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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR LA PLANIFICATION ET LA MOBILISATION DE L'INVESTISSEMENT DANS LES DROITS DE L'ENFANT

Compte rendu de séance
Le débat s'inscrit dans le cadre de la réunion d'une journée que le Conseil consacre chaque année aux droits de l'enfant

Le Conseil des droits de l'homme a entamé ce matin son débat annuel d'une journée sur les droits de l'enfant, dont le thème est «Vers un meilleur investissement dans les droits de l'enfant». La réunion de ce matin était plus spécifiquement à la planification, à la mobilisation et à l'allocation des ressources.

Dans une déclaration liminaire, Mme Jane Connors, Directrice de la Division de la recherche et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a expliqué que le rapport préparé à cette occasion par le Haut-Commissariat montre que l'un des principaux obstacles à la réalisation des droits de l'enfant est le manque de ressources qui lui sont allouées. Elle a souligné qu'un investissement équitable, concentré sur les situations les plus marginalisées et vulnérables, permet de supprimer les conséquences de plusieurs générations d'inégalités et profite à la société dans son ensemble, à court comme à long terme. Inversement, l'absence de tels investissements mène à des situations de pauvreté chronique et de frustration. «Investir dans les enfants n'est pas un luxe pour les États ou un choix des États, c'est une nécessité nationale des États», a déclaré Mme Connors.

Le débat a compté avec les panélistes suivants: M. Bob Muchabaiwa, chargé de l'investissement dans les enfants à Save the Children; M. Jorge Cardona, membre du Comité des droits de l'enfant; Mme Shaamela Cassiem, Directrice de la formation internationale à International Budget Partnership (IBP); et Mme Jingqing Chai, chef de la section finances publiques, gouvernance locale et inclusion sociale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Le débat était animé par M. Ricardo González Arenas, Représentant permanent de l'Uruguay auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.

M. Muchabaiwa a déclaré qu'investir dans les enfants n'était pas seulement une question de droits de l'homme mais une obligation juridique des États parties à la Convention relative aux droits de l'enfant. Les États doivent donc engager des ressources financières pour réaliser les droits de l'enfant et il s'agit d'une dépense publique équitable et efficace, que l'aide publique au développement pourrait contribuer à renforcer. Pour M. Cardona, les droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier ne pouvant être garantis gratuitement, les gouvernements doivent mettre l'accent sur ces droits dans l'ensemble du cycle budgétaire, auquel le public, et notamment les enfants, devrait participer. Pour Mme Cassiem, cette participation du public aux processus d'élaboration budgétaire est essentielle mais, malheureusement, peu pratiquée. Pour augmenter la transparence, elle a préconisé notamment d'élaborer un «budget des citoyens», document budgétaire qui fasse apparaître les objectifs et allocations de ressources de manière non technique, compréhensible et utilisable par le grand public. Citant le vieil adage selon lequel «on ne peut gérer ce que l'on est incapable de mesurer» Mme Chai, a quant à elle rappelé que l'information était essentielle pour orienter les objectifs d'un budget. Il faut donc disposer de telles informations pour faire appliquer une approche centrée sur l'enfance dans la prise de décision financière publique.

Les délégations * qui ont participé au débat ont présenté les mesures prises au plan national ou régional pour investir dans les enfants et ce, en dépit de circonstances budgétaires difficiles. Il n'y a toutefois pas de formule miracle qui permette de concrétiser les investissements en faveur des droits de l'enfant dans les politique budgétaires, mais de tels investissements ne constituent pas seulement une obligation juridique, mais une politique macroéconomique en soi. Certaines délégations ont fixé des priorités aux investissements, ce à quoi M. Cardona a répondu qu'il n'existait pas de hiérarchie des droits et qu'il fallait investir dans chacun d'eux.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont plaidé pour des budgets équitables, progressifs et à long terme. Certaines ont demandé que les enfants puissent faire entendre leur voix dans les processus de répartition budgétaire, faisant observer que, quand c'est le cas, les budgets les concernant étaient en progression. L'enfant doit être reconnu comme sujet et non pas comme objet de droit, et implique le droit d'avoir un nom, une identité, une nationalité et de connaître ses ascendants. L'intérêt supérieur de l'enfant devrait figurer au cœur de l'élaboration, de la mise en œuvre et du suivi du programme de développement pour l'après-2015, a-t-il également été souligné.

Le Conseil doit reprendre à 15 heures son débat annuel consacré aux droits de l'enfant en portant son attention sur les questions relatives aux modalités d'investissement dans les enfants respectueuses des principes de droits de l'homme aux niveau local, national, régional et international.


À la mi-journée, le Conseil conclura le débat interactif qu'il a entamé hier après-midi avec les Représentantes spéciales du Secrétaire général chargées respectivement de la question de la violence à l'encontre des enfants et des enfants et les conflits armés.


Débat annuel sur les droits de l'enfant

Déclaration liminaire

MME JANE CONNORS, Directrice de la Division de la recherche et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé qu'à la demande du Conseil des droits de l'homme, le Haut-Commissariat avait préparé un rapport portant sur le thème de la réunion d'aujourd'hui: «Vers un meilleur investissement dans les droits de l'enfant». Ce rapport montre que l'un des principaux obstacles à la réalisation des droits de l'enfant est le manque de ressources, a souligné Mme Connors. Pourtant, a-t-elle ajouté, investir équitablement dans les enfants, en se concentrant sur les plus marginalisés et vulnérables, permet de supprimer les conséquences des inégalités sur plusieurs générations. L'investissement dans les enfants crée des bénéfices à court terme pour les individus , par exemple en procurant des emplois à ceux qui ont eu accès à l'éducation, a également fait valoir Mme Connors; mais la recherche montre aussi que de tels investissements apportent à la société des bénéfices sur le long terme, car investir dans la santé ou l'éducation n'est pas sans incidence sur la croissance économiques et sur le développement humain, a-t-elle précisé.

Inversement, a poursuivi Mme Connors, l'absence de tels investissements mène à des situations de pauvreté chronique dans lesquelles les enfants se retrouvent marginalisés. Ils ne peuvent alors jouir de leurs droits humains et en viennent à ressentir des frustrations par rapport à d'autres enfants qui, eux, bénéficient de tels droits, a-t-elle expliqué. Les États ont donc un intérêt majeur à investir dans les enfants et à mobiliser et utiliser leurs ressources de manière efficace dans ce sens. Les enfants ne sont pas seulement des bénéficiaires de tels programmes, ils doivent aussi pouvoir y participer, a en outre rappelé Mme Connors. Investir dans les enfants n'est pas un luxe ou un choix pour les États: c'est une nécessité, a-t-elle insisté. Les investissements à consentir aujourd'hui pour les enfants sont faibles en comparaison de ce que les États devront payer plus tard s'ils ne réalisent pas ces investissements aujourd'hui, a-t-elle souligné.

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme intitulé : «Vers un meilleur investissement dans les droits de l'enfant» (A/HRC/28/33). Le rapport passe en revue les différentes étapes du processus budgétaire (élaboration, allocation, dépense et suivi) et propose un cadre pour une approche budgétaire fondée sur les droits de l'homme. Il comprend des exemples de bonnes pratiques et un certain nombre de recommandations destinées à garantir que des ressources adéquates soient consacrées à la réalisation des droits de l'enfant dans tous les pays, quel que soit le niveau de revenus de l'État.

L'animateur du débat, M. RICARDO GONZÁLEZ ARENAS, Représentant permanent de l'Uruguay auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que les enfants sont à la fois l'espérance d'un monde meilleur et les personnes les plus vulnérables de la société. En les maltraitant, nous maltraitons notre avenir, a-t-il fait observer, avant d'expliquer que la réunion de ce jour aborderait concrètement les questions de l'investissement dans les droits de l'enfant. Le débat doit ainsi permettre d'analyser comment mettre en œuvre effectivement les mesures prévues par les nombreux cadres d'action.

Exposés des panélistes

M. BOB MUCHABAIWA, responsable de la gestion de l'investissement dans les enfants à Save the Children, a rappelé que les droits dont les enfants disposent aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant restent très théoriques. Des millions d'enfants souffrent de la faim, n'ont pas accès à l'éducation, voire ne sont pas même enregistrés à la naissance; en moyenne, 17 000 enfants décèdent chaque jour de causes qui seraient évitables, a-t-il souligné. Investir dans les enfants n'est pas une question de droits de l'homme; c'est une obligation juridique aux termes de l'article 3 de la Convention, a-t-il fait observer. Les États doivent donc allouer des ressources financières à la réalisation des droits de l'enfant; il s'agit d'une dépense publique équitable et efficace, a poursuivi M. Muchabaiwa. Tous les États devraient donc veiller à mobiliser suffisamment de ressources à cette fin et l'aide publique au développement pourrait à son tour contribuer à renforcer cet investissement, a-t-il insisté. Ces investissements doivent respecter les grands principes énoncés dans la Convention: non-discrimination, intérêt supérieur de l'enfant, droit de l'enfant à participer et à faire entendre son point de vue, a indiqué le représentant de Save the Children. L'existence de données statistiques ventilées pouvait aider à rendre cet investissement plus efficace, a en outre souligné M. Muchabaiwa, faisant observer qu'actuellement, 40% des dépenses de santé sont dilapidés pour diverses raisons. L'efficacité de l'investissement dans les enfants est évidente et démontrée, a insisté M. Muchabaiwa.

M. JORGE CARDONA, membre du Comité des droits de l'enfant, a expliqué que le Comité suivait de très près les débats du Conseil; il vient d'ailleurs tout juste de commencer à travailler sur un projet d'observation générale consacré au thème du débat de ce jour, à savoir un meilleur investissement dans les droits de l'enfant. Le point de départ est celui selon lequel les droits humains en général, et les droits de l'enfant en particulier, ne peuvent être garantis sans que cela ne coûte rien, ce qui signifie concrètement que, comme ne cesse de le répéter le Comité, les gouvernements doivent mettre l'accent sur les droits de l'enfant dans le budget même de l'État et dans l'ensemble du cycle budgétaire – de l'élaboration du budget à son exécution et son évaluation, a expliqué l'expert. En matière de non-discrimination par exemple, l'État doit veiller à accorder une attention spéciale aux enfants se trouvant dans une situation de particulière vulnérabilité. Par ailleurs, il faut veiller à ce que les enfants participent à la surveillance de la mise en œuvre du budget de l'État, a souligné M. Cardona.

MME SHAAMELA CASSIEM, Directrice de la formation internationale à International Budget Partnership (IBP), a convenu que la participation du public aux processus d'élaboration était essentielle, tout en constatant que dans les faits, cela ne se pratiquait guère. Sur une centaine de pays étudiés par son organisation, plus de 70% ne font preuve d'aucune transparence budgétaire, ne diffusant pas auprès du public les documents servant de base à l'élaboration de la loi de finances, a-t-elle indiqué. Les pays qui ont des parlements ou des institutions de contrôle faibles ont tendance à être défaillants en matière de transparence, ce qui n'est pas étonnant, a-t-elle insisté. Il faudra au moins une génération pour que l'on parvienne à des niveaux de transparence suffisants, a-t-elle estimé, ajoutant que concrètement, cela signifie qu'il y aura des gaspillages pendant une génération encore au lieu de consacrer des dépenses équitables et effectives aux droits de l'enfant. IBP recommande que l'État organise des formations en vue de favoriser une plus grande participation du public à la supervision budgétaire, a conclu Mme Cassiem.

MME JINGQING CHAI, Chef de la Section finances publiques, gouvernance locale et inclusion sociale du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a souligné qu'il était largement admis que les budgets et les finances publiques constituent un instrument clé pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Pour ce qui est des droits de l'enfant, il est de plus en plus nécessaire d'intégrer une dimension «enfance» aux prises de décision intéressant les finances et dépenses publiques, a-t-elle indiqué. Le budget de l'État est en effet un instrument essentiel pour réduire le fossé dans la réalisation des droits de l'enfant existant entre les deux extrémités du spectre socioéconomique, a-t-elle souligné. Or, sans information, il est difficile d'évaluer l'efficacité et l'adéquation des efforts gouvernementaux en faveur des droits de l'enfant, a-t-elle fait observer. Comme le dit le vieil adage : on ne peut gérer ce que l'on est incapable de mesurer, a-t-elle insisté, soulignant par ailleurs que ce que l'on mesure a plus de chance d'être orienté en fonction des priorités que l'on définit. En outre, l'information est essentielle pour assurer l'obligation redditionnelle, autrement dit pour faire en sorte que les décideurs répondent de leurs décisions.

Débat interactif

L'Union européenne a observé que les enfants sont de plus en plus exposés au risque de pauvreté, compromettant ainsi leurs chances pour l'avenir. C'est pour cette raison que les États ont la responsabilité d'investir dans des politiques en leur faveur, quel que soit le niveau de développement du pays, et tenant compte de la Convention relative au droit de l'enfant. Ces investissements ne sont pas seulement une obligation juridique, mais une politique macroéconomique en tant que telle, a poursuivi la Norvège, au nom des pays nordiques, ajoutant que ces investissements doivent notamment être faits dans les domaines de la santé reproductive des enfants, et pour favoriser les attitudes positives à l'égard des enfants et encourager leur participation aux prises de décisions qui les concernes. Mais aussi dans la lutte contre les mariages précoces ou forcés, qui ont des conséquences néfastes sur les droits des femmes et des filles et sont de vrais freins au développement et à l'éclosion des talents d'une nation, ont ajouté les États-Unis, qui ont également souligné que les politiques et mesures législatives doivent être soutenues par des ressources financières et ont insisté sur l'importance de l'investissement dans l'éducation. Cela n'est possible que par l'allocation de ressources suffisantes selon une approche basée sur les droits et quel que soit le niveau de développement, a abondé Bahreïn au nom du Groupe arabe, avant de présenter au Conseil les mesures prises par les pays arabes pour la pleine réalisation des droit de l'enfant. En son propre nom, Bahreïn a souligné que les enfants qui ont accès aux investissements et au financement public auront plus de chances.

Le respect des obligations internationales relatives au droit de l'enfant relève en premier lieu de la responsabilité des États, a rappelé le Canada au nom de l'Organisation internationale de la francophonie; c'est pour cette raison que ses États membres se sont engagés au sommet de Dakar d'accorder des budgets conséquents dans le cadre du programme de développement pour l'après-2015. Il n'y a pas de formule miracle qui permette de concrétiser les investissements en faveur des droits de l'enfant dans les politiques budgétaires, a dit la représentante de la Croatie, s'exprimant aussi au nom de l'Australie, de la Slovénie. C'est pourquoi cette question doit rester à l'ordre du jour, notamment dans le cadre du programme de développement pour l'après 2015. La Pologne a déclaré que l'investissement dans les enfants était une question complexe, nécessitant participation et coopération entre les autorités nationales et locales, le secteur privé, la société civile et les familles. Dans le cadre de l'approche globale intégrée, il devait également être reconnu que les enfants étaient des individus distincts.

En dépit de circonstances budgétaires difficiles, la France maintient son niveau de financement et de dépense en faveur de sa politique familiale, notamment à travers les mesures de protection et de sécurité sociale. Le Togo pour sa part a ratifié la plupart des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'enfant, et le pays a fait des investissements en faveur des enfants, notamment des subventions publiques dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de la lutte contre la pauvreté et la malnutrition. En Fédération de Russie, une stratégie nationale couvrant la période 2012-2017 a été mise en place pour aider les familles dès la naissance d'un enfant. Le Portugal a mis en place un système complet de protection de l'enfant qui tient compte de son intérêt supérieur. Ils jouissent par exemple d'un droit de scolarité gratuite pendant douze ans ainsi que d'une couverture médicale universelle. Cela est valable y compris pour les enfants migrants, a assuré la délégation.

La Turquie fait également tout son possible pour maintenir et protéger les droits de l'enfant. Elle est non seulement partie à tous les instruments relatifs aux droit de l'enfant, mais le Parlement a mis en place un site internet chargé de recevoir les plaintes des enfants en cas de violence. La Turquie a également adopté un plan stratégique national comportant des mesures dans les domaines de la santé et de l'éducation. Le Paraguay a adopté une vision transversale dans ses investissements, incluant par exemple l'administration de la justice pour les moins de 18 ans, l'institutionnalisation de la lutte contre le travail des enfants, l'augmentation significative des ressources pour l'éducation jusqu'à 15 ans en tenant compte des spécificités culturelles, ou encore l'universalisation de la couverture médicale.

Le Nicaragua a évoqué plusieurs programmes mis en œuvre dans le pays, dont celui consacré à l'enregistrement des naissances pour que chacun ait l'assurance d'avoir un nom et une identité. Il a aussi attiré l'attention sur un programme en faveur de la nutrition scolaire. L'Espagne a mentionné de son côté son deuxième plan stratégique de l'enfance et de l'adolescence 2013-2016, qui porte une attention particulière aux enfants handicapés. Le Brésil a indiqué avoir pris des mesures importantes en matière législative, administrative et politique visant à concrétiser les droits stipulés par la Constitution, la Convention relative aux droits de l'enfant et ses protocoles facultatifs. Le Népal a indiqué avoir fortement progressé en matière de nutrition et de santé des enfants, des cantines scolaires gratuites ayant été mises en place, y compris dans les régions reculées du pays. Le programme national d'immunisation couvre tout le pays et est gratuit. L'Albanie, qui a souligné que les mineurs de zéro à dix-sept ans représentaient un Albanais sur dix, a indiqué que le budget actuel avait vu une augmentation de près de 17% comparé à 2012 en faveur du Plan national d'action en faveur des droits de l'enfant. Le Liechtenstein a indiqué que son pays contribuait à de nombreux projets en matière d'éducation dans les pays en développement. Sur le plan intérieur, il a beaucoup investi dans l'éducation et l'accès à des services en matière sociale, d'activités sportives et culturelles.

Sans les investissements, les engagements pour la protection des droits de l'enfant sont de vaines promesses, a dit le Maroc, ajoutant que ces réalisations sont de la responsabilité de toute la communauté internationale; il faudrait dans ce sens envisager une coopération et explorer les moyens fiscaux pour encourager les investissements dans le domaine des droits de l'enfant. La communauté internationale doit en effet coopérer pour s'assurer de la bonne mise en œuvre des droits de l'enfant, a dit la République de Corée.

Le Bangladesh a aussi «musclé son budget» en faveur de l'enfance, dans les domaines de l'éducation, du sport, des loisirs et de la culture. On a mis aussi l'accent sur des actions de formation des enseignants. Sri Lanka a souligné que les efforts nationaux en faveur de l'enfance devaient commencer par la famille, précisant avoir toujours privilégié l'éducation et la santé; le nouveau gouvernement a décidé de faire passer de 2 à 6% l'allocation sur la gratuité de l'instruction. La Thaïlande a indiqué que son gouvernement prévoyait de créer une allocation familiale universelle pour les familles pauvres afin de remédier aux disparités sociales. Elle dispose d'un système de santé universel permettant de couvrir tous les enfants, y compris ceux appartenant à des groupes ethniques sur le point d'être naturalisés.

La Chine, qui compte 300 millions d'enfants, en a fait une priorité dans l'allocation des ressources et l'élaboration des programmes de développement. Des objectifs comme les soins de santé et l'éducation de base gratuits ont été établis. L'Inde a également adopté une démarche multisectorielle, inclusive et globale. Elle se préoccupe à la fois de la malnutrition et de la santé de la mère. Singapour investit beaucoup dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la famille et accorde une attention particulière aux plus vulnérables. L'Arabie saoudite a pris des mesures pour prévenir les violations des droits de l'enfant, y compris s'agissant de la violence, du travail des enfants, de la négligence et de tout autre mauvais traitement ou de harcèlement à l'école. Les investissements du Mexique ont été concentrés sur la lutte contre la pauvreté, avec une perspective axée sur les droits de l'enfant. La Slovaquie estime que les enfants méritent une protection particulière et a adopté plusieurs programmes dont un plan d'action pour l'enfance 2013-2017. Elle lutte notamment contre les violences faites aux enfants et pour protéger les enfants de milieux sociaux défavorisés, dont les enfants de la communauté rom.

L'enfant doit être au centre des politiques budgétaires, a dit le représentant du Koweït assurant que son pays fait beaucoup pour eux, car ce sont «les futurs dirigeants». Pour Israël, les investissements sont une priorité, car chaque dollar investi aujourd'hui est un gage pour le futur. L'Allemagne a pour sa part souligné que les ressources publiques nécessaires devaient être dépensées à bon escient, dans le cadre d'une gestion efficace et en combattant la corruption. L'Estonie a jugé essentiel de s'accorder sur des normes minimales et des critères qualitatifs pour que les ressources allouées aux enfants soient dépensées de manière efficace, car elles sont limitées. C'est pourquoi l'Estonie met en place un système de suivi de la qualité des mesures prises en faveur des enfants à tous les niveaux.

L'Argentine, qui était représentée par la présidente des Grands-Mères de la Place de mai, a rappelé l'histoire de cette association cherchant à retracer les liens filiaux d'enfants de disparus sous la dictature et adoptés par des proches du régime militaire dont un certain nombre sont toujours en quête de leurs origines. L'enfant doit être reconnu comme sujet et non pas comme objet de droit. Cela implique le droit d'avoir une identité, à savoir un nom, une nationalité et de connaître ses ascendants, a-t-elle rappelé.

Le Pakistan a déclaré qu'une société était faible si son enfance était faible. Son gouvernement a encouragé les organisations de la société civile à organiser des assemblées et clubs d'enfants dans les établissements scolaires. Des fonctionnaires gouvernementaux et des députés participent régulièrement à ces assemblées. Le prix Nobel de la paix, Malala Yusafzai, jeune Pakistanaise, présidait ainsi une assemblée d'enfants dans sa ville de la vallée de Swat.

La Suisse a encouragé les États à investir dans une justice adaptée aux enfants et notamment une justice restauratrice, vecteur de prévention, de protection et de réinsertion des enfants en conflit ou en contact avec la loi, qui tienne compte de l'intérêt des enfants sur le long terme, mais exige des ressources.

Le Chili considère que l'investissement dans l'enfance n'est pas seulement une obligation juridique, mais aussi une politique macroéconomique pour laquelle la transparence et la participation sont essentielles. L'Amérique latine est la région qui a fait le plus de progrès dans ce domaine, mais le Chili constate que les difficultés sont multiples, qu'elles soient politiques, techniques ou culturelles, par exemple pour assurer la promotion des droits reproductifs des fillettes.

La représentante du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a déclaré que les investissements concernant le VIH sida sont sous financés. Sans traitement, les enfants qui naissent infectés vont mourir avant l'âge d'un an, et peu d'antiviraux sont administrés aux enfants et adolescents touchés. C'est dans ce contexte qu'avec l'UNICEF a été lancée la plate-forme d'action «All in» contre l'épidémie de sida parmi les adolescents, qui a permis d'accélérer la réduction du nombre de morts dus au VIH dans cette population. L'Organisation internationale de droit du développement a aussi constaté un manque de ressources et de financements pour les programmes relatif aux enfants en conflit avec la loi.

S'agissant des institutions nationales des droits de l'homme, la Commission écossaise des droits de l'homme s'est félicitée des efforts faits par les autorités écossaises en faveur des enfants, mais observe que les budgets n'ont pas évolué. Le Conseil des droits de l'homme du Maroc (CNDH) a indiqué avoir été à l'origine d'un plan d'action national en matière de démocratie et de droits de l'homme qui a été mis à jour à deux reprises à la lumière des développements constitutionnels et des priorités du gouvernement actuel. Ce plan doit constituer le levier pour une meilleure promotion et protection des droits de l'enfant. Le CNDH a également lancé le processus de mise en place d'un mécanisme de recours pour les enfants victimes de violations de leurs droits. Le processus de mise en place de mécanisme de recours constitue une composante majeure du plan d'action conjoint CNDH-UNICEF pour l'exercice 2014-2015.

En ce qui concerne les organisations non gouvernementales, le Bureau international catholique de l'enfance, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1, a observé que dans la plupart des cas, les budgets sont souvent insuffisants, non planifiés, débloqués tardivement, incohérent et incompatibles avec les besoins réels du terrain. Par ailleurs il n'existe pas toujours de mécanisme de suivi et d'évaluation des investissements ainsi réalisés. Plan International, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2, a souligné que les enfants devraient avoir leur mot à dire dans les processus de répartition budgétaire de l'État. Il a été observé que dans les cas où ils ont été partie prenante, les budgets étaient en progression. Le Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l'enfant, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales3, a plaidé pour des budgets équitables, progressif et à long terme, finançable, y compris en recourant à une fiscalité progressive.

Action Canada pour la population et le développement a indiqué que parmi ses priorités figuraient la lutte contre les tabous et la stigmatisation autour de la sexualité des enfants et des adolescents, parallèlement à ceux concernant la sexualité des différents groupes marginalisés. Cela implique une éducation sexuelle de qualité qui soit scientifique et la fourniture de services de santé reproductive aux adolescents. Myochikai - Arigatou Foundation a estimé que l'intérêt supérieur de l'enfant ne devait pas seulement être placé au centre de l'éradication de la pauvreté et de la prévention de la violence mais aussi être au cœur de l'élaboration, de la mise en œuvre et du suivi du programme de développement pour l'après-2015.

Réponses et observations des panélistes

M. MUCHABAIWA a attiré l'attention sur trois questions sur lesquelles il convient de se pencher tout particulièrement. En premier lieu, comment lier l'investissement dans les droits de l'enfant aux objectifs de développement durable dans le contexte de crise actuelle? En second lieu, comment, dans un tel contexte, sanctuariser les dépenses publiques en faveur des enfants afin d'éviter tout recul en la matière? Enfin, comment rendre plus centrales les questions relatives aux enfants dans l'élaboration des budgets, dont les orientations sont source d'inégalités?

Le responsable de la gestion de l'investissement dans les enfants à Save the Children a jugé très encourageants les engagements des États, insistant sur la nécessité de mettre en œuvre des politiques solides, notamment en matière d'engagements financiers. Les budgets ne sont toutefois pas une fin en soi: on ne doit pas perdre de vue l'objectif qui est de transformer la vie des enfants. Les mécanismes de supervision des dépenses budgétaires sont essentiels si l'on entend s'assurer de l'efficacité des politiques. M. Muchabaiwa a appelé à une budgétisation sociale et responsable.

M. CARDONA, à la question de savoir ce que pouvaient faire les Nations Unies, a répondu que l'on partait tous du principe que les États présents dans cette salle étaient convaincus d'investir en faveur de l'enfance. Il a émis l'espoir que les deux derniers États n'ayant pas encore ratifié la Convention le feraient rapidement. Il est nécessaire de définir des critères pour mettre en œuvre les bonnes pratiques qui ont d'ores et déjà été identifiées. Il est nécessaire maintenant, selon lui, que le Conseil fixe ces critères dans ses résolutions pour inspirer les États dans leurs décisions. Il a souligné en conclusion la responsabilité première des États en matière d'investissement dans l'enfance.

L'expert du Comité des droits de l'enfant a souligné qu'il n'existe pas d'enfants vulnérables mais des enfants en situations de vulnérabilité et que ces situations varient selon les pays. Dès lors, afin de garantir l'équité dans les dépenses publiques, il convient de disposer de données ventilées précises permettant de bien cerner les situations de vulnérabilité et, à partir de là, d'élaborer un budget soucieux d'inclusion et d'équité, a-t-il fait observer. M. Cardona a par ailleurs rappelé qu'il n'existe pas de hiérarchie entre les droits et qu'il convient donc investir dans tous les droits de l'enfant, qu'il s'agisse d'éducation, de santé, d'accès à la culture ou encore de lutte contre les mutilations génitales féminines, entre autres. Enfin, l'expert du Comité des droits de l'enfant a rappelé que, comme le montrent toutes les études réalisées en la matière, la crise économique dans les pays à revenus moyens a des conséquences négatives sur les enfants. Aussi M. Cardona a-t-il estimé qu'il conviendrait de mener des études concernant l'impact sur les enfants de toutes les mesures envisagées pour faire face à la crise.

MME CASSIEM a préconisé de mettre à la disposition du public, si possible gratuitement ou moyennant un faible coût, les informations nécessaires au cycle budgétaire. Il faudrait ainsi publier à temps des rapports complets et les diffuser auprès des medias. Mme Cassiem a par ailleurs recommandé que soit élaboré un «budget des citoyens», document budgétaire qui fasse apparaître les objectifs et allocations de ressources de manière non technique, compréhensible et utilisable par le grand public.

La Directrice de la formation internationale à IBP a évoqué l'initiative internationale en faveur de la transparence fiscale et les normes que celle-ci avait édictées. Il est essentiel que les gouvernements prévoient des budgets spécifiques à la participation des citoyens au sens large, et des enfants en particulier. Les modalités de cette participation doivent aussi être définies très précisément, si l'on entend parvenir à un maximum de transparence en matière de stratégie budgétaire et de vérification comptable, a conclu Mme Cassiem.

MME CHAI a rappelé que l'UNICEF avait publié un rapport sur les effets de la crise économique mondiale sur les enfants des pays de l'OCDE. Il existe donc des méthodologies, a-t-elle souligné. La difficulté reste d'obtenir des données précises dans les pays à revenus moyens ou faibles, a-t-elle fait observer. Elle a souhaité que les droits de l'enfant figurent en bonne place dans le cadre non seulement du futur programme de développement de l'après-2015 mais aussi au centre d'autres grands enjeux internationaux, comme les discussions sur le changement climatique.

La responsable de l'UNICEF a souligné l'importance de vérifier l'effet des politiques publiques et de prendre les mesures qui s'imposent pour améliorer la situation. Le rôle des parlementaires est essentiel à cet égard. Les instances suprêmes de vérification comptable doivent aussi faire leur travail d'évaluation des politiques publiques en faveur de l'enfance. Elle a rappelé que l'UNICEF avait publié un rapport l'an dernier sur les mesures prises en faveur des populations vulnérables. Mme Chai s'est félicitée de la réduction de la fracture numérique, ce qui devrait permettre d'entendre davantage la voix des enfants du monde entier.
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* Les délégations suivantes ont participé au débat de ce matin: Union européenne, Norvège (au nom des pays nordiques), Bahreïn (au nom du Groupe arabe), Croatie (au nom de l'Australie et de la Slovénie), Canada (au nom de l'Organisation internationale de la francophonie), États-Unis, Paraguay, Togo, France, Fédération de Russie, Portugal, Turquie, Nicaragua, Argentine, Espagne, Albanie, Brésil, Sri Lanka, Liechtenstein, Pakistan, Thaïlande, Népal, Pologne, Bangladesh, Chine, Bahreïn, Inde, Maroc, République de Corée, Singapour, Koweït, Allemagne, Israël, Arabie saoudite, Mexique, Suisse, Estonie, Slovaquie, Chili, Conseil National des Droits de l'Homme du Maroc, Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, Commission écossaise des droits de l'homme, Organisation internationale de droit du développement,Bureau international catholique de l'enfance (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1), Plan International (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales2), Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l'enfant (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales3), Action Canada pour la population et le développement, Myochikai - Arigatou Foundation.


1Déclaration conjointe: Bureau international catholique de l'enfance, Caritas Internationalis, Congrégation de Notre Dame de charité du bon pasteur et la Compagnie des filles de la charité de Saint Vincent de Paul.

2Déclaration conjointe: Plan International, Mouvement international ATD Quart Monde, Association genevoise pour l'alimentation infantile, Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l'enfant, et l'Alliance internationale d'aide à l'enfance.

3Déclaration conjointe: Groupe des ONG pour la Convention relative aux droits de l'enfant, Mouvement international ATD Quart Monde, Association genevoise pour l'alimentation infantile, Plan International, et l'Alliance internationale d'aide à l'enfance.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC15/028F