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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT SON DÉBAT ANNUEL SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, son débat annuel sur les droits des peuples autochtones, dans le cadre d'un échange avec des experts internationaux chargés de ces questions.

Les débats ont été ouverts par Mme Mona Rishmawi, chef de la Division de l'état de droit, de l'égalité et de la non-discrimination au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Elle a souligné le caractère historique de la Conférence mondiale de 2014 sur les peuples autochtones et a rappelé que les États s'étaient engagés à cette occasion à obtenir la participation des peuples autochtones à toutes les décisions qui les concernent. Le Haut-Commissariat contribue pour sa part à l'élaboration de plans d'action complets pour donner effet, au niveau des pays, aux engagements pris à New York.

Les panélistes étaient M. Albert Kwokwo Barume, membre du Mécanisme d'experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; Mme Myrna Cunningham Kain, membre du Conseil d'administration du Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones; M. Alejandro González Cravioto, directeur des affaires internationales de la Commission pour le développement des peuples autochtones du Mexique; et Mme Jannie Lasimbang, directrice du Réseau des peuples autochtones de la Malaisie et ancien membre du Mécanisme d'experts. Le débat était animé par Mme Victoria Tauli Corpuz, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, qui a demandé aux participants de tirer un bilan de l'application du document final de la Conférence mondiale, un an après son adoption.

Mme Cunningham Kain a notamment insisté sur les responsabilités que doit assumer le secteur privé s'agissant du respect des droits des peuples autochtones. Pour Mme Lasimbang, il importe de trouver un équilibre entre le développement économique et la protection des cultures autochtones. Cet aspect des choses n'est pas facilement accepté par certains gouvernements, les intérêts des autochtones semblant bien souvent ne pas coïncider avec ceux des États. Mais cet équilibre n'est pas non plus impossible à trouver. M. Barume a jugé cet aspect des choses très important car le développement dont les États sont en quête ne doit laisser personne à la traîne. Les États se focalisent sur ce qu'ils ont à perdre: ils doivent aussi envisager les bénéfices à retirer de la protection des peuples autochtones. M. González Cravioto a présenté les mesures prises par le Mexique pour garantir les droits individuels et collectifs des peuples autochtones.

Lors du débat, les pays nordiques se sont dits en faveur d'une plus grande implication des peuples autochtones dans les travaux de l'ONU. Les États-Unis ont plaidé en faveur du rapatriement vers leurs pays d'origine des biens culturels des peuples autochtones acquis de manière illicite et demandé aux États concernés de ne pas y faire obstacle. Certains pays, notamment la Nouvelle-Zélande, ont mis en place un programme de rapatriement des biens autochtones dispersés dans le monde.

La Fédération de Russie a mis en garde contre le renforcement du mandat du Mécanisme d'experts, préconisé par plusieurs intervenants: il existe en effet, selon elle, plusieurs mécanismes sur les droits des peuples autochtones dont le potentiel n'est pas pleinement utilisé et il y a par conséquent un risque de doublon. Le Guatemala a quant à lui appelé de ses vœux davantage de cohérence et d'efficacité au sein des mécanismes des Nations Unies en charge des questions autochtones.

Plusieurs intervenants ont dit leur inquiétude pour le sort des autochtones de régions occupées, les Tatars de Crimée ayant été mentionnés dans ce cadre.

Les délégations suivantes se sont exprimées dans le cadre de ce débat: Union européenne; Finlande (au nom des pays nordiques); Fédération de Russie; Brésil; Espagne; Australie; El Salvador; Pologne; Pérou; Philippines; Ukraine; États-Unis; Canada; Chili; Congo; Bolivie; Estonie; Guatemala; Nouvelle Zélande; Malaisie; Chine; Saint Siège.

Six organisations non gouvernementales ont également pris la parole: Défense des enfants - international; Indigenous World Association; Native American Rights Fund (au nom également de National Congress of American Indians et Indian Law Resource Center); Mouvement international de la réconciliation; Fédération internationale des femmes diplômées des universités; et la Fédération internationale des écoles unies. Les ONG ont notamment dénoncé les violences et spoliations dont sont victimes les peuples autochtones de plusieurs pays. Une organisation a observé que la Déclaration sur les peuples autochtones n'était pas assez connue et qu'il convenait de la diffuser plus largement; une autre a souligné l'importance de a scolarisation pour permettre l'autonomisation des filles autochtones.


Le Conseil reprend cet après-midi l'examen des rapports présentés ce matin par la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones et le Président du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones. Le Conseil se penchera ensuite sur la question des organes et mécanismes des droits de l'homme, en particulier s'agissant des travaux de son Comité consultatif et du Groupe de travail sur les droits des paysans.


Débat annuel consacré aux droits des peuples autochtones

Déclarations liminaires

MME MONA RISHMAWI, chef de la Division de l'état de droit, de l'égalité et de la non-discrimination au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que ce débat porterait sur le suivi à donner à la Conférence mondiale des peuples autochtones organisée par l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2014. Mme Rishmawi a souligné le caractère historique de cette réunion plénière de haut niveau pendant laquelle les États se sont véritablement engagés à obtenir la participation des peuples autochtones à toutes les décisions qui les concernent, s'agissant en particulier des grands projets d'infrastructure et de la défense des droits des femmes autochtones. La grande question maintenant consiste à s'assurer que ces engagements soient suivis d'effets. Le Haut-Commissariat contribue, par le biais de son groupe d'appui, à l'élaboration d'un plan d'action complet à cet égard, portant notamment sur la diffusion de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les peuples autochtones qui défendent leurs droits sont encore trop souvent confrontés à des menaces et intimidations. Le fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones facilitera leur participation au sein de l'Instance permanente sur les questions autochtones.

MME VICTORIA TAULI CORPUZ, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, animatrice du débat, a demandé aux participants de tirer un bilan de l'application du document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, exactement un an après son adoption. Ils diront à cette occasion quels obstacles s'opposent à l'adoption de plans d'action nationaux complets destinés à favoriser la participation des peuples autochtones aux décisions qui les concernent.

Présentations des panélistes

M. ALBERT KWOKWO BARUME, membre du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, a déclaré que l'Afrique avait déjà connu des tendances positives avant la Conférence mondiale de 2014, s'agissant notamment de la ratification de la Convention n° 169 de l'Organisation internationale du Travail, relative aux peuples indigènes et tribaux. Actuellement, les parlements de la République démocratique du Congo et de l'Afrique du Sud sont saisis de projets de loi sur les peuples autochtones. Mais les discriminations se poursuivent et aucun État africain n'a encore adopté de plan d'action global sur les peuples autochtones. La raison première est que ces pays manquent de capacités et de ressources. Il faut donc que les Nations Unies renforcent les capacités tant des États que des autres acteurs concernés. Une modification de la mission du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones pourrait aider en ce sens.

M. Barume a également alerté le Conseil sur la situation des peuples autochtones vivant dans les zones de conflit, à laquelle les États africains devraient prêter une très grande attention. Mais les pays du continent sont d'autant plus empruntés pour aborder ces questions que beaucoup de leurs dirigeants ne souscrivent pas à la notion de «peuples autochtones», quand ils ne la contestent pas. Les Nations Unies devraient donc déployer des spécialistes régionaux pour les aider à relever ces défis.

MME MYRNA CUNNINGHAM KAIN, membre du Conseil d'administration du fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones, s'est félicitée de ce que la Rapporteuse spéciale ait abordé la question des violences faites aux femmes autochtones. Le Comité pour l'élimination de toutes formes de discriminations à l'égard de femmes sera chargé de faire des recommandations sur les moyens de lutter contre cette forme de violence, prenant exemple sur les «bonnes pratiques» de nombreux pays, notamment d'Amérique latine. Mme Kain a également indiqué que les États d'Amérique latine se sont engagés, par la Déclaration de Carthagène, à mettre en œuvre les recommandations issues de la Conférence mondiale par l'intermédiaire de plans d'action nationaux. Elle a enfin insisté sur les responsabilités que doit assumer le secteur privé s'agissant du respect des droits des peuples autochtones.

M. ALEJANDRO GONZÁLEZ CRAVIOTO, Directeur des affaires internationales de la Commission pour le développement des peuples autochtones du Mexique, a lui aussi souligné le caractère historique de la Conférence mondiale des peuples autochtones. Il a indiqué que le Mexique a pour priorité la défense des droits individuels et collectifs des peuples autochtones, dans le respect de leurs particularités culturelles et de leur droit à la jouissance des ressources naturelles. Le Gouvernement du Mexique vise le développement social et économique des peuples autochtones conformément au document final de la Conférence. Il poursuit pour ce faire un ensemble d'objectifs dans les domaines de la justice; de l'accès aux droits fondamentaux; du développement économique; de la participation; et de la préservation du patrimoine et de la culture. Le Mexique met aussi l'accent sur l'autonomisation politique des femmes et des jeunes autochtones. Il a adopté une loi prévoyant la consultation systématique des peuples autochtones dans les grandes décisions économiques qui les concernent, en particulier dans l'octroi des permis d'exploitation des grands projets d'infrastructure. Le Mexique s'inspire de l'expérience dans ce domaine des autres pays d'Amérique du Sud et centrale. Enfin, le Mexique a pour objectif d'organiser, sous les auspices du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, des consultations étendues avec tous les intervenants concernés.

MME JANNIE LASIMBANG, Directrice du Réseau des peuples autochtones de la Malaisie, ancienne membre de Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, a souligné l'importance de la participation des peuples autochtones aux préparatifs de la Conférence mondiale de 2014. Grâce à cette participation à tous les niveaux, le document final issu de la Conférence se trouve être une référence utile et vivante, que les organisations non gouvernementales sur le terrain peuvent très bien adapter à leurs besoins. Le Réseau malaisien, qui chapeaute plusieurs organisations nationales, a ainsi adapté le document final à sa propre action dans le domaine du lobbying auprès du gouvernement.

Mme Lasimbang a encouragé les États membres à voir d'un bon œil la participation des peuples autochtones à l'élaboration des lois. Les peuples autochtones doivent obtenir d'être mieux représentés au sein des Nations Unies. Mme Lasimbang a présenté l'action potentielle des institutions nationales de droits de l'homme dans le domaine de la participation des peuples autochtones aux décisions qui les concernent. Elle a recommandé en particulier que ces institutions recrutent leurs membres parmi les peuples autochtones; et qu'elles s'intéressent aux problèmes que les peuples autochtones rencontrent au niveau régional.

Débat interactif

L'Espagne a dit disposer, depuis 2007, de son propre instrument de promotion des droits des peuples autochtones. Elle a souhaité savoir quels outils pourraient faciliter l'application du principe d'autonomisation des peuples autochtones. La Finlande, au nom des pays nordiques, a plaidé pour un renforcement du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones et s'est félicitée de l'accent qu'il met sur la violence faite aux femmes autochtones. Les pays nordiques sont en faveur d'une plus grande implication des peuples autochtones dans les travaux de l'ONU.

Pour le Saint-Siège, un débat éthique doit porter sur la manière de concilier le progrès économique et la préservation des droits des peuples autochtones. Ces droits sont souvent bafoués du fait des activités des industries minières et d'entreprises étrangères. L'Union européenne a dit ne ménager aucun effort pour respecter les droits énoncés dans la Déclaration et dans le document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, à l'adoption duquel l'Union européenne a beaucoup contribué. La Pologne a demandé aux panélistes de mettre en avant des «bonnes pratiques» pour la mise en œuvre du document final de la Conférence mondiale.

L'Estonie a regretté que la participation des peuples autochtones à la Conférence mondiale ait été entravée par certains États, dont un pays voisin. Elle a rappelé qu'elle avait contribué à plusieurs reprises au Fonds pour les peuples autochtones et a mis en avant son rôle dans la protection du capital culturel des peuples finno-ougriens. L'Ukraine s'est dite très inquiète de la détérioration de la situation des droits de l'homme des Tatars, peuple autochtone de la Crimée annexée illégalement par la Russie. Des rapports de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et d'une mission turque attestent des violations des droits de l'homme des Tatars. Cette situation justifie l'envoi sur place d'une mission d'observation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a demandé l'Ukraine.

La Fédération de Russie a appelé à la prudence en ce qui concerne le renforcement du mandat du Mécanisme d'experts: il existe déjà beaucoup de mécanismes sur les droits des peuples autochtones dont le potentiel n'est pas pleinement utilisé. Il y a un risque de double emploi. Toute modification du mandat du mécanisme d'experts doit intégrer des moyens d'aider les États à promouvoir les droits des peuples autochtones, a dit la Sierra Leone.

Les États-Unis ont exprimé leur soutien au principe de rapatriement d'objets cérémoniels et de dépouilles; ils préparent une stratégie pour rapatrier les biens culturels des peuples autochtones ayant été vendus à l'étranger. Ils estiment que les États membres devraient ratifier et appliquer les instruments internationaux dans ce domaine et mettre en place des législations nationales, au moins pour ne pas empêcher le rapatriement de biens culturels acquis de manière illicite. Les États-Unis estiment toutefois que cette question devrait être traitée à New York plutôt qu'à Genève.

Le Canada, très attaché aux droits des peuples autochtones, met l'accent sur l'éducation et la formation des membres des Premières Nations. L'Australie a dit apporter des améliorations constantes à l'intégration des peuples autochtones dans la société australienne, avec leur pleine participation. La Nouvelle-Zélande a admis que les femmes et fillettes autochtones étaient encore souvent victimes de discriminations multiformes. Toutefois, le Gouvernement a fait d'importants progrès dans le domaine de l'éducation et du bien-être des familles autochtones. La Nouvelle-Zélande a en outre adopté un programme de rapatriement des biens culturels autochtones éparpillés dans le monde.

Le Guatemala a rappelé son rôle dans la préparation de la Conférence mondiale des peuples autochtones et précisé qu'il mettait actuellement la dernière main à son plan d'action national pour les peuples autochtones. Il souhaite davantage de cohérence au sein du système des Nations Unies pour une plus grande efficacité dans la mise en œuvre de la Déclaration sur les peuples autochtones. Le Chili souhaite que soit élargi et renforcé le mandat de Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones. Il insiste sur l'importance d'une participation réelle et effective des peuples autochtones.

La Bolivie a jugé fondamental de dégager des pratiques exemplaires. Elle a insisté sur la protection des territoires des peuples autochtones et a rappelé que sa Constitution reprend la Déclaration des Nations Unies sur les droits de ces peuples. La Constitution d'El Salvador reconnaît les peuples autochtones dans son article 63. Le gouvernement œuvre particulièrement au renforcement du bilinguisme, avec des enseignements spécialisés et la publication de dictionnaires. Le Brésil a dit avoir ratifié la Convention n° 169 de l'Organisation internationale du Travail, relative aux peuples indigènes et tribaux. Le gouvernement organisera une conférence nationale en novembre prochain dans le but d'améliorer les politiques publiques en faveur des peuples autochtones. Le cadre juridique des États n'est pas toujours suffisamment fort pour garantir l'application du document issu de la Conférence mondiale, a constaté le Pérou, appelant le Conseil et le Haut-Commissariat à fournir aux pays toute l'assistance technique voulue.

Le Congo a décrit les mesures qu'il a prises pour ouvrir l'accès des peuples autochtones aux services sociaux de base, pour lutter contre les discriminations dont ils sont l'objet et pour créer un réseau de coordination des peuples autochtones. Ces initiatives font du Congo un pays pilote.

La Malaisie a affirmé que les peuples autochtones avaient les mêmes droits que tous les autres peuples du pays. Elle a fait observer que, sur certaines îles du pays comme Sarawak ou Sabah, les peuples autochtones représentent la majorité de la population. Des politiques et programmes sont mis en œuvre pour mieux autonomiser les peuples autochtones. Les Philippines appliquent un plan sur les peuples autochtones qui insiste sur leur participation. La Chine estime que les peuples autochtones ont apporté une contribution inestimable à l'histoire de l'Humanité. La Chine n'a pas de problème avec ses peuples autochtones.

Parmi les organisations non gouvernementales, Défense des enfants - international a dénoncé des abus généralisés commis contre des femmes et des filles membres des communautés autochtones de la Colombie. Elle a demandé aux États d'adopter des mécanismes destinés à garantir les droits des femmes et des filles autochtones. L'Indigenous World Association a observé que la Déclaration sur les peuples autochtones n'est pas assez connue et qu'il convient de la diffuser plus largement. Elle a cité en exemple le Guatemala qui mène des consultations élargies avec les peuples autochtones au moment de négocier les résolutions sur les peuples autochtones au Conseil des droits de l'homme, notamment. Native American Rights Fund, au nom également de National Congress of American Indians et Indian Law Resource Center, a recommandé la création d'un mandat spécifique chargé de contrôler la suite donnée au document final de la Conférence mondiale.

Le Mouvement international de la réconciliation a pour sa part mis l'accent sur les violences généralisées contre les peuples autochtones du Mexique, dont des dirigeants communautaires sont assassinés ou victimes de disparitions forcées. Les grands projets miniers ou de barrages portent atteinte aux droits de ces communautés. Le Rapporteur spécial devrait se rendre sur place. La Fédération internationale des écoles unies a elle aussi dénoncé les dommages considérables que les grands projets d'aménagement causent aux peuples autochtones en mettant leur mode de vie en question. C'est le cas notamment au Pakistan, où le Gouvernement fait preuve de très peu d'ouverture face à la diversité culturelle et applique, depuis un demi-siècle, une politique très agressive de mégaprojets sans se préoccuper des communautés affectées.

La Fédération internationale des femmes diplômées des universités s'est inquiétée des obstacles qui empêchent les filles autochtones d'achever leur éducation secondaire ou universitaire, au nombre desquels le fait que l'éducation primaire n'est toujours pas universelle. En outre, les systèmes d'éducation ne tiennent pas compte du monde dans lequel vivent les filles autochtones: les peuples autochtones ont fini par voir dans l'éducation de leurs jeunes un facteur d'assimilation. Or, l'éducation doit être un moyen de faire respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones ainsi que leurs particularités culturelles et linguistiques. L'éducation des autochtones doit se faire dans leurs langues et tenir compte de leurs connaissances traditionnelles. Cela permettrait aux filles autochtones de poursuivre leurs études au-delà du primaire.

Réponses des panélistes

MME CUNNINGHAM KAIN a souligné qu'en effet la prise en compte de la culture, et en particulier de la diversité culturelle, était un facteur essentiel du respect des droits des peuples autochtones, au même titre que le respect de leurs droits économiques. L'experte a recommandé que les peuples autochtones s'allient au sein de réseaux pour faire valoir leurs droits. Elle a salué la création d'instances consultatives paritaires avec les pouvoirs publics. Mme Cunningham Kain a souligné d'autre part l'importance de lutter contre la violence sexiste, une démarche qui exige une plus grande autonomisation des femmes. Plusieurs orateurs ont abordé cette question, a-t-elle noté, plaidant pour une meilleure participation des femmes. Les systèmes éducatifs doivent mieux intégrer la dimension autochtone, notamment en enseignant les langues vernaculaires. Il faut aussi tirer les leçons de l'action des pays qui ont lancé des plans nationaux, l'experte citant en particulier l'expérience du Paraguay.

MME LASIMBANG a insisté sur le rôle de l'Examen périodique universel en tant que forum important pour le débat sur les droits des peuples autochtones, un sujet qui n'est pas du tout abordé par certains États. L'experte a relevé que certains pays, dont la Malaisie, appliquent déjà des «bonnes pratiques» (à défaut d'être les meilleures) en ce qui concerne les droits fonciers des peuples autochtones. Mme Lasimbang a estimé que la réunion de ce jour était un pas dans la bonne direction. Elle a noté qu'il fallait trouver un équilibre entre le développement économique et la protection des cultures autochtones. On doit au premier chef protéger les populations locales, dont le consentement est impératif pour tout projet de développement. Évidemment cet aspect des choses n'est pas facilement accepté par certains gouvernements, a-t-elle noté, les intérêts des autochtones semblant bien souvent ne pas coïncider avec ceux des États. Mais cet équilibre n'est pas non plus impossible à trouver, comme on le croit trop souvent.

M. BARUME a jugé cet aspect des choses très important car le développement dont les États sont en quête est censé ne laisser personne à la traîne. Les États se focalisent sur ce qu'ils ont à perdre: mais ils doivent aussi envisager les bénéfices à retirer de la protection des peuples autochtones. M. Barume a insisté sur l'importance de former des représentants des peuples autochtones pour qu'ils puissent transposer, au niveau local, les débats sur les peuples autochtones qui ont lieu au plan international. L'expert a cité, au titre de «bonne pratique», le mécanisme néo-zélandais de suivi du document final de la Conférence mondiale.

M. GONZÁLEZ CRAVIOTO a considéré que les États ont tout à gagner à améliorer le dialogue avec les instances nationales et internationales en charge des questions autochtones. La Commission nationale mexicaine dialogue régulièrement avec une instance nationale qui représente 180 organisations mexicaines de peuples autochtones. Le Mexique a ouvert plus de vingt foyers pour femmes autochtones victimes de la violence. Les pouvoirs publics organisent des formations pour avocats autochtones bilingues, qui sont au nombre de 198.

En conclusion, MME TAULI CORPUZ a estimé que la Conférence mondiale avait constitué un exercice très positif ayant débouché sur des éléments concrets. Elle a ajouté que si un bilan relativement positif pouvait en être tiré, on ne pouvait ignorer la persistance de problèmes graves tels que l'accaparement à grande échelle des terres des peuples autochtones. Toute société sera jugée sur la manière dont elle traite ses groupes vulnérables, a-t-elle averti, et le test sera de voir comment les conclusions de la Conférence mondiale seront mises en œuvre.


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HRC15/122F