu'elles ne se soient pas toutes faites sur une base volontaire. Les autorités peuvent-elles assurer que chaque cas pris individuellement a fait l'objet d'un examen particulier avant de décider du renvoi. Un expert a jugé trop générales les réponses de l'État partie sur la propagation des discours de haine sur Internet et les réseaux sociaux, souhaitant avoir des informations plus précises. Il a constaté la rareté des poursuites en justice.

Pour prétendre à la nationalité suédoise et bénéficier de prestations sociales, il faut résider dans le pays pendant au moins un an, a noté un expert qui a demandé comment était évaluée cette durée, compte tenu que les étrangers disposent fréquemment de visas à entrées multiples.

L'expert s'est intéressé par ailleurs à la situation du peuple sami, souhaitant savoir où en étaient les négociations sur une convention nordique sami destinée à régir les relations avec ce peuple autochtone. Il semble que les choses n'aient, en effet, guère avancé depuis 2009. Quelle est la portée du devoir de consultation des populations, s'agissant notamment des activités minières dont certaines ont eu des effets dévastateurs? Les Samis ont-ils droit à des indemnisations? Une commission vérité devait faire la lumière sur le traitement de cette population au cours de l'histoire ainsi que sur la préservation de son patrimoine: le Gouvernement prend-il ces questions avec le sérieux qu'elles méritent, a-t-il aussi demandé.

Réponses de la délégation

En préambule, le chef de la délégation suédoise, M. Fridh, a indiqué que le suivi des recommandations du Comité fera partie des préoccupations prioritaires, précisant que les organisations de la société civile seraient consultées à cette occasion. La création d'une Institution nationale des droits de l'homme relève en dernier ressort du Parlement, y compris s'agissant de ses prérogatives. En l'espèce, le Gouvernement n'aura pas voix au chapitre, a-t-il affirmé. Les réserves au Pacte seront bientôt réévaluées dans le cadre de la nouvelle politique relative aux droits de l'homme.

La délégation a indiqué que les tribunaux avaient l'obligation d'interpréter le droit suédois en prenant pleinement en compte les instruments internationaux auxquels a souscrit le pays. La délégation a précisé que la Convention contre la torture, par exemple, obligeait l'État à intégrer toutes ses dispositions dans sa législation. En 2010, le code pénal a été amendé afin d'étendre la compétence des autorités à plusieurs types de violences. Selon une recommandation formulée à la fin de l'an dernier, le crime autonome de torture devra être défini spécifiquement dans la législation. Il est cependant prématuré de préciser quelle sera exactement cette définition.

Des mesures ont été prises l'an dernier pour réduire la durée de la détention préventive et pour limiter l'isolement des personnes mises en cause. Il est prématuré d'en faire le bilan même si les premiers retours apparaissent positifs. En juillet dernier, une commission d'étude a été chargée de faire une évaluation de la question et celle-ci devrait faire en août prochain un certain nombre de propositions visant à limiter la durée de la détention préventive. L'accent est particulièrement mis sur la limitation de l'incarcération des jeunes. En tout état de cause, le droit à être jugé dans un délai raisonnable est respecté, les statistiques montrant que la situation suédoise est plus favorable à cet égard que dans la majorité des autres pays européens.

S'agissant du cas particulier de M. Julian Assange, il appartient aux tribunaux concernés de se prononcer sur l'affaire, le Gouvernement n'ayant pas la possibilité d'orienter la justice dans un sens ou dans l'autre. La délégation a par la suite ajouté que son gouvernement estimait que la réglementation européenne contient les garanties nécessaires pour ce qui a trait au cas Assange.

En Suède, toute personne soupçonnée d'avoir commis un acte terroriste jouit des mêmes droits qu'une personne poursuivie pour tout autre délit, a rappelé la délégation. À l'heure actuelle, sept condamnations ont été prononcées pour actes terroristes dont deux sont en attente d'un appel. Les tribunaux ont prononcé un acquittement dans un autre cas. Trois condamnations ont donné lieu par ailleurs à des condamnations pour d'autres chefs d'inculpation. En matière de sécurité nationale et de la gestion du renseignement, la Suède dispose d'une des législations nationales les plus précises qui soient en matière de respect de la sphère privée, a-t-elle assuré. Parmi les citoyens suédois ayant quitté le pays – et y étant parfois revenus - pour se rendre en Syrie ou en Iraq, on estime que 25% sont des femmes. Leur nombre est estimé entre 200 et 300 personnes. À la suite des attentats de Paris, la police suédoise a entrepris de consolider le dialogue avec les communautés religieuses tout en renforçant la protection des lieux de culte, a par la suite expliqué la délégation.

Quelque 2000 plaintes pour discrimination sont reçues annuellement par le Médiateur, les trois principaux motifs étant le handicap, l'appartenance ethnique ou sexuelle. Les bureaux de lutte contre la discrimination sont subventionnés par l'État. Un projet de loi prévoit de prendre des mesures de prévention contre les discriminations aux niveaux local et régional. La délégation estime que cela passe aussi par l'alourdissement des sanctions en cas de manquements. Toutes ces mesures sont en cours d'élaboration, les autorités espérant les finaliser d'ici la fin de l'année.

Le Médiateur doit superviser toutes les plaintes pour discrimination. Il a ainsi enquêté l'an dernier sur les activités d'une centaine de petites entreprises et d'autant d'écoles dans le cadre des discriminations sur lieu de travail et dans les établissements scolaires. Il fournit des recommandations aux entreprises comme aux individus. Le Médiateur a vu son budget augmenter, celui-ci atteignant dix millions de couronnes par an, deux millions étant alloués à ses antennes locales.

Dans le cadre de l'élaboration du Plan national contre le racisme, des actions de sensibilisation ont été menées dans l'ensemble du pays. Ces actions visaient aussi à recueillir l'avis du public. Parmi les objectifs, figurent en particulier la lutte contre l'afrophobie, y compris dans les établissements scolaires, combat qui associera naturellement des ONG et des personnalités engagées en ce sens.

Quant aux mesures prises en faveur de l'intégration des Roms, la délégation a affirmé que l'on constatait d'ores et déjà des progrès, au bout des quatre premières années d'application de la stratégie en leur faveur. Un certain nombre de municipalités ont été désignées comme villes pilotes dans ce domaine.

En réponse à une question sur la détention illégale en hôpital psychiatrique en raison de l'absence d'un logement disponible à l'extérieur, la délégation a expliqué tout d'abord que le séjour du patient était limité aux nécessités thérapeutiques. Au terme du traitement et pour faciliter la sortie du patient, la municipalité concernée se doit de lui fournir un logement dans un délai de 30 jours. Si elle n'y parvient pas, le patient a le choix entre demeurer hospitalisé ou quitter librement l'établissement où il a reçu son traitement. En aucun cas, il ne peut demeurer interné contre sa volonté.

On observe une confiance accrue de la population envers la police depuis une dizaine d'années avec un taux de satisfaction de 70%. Si le nombre de plaintes envers la police est relativement élevé. Les 115 plaintes enregistrées en 2014, dernière année pour laquelle des statistiques sont disponibles, ont entraîné la démission de quatre agents; 63 mesures disciplinaires ont été infligées, 32 avertissements prononcés, 12 agents ayant subi une diminution de salaire. Le «jour amende» est une amende calculée proportionnellement au salaire, a expliqué la délégation en réponse à une question d'un expert sur le sens de cette pénalité. Son montant varie par conséquent selon le niveau du salaire.

Le nombre d'usage d'armes à feu par la police est en moyenne d'une trentaine par an, a précisé la délégation, soulignant que ce nombre est faible au regard du nombre d'interventions de la police. L'usage d'armes à feu par les forces de l'ordre fait en moyenne un mort par an. Les autorités estiment qu'il est encore possible de limiter l'usage des armes à feu par la police.

Le projet de réforme de la politique d'immigration et d'asile prévoit à la fois l'octroi de permis de séjour définitifs mais aussi temporaires, non renouvelables, sauf lorsque la sécurité de l'intéressé n'est pas garantie en cas de renvoi dans son pays. Si cette politique est adoptée, elle sera en vigueur pour une durée limitée de trois ans. La délégation a constaté que la répartition des étrangers s'était faite de manière inégale entre municipalités, raison pour laquelle des mesures financières ont été prises pour mieux indemniser celles en ayant accueilli le plus grand nombre.

L'égalité des sexes dans l'entreprise, et par conséquent des salaires, demeure un défi y compris pour un Gouvernement qui se revendique comme féministe, a reconnu la délégation. L'écart salarial hommes-femmes est de 13,2% en moyenne en Suède. Il s'avère que cela ne tient pas uniquement à la différence des emplois occupés, les autorités s'efforçant d'affiner leur analyse et la compréhension de la situation.

Une nouvelle politique du handicap est en cours d'élaboration s'inspirant de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La Commission européenne a proposé une directive visant à répertorier les politiques des États membres, tout en éliminant les barrières dans la fourniture des services et produits aux handicapés.

La lutte contre la violence à l'égard des femmes a fait l'objet de plusieurs mesures, y compris concernant le harcèlement des jeunes filles sur Internet, qui fait l'objet d'un effort spécifique en matière de surveillance des excès. Des recommandations ont été émises visant à détecter les cas de manière précoce. Les autorités ont pour objectif de mieux informer les femmes et de l'assistance dont elles peuvent bénéficier. Il y a toutefois des disparités entre les différentes régions du pays, voire des doublons dans les actions entreprises sans concertation suffisante. D'ici la fin de l'année, une stratégie nationale sera lancée pour remédier à ces lacunes. Par ailleurs, des actions de sensibilisation sont menées pour faire prendre conscience de la grande vulnérabilité des personnes handicapées face aux risques de maltraitance.

S'agissant plus spécifiquement de la traite, le dernier plan d'action national, qui s'est achevé en 2010, mettait l'accent sur les actions de formation en direction des secteurs concernés – police, justice, services sociaux, société civile, notamment. Un nouveau plan d'action pour l'exercice 2016-2018 est en cours d'élaboration. Face au tourisme sexuel visant des mineurs, un sujet éminemment délicat, a reconnu la délégation, un groupe d'enquêteurs a été créé pour tenter de cerner la question, en collaboration avec des experts de pays étrangers, néerlandais en particulier.

La lutte contre les crimes et discours de haine constitue un défi de taille pour tous les pays, ce qui implique de développer des stratégies communes, notamment avec les partenaires européens de la Suède. Un centre de lutte contre la cybercriminalité a été mis sur pied, celui-ci ayant notamment pour objectif le repérage des sites pédophiles.

En ce qui concerne la population sami, les négociations visant à aboutir à une convention nordique sami, qui devaient se conclure ce mois-ci, se poursuivent, les autorités espérant qu'elles aboutissent d'ici la fin de l'année. L'objectif est de parvenir à un accord sur les droits fonciers notamment, ainsi que le renforcement du droit à l'autodétermination du Parlement sami. Il est prévu de renforcer les compétences de celui-ci et d'ores et déjà il a été décidé de lui allouer des ressources plus substantielles, ce Parlement devant être doté d'outils supplémentaires pour s'acquitter de ses fonctions. Il est exact que nombre de Suédois ne sont pas conscients des difficultés de ce peuple autochtone, a reconnu la délégation. Un projet de loi est en cours d'élaboration qui vise à permettre de conclure un accord avec le Parlement sami sur la restitution des reliques mortuaires autochtones exposées dans les musées du pays. La délégation a par ailleurs assuré que la réglementation de l'élevage des rennes respectait les privilèges des Samis dans ce domaine. Par ailleurs, toute entreprise minière doit proposer une indemnisation aux propriétaires des terres concernées, ceux-ci pouvant intenter un recours s'ils n'obtiennent pas satisfaction.

S'agissant de l'accueil des étrangers, des mesures sont prises pour faciliter l'accès des étrangers au marché du travail grâce notamment à des emplois subventionnés et à des actions de formation professionnelle, nombre d'entre eux ne disposant pas des qualifications recherchées par les employeurs. Des cours de langue suédoise sont fournis gratuitement à toute personne en possession d'un titre de séjour. Une division spécifique de l'Agence des migrations est chargée de retracer les familles de mineurs non accompagnés.

Les expulsions d'étrangers se font dans le respect du principe de non-refoulement. L'objectif est de proposer la possibilité de retours volontaires dans le cadre d'une politique de gestion des flux migratoires la plus humaine possible, qui fera l'objet d'un texte de loi provisoire devant être adopté prochainement pour une durée de trois ans. Les étrangers ayant un titre de séjour continueront de bénéficier du droit au regroupement familial. S'agissant de la question relative à l'expulsion de ressortissants iraquiens, la délégation a expliqué que chaque cas faisait l'objet d'un examen attentif.

Des directives ont été données aux municipalités afin qu'elles mettent à disposition des logements sociaux à destination des ex-patients d'hôpitaux psychiatriques, a expliqué la délégation en réponse à la question d'un expert à ce sujet.

Lorsque la Suède a vu apparaître des mendiants, elle n'était pas préparée à un phénomène de mendicité d'une telle ampleur, a déclaré la délégation, qui a précisé que la mendicité ne constituait pas un délit. Le phénomène concerne près de cinq mille personnes, dont 700 enfants, principalement originaires de Bulgarie et de Roumanie. Une concertation bilatérale a lieu avec ces pays afin notamment de partager les expériences et bonnes pratiques. La délégation a rappelé que ces personnes sont des ressortissants européens dans leur grande majorité et qu'elles n'ont pas besoin d'un titre de séjour pour une durée de moins de trois mois. Pour obtenir un titre de séjour, il faut être solvable ou subvenir à ses besoins en travaillant pour ne pas avoir recours aux services sociaux. Si une personne ne satisfait pas à ces critères, elle ne peut prétendre résider sur le territoire. S'agissant des enfants sans-abris, les autorités ont le devoir de tout mettre en œuvre pour remédier à leur situation quel que soit leur statut légal dans le pays. Des soins de santé peuvent être fournis à titre exceptionnel aux ressortissants roumains et bulgares ne bénéficiant pas de la couverture de santé européenne. L'an dernier, 230 ordres d'expulsion ont été émis à l'endroit de personnes qui étaient installés dans des locaux précaires ne répondant pas à des normes minimales de logement.

En matière d'exploitation des données personnelles, la réglementation prévoit des limites en matière de surveillance afin d'assurer un équilibre entre la sécurité nationale et la vie privée des individus.

Toute plainte déposée contre la police est examinée par un magistrat dans le cadre d'un dispositif spécifique prévu à cet effet. Lorsqu'il existe une suspicion d'infraction pénale, une procédure pénale est ouverte, ce qui n'est pas le cas de toutes les infractions éventuellement commises par la police. Autrement, c'est le département des enquêtes spéciales qui décide de l'imposition de sanctions disciplinaires.

La thérapie électro-convulsive a prouvé son efficacité et qui ne saurait être qualifiée d'électrochocs, a expliqué la délégation, en réponse à la question d'un expert. Cette thérapie fait l'objet de directives claires quant à son utilisation en Suède et dans le monde. Elle vise à traiter des troubles bipolaires ou de schizophrénie, notamment. Le traitement doit être prescrit par un psychiatre et réalisé par toute une équipe, le patient étant sous sédation. La délégation a affirmé que plus de quatre mille patients étaient concernés, dont une majorité de femmes soignées pour dépression.

Conclusions

M. FRIDH a affirmé que l'échange avait été une expérience réellement enrichissante, la Suède accordant une importance considérable au Comité des droits de l'homme. Il a redit l'importance qu'elle accordait également au rôle de la société civile, que ce soit par sa présence à Genève ou dans le cadre de la concertation que les autorités entretiennent couramment avec elles en Suède même. Le Secrétaire d'État auprès du Ministère de la culture de la Suède a par ailleurs attiré l'attention sur le fait qu'une journaliste suédoise avait été attaquée hier alors qu'il accompagnait des militants des droits de l'homme, ce qui est inacceptable, a-t-il dit. Nous faisons face à l'heure actuelle à une remise en cause des droits de l'homme, a constaté le chef de la délégation suédoise, qui a assuré que son gouvernement entendait placer la barre très haut dans ce domaine.

Le Président du Comité des droits de l'homme, M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, a souligné l'utilité des informations apportées par la délégation. Il s'est félicité du caractère «féministe» du gouvernement, un défenseur des droits de l'homme qui se respecte ne pouvant qu'être féministe, selon lui. Il a invité la Suède à réfléchir aux réserves émises à l'égard du Pacte et à n'épargner aucun effort pour lutter contre les crimes de haine. Il a constaté que les discriminations avaient été au cœur de l'échange, invitant les représentants suédois à approfondir leur analyse du phénomène, s'agissant notamment du traitement des migrants. Il a invité la Suède à renforcer ses politiques en leur faveur, émettant l'espoir que l'Union européenne prendrait conscience de la gravité de la situation. Enfin, les droits des peuples autochtones étant essentiels, il a souligné l'importance que pourrait avoir l'adhésion de la Suède à la Convention n°169 de l'OIT, relative aux peuples indigènes et tribaux.


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CT16/005F