Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE UN RAPPORT SUR LA SITUATION EN IRAQ À LA LUMIÈRE DES VIOLATIONS COMMISES PAR L'«ÉTAT ISLAMIQUE D'IRAQ ET DU LEVANT»
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, à la mi-journée, du rapport sur la mission chargée par le Conseil d'enquêter sur les allégations de violations du droit international des droits de l'homme et d'atteintes à ces droits commises par l'organisation dite «État islamique d'Iraq et du Levant» et les groupes terroristes associés. Cette mission a été dépêchée conformément à la résolution S-22/1 adoptée par le Conseil lors de sa session extraordinaire du 1er septembre 2014. Le Conseil a par ailleurs adopté une «déclaration du Président» sur le vingtième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.
Le rapport sur l'Iraq a été présenté par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Flavia Pansieri, qui a notamment déclaré que les violations des droits de l'homme commises par «Daech» contre la population civile pourraient être assimilées à des crimes contre l'humanité et à des crimes de guerre. La mission du Haut-Commissariat a constaté des cas de violences, y compris sexuelles commises sur les personnes appartenant aux minorités, dont des femmes et des filles. Daech se rend également coupable d'exécutions sommaires et de la destruction du patrimoine culturel iraquien. La mission a également observé que la distinction entre les forces nationales de sécurité iraquiennes et les volontaires des milices populaires n'est plus très nette en raison de la participation de milices à des opérations militaires, et parfois sans chaîne de commandement. Des violations des droits de l'homme ont été commises dans ce contexte également. La mission a toutefois constaté que le Gouvernement avait pris des mesures pour restaurer la confiance entre les différentes communautés du pays. Mais il doit encore prendre des mesures pour garantir la sécurité des civils, notamment ceux vivant dans les régions de Tikrit et de Mossoul. Le Gouvernement a également la première responsabilité d'enquêter et de punir les crimes internationaux recensés par la mission.
M. Mohammed Al-Bayati, Ministre des droits de l'homme de l'Iraq, a tenu à préciser que c'étaient les forces de sécurité iraquiennes, y compris les Peshmergas kurdes, qui faisaient face à «Daech». Par ailleurs, des commissions d'enquête ont été constituées afin d'établir les responsabilités pour toute violation éventuelle commise par les forces régulières. Il n'existe pas d'exception ou de tolérance pour de tels actes, a-t-il affirmé. En conclusion, le ministre a appelé le Conseil à adopter le projet de résolution qui a été soumis par son pays.
Les délégations 1 ont réitéré leur condamnation des actes terroristes commis par le groupe armé «État islamique» - ou «Daech» - et ses groupes affiliés. Pour toutes les délégations, ces actes relèvent de crimes des crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. L'expansion de ces groupes en Iraq et dans les pays voisins représente non seulement une menace pour la paix et la sécurité dans la région mais aussi un danger pour la communauté internationale dans son ensemble. Dans ce contexte, la réponse doit être commune et forte, non seulement pour assister l'Iraq, mais aussi pour lutter plus globalement contre ces groupes et le phénomène du terrorisme, dont la violence n'est justifiée par aucune religion. Des délégations se sont également déclarées préoccupées par les allégations de violations des droits de l'homme attribués aux militaires iraquiens et aux milices affiliées. Dans ce contexte, le Gouvernement a été invité à ouvrir des enquêtes sur ces allégations et à traduire les auteurs de ces actes en justice.
En début de séance, le Conseil a adopté une déclaration du Président à l'occasion sur le vingtième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et l'adoption de la Déclaration et du Plan d'action de Beijing. Dans cette déclaration, tout en se félicitant des progrès accomplis en matière d'égalité des sexes, le Conseil note que des défis majeurs et des obstacles subsistent dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing. Il invite dans ce contexte les États à prendre des mesures concrètes en vue de promouvoir et de protéger tous les droits des femmes et des filles, éliminer toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes et les filles, en supprimant les obstacles au développement de leur plein potentiel en tant que partenaires égaux des hommes et des garçons.
Le Conseil examinera cet après-midi une série de rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général concernant la Bolivie, la Colombie, Chypre, le Guatemala et l'Iran et, au titre de l'assistance technique, l'Afghanistan, la Libye, la Guinée et le Soudan du Sud.
Déclaration du Président à l'occasion du vingtième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Plan d'action de Beijing
Dans une «déclaration du Président» sur le vingtième anniversaire de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995 et de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing (A/HRC/28/L.35 à paraître – le résumé suivant est une traduction non officielle d'un texte distribué en salle en langue anglaise uniquement), le Conseil des droits de l'homme note que ceux-ci ont grandement contribué à la réalisation de l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles. Il reconnaît l'importance que tous les États, le système des Nations Unies et toute autre partie prenante concernée s'engagent à les mettre en œuvre et à les traduire en actes.
Tout en se félicitant des progrès accomplis en matière d'égalité des sexes, le Conseil note que des défis majeurs et des obstacles subsistent dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing. Il souligne que l'application intégrale, effective et accélérée de la Déclaration de Beijing et du Programme d'action est essentielle pour atteindre les objectifs de développement convenus au niveau international, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement. Il se félicite de l'inclusion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation de toutes les femmes et des filles comme un objectif autonome dans les objectifs proposés de développement durable. Le Conseil se félicite en outre de l'intégration d'une perspective de genre dans le programme de développement pour l'après-2015.
Le Conseil invite les États à prendre des mesures concrètes en vue de promouvoir et de protéger tous les droits humains des femmes et des filles, éliminer toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes et les filles, en supprimant les obstacles au développement de leur plein potentiel en tant que partenaires égaux des hommes et des garçons. Il s'agit d'atteindre l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes dans toutes les sphères de la vie, y compris les processus de prise de décision à tous les niveaux. Le Conseil invite enfin les États à garder à l'esprit que la jouissance égale du droit à l'éducation est une des clés de l'autonomisation des femmes et des filles. Il réaffirme que les gouvernements portent la responsabilité première de la réalisation de l'égalité des sexes, même si la coopération internationale a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Déclaration
La Chine s'est félicitée de l'adoption de la déclaration présidentielle dans la perspective du vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'Action de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui a eu lieu en septembre 1995 à Beijing. Ces documents ont marqué une étape cruciale dans l'histoire de la promotion et de la protection des droits des femmes. Il reste néanmoins beaucoup à faire dans ce domaine et le Sommet mondial que tiendra l'Assemblée générale en septembre 2015 sera de la plus haute importance pour traiter la question de la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. La Chine s'est engagée à jouer un rôle actif dans l'émancipation et la participation des femmes.
La situation des droits de l'homme en Iraq à la lumière des violations commises par l'organisation dite «État islamique d'Iraq et du Levant» et des groupes associés
Présentation du rapport de mission
MME FLAVIA PANSIERI, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a présenté le rapport sur la mission du Haut-Commissariat chargée d'enquêter sur les allégations de violations du droit international des droits de l'homme et d'atteintes à ces droits commises par l'organisation dite «État islamique d'Iraq et du Levant» et les groupes terroristes associés. Elle a déclaré que les violations des droits de l'homme endurées par le peuple iraquien sont généralisées et graves. La mission d'enquête dépêchée en Iraq à la suite de la session extraordinaire de septembre dernier a fait état de crimes internationaux, l'année 2014 ayant été la plus meurtrière pour le peuple iraquien depuis 2006 et 2007. Elle a été marquée en particulier par des attaques très violentes et une explosion de violence délibérée par «Daech».
Les violations des droits de l'homme commises par «Daech» contre la population civile pourraient être assimilées à des crimes contre l'humanité et à des crimes de guerre. «Daech» a manifestement l'intention de détruire la diversité ethnique et culturelle de l'Iraq, a notamment relevé Mme Pansieri. L'organisation a perpétré des crimes épouvantables contre les chrétiens, les kurdes, les chiites, les turkmènes et les yézidis, entre autres minorités. La mission a montré que les femmes et les filles yézidis capturées par «Daech» étaient réduites à l'esclavage et victimes de viols brutaux et autres violences sexuelles, qui n'épargnent pas les fillettes. D'autres communautés sont victimes de violences très graves, systématiques et généralisées : chrétiens expulsés après avoir été dépossédés, villageois turkmènes agressés, chiites persécutés. Ces exactions s'accompagnent de pillages, de vols de biens et de crimes sexuels. Une fillette de cinq mois appartenant à la tribu des Abu Nimr aurait été décapitée devant son père.
En outre, 600 personnes détenues près de Mossoul ont été exécutées sommairement par «Daech» parce qu'elles appartenaient à d'autres ethnies ou avaient travaillé pour le gouvernement iraquien. Un témoin de Tikrit a fait état de l'exécution sommaire de 1700 soldats iraquiens qui s'étaient rendus. À ces crimes s'ajoute la destruction du patrimoine culturel iraquien, dont «Daech» s'est vanté à la télévision.
En Iraq, la distinction entre les forces nationales de sécurité et les volontaires des milices populaires n'est plus très nette. Des membres de milices ayant participé à des opérations militaires pourraient avoir été responsables d'unités de l'armée régulière. Le recours à une milice pro-gouvernementale dans la province de Salah-el-Din en 2014-2015 a entraîné l'expulsion de masse des communautés chiites. Il importe que les autorités iraquiennes prennent le contrôle de toutes les forces se battant pour leur compte et leur imposent une chaîne de commandement claire.
Trois millions d'Iraquiens ont été déplacés, dont deux millions pour la seule année 2014, a souligné la Haut-Commissaire adjointe. Tous ont le droit de rentrer chez eux et d'y vivre dans la sécurité et la dignité. Mme Pansieri a demandé aux autorités de l'Iraq de faire en sorte que toutes les personnes déplacées aient accès aux services essentiels et jouissent de leurs droits fondamentaux, et que des procédures non discriminatoires soit adoptées pour permettre l'accès aux zones sûres.
En dépit de ces difficultés, la Mission des Nations Unies en Iraq et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme poursuivent leurs activités dans tous les gouvernorats de l'Iraq. Des réseaux de surveillance des droits de l'homme ont été mis en place jusque dans les zones en proie au conflit. Les activités sont axées sur la protection des civils dans le conflit armé, la création d'institutions d'État fortes et indépendantes, garantes de l'existence d'un système de protection des droits fondamentaux en Iraq et la réforme en profondeur du système de justice et des forces de sécurité.
Mme Pansieri a constaté que le Gouvernement de l'Iraq avait pris des mesures pour restaurer la confiance entre les différentes communautés du pays : mais ces mesures ne sauraient occulter le fait que ses propres forces et leurs alliés commettent elles aussi des violations des droits de l'homme du peuple iraquien. Ces crimes nourrissent le ressentiment et entretiennent le cycle infernal de la violence. Dans ce contexte, il importe que le Gouvernement prenne des mesures pour garantir la sécurité des civils vivant dans les régions de Tikrit et de Mossoul, alors que ses forces s'apprêteraient à reprendre cette dernière ville, a souligné Mme Pansieri.
Enfin, la Haut-Commissaire adjointe a observé que, s'il incombe au premier chef au Gouvernement de l'Iraq de punir les crimes internationaux recensés par la mission dans son rapport, la communauté internationale ne saurait s'affranchir de ses propres obligations, qu'il s'agisse de mettre un terme aux crimes qui se commettent actuellement ou d'éviter qu'ils ne se reproduisent. C'est pourquoi Mme Pansieri a demandé au Conseil d'appeler le Gouvernement iraquien à enquêter sur tous les crimes, conformément aux normes internationales des droits de l'homme, et à se focaliser sur l'amélioration de la situation des droits de l'homme sur le terrain. À cet égard, Mme Pansieri a rappelé que le Haut-Commissaire aux droits de l'homme avait recommandé à plusieurs reprises que l'Iraq ratifie le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Une telle ratification lancerait un signal fort à l'intention des responsables des violations des droits de l'homme.
Le Conseil est saisi du rapport sur la mission du Haut-Commissariat chargée d'enquêter sur les allégations de violations du droit international des droits de l'homme et d'atteintes à ces droits commises par l'organisation dite «État islamique d'Iraq et du Levant» et les groupes terroristes associés (A/HRC/28/18 à paraître, une version préliminaire est disponible en anglais).
Pays concerné
M. MOHAMMED Al-BAYATI, Ministre des droits de l'homme de l'Iraq, a indiqué que toutes les facilités avaient été fournies à la mission d'enquête du Haut-Commissariat. Indiquant que plus d'un million de personnes avaient fui les régions occupées par «Daech», il a souligné que les membres de la mission n'avaient naturellement pu les rencontrer toutes, même s'ils ont pu voir de nombreux témoins. Après avoir énuméré les exactions, crimes et atrocités commises, M. Al-Bayati s'est engagé à ce que les auteurs de ces actes soient jugés. Ces violations sont «documentées», a-t-il assuré, estimant que certaines d'entre elles relevaient du crime de génocide et du crime contre l'humanité. Leurs auteurs seront jugés lorsque «Daech» aura été défait, a-t-il encore assuré.
M. Al-Bayati a tenu à préciser que c'étaient les forces de sécurité iraquiennes, y compris les Peshmergas kurdes, qui faisaient face à «Daech». Par ailleurs, des commissions d'enquête ont été constituées afin d'établir les responsabilités pour toute violation éventuelle commise par les forces régulières. Il n'existe pas d'exception ou de tolérance pour de tels actes, a-t-il affirmé. En conclusion, le ministre a appelé le Conseil à adopter le projet de résolution présenté par son pays en fin de session.
Débat interactif
La Jordanie a jugé indispensable de condamner «Daech» pour les crimes commis sur le territoire iraquien, d'autant que ces crimes vont à l'encontre de l'intégrité de son territoire et de la stabilité dans la région. Cette situation menace en effet la paix dans la région mais, au-delà, elle est aussi une menace pour la communauté internationale dans son entier. Les actes de «Daech» sont constitutifs de crimes contre l'humanité, a affirmé l'Égypte, appelant la communauté internationale à soutenir le gouvernement de l'Iraq dans son combat. Cela exige une réponse commune en faveur du respect de l'intégrité territoriale de l'Iraq, a poursuivi la délégation de la République islamique d'Iran. Le fait que ce groupe étende son emprise et ses crimes montre l'absence de volonté politique de lutter contre le terrorisme, en particulier de la part des États qui soutiennent ces groupes et alimentent le terrorisme, a déclaré la République arabe syrienne.
La République de Corée a dit partager la conviction de la mission d'enquête selon laquelle les violations des droits de l'homme commises par l'«l'État islamique d'Iraq et du Levant» pourraient constituer des crimes de guerre et contre l'humanité, dont la justice doit être saisie. La Chine a condamné les crimes commis par «Daech» contre les minorités ethniques et religieuses, des crimes qui ont entraîné une catastrophe humanitaire majeure et menacent la stabilité régionale. Elle demande à la communauté internationale d'adopter des mesures contre, notamment, le cyber-terrorisme et l'idéologie terroriste. Toutes ces violations doivent trouver le châtiment qu'elles méritent, a déclaré la Fédération de Russie, qui observe par ailleurs que le terrorisme ne connaît pas de frontières. Dans ce contexte, toutes les mesures doivent être prises pour qu'il n'y ait plus de place dans le monde pour les extrémistes.
L'Union européenne a salué la volonté du gouvernement de mener des enquêtes sur les crimes commis par «Daech», ajoutant toutefois que la Cour pénale internationale devrait se saisir de la question. La France et l'Espagne se sont elles aussi jointes à l'appel du Haut-Commissaire au Gouvernement iraquien afin qu'il ratifie le Statut de Rome et que la Cour pénale internationale puisse juger les responsables des crimes les plus graves, si l'Iraq se trouvait dans l'incapacité de le faire, dans le respect des normes internationales. Pour le Chili, ce sont en effet des crimes contre l'humanité qui sont commis par ce groupe et cela exige une réponse du Conseil, du Haut-Commissariat, ainsi qu'une adhésion de l'Iraq au Statut de Rome. Soutenant la même proposition, la Hongrie a ajouté que l'impunité n'était pas une option et que la justice devait être rendue à tous les citoyens iraquiens.
Pour la Grèce, la communauté internationale doit défendre ce pays et notamment son identité culturelle et religieuse.
Pour le Royaume-Uni, l'action de la communauté internationale est essentielle pour s'attaquer aux sources du problème et pour donner au gouvernement de l'Iraq le soutien dont il a besoin pour éliminer l'«État islamique d'Iraq et du Levant». Il importe en outre que la communauté internationale continue de tout faire pour venir en aide aux survivants et aux victimes. L'Allemagne a rendu hommage à la force et au courage des survivants de la violence meurtrière de «Daech» de même qu'à l'engagement et à solidarité dont ne cessent de faire preuve les communautés qui, en Iraq même, ne ménagent aucun effort pour aider les personnes qui sont dans le besoin.
La brutalité des crimes de «l'État islamique d'Iraq et du Levant» est sans précédent et touche y compris les minorités ethniques et religieuses mais les allégations d'attaques et crimes commis par les forces armées iraquiennes dans le cadre de la lutte contre «Daech» sont également préoccupantes et exigent que les autorités iraquiennes fassent la lumière sur ces allégations, ont demandé les Pays Bas, l'Australie et la Belgique. De même, s'il est choqué par les atrocités commises par «Daech» sur les populations civiles, femmes et enfants compris, le Danemark l'est aussi par les violations des droits de l'homme et du droit international par les forces armées iraquiennes et les milices affiliées. Cette situation exige une réponse commune de la communauté internationale, ajoute le Danemark, qui se demande comment les États membres peuvent aider à la tenue d'enquêtes concernant tous les crimes.
Il ne faudrait tout de même pas confondre les crimes commis par l'«État islamique» et les abus commis dans la lutte contre le terrorisme, ont nuancé les États-Unis, appelant toutefois aussi à la tenue d'enquêtes sur les allégations évoquées. Pour la Croatie, il faut appuyer le gouvernement d'Iraq et la résolution qui sera présentée à cette session du Conseil.
La confusion entre les forces gouvernementales et les milices, mentionnée dans le rapport de la mission et soulignée par la Haut-Commissaire adjointe dans sa présentation, a fait réagir plusieurs délégations, dont l'Allemagne et l'Irlande. La Turquie a elle aussi fait part de la même préoccupation, estimant cependant que la réforme des forces de sécurité iraquiennes, attendue depuis longtemps, devrait faciliter l'intégration formelle des milices dans les forces régulières et avoir des effets positifs contre l'impunité. Le Canada s'est dit pour sa part préoccupé par les crimes de guerre commis par des milices religieuses appuyées par l'Iran qui tentent de s'intégrer aux forces du gouvernement iraquien.
Le Canada a en outre appuyé la recommandation du Haut-Commissariat selon laquelle le Conseil de sécurité doit réagir, avec la plus grande fermeté, à tout rapport faisant état de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. Les auteurs de ces crimes doivent rendre compte de leurs actes, a insisté le Canada. La Suisse soutient toutes les recommandations du Haut-Commissariat, en particulier celles qui portent sur la tenue d'enquête et la saisine du Conseil de sécurité sur la base du principe de complémentarité.
Pour le Soudan, il est à espérer que l'Iraq fasse preuve de plus de transparence dans la manière dont il lutte contre le terrorisme. Mais quel appui peut apporter la communauté internationale à son gouvernement pour lutter contre l'étendue des crimes commis par «Daech». L'Algérie a appelé à une réponse vigoureuse, mais aussi à des négociations politiques au sein de l'Iraq ainsi qu'à la tenue d'enquêtes sur toutes les allégations de violations graves des droits de l'homme. Il faut répondre avec force et unité, a estimé le Liban, insistant sur le fait que les actes commis par ce groupe ne reposent sur aucune religion, mais sur un simple «terrorisme sauvage». Le Liban, qui estime que «Daech» essaie d'éliminer l'humanité et toute trace de culture, essaie de lutter contre l'infiltration de ce groupe à l'intérieur de ses frontières.
L'Espagne, qui s'est déclarée solidaire du peuple iraquien, a plaidé pour le renforcement des capacités de l'armée iraquienne. Elle a encouragé le gouvernement iraquien à se doter d'un système judiciaire suffisamment fort pour poursuivre les auteurs des crimes atroces commis contre la population. L'Irlande a demandé au Haut-Commissaire de dire comment la communauté internationale pourrait lutter efficacement contre cette propagande.
Organisations non gouvernementales
L'AUA Americas Chapter a regretté que le rapport du Haut-Commissariat ne rende pas compte de la gravité de la situation réelle en Iraq, et en particulier que le mot de génocide n'y soit pas mentionné. L'Union des juristes arabes, au nom de plusieurs organisations, a condamné dans les termes les plus vifs les atrocités commises en Iraq et souligné que le rapport arrivait un peu tard, alors que ces organisations avaient, dès 2003, réclamé l'examen de ces violations commises par les groupes terroristes. Elle a invité la mission d'enquête à poursuivre son travail et l'Iraq à adhérer au Statut de Rome. Ces ONG appellent aussi au retour des personnes déplacées dans des conditions de sûreté.
Human Rights Watch a souligné que la politique d'exclusion du précédent Premier Ministre iraquien était en partie responsable de la radicalisation sur le terrain. Human Rights Watch a regretté que le projet de résolution sur la situation des droits de l'homme en Iraq dont le Conseil est actuellement saisi ne mentionne pas les obligations et responsabilités du Gouvernement iraquien au regard des violations des droits de l'homme commises par ses propres forces combattantes. Minority Rights Group International a recommandé que les forces de sécurité iraquiennes soient organisées dans une chaîne de commandement transparente et rendant compte au Gouvernement de l'Iraq. Minority Rights Group a recommandé que le Conseil désigne un mécanisme indépendant chargé d'évaluer les violations des droits de l'homme commises par tous les belligérants en Iraq.
International Educational Development a regretté que certains États donnent la priorité à leurs visées politiques sans se préoccuper des souffrances du peuple iraquien. L'organisation a recommandé que l'Iraq accepte la juridiction la Cour pénale internationale. Human Rights Now et le Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies ont demandé qu'il soit mis un terme à l'impunité dont jouissent, depuis 2003, tous ceux qui commettent des agressions contre le peuple iraquien.
L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme a demandé au Conseil de recenser systématiquement les violations des droits de l'homme commises en Iraq, notamment pour savoir ce qui est advenu des personnes victimes de disparition forcée. Le Gouvernement doit rendre compte des violences commises par ses propres forces, a demandé l'Institut du Caire. L'incapacité des autorités de protéger leur population ne peut que conforter l'impunité.
Conclusions
L'Iraq a remercié tous ceux qui ont fait preuve de solidarité à son égard. Il a souligné que l'apparition de Daech ne résulte pas de la politique de Bagdad mais s'inscrit dans une spirale terroriste qui enflamme plusieurs régions du monde. Les sacrifices du peuple iraquien dépassent de loin l'imagination et les ressources du pays. L'Iraq estime que Daech n'est que l'équation d'individus et d'agendas très divers.
MME PANSIERI s'est félicitée du débat engagé et constructif qui vient de se déroulé, et a salué le Gouvernement iraquien pour avoir soutenu, sans réserve, le travail du Haut-Commissariat, de la mission et des collègues sur le terrain qui s'acquittent de leur mandat dans des conditions dangereuses. La plupart des recommandations des États font écho à celles du Haut-Commissariat, et consistent en particulier à lutter contre l'impunité, seule gage de stabilité et de paix. Le Haut-Commissariat vise en outre à répondre aux besoins des populations civiles en matière des droits de l'homme. Il importe également que l'Iraq mène un dialogue large et inclusif pour que toutes les minorités puissent faire entendre leurs voix et jouer un rôle dans la voie de la stabilité et la paix du pays, que chacun reconnaîtra comme sien. S'agissant du rôle de la communauté internationale et du Conseil, elle a indiqué que ceux-ci poursuivent leur appui et les missions d'enquête.
S'agissant du projet de résolution en cours de négociation, Mme Pansieri a souligné qu'il importait d'attirer l'attention du Conseil de sécurité sur les décisions du Conseil. La mission d'assistance des Nations Unies en Iraq articule son travail dans le domaine des droits de l'homme par la mise en place des institutions de police, de la justice et judiciaire, pour arriver à un État solide du point de vue institutionnel. Il est essentiel, dans ce contexte, de disposer des ressources nécessaires à ce mandat pour pouvoir recueillir des informations qui constitueront la base de la lutte contre l'impunité et de la poursuite des auteurs de violations devant la justice. Ce faisant, il s'agira de porter l'attention sur le rôle des femmes dans le futur Iraq. Les atrocités commises contre les femmes sont horribles et exigent que celles-ci disposent des moyens économiques de vivre dignement, de bénéficier d'une réadaptation psycho-sociale et médicale. Les femmes doivent aussi être présentes à la table des négociations, d'où la nécessité urgente de leur participation active à tous les processus de prise de décisions.
La Haut-Commissaire adjointe a souligné que la principale préoccupation consiste, en conclusion, à modifier le discours en insistant sur le fait que la solution, ce n'est pas le terrorisme mais bien la reconnaissance des droits de chacun; chacun doit être considéré comme un membre de la société à part entière. Le Haut-Commissaire exhorte à transmettre un message de paix et met l'accent sur la responsabilité de changer la donne.
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1 Les délégations suivantes sont intervenues dans le cadre du débat interactif: Union européenne; Jordanie; République arabe syrienne; Grèce; Chili; Pays-Bas; Hongrie; Australie; Belgique; République islamique d'Iran; États-Unis; Royaume-Uni; Espagne; Canada; Turquie; République de Corée; Égypte; Chine; Irlande; Allemagne; Danemark, Soudan, Liban; Croatie; Algérie; Fédération de Russie; Suisse; France; Minority Rights Group International; AUA Americas Chapter Inc; Human Rights Watch; Human Rights Now; International Educational Development; Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies; Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme; et l'Union des juristes arabes.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC15/052F