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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE TABLE RONDE SUR LES EFFETS DU PROBLÈME MONDIAL DE LA DROGUE SUR LA JOUISSANCE DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, une table ronde sur «les effets du problème mondial de la drogue sur la jouissance des droits de l'homme», avec la participation de plusieurs experts de gouvernements, du système des Nations Unies et de la société civile.

La table ronde constitue une contribution du Conseil à la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée au problème mondial de la drogue, prévue en 2016. Mme Flavia Pansieri, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme a ouvert les débats et présenté un rapport du Haut-Commissariat sur la question, suivie de Mme Ruth Dreifuss, membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues, ancienne Présidente de la Suisse. Qui animait la table ronde.

Mme Pansieri a présenté les différentes manières dont la jouissance des droits de l'homme peut être affectée par le problème de la drogue: incapacité de jouir du droit à la santé, problème de la décriminalisation, enjeux de justice pénale, conséquences pour les enfants, les femmes et les peuples autochtones, en particulier. Mme Dreifuss a souligné que la lutte contre les drogues doit s'inscrire dans un cadre de protection des droits de l'homme, toute politique qui mettrait uniquement l'accent sur la répression produisant des effets délétères.

Les experts invités étaient M. Javier Andrés Flórez, Ddirecteur de la politique en matière de drogue au Ministère de la justice de la Colombie; Mme Ann Fordham, Directrice exécutive de l'International Drug Policy Consortium; M. Mohammed-Mahmoud Ould Mohameddou, Vice-Directeur du Geneva Centre for Security Policy et membre de la Commission ouest-africaine sur les drogues; M. Shekhar Saxena, Directeur du Département de la santé mentale et de l'abus de substances psychoactives de l'Organisation mondiale de la Santé; et M. Aldo Lale, Directeur général adjoint de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). En outre, M. Arthayudh Srisamoot a fait une déclaration en sa qualité de président de la cinquante-huitième session de la Commission des stupéfiants de l'ONUDC.

Les experts invités ont constaté que la guerre actuelle contre la drogue entraînait des violations des droits de l'homme qui exigeaient que les États adoptent désormais «une attitude plus humaine et des politiques plus intelligentes». M. Ould Mohameddou a ainsi indiqué que la Commission ouest-africaine préconisait une approche de la lutte contre les drogues qui agisse sur l'ensemble de la chaîne, et non pas sur la seule élimination de l'offre, qui est au cœur des politiques actuelles. M. Flórez a observé que les moyens énormes mis en œuvre contre la drogue étaient insuffisants car ils ne permettaient pas de traiter tous les aspects du phénomène. La Colombie a, elle aussi, adopté une stratégie différenciée, axée sur les producteurs de drogue et les consommateurs, mais aussi sur la logistique de transport des substances, avec pour «fil conducteur» le respect des droits de l'homme tout au long de la chaîne.

M. Saxena a plaidé pour une approche de santé publique du problème de la toxicomanie et fait valoir l'efficacité des traitements contre la dépendance et des programmes d'échange de seringues, entre autres mesures de prévention. M. Lale a indiqué que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime travaillait avec les États pour qu'ils abandonnent l'approche exclusivement répressive et optent pour d'autres méthodes que l'incarcération. M. Srisamoot a recommandé une approche équilibrée, respectueuse tant des droits de l'homme que du droit international. Il a demandé à la communauté internationale de se pencher sur la situation des nombreux pays où l'accès aux médicaments essentiels n'est pas garanti.

Au cours du débat, des délégations* ont estimé que les politiques contre les drogues devaient tenir compte de l'impact très grave des drogues sur la jouissance du droit à la vie. Elles ont recommandé que les problèmes liés à la drogue soient examinés sous l'angle de la santé publique et de la réinsertion sociale. Plusieurs pays ont ainsi condamné l'application de la peine de mort à des personnes coupables de délits liés à la drogue. Il a aussi été souligné que les peuples autochtones avaient le droit de préserver leurs pratiques culturelles, comme par exemple la mastication de la feuille de coca. D'autres délégations ont fait valoir, au contraire, leurs succès dans la lutte contre la menace que constitue la drogue grâce à l'application de politiques de «tolérance zéro». Chaque pays a ses propres circonstances, a-t-il été observé, sa propre manière d'aborder le problème. Le Groupe africain a attiré l'attention du Conseil sur les liens qu'entretiennent le narcotrafic, le crime organisé et le terrorisme, et sur la nécessité de traiter les problèmes liés à la drogue dans un cadre multilatéral, par une coopération internationale efficace et renforcée.


Le Conseil poursuit ses travaux en soirée pour reprendre d'examen des questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée, avec un débat général sur ces questions et un débat interactif sur le rapport du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine.


Table ronde sur les effets du problème mondial de la drogue sur la jouissance des droits de l'homme

Le Conseil est saisi de l'étude sur les effets du problème mondial de la drogue sur la jouissance des droits de l'homme (A/HRC/30/65, à paraître en français), préparée par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme.

Déclaration liminaire

MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a présenté les différentes manières dont la jouissance des droits de l'homme peut être entravée par le problème de la drogue. Mme Pansieri a observé d'abord que ce problème est lié à la question du droit à la santé. Les mesures de réduction du préjudice causé par les drogues sont disponibles dans un peu moins de la moitié de pays. L'accès aux médicaments essentiels contrôlés est lui aussi beaucoup trop limité. L'accès restreint aux opioïdes n'affecte pas seulement leur utilisation dans les thérapies de substitution mais aussi, plus généralement, dans la prise en charge de la douleur. Tous ces obstacles posent la question de la dépénalisation de l'usage des drogues, à laquelle le Rapporteur spécial sur la santé appelait déjà dans son rapport en 2010.

Cet enjeu appelle une réflexion sur les enjeux de justice pénale. La peine capitale est appliquée dans 33 pays pour des délits ou crimes liés à la drogue et ces derniers représentent dans certains États le premier motif d'exécutions capitales, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a relevé par ailleurs que les personnes soupçonnées d'avoir commis un crime lié à la drogue sont particulièrement vulnérables au risque de détention arbitraire. Enfin, on sait que les usagers des drogues peuvent être victimes d'actes de torture et de mauvais traitements dans le cadre des enquêtes.

La lutte contre la drogue peut entraîner d'autres violations des droits fondamentaux des minorités ethniques, des femmes et des enfants. Dans ce contexte, le rapport du Haut-Commissaire souligne que les enfants ne devraient pas être poursuivis au pénal, conformément à une recommandation du Comité des droits de l'enfant: il faut agir au contraire au plan de l'éducation à la santé et de la réinsertion sociale. Le rapport souligne également que les peuples autochtones ont en principe le droit d'utiliser des drogues pour leurs pratiques religieuses ou cultuelles.

L'animatrice du débat, MME RUTH DREIFUSS, Ancienne Présidente de la Confédération Suisse et membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues, a dit que la prochaine session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée aux problèmes de la drogue permettra de faire des évaluations sur les échecs et les réussites en la matière de lutte contre la drogue. La contribution du Conseil des droits de l'homme et du Haut-Commissariat donnera un cadre d'ensemble pour examiner ces résultats. Mme Dreifuss a également estimé que cette lutte devait s'inscrire dans un cadre de promotion et de protection des droits de l'homme pour parvenir à un résultat satisfaisant. En effet, toute politique qui met uniquement l'accent sur la répression produit des effets délétères et ce sont souvent les couches vulnérables qui en sont victimes.

Déclarations des experts

M. JAVIER ANDRES FLÓREZ, Directeur de la politique en matière de drogue au Ministère de la justice de la Colombie, a estimé qu'on avait porté atteinte à de nombreux droits au nom de la lutte contre les stupéfiants. Rien ne permet dans les conventions internationales d'exercer une discrimination à l'égard des toxicomanes ou des minorités, de recourir à la torture ou à la peine de mort. Pour lui, la démarche punitive aboutit à des exclusions, à des violations des droits de l'homme. Il n'est pas acceptable que des toxicomanes soient emprisonnés ou qu'on leur impose des travaux forcés en guise de traitement.
M. Flórez a également observé que l'on avait dépensé d'énormes ressources pour lutter contre la drogue alors que l'on aurait pu les investir ailleurs. Or, les moyens mis en œuvre sont insuffisants car ils ne permettent pas de répondre à toutes les dimensions du phénomène. En ce qui concerne la Colombie, elle a adopté une nouvelle stratégie pour 2016-2020, qui se penche sur la culture de la drogue, sa logistique de transport, mais aussi sur les consommateurs, avec les droits de l'homme comme fil conducteur, a-t-il expliqué. M. Florez s'est également demandé si le cadre international actuel était suffisant pour répondre aux nouveaux défis, nés de la transformation de la consommation de la drogue.

MME ANN FORDHAM, Directrice exécutive d'International Drug Policy Consortium, réseau de 150 organisations non gouvernementales plaidant pour l'adoption de politiques de lutte contre les drogues respectueuses des droits de l'homme, a regretté que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime de Vienne et le Conseil des droits de l'homme de Genève ne coordonnent pas suffisamment leurs démarches. Les mesures agressives des États entraînent trop souvent la mort de personnes soupçonnées d'implication dans la drogue: forces de police et militaires se livrent trop facilement à des exécutions sommaires dans le cadre de la guerre contre la drogue. La criminalisation des toxicomanes entraîne, de plus, des conséquences sanitaires très graves. Ces conséquences disproportionnées sont particulièrement préjudiciables aux plus vulnérables, comme par exemple les petits producteurs dont la subsistance dépend de ces produits. Pour Mme Fordham, le Conseil doit donc songer à créer une procédure spéciale chargée d'examiner l'impact des mesures contre la drogue sur les droits de l'homme et encourager les États à revoir les politiques de lutte anti-drogue adoptées voici plus de trente ans.

M. MOHAMMED-MAHMOUD OULD MOHAMEDDOU, Vice-Directeur du Geneva Centre for Security Policy, membre de la Commission ouest-africaine sur les drogues créée en 2012 par l'ancien Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, a observé que la politique actuelle est axée uniquement sur la réduction de l'offre. La Commission préconise au contraire une approche globale tenant compte des enjeux sur l'ensemble de la chaîne: impact macroéconomique pour répondre aux besoins petits exploitants; impact du coût de transfert des drogues – l'Afrique de l'Ouest étant une plaque tournante des substances en provenance d'Amérique latine -; possibilités d'emploi alternatives pour les petits producteurs; et lutte contre la stigmatisation des consommateurs de drogues, laquelle les éloigne des services de santé et de prise en charge sociale. À ce stade, il faut adopter une attitude plus humaine et des politiques plus intelligentes dans la lutte contre les drogues, a souligné M. Mohameddou.

M. SHEKHAR SAXENA, Directeur du Département de la santé mentale et de l'abus des drogues à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que les troubles liés à la dépendance à la drogue pouvaient facilement être traités. Les programmes d'échange des seringues, des services de prévention se sont révélés efficaces en la matière. Il ne faudrait pas considérer et traiter des toxicomanes comme des délinquants. Il faut au contraire les considérer comme des personnes malades à qui il faut administrer des traitements et non les stigmatiser. Cette attention doit être portée y compris aux femmes toxicomanes. Le fait qu'une personne soit toxicomane ou présente des troubles liés à la drogue ne doit pas la priver de son droit à la santé.

M. ALDO LALE, Directeur exécutif adjoint de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a déclaré que les questions relatives aux drogues devaient être traitées par des professionnels, notamment dans les services de santé, de police et de justice. L'ONUDC travaille avec les États pour qu'ils abandonnent l'approche exclusivement répressive et optent pour d'autres politiques que les incarcérations. L'Assemblée générale a adopté plusieurs mesures qui encouragent les alternatives, dont les règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté (règles de Tokyo), les règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l'imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (règles de Bangkok). En outre, les règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus dites règles de Mandela seront soumises à l'Assemblée générale. L'ONUDC travaille également avec d'autres partenaires pour la protection des enfants, dans le but de leur éviter la consommation de drogue, ou encore dans les processus judiciaire impliquant des enfants. L'ONUDC s'oppose également à la peine de mort et demande aux États qui la pratiquent d'adopter un moratoire ou de ne pas l'appliquer dans des cas de trafic ou de consommation de drogue.

M. ARTHAYUDH SRISAMOOT, Président de la cinquante-huitième session de la Commission des stupéfiants a indiqué que, dans quelques mois, l'Assemblée générale examinerait les progrès mondiaux faits dans la lutte contre le fléau de la drogue dans le cadre de sa session extraordinaire de 2016 sur le problème mondial de la drogue. Il a ensuite déclaré que la lutte contre la drogue devait en plein respect des droits de l'homme. Il faut une approche équilibrée en la matière et une nécessité de respecter les droits de l'homme et le droit international. C'est ce qu'a souligné la Commission en mars dernier, et l'approche qu'elle adopte dans le cadre de ses travaux préparatoire cette session extraordinaire, a-t-il dit.

Il est de la responsabilité des États de garantir l'accès aux médicaments pour les personnes dépendantes de la drogue et de préserver les enfants et les adolescents des effets néfastes de la drogue, a poursuivi M. Srisamoot, pour qui les ressources nécessaires doivent mises à disposition de cet objectif. La communauté internationale doit également se pencher sur la situation des trois quarts des pays où l'accès aux médicaments essentiels n'est pas garanti et où la mise en œuvre de la Convention sur les stupéfiants de 1961, qui insiste sur la disponibilité des traitements doit être renforcée. Une assistance technique doit être fournie à ces États en ce sens. Aborder la menace que posent les substances, notamment les politiques de réduction de l'offre et de la demande, de lutte contre les organisations criminelles, la corruption et le blanchiment d'argent exige une approche équilibrée et un cadre de coopération internationale, a-t-il conclu.

Débat interactif

La Suisse, au nom du groupe qui a présenté le document de base pour la présente session, a souligné que les États doivent reconnaître le droit à la santé de manière non discriminatoire, y compris le droit à la santé des consommateurs de drogue. Elle déplore que les violations du droit à la santé persistent dans un nombre important de pays, où l'accès aux médicaments essentiels est limité ou inexistant. L'Australie s'est également dite préoccupée par les obstacles à l'accès aux soins et aux médicaments autorisés, estimant qu'on peut faire davantage pour les réduire. Pour l'Autriche il est important d'éviter les controverses idéologiques et de faciliter l'accès aux médicaments et aux soins.

L'Équateur, au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, a plaidé pour l'adoption de politiques centrées sur le bien-être et la santé des individus conformément aux principes internationaux. Le débat doit être large, transparent et inclusif, basé sur les recherches scientifiques et dans le respect des cultures ancestrales. L'Algérie, au nom du Groupe africain, a attiré l'attention sur les liens sans cesse croissants qu'entretiennent le narcotrafic, le crime organisé et le terrorisme. Pour le Groupe africain le problème mondial de la drogue demeure une responsabilité commune et partagée qui doit être traitée dans un cadre multilatéral grâce à une coopération internationale efficace et accrue. Le Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI) a estimé que le problème que cause la drogue a des incidences sur la sécurité nationale, la stabilité socio-économique, le développement durable, ainsi que sur la jouissance des droits de l'homme. Il est de la responsabilité des États de prendre des mesures de prévention et mettre en place des services de réadaptation sociale.

L'Inde a expliqué que le problème de la drogue se pose pour le pays, en raison de sa position au sein du triangle d'or; il y a en Inde une volonté politique forte de s'atteler à ce problème de manière coordonnée. Pour réduire la mortalité résultant de la toxicomanie, le Kirghizstan a pour sa part mis en œuvre un programme de réduction des overdoses. Il lutte en outre pour la réduction de l'offre par une action au niveau de l'information, une aide thérapeutique, des programmes de traitement non médicamenteux.

L'Arabie Saoudite a relevé la menace que constituent les drogues pour la santé mentale et physique, les consommateurs devenant un fardeau pour la famille et la société, le trafic de drogue conduisant au blanchiment d'argent. Dans ce contexte, il est crucial de travailler ensemble pour combattre ce fléau. Singapour, pays proche du triangle d'or cœur de la production de drogue, a expliqué avoir réussi à lutter contre cette menace avec un certain succès, en adoptant une politique de tolérance zéro. Le pays a des lois très dures pour empêcher que la drogue n'entre dans le pays. Chaque pays a ses propres circonstances, sa manière d'aborder le problème. L'Égypte a également insisté sur le fait que chaque pays a une expérience qui lui est propre, des besoins uniques et des particularités; il faut respecter la souveraineté de chacun. La Sierra Leone a, quant à elle, évoqué les ravages de la drogue en temps de guerre. Il faut envisager ce problème sous tous ses aspects. En outre, il est crucial de renforcer la prévention; les États devraient se fixer sur cet objectif.

La Tunisie a estimé que les politiques de «réduction des méfaits» menacent le droit à la santé physique et mentale et risquent de donner l'impression que les drogues illicites peuvent être consommées en toute sécurité. Le Nicaragua a aussi préconisé d'aborder le problème de la drogue en faisant attention de ne pas interpréter la relation entre la santé publique et les droits de l'homme dans un contexte qui tendrait vers une plus grande permissivité. Pour l'Uruguay, il est essentiel de garantir le droit et l'accès à la santé, d'éliminer les pratiques qui puissent être préjudiciables ou discriminatoires, d'assurer un accès aux traitements, et de ne pas pénaliser la consommation de drogue car cela entrave l'accès aux traitements.

Le Paraguay a plaidé pour l'adoption d'une approche équilibrée et durable face au problème mondial de la drogue, en adoptant des mesures concrètes et efficaces pour réduire tant l'offre que la demande. La Chine attache la plus grande importance au contrôle des drogues et s'attelle à la réduction de la demande par des mesures ciblées. Il faut saisir pleinement le danger que représentent les drogues et s'opposer à leur légalisation.

Le Conseil de l'Europe a attiré l'attention sur les travaux du Groupe Pompidou, un think-tank de 37 États et une plateforme de coopération pour faire face à la consommation de drogues et au trafic illicite. L'Union européenne a rappelé qu'elle considère comme une priorité absolue l'abolition de la peine de mort dans toutes les circonstances, y compris pour les crimes liés à la drogue. En outre, il est d'une importance vitale d'intégrer une perspective sexo-spécifique dans tous les aspects des politiques nationales et internationales relatives à la drogue. La France a appelé à renoncer à appliquer la peine de mort qui, a-t-elle précisé, ne contribue en rien à l'efficacité des politiques de lutte contre la drogue. Il faut aussi veiller au plein respect du droit à la santé en reconnaissant que l'addiction est une maladie et non pas une forme de délinquance ou de déviance.

La Suède a rappelé que tout le monde a le droit au niveau de santé physique et mental le plus élevé possible; en cas d'accoutumance, chacun a le droit d'avoir accès à des soins. Le Portugal a rappelé que l'addiction à la drogue est une maladie comme une autre à envisager de manière non-discriminatoire. Il faut mettre l'accent sur la promotion de la santé publique, dans le cadre d'une dépénalisation de la consommation de drogue. Le Portugal plaide pour des politiques plus humaines en s'appuyant sur ce que dit la science. Pour l'Albanie, il faut se rendre compte que certaines politiques ont échoué et ont eu des conséquences inattendues. Il faut donc aujourd'hui mettre une attention à la prévention et une primauté au droit à la vie, via l'accès à la santé. Il faut en effet se détourner des politiques répressives, a estimé la Grèce, plaidant pour des programmes de limitation des dégâts, des programmes de substitutions, des centres d'appui pour les consommateurs et des mesures d'insertion.

Selon la Colombie, l'expérience montre que si l'on opte uniquement sur une approche punitive l'efficacité de nos actions est moindre. La prévention est à privilégier, a-t-elle insisté. Le Mexique a pour sa part mis l'accent sur l'importance de promouvoir la réinsertion sociale en s'appuyant sur les droits de l'homme et la non-discrimination. Le pays a, pour sa part, opté pour une approche médicale non punitive. La Bolivie a revendiqué le droit des peuples autochtones à préserver leur culture, y compris la mastication traditionnelle de la feuille de coca; cette dernière ne doit donc plus figurer sur la liste des stupéfiants. El Salvador est favorable au plein respect des droits de l'homme des personnes victimes de la drogue. La session extraordinaire de 2016 doit donc promouvoir un dialogue ouvert, une analyse approfondie de toutes les politiques utilisées pour lutter contre la drogue et envisager des solutions alternatives.

L'Onu-Sida a pour sa part demandé la dépénaliser la consommation de drogue afin de mieux lutter contre la propagation du VIH/Sida.

Parmi les organisations non gouvernementales, International Harm Reduction International, dans une déclaration conjointe avec Human Rights Watch, a dénoncé les abus commis au nom de la lutte contre la drogue, citant notamment les cas de disparitions forcées, torture et exécutions extrajudiciaires visant en particulier les toxicomanes. International Lesbian and Gay Association, au nom également du Service international pour les droits de l'homme, a attiré l'attention sur un groupe souvent oublié: les femmes transsexuelles qui affrontent un risque accru de transmission du VIH/sida. Il y a des lacunes dans la recherché; ces femmes sont négligées. Pour Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero, au nom également de plusieurs autres organisations non gouvernementales1, les politiques de contrôle de la drogue ont des effets parfois brutaux sur les enfants, les femmes et les autochtones. Les défenseurs des droits de l'homme risquent aussi d'être ciblés. Penal Reform International a souligné que la guerre menée contre les drogues a eu des impacts négatifs sur les droits de l'homme, menant notamment au surpeuplement carcéral et exacerbant les problèmes de santé. Citant entre autres la disparition de 43 étudiants, la Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil a invité le Conseil à envoyer une mission pour évaluer les risques pour la population civile au Mexique. International Education Development a fait remarquer que la plupart des exécutions en Iran sont liées à des accusations liées à la drogue. Plus de 500 personnes ont été exécutées en 2015.

Réponses et conclusions des experts

M. FLÓREZ a déclaré que la Colombie attache la plus grande importance à la prochaine session extraordinaire de l'Assemblée générale, en 2016, espérant qu'elle sera l'occasion de faire le point sur la lutte contre la drogue, qui dure depuis trente ans maintenant. La Colombie n'a ménagé aucun effort, tant au plan interne que régional, pour cerner les attentes des acteurs concernés, ce qui l'aidera à élaborer des scénarios pour l'avenir inspirés, en particulier, par des considérations de santé publique. Le pays a investi plus d'un milliards de pesos dans des politiques de limitation des dégâts, y compris dans des programmes de substitution de cultures. Des succès ont été obtenus, et la Colombie est prête à partager son expérience, a-t-il conclu.
MME FORDHAM a jugé que le débat sur les drogues devra être ouvert et franc. La prochaine session extraordinaire de l'Assemblée générale devra tenir compte des apports de tous les États, des institutions des Nations Unies et de la société civile. Elle a rappelé qu'on avait tenté d'atteindre les objectifs de lutte contre la drogue en luttant contre la production, les réseaux de distribution et réprimant la consommation, mais a ajouté qu'il était temps que ces objectifs s'orientent vers d'autres horizons, incluant les droits de l'homme. On ne doit plus seulement reposer sur l'ONUDC, mais chercher une coordination avec d'autres agences et programmes des Nations Unies. Le Secrétaire général devrait donc créer un groupe consultatif spécial à ce sujet, a conclu l'experte.

M. SAXENA a estimé que beaucoup avait été fait dans les produits de substitution. D'autres mesures comme la distribution de seringues propres ont été adoptées dans de nombreux pays, comme en Europe de l'est. Ce sont des exemples de bonnes pratiques, avec une approche droits de l'homme, s'est félicité M. Saxena. Il a par ailleurs précisé que la future session extraordinaire de l'Assemblée générale devra aussi produire des orientations très claires et pratiques à l'intention des institutions spécialisées des Nations Unies, notamment l'Organisation mondiale de la Santé

M. OULD MOHAMEDDOU a déclaré que l'objectif principal de la Commission ouest-africaine est d'éviter la militarisation des politiques de lutte contre les drogues. Il convient aussi de mobiliser davantage de moyens, au niveau de la région, pour la prévention et le traitement. La justice aussi a besoin d'une réflexion globale. Il lui faut à la fois être efficace et juste, a-t-il conclu.

M. LALE a suggéré plusieurs mesures susceptibles de prévenir certaines conséquences sociales néfastes de la lutte contre les drogues: prise en charge sanitaire des usagers de drogues qui commettent des crimes ou délits, assistance juridique gratuite, mesures alternatives à la détention. L'expert a souligné qu'une modification du code pénal de l'Équateur introduit le principe de proportionnalité dans la poursuite des auteurs d'infractions liées aux drogues. Par ailleurs, la loi du Costa Rica donne aux juges une marge d'appréciation dans leurs sentences contre ces mêmes personnes. En conclusion, il a rappelé que l'ONUDC avait tissé des partenariats avec l'Afghanistan.

MME DREIFUSS a souligné les différences régionales dont il faut tenir compte dans la politique de lutte contre la drogue: certaines régions produisent, d'autres sont le lieu de transit, d'autres consomment davantage de drogues, même si ces catégories se confondent de plus en plus. Elle a aussi insisté sur la progression de la criminalité organisée associée au trafic de drogues et a appelé de ses vœux une évaluation scientifique de l'effet sur les droits de l'homme des politiques contre la drogue. Mme Dreifuss a en outre déploré que, trop longtemps, l'idéologie et la morale aient empêché d'approcher différemment la question de la drogue. Il est heureux que la discussion de ce jour ait ouvert des portes. La session extraordinaire d'avril 2016 de l'Assemblée générale permettra de mieux approfondir ces alternatives, avec une approche basée sur les droits de l'homme. On ne peut plus tolérer que, sous prétexte de lutter contre le phénomène de la drogue et ses conséquences, on inscrive dans les lois des violations des droits de l'homme, a-t-elle conclu.

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*Les délégations suivantes ont participé aux échanges dans le cadre de la table ronde: *Les délégations suivantes ont participé aux échanges dans le cadre de la table ronde: Suisse (au nom du groupe qui a présenté le document de base pour la présente session); Arabie saoudite (au nom du arabe group); Union européenne; Équateur (au nom de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes - CELAC); Uruguay; Pakistan (africain de l'Organisation de la coopération islamique); Algérie (au nom du Groupe africain); Colombie (au nom d'un groupe d'États); Portugal; Sierra Leone; Singapour; Mexique; Australie; France; Égypte; Conseil de l'Europe; Paraguay; Tunisie; Kirghizistan; Autriche; Nicaragua; Inde; Suède; Chine; Bolivie; Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA); Albanie; Grèce; El Salvador; International Lesbian and Gay Association (au nom également du Service international pour les droits de l'homme); International Harm Reduction Association (au nom également de Human Rights Watch); Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero (au nom également de plusieurs autres organisations non gouvernementales1); Penal Reform International; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos; Asociación Civil; et International Educational Development; Inc.


1Déclaration conjointe: Centro Regional de Derechos Humanos y Justicia de Genero, Service international pour les droits de l'homme, Centro de Estudios Legales y Sociales, Intercambios Asociación Civil, Washington Office on Latin America, Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil, et Harm Reduction International.


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HRC15/131F