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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA LITUANIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné aujourd'hui le rapport présenté par la Lituanie sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Vice-Ministre lituanien de la sécurité sociale et du travail, M. Gintaras Klimavičius, a souligné d'emblée que le pays avait harmonisé sa législation avec les normes de l'Union européenne, dont il est membre depuis 2004. Le vice-ministre a notamment indiqué que son pays était parvenu à réduire fortement l'écart salarial entre hommes et femmes. Il a aussi souligné que le taux de cadres dirigeants de sexe féminin dans la fonction publique atteint 40%. Le vice-ministre a assuré que les droits des minorités nationales sont garantis, un projet de loi les concernant étant actuellement en débat. Il a souligné en particulier les mesures prises en faveur de l'intégration des Roms, un plan d'action étant en cours d'application en concertation avec des représentants de cette communauté. Des mesures ont par ailleurs été prises en faveur de l'emploi des jeunes Lituaniens, particulièrement affectés par le chômage. M. Klimavičius a souligné que la crise économique mondiale avait constitué un défi pour maintenir le même niveau de protection des droits économiques et sociaux, mais en dépit des mesures d'austérité, la protection sociale a pu être maintenue au moins pour les groupes les plus vulnérables de la population.

L'importante délégation lituanienne, très majoritairement féminine, était également composée de plusieurs représentantes du Ministère de la sécurité sociale et du travail, d'un représentant du ministère de l'agriculture, de représentantes des Ministères de la justice, de la santé, de la culture, et de deux expertes du secteur de l'éducation, ainsi que de M. Rytis Paulauskas, Représentant permanent de la Lituanie à Genève. La délégation a répondu à des questions des membres du Comité portant sur plusieurs points. Les experts se sont notamment inquiétés de la situation de la communauté rom, qui demeure précaire en dépit des efforts accomplis. Le Comité a dit sa préférence pour l'adoption d'une loi globale contre les discriminations, plutôt qu'un éparpillement de mesures spécifiques. S'agissant des minorités nationales, il a déploré le manque d'informations concrètes à leur sujet, un expert s'inquiétant de la réduction des moyens accordés à l'enseignement du russe. Des membres du Comité ont invité la Lituanie à créer une institution nationale des droits de l'homme indépendante inspirée des Principes de Paris.

À cet égard, la délégation a souligné que la création d'une institution nationale des droits de l'homme était en discussion, et le pays s'y est engagé devant le Conseil des droits de l'homme. En ce qui concerne les inégalités persistantes entre hommes et femmes, les écarts salariaux sont en forte diminution et les femmes occupent des postes à responsabilité en plus grand nombre. Par ailleurs, un texte de loi devrait être adopté cette année qui définira précisément les droits des minorités nationales. L'enseignement est assuré dans leur langue pour les principales minorités, polonaise et russe en majorité.

Les observations finales du Comité sur tous les rapports examinés au cours de la session seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 23 mai prochain.


Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport périodique de l'Arménie (E/C.12/ARM/2-3).


Présentation du rapport

Présentant le rapport périodique de la Lituanie (E/C.12/LTU/2), M. GINTARAS KLIMAVIČIUS, Vice-Ministre de la sécurité sociale et du travail, a rappelé que son pays était membre de l'Union européenne depuis 2004, ce qui lui a permis d'harmoniser sa législation avec les normes européennes. Il a indiqué que l'Institut européen pour l'égalité de genre, la seule agence de l'Union européenne spécialisée sur cette question, créée en 2007, avait son siège à Vilnius. Le Vice-Ministre a aussi fait valoir que la Lituanie avait assuré la présidence du Conseil de l'Union européenne au deuxième semestre 2013, mandat au cours duquel elle a mis l'accent sur les droits qui relèvent du Pacte, en particulier l'égalité hommes-femmes, la lutte contre la discrimination et l'emploi, plus particulièrement l'emploi des jeunes. Pendant la présidence lituanienne, un accord a permis de créer un nouveau fonds en faveur des plus démunis, qui prévoit de leur consacrer quelque 3,5 milliards d'euros d'ici 2020. Elle est par ailleurs membre du Conseil de sécurité de l'ONU depuis cette année. Et une Lituanienne est membre du Comité pour l'élimination de toutes les discriminations à l'égard des femmes depuis 2012. Enfin, le pays est partie à plusieurs instruments internationaux, ayant notamment ratifié en 2010 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif.

M. Klimavičius a ensuite évoqué les changements intervenus dans la législation qui n'apparaissent pas dans le rapport, soumis en février 2010. S'agissant de l'égalité des sexes, le vice-ministre a notamment indiqué que son pays était parvenu à réduire fortement l'écart salarial hommes-femmes et avait connu une augmentation sensible du nombre de femmes chefs d'entreprises. Le taux de cadres dirigeants de sexe féminin dans la fonction publique atteint 40%. Des progrès ont aussi été réalisés en matière de lutte contre la violence domestique. La loi prévoit que la victime n'est pas seulement la personne subissant des violences mais aussi l'enfant susceptible d'en être le témoin. Toutes les municipalités ont commencé à offrir une assistance aux victimes.

Les droits des minorités nationales sont garantis, a assuré le vice-ministre, qui a mis l'accent sur la Stratégie mise en œuvre en leur faveur, notamment par le biais de subventions aux organisations non gouvernementales qui défendent ces droits. Un plan d'action pour l'intégration des Roms a été appliqué dans la période 2012-2014, en concertation avec des représentants de cette communauté. Un projet de loi sur les minorités permettra de respecter la toponymie dans les langues des populations concernées, les noms des villes et des rues en particulier.

Le vice-ministre a aussi souligné la politique volontariste de son gouvernement en matière de logement social. S'agissant de la jeunesse, un éventail de mesures prioritaires a été décidé pour l'exercice 2012-2016, en particulier pour favoriser l'emploi des jeunes. Par ailleurs, le rôle du Médiateur parlementaire a été renforcé afin d'en faire l'équivalent d'une institution nationale des droits de l'homme indépendante inspirée des Principes de Paris. En conclusion, M. Klimavičius n'a pas caché que la crise économique mondiale avait constitué un défi pour le maintien du même niveau de protection des droits économiques et sociaux. Des mesures d'austérité ont été prises telles que la diminution temporaire des salaires des fonctionnaires, ainsi que la révision de certains avantages en 2010-2011. Il a toutefois assuré que la protection sociale et l'assistance avaient pu être maintenues au moins pour les groupes les plus vulnérables de la population. À l'heure actuelle, ces avantages ont retrouvé le niveau antérieur.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. WALEED SADI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lituanie, a regretté qu'il ait fallu attendre dix ans depuis la présentation du rapport initial, ce qui a fait perdre un peu de l'élan de départ, selon lui, bien que la Lituanie n'en soit pas nécessairement responsable. Il a aussi déploré une tendance des auteurs à rester dans les généralités s'agissant de l'application du Pacte. Ainsi, s'agissant du rôle du Médiateur parlementaire, le rapport demeure trop vague quant à ses prérogatives. Le rapporteur partage l'avis du chef de la délégation que la Lituanie a fait des progrès dans la mise en œuvre du Pacte depuis la présentation de son rapport initial en 2004, mais certains problèmes demeurent, notamment la lenteur du système judiciaire.

M. Sadi a aussi évoqué la question rom, constatant que dix ans après les premières observations du Comité, la moitié des membres de cette communauté continue de vivre dans des conditions déplorables. Il a dit ne pas douter des efforts de la Lituanie, tout en en se demandant s'ils étaient suffisants à la lumière de ces statistiques. Son sentiment est que l'on pourrait certainement faire plus. En ce qui concerne la lutte contre la discrimination, il s'est félicité des mesures prises, tout en rappelant que le Comité était favorable à une loi générale. S'agissant des minorités nationales - polonaise, russe, biélorusse – il a déploré le manque d'informations concrètes sur les relations entre différentes communautés et avec la majorité lituanienne, même si M. Sadi ne doute pas qu'elles soient bonnes dans l'ensemble. Tout en saluant les avancées en faveur de l'égalité entre hommes et femmes, le rapporteur a noté la persistance de problèmes en particulier pour les femmes appartenant à des groupes minoritaires.

D'autres membres du Comité se sont félicités comme le rapporteur de l'importante présence féminine au sein de la délégation.

Un expert a souhaité avoir des exemples précis de l'application du Pacte dans la législation interne. Il a déploré que le pays ne dispose pas d'une commission nationale des droits de l'homme respectant les Principes de Paris et a souhaité avoir des précisions sur le projet de loi en discussion à ce sujet. S'agissant de la création d'une institution nationale des droits de l'homme, un autre expert a dit son sentiment que les projets législatifs à ce sujet prenaient beaucoup de temps à se concrétiser, ce qui est difficilement compréhensible s'agissant d'un pays de taille modeste. Un expert a demandé à la délégation quelle était la position officielle de la Lituanie s'agissant du Protocole facultatif qui prévoit la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, auquel le pays n'a pas adhéré.

S'agissant des Roms, le fait que les difficultés auxquelles cette communauté est confrontée se posent dans presque toute l'Europe ne saurait constituer une excuse, a souligné l'expert. En matière de discrimination, il a également relevé que d'anciens fonctionnaires du régime soviétique ne peuvent avoir accès à certaines fonctions ou à certains emplois, et a souhaité en savoir davantage sur ce point. Une experte a noté l'absence de relais pour les plaintes en matière de discrimination, seulement 4% d'entre elles étant instruites en justice. Un autre expert a relevé que la Lituanie n'avait pas opté pour imposer des mesures de discrimination positive.


Un expert a par ailleurs noté que la Lituanie n'avait pas de législation spécifique concernant les personnes désireuses de changer de sexe. Une experte a pour sa part souhaité savoir si la Lituanie pourrait envisager de se doter d'une loi-cadre sur l'identité sexuelle.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir quel pourcentage de son PIB la Lituanie consacrait à l'aide publique au développement, et quelles mesures étaient prévues pour atteindre l'objectif des 0,7% fixé par les Nations Unies. Un expert a par la suite cité le chiffre de 0,13%, soulignant que cette part était très éloignée des objectifs fixés par les Nations Unies et par l'Union européenne.

Un autre expert s'est félicité du caractère fourni d'un rapport comptant près de 300 pages (soulignant par la même occasion que la concision prônée par certains n'est pas de mise dans cet exercice). Il a souhaité savoir quel choix ferait la Lituanie en cas de conflit entre les dispositions du Pacte et la législation européenne.

Plusieurs membres du Comité ont abordé le volet social du rapport, une experte s'inquiétant du fait que les statistiques fassent apparaître une diminution relative du nombre de Roms ayant un emploi. Elle a souhaité en savoir plus sur le taux d'emploi des étrangers demandeurs d'asile. Un autre expert a constaté le fort taux de chômage des jeunes. Un autre membre du Comité a constaté que le taux d'emploi en Lituanie était l'un des plus faibles de l'Union européenne, constatant qu'il semblait que la situation se soit encore aggravée depuis l'adoption de l'euro. Est-il exact que quelque 400 000 travailleurs touchent moins que le salaire minimum? L'importance du travail à temps partiel peut-il expliquer une telle situation? De très fortes disparités entre les régions ont été constatées, les écarts territoriaux n'ayant cessé d'augmenter entre 2008 et 2013, selon le rapport. Comment expliquer un tel résultat malgré les efforts consentis?

Un membre du Comité a souhaité savoir si des programmes avaient été mis en œuvre en faveur de l'emploi des personnes handicapées depuis la fin du précédent programme, en 2012. La Lituanie envisage-t-elle d'imposer des quotas obligatoires de travailleurs handicapés aux entreprises et à la fonction publique?

S'agissant des accidents mortels du travail, leur taux est deux fois plus élevé que dans le reste de l'Union européenne, a constaté un expert. En outre, un grand nombre d'accidents du travail ne sont pas du tout signalés. Des sanctions sont-elles prévues contre les employeurs? L'expert a aussi demandé pour quelle raison la Lituanie n'entendait pas ratifier la Convention 118 de l'Organisation internationale du travail, concernant l'égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale.

Dans le cadre d'une deuxième série de questions, un expert a souhaité savoir quelles mesures avaient été prises contre la traite des êtres humains, la Lituanie apparaissant comme l'une des plaques tournantes de ce trafic.

Par ailleurs, le taux insuffisant d'utilisation des moyens contraceptifs chez les jeunes femmes semble expliquer le nombre très élevé d'avortements. Des campagnes de prévention sont-elles menées à l'intention des jeunes filles? Qu'en est-il du projet de loi qui limiterait l'avortement, sous couvert du droit à la vie de l'enfant à naître?

Une experte a aussi souligné le nombre élevé de suicides en Lituanie, souhaitant savoir si une étude avait été menée à ce sujet pour en déterminer les causes. Elle a aussi demandé quelles mesures avaient été prises dans le domaine de l'usage des stupéfiants, notamment par l'introduction éventuelle de produits de substitution, particulièrement en prison, où le VIH/sida semble avoir pris une dimension épidémique.

Un expert a relevé une faible disponibilité de logements sociaux. Il a aussi demandé des renseignements sur les cas d'expulsions forcées.

Un autre membre du Comité a relevé que plus de 12% de la population n'a pas d'accès à l'eau potable, surtout dans les campagnes. En outre, nombre de foyers ne disposent pas de chasses d'eau dans leur logement, l'expert souhaitant savoir ce que les autorités envisageaient de faire pour remédier à ces situations.

L'expert a par ailleurs relevé que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté sont souvent des jeunes ou des familles monoparentales, leur nombre n'ayant par ailleurs pas tendance à diminuer. Le Gouvernement envisage-t-il de verser des prestations sociales plus généreuses, particulièrement dans les campagnes? Des programmes de développement économique des zones rurales sont-ils envisagés et d'une manière générale le salaire minimum pourrait-il être augmenté?

Le rapporteur du Comité pour la Lituanie, M. Sadi, a demandé s'il existait une jurisprudence sur la traite des femmes et sur la violence domestique. Quant au fort taux de suicide, celui-ci peut-il s'expliquer par l'effondrement de la cellule familiale? Il a souligné par ailleurs que les avantages retirés de l'introduction de traitements substitutifs aux stupéfiants dépassaient leur coût. Enfin, il s'est interrogé sur les causes de la forte prévalence de l'obésité en Lituanie

Une experte a demandé ce que faisait la Lituanie pour améliorer la scolarisation des enfants appartenant à des minorités, notamment par l'enseignement de leurs langues. La délégation dispose-t-elle de statistiques sur le nombre d'enfants roms achevant le cycle secondaire? Un autre expert, qui a donné le chiffre de 154 nationalités différentes dans le pays, a demandé si ce chiffre impressionnant correspondait au nombre de minorités nationales. Sur quels critères le qualificatif de minorité «nationale» est-il octroyé? Existe-t-il des minorités religieuses officiellement reconnues? L'expert s'est inquiété d'informations faisant état de la diminution de la représentation de la minorité polonaise dans les institutions. Il s'est en outre demandé pour quelle raison le Conseil des minorités ne comptait que 26 membres, alors que le pays compterait 154 minorités recensées; un autre expert a également voulu connaître la composition de cette instance.

Un autre expert a abordé la question du taux d'abandon scolaire, souhaitant avoir des données sur les âges, ainsi que sur les différentes régions concernées, les statistiques à cet égard étant lacunaires dans le rapport, particulièrement en ce qui concerne les enfants roms. Quelles actions la Lituanie envisage-t-elle de lancer pour promouvoir la langue rom dans les établissements, ainsi que pour améliorer la scolarisation des enfants, notamment par des mesures incitatives auprès des parents?

Dans une dernière série de questions et observations, un expert s'est dit surpris que la Lituanie ne soit pas partie à la Convention de 1960 de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement, alors que tous ses voisins y ont adhéré. Il s'est dit d'autant plus surpris que la Lituanie est l'un des pays comptant le plus grand nombre de femmes scientifiques, s'étonnant même que le rapport ne mette pas ce fait en avant. Un autre membre du Comité a évoqué la réduction toute récente du budget de l'éducation, parallèlement à l'augmentation considérable de celui des forces armées. Il s'est inquiété de la réduction de l'enseignement des langues étrangères pour les minorités au profit de celui de la langue lituanienne. Il y aurait de moins en moins d'enseignants russophones, les départs en retraite n'étant pas remplacés.

Tout en se félicitant de la place des femmes en Lituanie – ce qui est illustré par la forte proportion féminine au sein de la délégation, ont observé plusieurs membres du Comité - une experte a demandé comment étaient conciliées vie familiale et vie professionnelle, une question qui se pose partout dans le monde, a-t-elle noté.

Réponses de la délégation

M. RYTIS PAULAUSKAS, Représentant permanent de la Lituanie à Genève, a rappelé que son pays avait accepté la recommandation en faveur de la création d'une institution nationale des droits de l'homme lors de l'Examen périodique de son pays par le Conseil des droits de l'homme. Des échanges ont eu lieu avec le Haut-Commissariat des droits de l'homme pour son élaboration. Un projet de loi est en cours de discussion, une première version ayant été rédigée en 2012 mais les élections qui se sont tenues dans la foulée en ont suspendu la discussion. Il a reconnu une certaine lenteur du processus, soulignant que les mesures d'austérité imposées par la situation économique avaient aussi joué un rôle à cet égard. Une enveloppe devrait y être consacrée dans le prochain budget. Toutefois, un Bureau des droits de l'homme existe déjà, jouant partiellement le rôle d'une institution nationale des droits de l'homme. Nous sommes sur la bonne voie, a-t-il estimé, un vote du Parlement étant susceptible d'intervenir cet automne.

La délégation a assuré que le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels pouvait être invoqué devant les tribunaux, comme en témoignent plusieurs décisions de justice. Les autorités sont conscientes de la longueur excessive des procédures pénales. Elles s'efforcent de limiter les abus dont peuvent parfois faire preuve les parties pour ralentir le cours de la justice. La durée des affaires civiles, en revanche, est l'une des plus brèves au sein de l'Union européenne, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne le fait que le pas n'ait pas ratifié le Protocole facultatif au Pacte - relatif à la soumission de plaintes - et d'autres instruments internationaux, la délégation a expliqué qu'en raison de l'impact de la crise économique, la Lituanie a décidé provisoirement de ne pas adhérer à de nouveaux textes.

En matière de lutte contre la discrimination, la législation locale prévoit tout un éventail de dispositions, la délégation mettant l'accent sur la loi sur l'égalité des chances. En ce qui concerne l'identité sexuelle, la question demeure en débat. La reconnaissance du changement de sexe ne fait pas l'objet de dispositions cohérentes dans la loi, ce qui a pour conséquence de renvoyer la question auprès des tribunaux. C'est pourquoi le Ministère de la justice prévoit d'établir des règles claires en matière de reconnaissance du changement de sexe.

S'agissant des droits des personnes handicapées, le Ministère de la sécurité sociale et du travail a adopté un nouveau programme qui couvrira l'exercice 2014-2019. Des mesures sont prévues en particulier en matière d'accès au logement.

Le Médiateur du peuple a un rôle très important en comparaison avec la situation générale en Europe. Il a un rôle quasi-judiciaire, étant en mesure de sanctionner des contrevenants dans nombre de domaines. Cela explique le faible nombre de plaintes en justice, les citoyens étant plus enclins à s'adresser au Médiateur, dont l'efficacité fait l'unanimité. Cela explique qu'un nombre croissant de citoyens s'adressent à lui.

En ce qui concerne les inégalités entre hommes et femmes et la persistance de préjugés sexistes, des études ont été faites à la fois pour analyser la cause de ces phénomènes et pour mesurer les retombées des mesures prises pour y remédier. La société se montre réceptive : elle s'adapte et accepte de mieux en mieux le fait que des femmes occupent en nombre croissant des postes à responsabilité. Une étude complète sur les disparités hommes-femmes devrait être rendue publique cette année, ce qui devrait permettre de prendre les mesures nécessaires à cet égard.

S'agissant de la communauté rom, la question du logement demeure un problème important, a reconnu la délégation. Les autorités prévoient d'y remédier dans le prochain programme d'action. En attendant, il est envisagé de légaliser les camps roms installés en périphérie de Vilnius. Le nombre de Roms disposant d'un travail a effectivement diminué, a-t-elle reconnu, le taux passant de 34 à 27%. La Lituanie participe à un programme européen de retour à l'emploi destiné aux Roms. Ces mesures ne sauraient faire l'économie d'une analyse approfondie des causes du problème. Il est certain que des campagnes de sensibilisation de la population pour mettre un terme à la discrimination sont indispensables, a-t-elle admis. La situation n'est toutefois pas entièrement négative, des progrès ayant été constatés en matière d'éducation, a assuré la délégation.

Pour ce qui est des minorités nationales, le gouvernement a préparé un projet de loi les concernant, texte qui pourrait être déposé devant le Parlement lors de la session d'automne. Il prévoit la possibilité d'une personne appartenant à une minorité nationale d'utiliser sa langue devant les institutions locales, ainsi que l'affichage des noms de lieu dans les langues minoritaires.

Si le pourcentage de 0,13% du PIB consacré à l'aide publique au développement peut apparaître modeste, il faut le mettre en rapport avec le fait que la Lituanie était encore jusqu'à tout récemment bénéficiaire de l'aide publique au développement, ainsi qu'avec la grave crise qu'a traversée le pays. Tendanciellement, cette aide devrait aller en augmentant, a-t-elle assuré.

En ce qui concerne la répartition des tâches au sein de la famille, la participation de l'homme est l'une des priorités d'une campagne nationale à ce sujet. Un congé parental d'une durée d'un mois a été institué afin d'encourager les pères à s'occuper des nourrissons. En 2013, 7% d'entre eux en avaient profité. Si les femmes participent davantage aux tâches ménagères, la moyenne lituanienne est moins élevée que la moyenne européenne. Quant aux emplois à temps partiel, ils ne concernent qu'un peu plus de 11% des femmes. La ségrégation «verticale» sur le marché du travail a toutefois fortement diminué, a assuré la délégation.

Pour ce qui a trait au chômage des jeunes, la délégation a indiqué que le chiffre avait atteint le pic de 36% en 2004, à la suite de quoi des mesures ont été prises pour faciliter leur accès au marché du travail – en termes de formation professionnelle et de stages rémunérés, par exemple. Il est redescendu aujourd'hui à 21%. La Lituanie incite les jeunes à s'orienter vers les secteurs de l'agriculture et de la foresterie.

Quant aux disparités régionales, elles sont patentes, a reconnu la délégation: le chômage est 1,8 fois plus élevé dans les campagnes que dans les villes, ce qui explique un exode rural important. Des mesures ont été prises pour inciter les jeunes à s'installer à la campagne et pour inciter ceux ayant émigré à rentrer au pays. Un programme en faveur du développement rural a été lancé ces dernières années, avec un budget annuel de 1,7 milliard d'euros. Des aides à l'installation des jeunes agriculteurs font partie des incitations. La délégation a aussi évoqué le rôle des entreprises de type coopératif dont le développement est encouragé.

S'agissant des conditions de travail, la délégation a reconnu une situation déplorable. Entre 2006 et 2013, 108 accidents mortels du travail ont été enregistrés dont une soixantaine rien qu'en 2013. Ceux-ci surviennent bien souvent dans le secteur du bâtiment. Des règles sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail ont été édictées, et les entreprises doivent s'engager à assurer des conditions sûres à leurs employés. Les campagnes d'information visent en particulier les petites et moyennes entreprises.

Pour ce qui concerne le droit syndical, toute personne de plus de 16 ans, y compris les étrangers, peuvent adhérer à une organisation. Le pays ne compte toutefois pas plus de 100 000 syndiqués. Pour ce qui à la Convention 118 de l'OIT, que la Lituanie n'a pas encore ratifiée, la délégation a expliqué que le pays avait suspendu toute nouvelle ratification pour des raisons d'économies. Elle envisage néanmoins d'adhérer à la Convention 102 de l'OIT concernant la norme minimum de la sécurité sociale.

En ce qui concerne la réinsertion des anciens agents du KGB ou des anciens membres des services de sécurité soviétiques, les restrictions qui les visaient, instaurées après l'indépendance, ont été abrogées, a souligné la délégation.

En réponse à la question sur la diminution du nombre d'enseignants, ceux de langue russe en particulier, la délégation a attiré l'attention sur la baisse démographique que connaît le pays.

Les allocations familiales ne dépendent pas du statut matrimonial des parents, a-t-il été précisé. Concrètement, les enfants de parents non mariés bénéficient des mêmes prestations. Le concept de la famille doit être compris de la manière la plus large possible, a estimé ainsi la Cour constitutionnelle qui a exclu toute discrimination sur la base du statut matrimonial des parents.

Pour ce qui a trait au logement social et l'amélioration des conditions de vie dans les campagnes, un programme de développement rural a mis l'accent sur le développement des infrastructures. Un budget de 40 millions d'euros y a été consacré et un programme de désamiantage des toits des habitations a été lancé. La Lituanie reçoit à cette fin des fonds structurels européens en faveur du développement régional. La délégation a par ailleurs assuré que les expulsions obéissent à des règles très strictes relevant de décisions de justice. Des garanties de relogement doivent être proposées, particulièrement lorsque des enfants sont concernés.

Un programme de prévention du VIH/sida est mis en œuvre, avec la fourniture de traitements antirétroviraux. Un programme d'échanges de seringues s'inscrit dans cette action. Les centres de santé mentale, ainsi qu'un certain nombre de cliniques proposent des traitements de substitution aux substances psychotropes, essentiellement à base de méthadone.

S'agissant de la traite, la Lituanie fournit un soutien un soutien financier à des organisations non gouvernementales qui œuvrent à la réinsertion des victimes.

Pour ce qui regarde les châtiments corporels, cela est interdit en vertu de la répression de la violence domestique. La Lituanie prévoit de mettre en place un mécanisme de protection contre toutes les violences. Une enquête peut être ouverte à l'initiative du ministère public, en l'absence même de plainte de victimes présumées.

Afin d'éviter le recours à l'avortement, des moyens de contraception sans ordonnance sont mis à disposition des jeunes. À cet égard, la délégation a fait valoir qu'entre 2001 et 2011, le taux d'avortement est passé de 69,6 à 33,9 pour 100 naissances.

L'aide aux plus démunis est assurée par des organisations non gouvernementales, 77 millions d'euros ayant été alloués à la Lituanie par l'Union européenne à cette fin, en particulier pour l'aide alimentaire. Le système d'assistance sociale a été réformé tandis qu'un plan pour l'inclusion sociale vise à remédier à la pauvreté des jeunes enfants.

Répondant à une question sur l'incidence de l'obésité en Lituanie, la délégation a assuré que les Lituaniens faisaient de plus en plus d'exercice, les jeunes en particulier. Les campagnes d'information devraient permettre de réduire la tendance au surpoids.

En ce qui concerne les minorités, il n'existe pas de différence entre minorités nationales et ethniques, a-t-elle observé. C'est une question qui fait débat, a remarqué la délégation, l'Italie préférant plutôt par exemple la notion de minorité linguistique. Les communautés ou minorités nationales comptant plus de 10 000 personnes ont au moins un représentant au sein du Conseil national des communautés. Le pays compte plus de 200 000 Polonais et 176 000 Russes, parmi les deux minorités les plus importantes numériquement, sur les 26 que compte la Lituanie. La délégation a attiré l'attention sur le fait que des minorités récentes – chinoise ou géorgienne par exemple – n'étaient pas représentées à ce stade au sein de ce Conseil. La délégation a par la suite précisé que le Conseil des minorités nationales compte actuellement 26 membres qui représentent 20 nations différentes. Sa composition n'est pas fixe et est susceptible d'évoluer avec les années en fonction de l'évolution démographique. Le nombre de représentants est proportionnel à l'importance numérique des minorités.

Neuf-dixièmes des programmes scolaires sont assurés dans les grandes langues minoritaires. Les taux de réussite sont très comparables dans les écoles en langue lituanienne et celles dans les autres langues. S'agissant de la minorité polonaise, le pays compte 170 écoles entièrement polonaises ou bilingues, principalement en milieu rural. Pour ce qui concerne les Roms, la délégation a noté qu'en dehors des discriminations, la pratique du mariage précoce expliquait l'abandon scolaire des jeunes de cette communauté. Pour ce qui concerne les russophones, ceux-ci sont concentrés dans les villes, contrairement aux Polonais. Les conditions d'enseignement sont similaires à celle de la majorité lituanienne. Leurs enseignants ont appris le lituanien tardivement, ce qui explique qu'ils aient dû être remplacés par des professeurs maîtrisant la langue lituanienne. Des programmes de langue russe dans les universités ont dû être fermés par manque d'étudiants, ces cursus attirant essentiellement des étudiants étrangers.

Par ailleurs, la majorité des quelque 17 000 chercheurs scientifiques du pays sont des femmes, a souligné la délégation, ce dont le pays est fier. La Lituanie envisage par ailleurs d'adhérer à la Convention de l'UNESCO contre la discrimination dans l'enseignement.

Conclusions

Le Vice-Ministre lituanien s'est félicité du dialogue d'aujourd'hui entre le Comité et sa délégation, qui s'est efforcée de donner des réponses aussi précises que possible. La Lituanie entend appliquer et respecter au mieux le Pacte tout en étant consciente du long chemin lui restant à accomplir. Elle attache une grande importance à la coopération avec les organes conventionnels et avec les procédures spéciales des Nations Unies. Les droits de l'homme ont été négligés à une certaine époque désormais révolue. La Lituanie entend désormais les respecter du mieux possible et elle a le sentiment d'avoir accompli des progrès ces dix dernières années, a conclu M. Klimavičius.

Le rapporteur du Comité pour la Lituanie, s'est félicité des efforts considérables effectués par la délégation pour répondre avec le plus de précision aux questions posées, même si toutes n'ont pas obtenu de réponse. M. Sadi s'est dit impressionné par le professionnalisme des membres de la délégation.

Le Président du Comité, M. ZDZISŁAW KĘDZIA, a salué les efforts accomplis par la Lituanie, pays voisin de la Pologne, son propre pays. Il a salué la manière dont la Lituanie envisageait la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels en ces temps de crise. Il a noté que la Lituanie escomptait que les mesures d'austérité ne sauraient être que provisoires. Il s'est félicité des réponses circonstanciées apportées par la délégation, notamment grâce à la remontée de témoignages venus du terrain par plusieurs membres de la délégation. Il s'est dit convaincu que ce dialogue avait été une expérience enrichissante pour tous, exprimant l'espoir qu'il ne faudrait pas attendre encore dix ans pour la présentation du rapport suivant.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC14/008F