Fil d'Ariane
LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA CROATIE
Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la Croatie concernant les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Le rapport de la Croatie a été présenté par Mme Iva Prpić, Ministre adjointe au Ministère de la politique sociale et de la jeunesse, qui a souligné que le pays fut le troisième à avoir signé, dès 2007, la Convention sur les droits des personnes handicapées. Elle a présenté les activités du Bureau du Médiateur pour les personnes handicapées et la Stratégie nationale d'égalité des chances pour les handicapés 2007-2015, qui est, selon elle, le document le plus important dans ce contexte. La stratégie a pour objectif le respect des droits de l'homme, la non-discrimination, l'égalité des chances et la pleine inclusion dans la participation à la vie de la communauté. Mme Prpić a estimé que l'application de cette stratégie était positive, des progrès étant d'ores et déjà visibles depuis 2007. Mme Prpić s'est attardée sur les mesures d'exécution du Plan de désinstitutionalisation, avant d'évoquer la prochaine adoption de la loi sur la langue des signes et d'autres systèmes de communication pour les sourds et sourds-aveugles, alors qu'un projet de loi sur les chiens pour aveugles est en cours de préparation. Elle a souligné, en outre, que le système d'enseignement primaire et secondaire était en cours de refonte pour y inclure davantage les enfants atteints d'un handicap. Dans tous les secteurs, la société civile joue un rôle fondamental et bénéficie d'un appui financier, a affirmé la Vice-Ministre, qui a également fourni des informations sur les questions liées à l'accessibilité et aux quotas en matière d'emploi.
La délégation croate était composée de vingt-cinq membres, dont le Directeur du Bureau des droits de l'homme et des droits des minorités nationales; la Ministre adjointe des sciences, de l'éducation et des sports chargée de la Direction des programmes spéciaux, des stratégies et des normes; l'Inspecteur indépendant de la police; le Directeur du service du système politique et des minorités nationales; la Directrice du service national des politiques, programmes et mesures pour l'emploi; le Chef du Département des produits et services de construction; la Directrice du secteur des politiques pour les personnes handicapées; et plusieurs conseillers spéciaux des ministères de la santé, des affaires juridiques et des affaires étrangères ainsi que deux interprètes. Mme Branka Meić, Médiatrice pour les personnes handicapées en Croatie, a également participé aux échanges, saluant en fin de séance l'impact positif que le dialogue avec le Comité ne manquera pas d'avoir sur les politiques nationales de son pays concernant les personnes handicapées.
La rapporteuse pour l'examen du rapport de la Croatie, Mme Theresia Degener, a souligné que le pays, parmi les premiers à ratifier la Convention, est un exemple pour les autres Membres de l'Union européenne a cet égard. L'adoption de la Stratégie nationale témoigne du sérieux de la mise en œuvre, notamment par une désinstitutionalisation. Elle a recommandé que cette mise en œuvre soit perçue comme un processus continu touchant tous les secteurs de la vie, insistant sur les droits des enfants handicapés à ne pas subir d'interventions forcées et sur la nécessité d'examiner les causes de l'augmentation de leur institutionnalisation. Mme Degener a placé au rang des priorités majeures la situation particulière des enfants handicapés, ainsi que le droit à l'éducation et l'autonomie. La rapporteuse s'est également penchée sur les abus à l'égard des personnes handicapées dans des institutions psychiatriques et invité la Croatie à faire davantage d'efforts dans ce contexte. Elle a aussi évoqué la stérilisation forcée des filles et femmes handicapées. En conclusion, la rapporteuse a néanmoins jugé que les réponses fournies par la délégation étaient parmi les meilleures jamais entendues par le Comité. Des préoccupations ont également été exprimées par d'autres experts du Comité, notamment pour ce qui a trait au processus de désinstitutionalisation, de l'inclusion des enfants dans le système scolaire à tous les niveaux et de l'accès des personnes handicapées à l'emploi. La question de l'accessibilité aux bâtiments, ainsi que le principe d'aménagement raisonnable ont également été soulevés.
Le Comité adoptera, en séance privée, des observations finales sur le rapport de la Croatie, qui seront rendues publiques à l'issue de sa session, le vendredi 17 avril.
Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République tchèque (CRPD/C/CZE/1).
Présentation du rapport de la Croatie
Le Comité est saisi du rapport initial de la Croatie (CRPD/C/HRV/1), ainsi que des réponses fournies par l'État partie (CRPD/C/HRV/Q/1/Add.1, disponible en anglais) à une série de questions écrites établie par le Comité (CRPD/C/HRV/Q/1).
MME IVA PRPIĆ, Ministre adjointe au Ministère de la politique sociale et de la jeunesse de la Croatie, a déclaré que son pays était le troisième à avoir signé, en 2007, la Convention des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées. La Croatie a la ferme volonté de poursuivre la voie du progrès tout en respectant les principes de la Convention et des droits des personnes handicapées. Mme Prpić a expliqué que son ministère était chargé de la coordination et du suivi de la mise en œuvre de la Convention, et que le Bureau du Médiateur pour les personnes handicapées compte 50% de membres représentant les associations nationales de personnes handicapées. D'autre part, la Stratégie nationale d'égalité des chances pour les handicapés 2007-2015 est le document le plus important dans ce contexte et s'articule autour de plusieurs objectifs généraux: le respect des droits de l'homme, la non-discrimination, la création d'égalité des chances, la pleine inclusion dans la participation à la vie de la communauté et aux politiques européennes et mondiales pour les personnes handicapées. Elle a estimé que l'application de cette stratégie était positive, des progrès étant d'ores et déjà tangibles depuis 2007.
Au 12 mars dernier, la Croatie comptait 508,350 personnes handicapées, dont 36,123 d'enfants et 472,227 adultes, qui représentent 12% de la population totale. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures visant à l'inclusion dans la vie de la communauté, notamment pour celles parmi elles placées dans des institutions sociales. Dans le but d'aligner les dispositions nationales avec celles de la Convention, plusieurs lois fondamentales ont été adoptées au cours de la période mentionnée. Ces mesures tendent en particulier à la vérification de la qualité des services fournis et à l'accélération du réseau de prestations de services, en coopération avec d'autres parties prenantes.
M. Prpić a ajouté qu'avec la signature d'un accord avec la Banque mondiale, l'État a garanti un Projet de modernisation du système de protection sociale, tandis que la loi sur l'Autorité d'expertise uniforme, entérinée en 2014, permettra une procédure d'expertise plus rapide, plus transparente et efficace. Elle a également souligné qu'un nouveau plan de désinstitutionalisation a été adopté en 2014; le processus de planification est mené à bien à tous les niveaux et oriente les institutions pendant la période de transformation.
Dans le domaine de l'emploi, la Ministre adjointe a notamment expliqué qu'un système de quotas prévoit qu'une entreprise de plus de 20 travailleurs est tenue de recruter des personnes handicapées; des compensations sont versées aux employeurs qui recrutent des personnes handicapées. En outre, des prix sont décernés aux entreprises dans plusieurs catégories: égalité en général, égalité entre les sexes, égalité fondée sur l'âge et égalité pour les personnes handicapées. Les barrières à l'accès dans les lieux publiques sont peu à peu levées et la loi prévoit dorénavant qu'aucun permis de construire ne sera accordé s'il n'est pas prévu que le bâtiment soit accessible aux personnes handicapées. Mme Prpić a par ailleurs attiré l'attention sur l'adoption prochaine de la loi sur la langue des signes et autres systèmes de communication pour les sourds et sourds-aveugles, alors qu'un projet de loi sur l'utilisation de l'assistance d'un chien est en cours de préparation.
Le décret sur l'enseignement primaire et secondaire favorise une approche inclusive s'agissant notamment des enfants handicapés; les organisations de la société civile jouent un rôle fondamental en offrant une série de services spécialisés, comme le service de jour et de nuit, ou encore pour les enfants rencontrant des difficultés dans leur développement. Pour aider ces organisations, plus d'un demi-milliard de kunas croates a été alloué à des programmes et projets de la société civile en 2013, soit une augmentation de 8,4% par rapport à 2012, prévu dans le budget national. Tous les autres domaines de la vie du citoyen handicapé tiennent aussi compte de leurs besoins, en particulier pour ce qui a trait à l'accessibilité aux transports, aux services urbains et à l'emploi. Le processus de la nouvelle stratégie sera lancé cette année et examinera les lacunes afin de garantir une meilleure transposition des dispositions de la Convention en se basant sur des indicateurs mesurables pour atteindre des résultats réalistes. La Croatie reconnaît les obligations de l'État s'agissant des personnes handicapées, en particulier en ce qui concerne la vie familiale, l'accessibilité et l'emploi.
Déclaration de la Médiatrice pour les personnes handicapées
MME BRANKA MEIĆ, Médiatrice pour les personnes handicapées en Croatie, a passé en revue les points saillants du débat de lundi, soulignant la préoccupation des parents d'enfants handicapés et autistes sur les questions d'intervention. Elle a mis en exergue l'engagement du Gouvernement par la signature de la Convention et la création d'institutions nationales axées sur les besoins des personnes handicapées. Elle a insisté que le Gouvernement était parfaitement conscient de l'ampleur de la problématique et s'était employé à multiplier et à améliorer la qualité des services communautaires. Il reste cependant que l'opinion publique n'est pas encore suffisamment informée sur les droits des personnes handicapées, conformément à la Convention, et que le Bureau du Médiateur ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour s'acquitter de son mandat.
La Médiatrice s'est ensuite déclarée «sur la même longueur d'ondes» que le ministère de l'éducation quant à la nécessité d'améliorer les mesures d'inclusion et les aménagements raisonnables en faveur des enfants handicapés, compte tenu du fait que 65% des personnes handicapées n'ont qu'un niveau d'éducation primaire ou moins, et que l'enseignement secondaire demeure le maillon faible en matière d'éducation des handicapés. Elle a espéré qu'après le dialogue avec les membres du Comité, ces exigences seront mieux prises en compte. Mme Maic a regretté Elle a noté par ailleurs la difficulté qu'il y a à convaincre les employeurs de mettre en œuvre le principe d'aménagement raisonnable pour les handicapés, en particulier les femmes. Concernant le manque de soutien ambulatoire et de services communautaires, elle a déclaré que les abus et traitements humiliants, inhumains et dégradants persistaient à l'encontre des personnes atteintes de maladies mentales. Elle a encouragé les ministères à intégrer davantage la dimension handicap dans leur secteur respectif, et à sensibiliser à l'approche des droits de l'homme au quotidien. Il faudrait que les personnes handicapées ne soient plus considérés comme des récipiendaires de soins mais de personne de droit.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME THERESIA DEGENER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Croatie, a félicité le pays pour avoir ratifié la Convention aussi tôt, ce qui en fait un exemple pour les autres Membres de l'Union européenne. L'adoption de la Stratégie nationale témoigne du sérieux de la mise en œuvre, notamment s'agissant de la désinstitutionalisation. Elle a recommandé que cette mise en œuvre soit perçue comme un processus continu, insistant sur les droits des enfants handicapés à ne pas subir d'interventions forcées et sur la nécessité d'examiner les causes de l'augmentation de leur institutionnalisation. Elle s'est demandée si les enfants handicapés bénéficiaient de suffisamment de soutien au sein de leur famille, notamment les enfants atteints d'autisme. Il s'agit aussi d'aborder le droit à l'éducation secondaire pour toutes les personnes handicapées. Mme Degener s'est demandée si l'éducation séparée ne constituait pas en soi une forme de discrimination. Elle a aussi souligné que la désinstitutionalisation est liée à toutes les questions d'ordre social, surtout au droit au logement et à l'emploi.
Mme Degener a estimé que la priorité devrait être accordée à la situation des enfants handicapés, sur le droit à l'éducation et sur l'autonomie. Elle s'est interrogée sur le bien-fondé d'une politique mettant l'accent notamment sur les familles d'accueil pour adultes, qui limitent les personnes handicapées puisqu'elles y vivent en vase-clos entre elles, séparées du reste de la société. La Rapporteuse s'est en outre penchée sur la situation des personnes atteintes d'une maladie mentale, en particulier dans les cas où le tuteur est autorisé par la loi à décider d'un traitement forcé. Renvoyant à des abus contre des personnes handicapées dans des institutions psychiatriques, elle a invité la Croatie à faire davantage d'efforts à cet égard. Elle a aussi évoqué la stérilisation forcée des filles et femmes handicapées. Elle a enfin noté l'implication croissante des organisations non gouvernementales dans les prestations de services aux handicapés, en se demandant si cela n'interférait pas avec leur rôle primordial de défense des droits des personnes handicapées.
Parmi les autres membres du Comité une experte s'est enquise de la situation des Roms handicapés et des personnes handicapées appartenant à des minorités. Elle s'est dite très préoccupée par les placements en institution, surtout lorsque les parents désirent garder leurs enfants auprès d'eux.
Un expert a demandé davantage d'informations sur le Conseil national pour les personnes handicapées et son mode de fonctionnement. S'agissant des aménagements raisonnables, conformément à l'Article 5 de la Convention, il a souhaité savoir comment ceux-ci étaient traités en matière d'accès au logement, d'accès aux transports et d'emploi. Il a insisté sur la suppression d'obstacles à l'accessibilité et s'est demandé si la loi prévoyait des sanctions ou amendes en cas de non-respect de la Convention à cet égard. Il a en outre appelé à passer d'un modèle médical à un modèle reposant sur les droits de l'homme dans la façon d'aborder le handicap.
Un autre membre du Comité a voulu savoir quelles étaient les ressources dont le Gouvernement disposait pour que les associations des personnes handicapées puissent jouer leur rôle efficacement, par le biais d'associations ou organisations de la société civile. Il s'est demandé si celles-ci bénéficiaient de ressources financières sûres et durables. Revenant sur l'accessibilité, l'un des éléments clés garantissant une vie participative, il s'est aussi enquis des sanctions en cas de non fourniture de moyens d'accessibilité adéquats. Les organisations s'occupant des handicapés jouent-elle un rôle dans la formulation et l'application des normes d'accessibilité?
Un autre expert a demandé si le législateur envisageait des mesures visant à prendre en compte la problématique des filles et des femmes handicapées, surtout en milieu rural.
S'attardant sur le taux très élevé d'abandon d'enfants handicapés et placés en institutions, notamment dans des hôpitaux psychiatriques où ils sont simplement abandonnés à leur sort, une autre experte s'est profondément inquiétée d'informations faisant état de négligence institutionnelle et d'abus à leur encontre. L'experte a aussi regretté que la loi ne permette pas l'adoption d'enfants handicapés s'ils sont orphelins. Elle a également déploré que les recommandations formulées par le Comité des droits de l'enfant n'aient pas été appliquées dans ce contexte. D'autres membres du Comité ont invité à une formation plus spécialisée de tous les personnels qui s'occupent des enfants handicapés, mais également des fonctionnaires qui sont chargés de cette question.
Des membres du Comité ont posé des questions de suivi sur la capacité juridique des personnes souffrant de troubles psycho-sociaux. Ils ont aussi examiné le problème des mesures de contrainte, surtout psychiatriques, assimilables à des tortures, et des mécanismes garantissant une vie digne aux personnes atteintes de ces troubles. Comment se fait-il que le Gouvernement n'offre pas assez de structures de vie sociale, conformément à la Convention? La Croatie compte-t-elle former son personnel de santé à la Convention, a-t-il également été demandé. Il n'existe aucun mécanisme indépendant de contrôle des prestataires de services, a noté une experte du Comité.
L'État partie dispose-t-il d'un mécanisme indépendant de prévention de la torture susceptible d'examiner l'application de mesures de contrainte contre les personnes placées en institution, a voulu savoir un autre membre du Comité. Quelles sont les mesures prises pour protéger les familles de l'institutionnalisation de leur enfant handicapé, a-t-il aussi été demandé. Quelles mesures ont été prises pour garantir l'accès à la justice d'un enfant handicapé ayant subi des abus? D'un autre côté, la Croatie a-t-elle pris des mesures concernant la mise en fonction du numéro européen d'appel d'urgence – le 112? A-t-elle mis en place un système de protection des personnes handicapées de la violence, que ce soit au sein de la famille ou dans un lieu public, a encore voulu savoir un membre du Comité.
Une autre experte s'est enquise de l'application du Traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture aux œuvres publiées.
L'experte a d'autre part a regretté l'absence de statistiques ventilées et précises sur les personnes handicapées, en particulier des enfants. Comment la Croatie aligne-t-elle ses données avec les normes de la Convention? Dans quelle mesure le Gouvernement prévoit-il d'inclure les personnes handicapées dans la planification, la mise en œuvre et l'évaluation du programme de développement pour l'après-2015? Un expert a demandé combien d'interprètes ont été formés à la langue des signes dans le pays.
Un autre membre du Comité a salué l'approche de la Croatie, qui applique notamment les normes de l'Organisation mondiale de la santé sur le handicap. Il s'est intéressé aux dispositions relatives à l'aménagement raisonnable dans le domaine de l'emploi. Il a par ailleurs noté que les bourses pour les personnes handicapées étaient fournies sur une base de quota et a voulu avoir plus d'informations à ce sujet.
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Croatie a noté qu'une administration en charge de l'éducation décidait qui, parmi les personnes handicapées, pouvait obtenir un emploi. Elle a aussi déploré les mesures discriminatoires dans d'autres domaines, la réduction des ateliers protégés et le fait que beaucoup de personnes handicapées occupent des emplois subalternes. Le processus électoral n'est toujours pas accessible à ces personnes, a-t-elle encore relevé, ajoutant qu'elles n'occupent pas non plus de postes de prise de décisions et ne participent guère aux activités culturelles du pays. L'experte a salué l'indépendance du Médiateur mais espéré qu'il disposera des moyens nécessaires pour s'acquitter de son mandat.
Une experte s'est inquiétée de l'absence d'assurance maladie pour les personnes handicapées, notamment s'agissant des services de santé reproductive pour les filles et les femmes. Les mesures économiques et autres prises en Croatie ont fait grossir les rangs des groupes vulnérables, et le Gouvernement devrait veiller à ce que les personnes handicapées profitent des stratégies de développement économique. L'experte a également mis l'accent sur les plaintes déposées par les personnes handicapées pour violation de leurs droits ou pour des faits de discrimination et de violence. Les données statistiques devraient aussi inclure ce type d'information, a-t-elle suggéré.
S'agissant de l'enseignement supérieur, un membre du Comité a observé que le nombre d'étudiants handicapés était très faible.
Un autre expert a réclamé, en faveur des personnes handicapées, des mesures de promotion du droit de voter, d'être éligible ou de postuler à un emploi dans la fonction publique. Il s'est également enquis du mandat juridique du point focal auprès du Ministère des affaires sociales.
Dans quelle mesure l'État partie entend-il mettre en œuvre un protocole visant à garantir le respect à la vie privée, notamment dans les institutions ou les foyers familiaux de résidence des personnes handicapées, s'est interrogée une experte, qui a aussi demandé si la Croatie envisageait la ratification de la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la violence familiale. Quelle est la situation des enfants internés dans des hôpitaux psychiatriques en termes du droit à l'éducation? Elle a aussi sollicité des précisions sur la stérilisation des femmes handicapées ainsi que sur le droit des enfants handicapés à être entendus sur les questions qui les concernent, en particulier sur le lieu où ils souhaitent vivre.
Un membre du Comité a demandé quelles mesures ont été prises pour permettre aux handicapés de participer au marché de l'emploi. Il a invité la délégation à fournir des chiffres plus précis sur le nombre de personnes handicapés employées et au chômage. Un membre du Comité a regretté de ne pas disposer de statistiques, notamment sur les plaintes déposées par des personnes handicapées pour que le Comité puisse pleinement mesurer le chemin accompli et ce qu'il reste à faire.
Réponses de la délégation
La délégation a expliqué que, depuis plusieurs années, la Croatie s'efforce de créer un organe unique chargé des personnes handicapées. Ce processus, qui a réuni 80 experts de différents domaines, s'achèvera le 1er mai 2015 avec la promulgation du décret sur les personnes handicapées. La délégation a aussi décrit le processus d'identification et d'enregistrement des personnes handicapées par l'Autorités d'expertise uniforme, ainsi que l'évaluation de leurs besoins spécifiques. D'autre part, la Croatie reconnaît l'égalité de tous ses citoyens, conformément à sa Constitution et au décret de l'égalité entré en vigueur le 1er janvier 2009. Le Médiateur est le premier organe chargé de la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes handicapées. Un accord a été conclu avec l'Union européenne sur l'emploi et la solidarité sociale. Des campagnes, largement diffusées par la presse, se concentrent sur la lutte contre la discrimination.
Le Bureau chargé des organisations non gouvernementales est responsable du développement et des consultations avec la société civile, dont des associations représentant les personnes handicapées. Plus de 500 lois ont été élaborées sur la base du principe de consultation.
Un portail électronique, à l'essai depuis une quinzaine de jours, sera amélioré de sorte à être plus accessible aux personnes handicapées. Un appel d'offres a été lancé pour le rendre encore plus accessible aux personnes ayant des handicaps spécifiques. La délégation a souligné la participation constante des organisations de la société civile dans les organes gouvernementaux. La définition des aménagements raisonnables, telle qu'elle figure dans la Convention, est respectée dans les textes croates; la loi qui s'en inspire oblige tous les employeurs à supprimer tous les obstacles qui entravent l'emploi des personnes handicapées, à mettre à disposition des technologies adaptées, à aménager les horaires de travail. Des mesures de soutien doivent aussi être prévues par l'employeur.
La délégation a indiqué que chaque établissement qui entre dans le processus de désinstitutionalisation est doté d'une équipe d'experts qui discutent avec les usagers pour savoir si leur profil permet une désinstitutionalisation et de la manière dont ils envisagent leur future vie communautaire. Les experts accompagnent par la suite les usagers dans leur période de transition entre vie institutionnelle et vie communautaire, surtout ceux souffrant de difficultés intellectuelles ou motrices. Ainsi 82 d'entre elles vivent dans sept structures communautaires dans la ville d'Orachek. Environ 3,5 millions de dollars ont été prévus pour accompagner ce processus de désinstitutionalisation. La délégation a mis l'accent sur la coordination entre les différents acteurs et organismes chargés de ce processus, surtout pour ce qui a trait à la prise en charge de chaque usager, qui bénéficie d'un programme englobant sa famille et répond à ses vœux afin qu'il soit en mesure de vivre une existence la plus normale possible. La délégation a ensuite évoqué la situation des enfants non scolarisés et des femmes au chômage. Les comtés sont ainsi invités à mettre en place des systèmes d'éducation accessibles aux enfants handicapés grâce à l'allocation de fonds européens qui représentent environ 56 millions d'euros au profit de maisons et foyers d'accueil. La délégation a assuré que le Gouvernement a bien conscience de la nécessité d'une meilleure formation de ses agents.
Dans le cadre du processus de modernisation du système de protection sociale, la délégation a annoncé la tenue d'un débat national sur la question de l'éducation des enfants handicapés et d'autres questions, comme la situation des mères-célibataires ayant un enfant souffrant d'un handicap.
Le non-respect des règles d'accessibilité, de sécurité et de signalisation pour les personnes handicapées est pénalisé s'agissant des ingénieurs, architectes ou propriétaires du bâtiment. Des amendes sont prévues dans tous les cas de figure et un délai est prévu pour remédier aux manquements. Côté transports publics, le pays a fortement investi dans l'adaptation des ports et des ferrys qui assurent le va-et-vient entre les îles. Il est aussi prévu d'améliorer, d'ici 2017, les aménagements pour les personnes handicapées dans le transport ferroviaire. En matière de transport routier, la situation est différente car il est entre les mains de sociétés privées, mais une directive de l'Union européenne prévoit des amendes pour les organisateurs du transport qui refusent de respecter les normes relatives aux personnes handicapées. D'autre part, l'Institut des médicaments et de la médecine d'urgence est responsable de la réorganisation du système, du matériel et des formations pour les services d'urgence des hôpitaux.
La délégation a répété que les bâtiments en Croatie ne peuvent être ni construit ni rénovés sans tenir compte des prescriptions d'accessibilité. Ella a précisé que sur 8676 cas examinés, seuls 16 n'étaient pas conformes aux normes à cet égard. Plusieurs ministères disposent de registres d'ingénieurs et d'architectes formés à la technologie de l'accessibilité. L'accessibilité en zone rurale a été améliorée, avec la participation des représentants des personnes handicapées. Faisant références aux inondations récentes qui ont frappé la Croatie, la délégation a signalé que le pays œuvre à la prise en compte des risques de catastrophes naturelles et que le téléphone d'urgence 112 – de même qu'une ligne de télécopie – est à la disposition des personnes handicapées pour qu'elles l'utilisent dans les situations de crise.
La délégation a en outre affirmé que les vétérans de guerre représentent 1,4% des personnes handicapées et bénéficient d'une allocation.
En ce qui concerne la ségrégation à l'école, la délégation a souligné que le système scolaire croate est moderne et que les élèves bénéficient d'un appui adapté, quelle que soit l'évaluation des conditions psychosociales. Elle a indiqué que 17 000 élèves souffrent d'un handicap, dont seulement 3000 sont en institution. La délégation a déclaré que c'est le Fonds social européen qui couvre leurs besoins, compte tenu des mesures d'austérité en Croatie, pays en transition qui sort d'une période tumultueuse après la guerre.
La délégation a indiqué qu'en vertu des lois relatives à la santé, une femme peut être stérilisée à partir de 35 ans ou en cas de risques graves pour la santé. Toutefois, la stérilisation d'une personne en bonne santé est interdite et toute stérilisation ne peut être effectuée qu'à la demande expresse de la personne concernée. Le système de soins de santé primaire est constitué de prestataires de services complets présents dans les 21 comtés du pays.
Les admissions dites «forcées» en hôpital psychiatrique, se font sur la base d'une décision de tribunal en cas de crime ou si la personne met en péril sa vie ou celle d'autrui. Des instituts spécialisés s'occupent du traitement psychosocial de personnes atteintes de maladies mentales. Le pays est en train de rationaliser les hôpitaux psychiatriques à l'échelle de la communauté, avec la mise en place de traitements ambulatoires. Les personnes atteintes de graves troubles mentaux sont informées des mesures de contention ou de contrainte auxquelles le corps médical peut recourir en cas de danger grave pour la personne ou pour autrui. En janvier dernier, un décret du ministère de la santé a promulgué un décret sur ce type de mesures, exigeant un protocole strict et détaillé. Des campagnes de sensibilisation sont d'ailleurs effectuées en vue de la sensibilisation et de l'information du public. Des formations supplémentaires ont été organisées avec l'aide du Médiateur chargé des personnes handicapées.
Une interprétation en langue des signes doit être offerte dans toute procédure judiciaire, a indiqué la délégation. Pour les personnes sourdes, les questions sont posées par écrit. Il en va de même pour les témoins dont les auditions sont menées avec l'aide d'un interprète, sur place ou à distance, les frais étant couverts par l'État. D'autre part, tous les tribunaux sont dotés de services d'assistance aux victimes et des représentants des forces de l'ordre sont également formés en conséquence. S'agissant des personnes ayant des troubles mentaux, le Procureur peut recourir à l'assistance d'un psychiatre pour déterminer si la personne ayant commis un délit était consciente ou non lors de la commission des faits. Environ 100 000 euros seront investis cette année dans la réfection des bâtiments judiciaires pour les rendre plus accessibles.
Depuis 2011, un mécanisme national de prévention des traitements cruels, inhumains et dégradants a été créé, et les représentants de la société civile et des universitaires veillent à l'application de ses activités. Des programmes de surveillance ont aussi été mis en place dans les centres de privation de la liberté, a précisé la délégation.
Des équipes mobiles de spécialistes forment les enseignants afin de les aider à fournir la meilleure éducation possible aux enfants handicapés, notamment aux fins de leur permettre de vivre dans le milieu familial. Les parents peuvent également travailler à temps partiel avec plein salaire, ou solliciter un congé prolongé. Des mesures ont été prises visant à l'éducation des enfants autistes. Des difficultés subsistent mais le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a signé avec plusieurs ministères un accord tendant à l'amélioration du système de dépistage précoce et d'intervention au profit des enfants autistes. Un centre autonome pour ces enfants a été mis sur pied à Zagreb.
Depuis 2006, 636 personnes bénéficient de services personnels financés par l'État et la loterie nationale pour un montant de 36 millions de kunas. Malgré la récession, ces services et le nombre de bénéficiaires ont augmenté. Enfin, des inspecteurs sont chargés de contrôler le bon fonctionnement des institutions des personnes handicapées, dont deux, qui n'étaient pas conformes aux normes, ont été fermées. Par ailleurs, 18 000 personnes handicapées ne disposent pas de la capacité juridique en Croatie, mais la loi de 2003 sera remaniée pour préciser les situations pour lesquelles elles peuvent prendre des décisions personnelles si elles ne présentent pas de danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Les peines prévues à l'encontre des auteurs de violences familiales ont été alourdies, en particulier si elles ont visé une personne handicapée, ou si celle-ci en a été témoin. Face à une situation d'urgence, il est prévu de donner oralement l'autorisation à une victime de se rendre dans un foyer d'accueil. La délégation a en outre cité des exemples d'utilisation de téléphones portables et aux moyens de communication rapide dans les situations d'urgence.
Répondant aux questions de suivi posées lundi après-midi, la délégation a répété que les bâtiments en Croatie ne peuvent être ni construit ni rénovés sans tenir compte des prescriptions d'accessibilité. Sur 8676 cas, seuls 16 n'étaient pas conformes aux normes à cet égard. Plusieurs ministères disposent de registres d'ingénieurs et d'architectes formés à la technologie de l'accessibilité. L'accessibilité en zone rurale a été amélioré, avec la participation des représentants des personnes handicapées. Faisant références aux inondations qui ont frappé la Croatie, la délégation a signalé que la Croatie œuvre à la prise en compte des risques de catastrophes naturelles et que le téléphone d'urgence 112 ainsi qu'une ligne de télécopie a été mise à la disposition des personnes handicapées pour qu'elles l'utilisent dans les situations de crise.
La délégation croate a déclaré que les enfants ont le droit de participer aux questions administratives et judiciaires les concernant. Les personnes handicapées placées dans des institutions ont également le droit de connaître toutes les circonstances les touchant et leur avis est pris en compte, comme celui des enfants en institution. Les personnes handicapées bénéficient également de services de conseil et sont informées des conséquences du choix qu'elles font. L'intérêt supérieur de l'enfant est systématiquement pris en compte mais il existe une limite d'âge. Les enfants âgés de 14 ans ou plus peuvent donner leur avis de façon indépendante; les enfants plus jeunes doivent avoir l'appui de leurs parents ou d'un tuteur légal. L'exercice du droit à être adopté est régi de la même façon et l'adoption internationale est possible, toujours en prenant en considération l'intérêt supérieur de l'enfant.
La loi relative à l'enseignement primaire et secondaire stipule l'égalité entre tous les enfants et applique le principe d'aménagement raisonnable. Un décret a été promulgué sur l'acceptation de la différence de chaque élève et sur l'inclusion dans le système d'enseignement primaire et secondaire. Il prévoit également un système de soutien et de réhabilitation pour leur permettre une scolarisation régulière répondant à leurs besoins spécifiques. Les enfants souffrant d'un problème d'audition reçoivent un appui, au même titre que les muets et les aveugles. La langue des signes croate est aussi à la disposition des élèves, avec l'aide d'une trentaine de spécialistes au sein du ministère. L'école peut inclure ce type de soutien dans son budget. En 2014-2015, le Fonds social européen et le budget national de la loterie apportent un financement pour la formation d'environ 1620 enseignants spécialisés. La délégation a ensuite fourni des statistiques indiquant que 17 000 élèves handicapés sont scolarisés dans le système public, 14 300 étant pleinement intégrés jusqu'à la quatrième année du système de l'enseignement primaire.
Pour répondre aux inquiétudes du Comité, la délégation a assuré que les enfants handicapés sont intégrés dans le système depuis longue date et qu'il n'existe aucune animosité à leur égard. Par contre, il n'existe pas assez de tolérance au niveau du secondaire et des écoles de formation professionnelle, ce qui a un impact sur leur accès au marché de l'emploi. Le Gouvernement compte déployer davantage d'efforts à cet égard. Elle a indiqué que 474 étudiants handicapés fréquentent les universités.
S'agissant du Traité de Marrakech, la Croatie a une approche très ouverte en ce qui concerne l'adhésion à cet instrument mais ne peut se prononcer sur la date de sa ratification.
Conformément à la loi sur l'enregistrement des données sur les personnes handicapées, les informations sont publiques et sont disponibles en ligne également en braille. Plus de 48 000 enfants handicapés entre 0 et 19 ans sont enregistrés par ce système. Il existe en outre 12 119 des personnes handicapées employées, a affirmé la délégation, qui a souligné qu'un site spécialisé permet à ces personnes de vendre leurs produits et services sur l'Internet.
Il existe une procédure prévoyant une commission constituée de professionnels qui doivent trancher les cas de séparation d'un enfant handicapé de sa famille.
Le système de quotas des employés handicapés a été mis en place en janvier dernier. Il exige de toute entreprise publique ou privée d'employer 3% de personnes handicapées. Il y a également un quota de substitution comme l'embauche de stagiaires ou la signature d'accords avec des écoles dans le cadre d'ateliers spécialisés. Les employeurs qui contreviennent à cette obligation doivent s'acquitter d'une amende qui représente 30 % du salaire minimum en Croatie. L'Institut de réhabilitation et d'emploi des personnes handicapées est chargé du contrôle et du suivi de l'application de tels quotas.
Conclusions
Le chef de la délégation croate a souligné que la Croatie se préparait depuis des mois pour cette réunion, certains membres de la délégation ayant consacré leur carrière aux questions de handicap. Les personnes handicapées méritent le soutien de tous et le droit à l'égalité des chances. Les recommandations qui seront adoptées par le Comité donneront une grande impulsion à la réalisation des objectifs de la Convention en Croatie, a déclaré Mme Prpić.
La Médiatrice pour les personnes handicapées «a vu se dessiner un impact positif» au cours des échanges entre le Comité et la délégation croate et a exprimé sa conviction que les mesures qui sont en train d'être mises en place en Croatie amélioreront le sort des personnes handicapées, dont «les droits ne peuvent plus attendre». Mme Meić a plaidé en faveur de son bureau et formé le vœu que la Croatie participera à la Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées à New York.
La rapporteuse pour la Croatie a salué l'ouverture de la délégation durant le dialogue constructif. Mme Degener a jugé que les réponses étaient «parmi les meilleures jamais entendues par le Comité». Elle a toutefois réitéré sa préoccupation pour le droit à une vie indépendante, à ne pas subir un traitement imposé et à l'autonomie juridique, et insisté sur l'importance de la participation des organisations de la société civile.
MME MARÍA SOLEDAD CISTERNAS, Présidente du Comité, a salué à son tour l'esprit d'ouverture dont a fait preuve la délégation. Elle s'est aussi félicitée des échanges avec les représentants des organisations non gouvernementales.
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CRPD15/005F