Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
Le Conseil des droits de l'homme a tenu à la mi-journée une réunion-débat sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, y compris le problème des enlèvements internationaux et des disparitions forcées. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a en outre rendu compte du travail accompli par le Bureau du Haut-Commissariat à Séoul, chargé de surveiller la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée.
Les panélistes de la table ronde étaient M. Marzuki Darusman, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée; M. David Hawk, auteur et chercheur; M. Koichiro Iizuka, Vice-Secrétaire général de l'Association des familles de victimes enlevées par la Corée du Nord; et de Mme Kwon Eun-kyoung, membre de la Coalition internationale pour mettre fin aux crimes contre l'humanité commis en République populaire démocratique de Corée. Le débat était animé par M. Michael Kirby, ancien président de la Commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée.
M. Kirby a souligné que la gravité des crimes constatés justifiait pleinement l'action de la communauté internationale. Il a rappelé que la Commission d'enquête avait proposé à la communauté internationale d'adopter envers Pyongyang une double stratégie de responsabilisation et d'encouragement. Le Rapporteur spécial a pour sa part déclaré que nul n'aurait pu imaginer il y a quelques années l'organisation d'une telle table ronde sur un tel sujet. M. Darusman a relevé que les relations entre les deux Corée avaient récemment connu une évolution, ajoutant que des réunifications familiales seraient organisées à la fin du mois d'octobre, mais précisant que cela ne concernait qu'une centaine de familles seulement.
Parmi les autres panélistes, M. Hawk a rappelé que la Pyongyang niait l'existence de camps de détention secrets de prisonniers politiques sur le territoire, alors que divers témoignages dignes de foi attestent de l'existence de ces camps de détention, qui sont d'ailleurs attestés par des photos aériennes. Il a estimé que le Comité international de la Croix-Rouge devait demander à avoir accès à ces camps. M. Iizuka a témoigné de l'enlèvement de sa mère par des agents de Pyongyang alors qu'il était bébé, précisant que les autorités de Pyongyang avaient reconnu ce fait mais affirmé qu'elle était morte accidentellement et ajoutant que des enlèvements avaient eu lieu dans d'autres pays, y compris en Europe. Enfin, Mme Kwon a fait état de l'exécution récente de personnes accusées d'avoir consulté des sites internet d'information étrangers au moyen de leur téléphone portable; il est donc faux de dire que ce pays réserve la peine de mort aux crimes les plus graves.
La question des personnes disparues, principalement au Japon, à la suite de leur enlèvement par des agents de la République populaire démocratique de Corée, a été au centre des déclarations des délégations, nombre d'entre elles appelant à la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité. Plusieurs délégations ont par ailleurs demandé aux États d'appliquer le principe de non-refoulement aux transfuges nord-coréens. D'autres intervenants ont pour leur part estimé que ce type de débat portant sur un pays en particulier était contre-productif et qu'au bout du compte il décrédibilisait le Conseil des droits de l'homme.
En tant que pays concerné, la République populaire démocratique de Corée a affirmé que la table ronde était le fruit d'un complot des États-Unis et de ses alliés qui cherchent à porter atteinte à son système politique, économique et social, estimant que cette table ronde constituait un précédent fâcheux. Le représentant du Japon a affirmé que l'ensemble de sa population partageait l'aspiration des familles à se revoir. Quant à la République de Corée, elle a rappelé que des centaines de milliers de Coréens n'avaient plus revu les membres de leur famille vivant de l'autre côté de la ligne de démarcation depuis sept décennies.
Les délégations des pays suivants se sont exprimées dans le cadre de cette réunion: Japon; Union européenne; Irlande; Albanie; Cuba; Allemagne; États-Unis; Lettonie; Chine; Norvège France; République tchèque; Liechtenstein; Nouvelle Zélande; Pologne; Pays-Bas; Costa Rica; Australie; Autriche; République de Corée; Lituanie; République arabe syrienne; Fédération de Russie; Estonie; Slovénie; Venezuela; Royaume-Uni; République islamique d'Iran; Portugal; Espagne; Canada; Bélarus; République démocratique populaire Lao; Slovaquie; Belgique et Myanmar.
S'agissant des organisations non gouvernementales, Human Rights Watch; Conscience and Peace Tax International (au nom également de Center for Global Nonkilling); et World Evangelical Alliance ont pris la parole pour s'alarmer de la situation régnant dans le pays.
En début d'après-midi, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a rendu compte du travail accompli par la structure sur le terrain établie par le Haut-Commissariat afin de mieux surveiller la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. La structure du Haut-Commissariat à Séoul est désormais opérationnelle, a expliqué le Haut-Commissaire, qui s'était rendu sur place en juin dernier à l'occasion de l'inauguration du Bureau de Séoul. M. Zeid a rencontré plusieurs hommes et femmes qui ont fui la République populaire démocratique de Corée et ont décrit l'extraordinaire difficulté de la vie quotidienne dans ce pays du fait de la corruption et des violations des droits les plus fondamentaux. La structure hors siège du Haut-Commissariat poursuivra la collecte et l'analyse approfondie des informations à disposition sur la situation des droits de l'homme sur le terrain. La délégation de la République populaire démocratique de Corée a fait une déclaration à titre de pays concerné.
Cet après-midi, le Conseil tiendra son débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention.
Table ronde sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée
Déclaration liminaire
M. MICHAEL KIRBY, ancien président de la Commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, modérateur du débat, a indiqué que le Conseil de sécurité était actuellement saisi du rapport de la Commission. Le Conseil des droits de l'homme se penche aujourd'hui sur le problème des enlèvements de ressortissants étrangers par la République populaire démocratique de Corée, les disparitions forcées et l'emprisonnement de personnes dans ce pays pour des motifs politiques. Ce thème a été retenu étant donné la fréquence des cas mentionnés dans le rapport. La question est très urgente pour de nombreuses familles sans aucune nouvelle de proches disparus. La Commission propose à la communauté internationale d'adopter, à l'égard de la République populaire démocratique de Corée, une double stratégie fondée sur la responsabilisation mais aussi sur l'encouragement.
Exposés des panélistes
M. MARZUKI DARUSMAN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, s'est félicité de l'organisation de cette table ronde, que nul n'aurait imaginée possible il y a quelques années seulement. Il a relevé que la principale conclusion de la Commission d'enquête était que des crimes contre l'humanité avaient été commis et sont encore commis en République populaire démocratique de Corée (RPDC): persécutions, disparitions forcées, enlèvements, avortements contraints ne sont que quelques-uns de ces crimes. Le Conseil de sécurité s'est saisi de la situation déplorable des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et l'a inscrite à son ordre du jour. Le Rapporteur spécial a ensuite souligné que les relations entre les deux Corées ont récemment connu une évolution et que des réunifications familiales seront organisées à la fin du mois d'octobre. Mais elles ne concerneront que quelques centaines de familles seulement: or, plus de 66 000 familles sont toujours sans nouvelles de leurs proches. La communauté internationale doit agir dans cette affaire avec la plus grande fermeté, a demandé le Rapporteur spécial.
M. DAVID HAWK, auteur et chercheur, a souligné que les conditions de détention en République populaire démocratique de Corée étaient en contradiction avec les normes reconnues du droit international et s'apparentaient à des disparitions forcées. La République populaire démocratique de Corée affirme pour sa part qu'il n'existe ni camp de détentions secret, ni détenus politiques sur son territoire. Mais, selon des témoignages dignes de foi, ces camps de détention existent bel et bien, preuve en étant qu'on peut les distinguer sur des photos aériennes. Le Comité international de la Croix-Rouge doit demander l'accès à ces camps.
M. KOICHIRO IIZUKA, Vice-Secrétaire général de l'Association des familles de victimes enlevées par la Corée du Nord a relaté comment sa propre mère a été enlevée par des agents de Pyongyang à l'âge de 22 ans, alors qu'elle était une jeune mère élevant seule ses deux petits enfants. Lui-même est âgé aujourd'hui de 38 ans et n'a plus aucun souvenir de sa mère qui a disparu alors qu'il avait un an, sa sœur trois ans. Les autorités de Pyongyang, qui ont reconnu cet enlèvement, ont affirmé que la mère de M. Iizuka était décédée dans un accident de la circulation. Mais cette affirmation n'a aucun fondement, le certificat de décès étant un faux manifeste puisque son nom n'apparaît dans aucun registre de victimes d'accidents de la route. M. Iizuka s'est dit convaincu que sa mère était toujours en vie et qu'elle attendait la fin de son calvaire.
Outre les cas identifiés par les autorités japonaises, on estime à plusieurs centaines les personnes enlevées par la République populaire démocratique de Corée, a ajouté M. Iizuka. Des enlèvements auraient eu lieu dans d'autres pays, y compris aux Pays-Bas et en France. La communauté internationale doit se saisir de cette question alors que les proches attendent toujours le retour des êtres chers.
MME KWON EUN-KYOUNG, de la Coalition internationale pour mettre fin aux crimes contre l'humanité commis en République populaire démocratique de Corée, a fait état de l'exécution, récemment, de personnes accusées de consulter des sites internet étrangers d'information au moyen de leur téléphone portable. Toute tentative de contact avec des pays étrangers est durement sanctionnée. Le code pénal de la République populaire démocratique de Corée punit de mort la diffusion de matériel culturel «dégénéré»: il est donc faux de dire que ce pays réserve la peine de mort aux crimes les plus graves.
M. KIRBY a souligné que le rapport de la Commission d'enquête contient des témoignages poignants qui confirment ces constatations. Il a demandé que l'on n'oublie pas les personnes victimes de disparition forcée à l'intérieur même de la République populaire démocratique de Corée.
Pays concerné
La République populaire démocratique de Corée a dénoncé l'organisation de la table ronde, estimant que sa motivation politique était tout à fait déconnectée des droits de l'homme. La table ronde est le fruit d'un complot des États-Unis et de ses alliés qui veulent éliminer par tous les moyens le système social et économique ainsi que le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée. Le sujet en a été choisi par la prétendue commission d'enquête, dont les travaux reposent sur des mensonges de déserteurs et d'autres faux. La République populaire démocratique de Corée condamne en particulier l'attitude du Japon, qui n'a jamais admis les crimes contre l'humanité qu'il a commis. Elle craint que cette table ronde ne constitue un précédent fâcheux et qu'il ne nuise à la crédibilité du Conseil. La République populaire démocratique de Corée demande à ses détracteurs de se mêler de leurs propres affaires et répondra fermement à leurs pressions hostiles.
Débat
Au cours du débat, de nombreuses délégations se sont dites très préoccupées par la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée telles que décrites par la Commission. Le Japon a demandé à la communauté internationale de remédier sans délai à la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Le Japon tout entier partage l'aspiration des familles qui veulent être réunies. Il demande à la République populaire démocratique de Corée de résoudre une bonne fois pour toutes le problème des enlèvements, condition préalable à toute normalisation des relations. Cela fait en effet 70 ans que des centaines de milliers de personnes n'ont pas vu des membres de leurs familles, a expliqué la République de Corée. Mais elle a également indiqué qu'un accord avait été signé entre les deux pays afin que deux cents familles séparées puissent se rencontrer.
Les États-Unis ont demandé à la République populaire démocratique de Corée d'inviter les experts internationaux à se rendre sur place pour y constater la réalité des droits de l'homme. Les États-Unis estiment que les images satellite et les témoignages confirment la réalité des exécutions sommaires de détenus et l'emprisonnement, dans des conditions inhumaines, de personnes pour leurs idées politiques.
La Chine a plaidé pour la paix et le dialogue, seuls moyens de ramener la concorde dans la péninsule coréenne. Elle a espéré que les parties concernées sauront créer les conditions propices à la reprise des négociations à six.
L'Union européenne a soutenu les recommandations de la Commission, notamment la nécessité de saisir la Cour pénale internationale de la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Elle a condamné fermement les enlèvements systématiques de ressortissants étrangers depuis 1950. L'Allemagne a dénoncé les sanctions collectives, le travail forcé et la torture pratiqués en République populaire démocratique de Corée. La France a demandé à ce pays d'interdire les lieux de détention secrets et la pratique des rétentions hors des procédures légales et a mis en garde: les responsables de crimes qui, par leur gravité et leur caractère systématique, constituent certainement des crimes contre l'humanité, devront un jour répondre de leurs actes devant la justice.
L'Albanie a souligné que les régimes totalitaires ne font preuve d'aucune pitié pour leurs populations, comme en témoigne sa propre expérience. Elle a demandé aux experts de donner des pistes pour recueillir de nouveaux témoignages de victimes d'enlèvement. La Lettonie et la Norvège ont demandé que les responsables des violations des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée rendent compte de leurs actes. La Norvège s'est cependant félicitée de l'adoption par la République populaire démocratique de Corée de certaines recommandations pendant son Examen périodique.
La Nouvelle Zélande a demandé à la République populaire démocratique de Corée de coopérer avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de respecter les droits de l'homme de tous ses citoyens, rejointe en cela par le Costa Rica. La Pologne a relevé que des centaines de milliers de personnes sont encore détenues en République populaire démocratique de Corée depuis la fin de la guerre de Corée. La communauté internationale doit rester mobilisée et faire pression sur la Pyongyang jusqu'à la résolution de la question des disparitions forcées, lui a répondu la Lituanie. Elle doit également redoubler d'efforts et utiliser tous les mécanismes des Nations Unies pour résoudre cette situation, a poursuivi l'Autriche. Elle a demandé aux États d'appliquer le principe de non-refoulement aux Nord-Coréens qui tentent de fuir leurs pays.
Comment faire en sorte que la République populaire démocratique de Corée respecte les normes internationales en matière de droits de l'homme, ont demandé l'Estonie, l'Australie et l'Irlande. Les mesures qui ont déjà été prises doivent être durcies, y compris en saisissant la Cour pénale internationale, ont répondu les Pays-Bas et la Slovénie. Pour le Liechtenstein, la communauté internationale ne doit pas rester les bras croisés lorsque des crimes contre l'humanité sont commis. Il a donc salué, avec d'autres pays dont la République tchèque, l'ouverture d'un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en République de Corée.
Le Royaume-Uni a dit avoir travaillé avec plusieurs pays pour tenter de trouver un mécanisme d'obligation redditionnelle pour la République populaire démocratique de Corée. Il souhaite savoir comment amener ce pays à participer de manière constructive. Le Canada a constaté que la situation sur le terrain était toujours aussi préoccupante et a appelé les autorités de Pyongyang à respecter les droits de tous leurs ressortissants de même que leurs propres obligations internationales. L'Espagne a déclaré qu'elle appuierait les résolutions des instances internationales sur la République populaire démocratique de Corée tant que des violations systématiques des droits de l'homme y seront commises.
La Slovaquie a jugé essentiel pour la République populaire démocratique de Corée collabore de manière constructive à la libération et au retour des personnes enlevées. Elle aimerait savoir comment les recommandations acceptées par ce pays lors de son Examen périodique universel sont susceptibles d'améliorer la situation sur le terrain. La Belgique s'est demandé comment faire mieux entendre la voix des victimes dans un système tel que celui de la République populaire démocratique de Corée. Le Portugal a demandé aux panélistes de dire comment la communauté internationale pourrait assurer la réinsertion des personnes libérées.
Pour leur part, le Myanmar, la République islamique d'Iran, le Bélarus et Cuba ont dit leur opposition aux mandats de pays et aux initiatives sélectives et politisées qui – comme la présente table ronde – ne sont pas basées sur la collaboration et la coopération avec les États. Ils ont fait valoir que l'Examen périodique universel est le moyen adéquat et dépolitisé d'examiner la situation des droits de l'homme dans tous les pays. Le Venezuela a estimé que les mandats de pays ne correspondaient pas à la philosophie du Conseil des droits de l'homme. Pour la République démocratique populaire lao, la promotion et la protection des droits de l'homme dans quelque pays que ce soit devraient se faire avec le consentement de l'État concerné et en tenant compte de la situation spécifique du pays. Dans ce contexte, la République populaire démocratique de Corée a fait de notables progrès, en particulier en acceptant un grand nombre de recommandations lors de son deuxième Examen périodique.
La République arabe syrienne a dit refuser l'instrumentalisation des droits de l'homme à des fins politiques par des États qui feraient mieux de faire leur propre bilan en la matière. Elle a appelé au respect des principes de la Chartes des Nations Unies, en particulier la non-ingérence dans les affaires intérieures des États. La Fédération de Russie a déclaré que les tentatives d'exercer des pressions sur des États en se servant des mécanismes des Nations Unies sont contre-productives et préjudiciables. Aucun pays n'est à l'abri des violations des droits de l'homme, mais il est important que chaque État améliore seul sa situation avec l'aide de la communauté internationale. La coopération, l'assistance technique ou encore l'Examen périodique universel sont les mécanismes adéquats.
Pour les organisations non gouvernementales, une jeune ressortissante de la République populaire démocratique de Corée ayant fui son pays vers la Chine a évoqué son expérience marquée par la faim, la peur et la volonté de survivre. Elle a dénoncé la volonté de la République populaire démocratique de Corée de cacher ses crimes et plaidé pour ses parents qui y vivent encore dans des conditions dantesques.
Human Rights Watch a dénoncé les enlèvements de très nombreux ressortissants étrangers par la République populaire démocratique de Corée. La publication du rapport de la Commission n'a apporté aucune amélioration à la situation des droits de l'homme de ce pays. L'organisation dénonce également l'attitude des autorités chinoises, qui refusent d'accorder le statut de réfugié politique aux personnes qui fuient la Corée du Nord et les renvoient dans ce pays.
La World Evangelical Alliance a demandé à la communauté internationale de contribuer généreusement pour aider la population et à veiller, simultanément, à ce que l'aide parvienne effectivement aux personnes qui en ont besoin. L'Alliance a indiqué qu'il existe exactement quatre églises en République populaire démocratique de Corée, toutes dans la capitale. Les fidèles sont surveillés; la détention d'une bible est formellement interdite. Conscience and Peace Tax International, au nom également de Center for Global Nonkilling, ont rappelé que, 62 ans après la fin de la guerre de Corée, la conférence politique de haut niveau prévue dans l'accord d'armistice n'avait jamais été convoquée.
Conclusions
M. KIRBY a nié que lui-même ou la Commission fussent motivés par des objectifs politiques, comme l'en accuse le représentant de la République populaire démocratique de Corée. Il a constaté que ce dernier n'avait fait, dans son intervention, aucune référence aux enlèvements et disparitions forcées dans son pays. Or, c'est un fait que plus de 60 000 familles veulent être réunies. Au rythme actuel de 100 familles par année, il faudrait 1000 ans y parvenir. Le modérateur a rappelé que les droits de l'homme ne relevaient pas de la responsabilité d'un seul pays, mais de toute la communauté internationale: «"Mêlez-vous de vos affaires", voilà bien une phrase que l'on ne peut pas prononcer dans cette salle», a-t-il relevé.
Le principe de la réunification des familles a été accepté par la République populaire démocratique de Corée. Un système de loterie a été créé pour sélectionner les familles qui pourraient bénéficier d'une reprise de contact: il ne s'agit donc pas tant d'une question de principe que de mécanismes et de moyens. M. Kirby a invité la République populaire démocratique de Corée à faire davantage d'efforts.
M. DARUSMAN a rappelé que tout avait commencé par la grande famine qui a ravagé le pays à la fin des années 1990. La communauté internationale avait alors tenté de se mobiliser. Aujourd'hui, la Commission d'enquête jette la lumière sur les crimes contre l'humanité commis en République populaire démocratique de Corée. Il faut maintenant créer un mécanisme de reddition des comptes. La communauté internationale doit entamer un processus de réflexion en ce sens, dans le prolongement du rapport de la Commission d'enquête.
Le Rapporteur spécial a indiqué que la question de l'esclavage, brièvement abordée dans son rapport, sera plus approfondie dans le prochain. Mais, a-t-il prévenu, c'est un vaste domaine sur lequel la communauté internationale va devoir se pencher. S'agissant du Groupe de contact, il a déclaré que sa composition n'est pas encore définie, ni son calendrier de travail. Des missions ont d'ores-et-déjà été contactées, a-t-il assuré. Il a aussi indiqué que le bureau du Haut-Commissariat à Séoul a commencé à documenter les enlèvements de Japonais. La coopération des deux parties est essentielle, a-t-il ajouté, expliquant aussi que la bonne foi de la RPDC sera mise à l'épreuve.
M. HAWK a lui aussi observé que la question du jour était celle des enlèvements en République populaire démocratique de Corée et que le représentant de ce pays l'avait éludée. Il a observé que la République populaire démocratique de Corée ne dispose d'aucun mécanisme de défense des droits de l'homme: pas de défenseurs des droits de l'homme, pas de société civile, pas de presse libre. Dans ce contexte, et en l'absence de contacts sur place, il faut maintenir une coopération tout en exerçant des pressions sur le pays. Le futur Groupe de contact jouera à cet égard un rôle très important. Les délégations qui ont fait des recommandations à la RPDC devront s'assurer de leur application. Enfin, la communauté internationale doit garder cette situation à son ordre du jour. Voici bien des années que la RPDC n'applique aucune des résolutions des Nations Unies: il faut cependant maintenir la pression afin que ce pays comprenne qu'il doit répondre aux exigences de la communauté internationale.
M. IIZUKA s'est dit sceptique quant au succès du dialogue entre les Gouvernements japonais et nord-coréen. Il est difficile de compter sur les engagements à long terme des autorités de la République populaire démocratique de Corée, a-t-il dit, les appelant à plus de sincérité. S'agissant des enlèvements, le temps presse: voici bien longtemps que les premiers enlèvements se sont produits et la plupart des personnes risquent de mourir entre temps, a-t-il conclu.
MME KWON a regretté que la seule réponse donnée par la République populaire démocratique de Corée aux demandes de résolution des centaines de disparitions soit de dire qu'il s'agit d'un complot international. Le nombre d'enlèvement survenus dans la péninsule de Corée pendant le conflit est de 82 159, 516 autres cas ont été recensés après la guerre; on ne peut chiffrer le nombre de personnes disparues dans des tentatives de défection. Mme Eun-kyoung a souligné que le développement et les droits de l'homme vont de pair. Il est donc à souhaiter que les autorités nord-coréennes ne vont pas faire la sourde oreille aux appels de la communauté internationale, a conclu Mme Eun-Kyoung.
Compte rendu du Haut-Commissaire sur la structure du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur le terrain
M. ZEID RA'AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que le Conseil des droits de l'homme venait de mener une discussion en profondeur sur la situation de droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, qui a été l'occasion une fois encore de montrer l'étendue et la nature systémique des violations des droits de l'homme dans ce pays. Cette année a été marquée par une action intense du Haut-Commissariat, particulièrement dans le cadre du suivi du rapport de la Commission d'enquête sur la République populaire démocratique de Corée et de la résolution 28/22 du Conseil, qui demande l'établissement en République de Corée d'une structure sur le terrain «afin de mieux surveiller la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et de recueillir davantage de données, d'établir les responsabilités, d'apporter un soutien accru au Rapporteur spécial, d'intensifier la participation et le renforcement des capacités des gouvernements de tous les États concernés, de la société civile et des autres parties prenantes, et de continuer à appeler l'attention sur la situation».
La structure du Haut-Commissariat à Séoul est désormais opérationnelle, a expliqué le Haut-Commissaire, qui s'était rendu sur place en juin dernier à l'occasion de l'inauguration du Bureau de Séoul, appelé à devenir progressivement la structure de terrain prévue par la résolution 25/25 du 9 avril 2014. M. Zeid a dit avoir rencontré lors de sa visite plusieurs hommes et femmes qui ont fui la République populaire démocratique de Corée et ont décrit l'extraordinaire difficulté de la vie quotidienne dans ce pays du fait de la corruption et des violations des droits les plus fondamentaux, en particulier les discriminations massives résultant du système du songbun, les discriminations contre les femmes, l'assignation forcée d'un lieu de résidence et de travail fixé par l'État, le risque pour chaque famille d'être jetée en prison sans procès si un de ses membres est soupçonné d'une infraction et le déni du droit de quitter son pays.
Le Haut-Commissaire a dit avoir aussi entendu le vif espoir exprimé par de nombreux Coréens, du nord comme du sud, s'agissant d'une réunification pacifique de la péninsule, espoir partagée selon lui par de nombreux responsables de part et d'autre de la frontière. Il a estimé que les principes des droits de l'homme pouvaient aider en ce sens en permettant aux gouvernements de renforcer leur dialogue sur cette question par le biais de mesures de confiance. Il a rappelé que des dizaines de milliers de personnes, la plupart aujourd'hui très âgées, n'ont jamais revu les membres de leur familles séparées par la frontière. Seuls une petite fraction a pu bénéficier des quelques rencontres organisées. Un progrès dans la réunion des familles séparées constituerait un indicateur essentiel d'une volonté politique. À moyen terme, le dialogue pourrait aussi progresser par le biais de stratégies de renforcement de la protection des droits de l'homme dans les deux pays. À long terme, il sera aussi nécessaire de traiter des violations des droits de l'homme commises dans le passé afin de permettre à toutes les victimes de guérir leurs blessures.
La communauté internationale a ici un rôle essentiel à jouer, a poursuivi le Haut-Commissaire. Le Conseil a reconnu l'engagement manifesté par la République populaire démocratique de Corée lors de son second Examen périodique universel l'année dernière. L'acceptation par Pyongyang de nombreuses recommandations présentées à cette occasion doit être reconnue comme un premier pas constructif. Le Haut-Commissariat continuera pour sa part de proposer aux autorités une assistance technique dans les domaines où cette assistance peut être efficace, par exemple pour mettre effectivement en œuvre celles des recommandations de l'Examen périodique universel que le pays a acceptées. M. Zeid a dit être en contact avec les autorités et a émis l'espoir de pouvoir en discuter directement avec elles.
Dans le même temps, les conclusions de la Commission d'enquête sur la République populaire démocratique de Corée, notamment celles selon lesquelles des crimes contre l'humanité ont été et continuent d'être commis dans le pays, doivent amener la communauté internationale à agir, y compris par la saisine de la Cour pénale internationale, a poursuivi M. Zeid. Le Haut-Commissaire a rappelé qu'en décembre dernier, la Haut-Commissaire adjointe avait, en son nom, informé le Conseil de sécurité de la situation de droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée. Il a dit espérer que le Conseil de sécurité continuera de suivre de très près la situation dans le pays, pour vérifier si l'engagement apporte de réels changements. M. Zeid a dit considérer pour sa part un tel suivi étroit comme un élément de dissuasion.
La structure hors siège du Haut-Commissariat poursuivra pendant ce temps la collecte et l'analyse approfondie des informations à disposition sur la situation des droits de l'homme sur le terrain. Elle élargira son réseau de contacts avec de nombreuses sources, dont des personnes qui ont fui le pays, mais aussi avec les organisations de la société civile, les analystes et les centres de recherche en République de Corée, mais aussi dans toute la région. Des millions de personnes continuent aujourd'hui encore de pâtir de violations intolérables de leurs droits fondamentaux.
M. Zeid a rappelé le lien entre les violations des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée et l'ensemble des tensions dans la région. Les disparitions forcées et l'attitude belliqueuse de Pyongyang ont des conséquences importantes pour la jouissance des droits de l'homme dans toute la région, a-t-il estimé.
Pour établir une paix véritable et assurer le droit au développement dans toute la région, le Haut-Commissariat s'est engagé à travailler avec le Gouvernement de la République populaire démocratique de Corée, tous les États membres et tous les acteurs concernés pour apporter des améliorations à court terme ainsi que l'obligation redditionnelle en matière de droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, a conclu M. Zeid.
Pays concerné
La République populaire démocratique de Corée a rappelé qu'elle ne reconnaissait pas le bureau des Nations Unies à Séoul. Il s'agit d'une provocation grave, ne serait-ce que par l'emplacement même du bureau en Corée du Sud, pays jouant le rôle de chef de file des forces hostiles à la République populaire démocratique de Corée. Cette initiative vise à contester le système du pays. Si les Nations Unies sont véritablement intéressées par la situation des droits de l'homme dans le pays, elles devraient éviter de se ranger aux côtés de forces hostiles et s'intéresser plutôt à la politique du Gouvernement dans le domaine des droits de l'homme.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
CRC15/119F