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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES TRAVAUX DU GROUPE DE TRAVAIL D'EXPERTS SUR LES PERSONNES D'ASCENDANCE AFRICAINE

Compte rendu de séance
Le Groupe de travail présente un projet de Programme d'action pour la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine (2013-2023)

Le Conseil des droits de l'homme a porté ce matin son attention sur les travaux du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine. La Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail, Mme Verene Shepherd, a présenté son rapport et a participé à un débat interactif avec les membres du Conseil.

Pour Mme Shepherd, la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine (2013-2023) devrait accorder une importance toute particulière aux femmes et aux enfants, tout en prenant en compte l'héritage de l'histoire. Dans cette perspective, les programmes d'enseignement scolaires devraient traiter de cette question et des mesures spécifiques devraient être prises pour réduire les disparités structurelles et les inégalités qui sont la conséquence de l'esclavage et de la traite transatlantique. Mme Shepherd a aussi rendu compte de la mission du Groupe de travail au Portugal. Le Portugal est intervenu à tire de pays concerné.

La majorité des délégations a souligné que la communauté internationale doit tirer parti de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine pour passer résolument à l'action. La mobilisation de la communauté internationale gagnerait à se traduire par des actions plus soutenues et cohérentes à travers un cadre global qui rompe avec les déclarations d'intention et pousse à une action résolue en faveur des personnes d'ascendance africaine. Pour d'autres délégations, il faut éviter tant la hiérarchisation des violations des droits de l'homme que le relativisme culturel: le risque serait de renoncer au principe d'universalité des droits de l'homme. Elles ont relevé que les mesures globales de discrimination positive ne peuvent résoudre le problème de la discrimination.

Le Sénégal au nom du Groupe africain, les États-Unis, l'Algérie, le Honduras, le Maroc, l'Union européenne, le Venezuela, l'Équateur, Cuba, le Brésil, la Chine, le Royaume-Uni, le Mexique, le Pérou et l'Afrique du Sud ont participé au débat interactif, ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales: Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies, Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands Lacs (au nom également du Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples - CIRAC), Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme, Nord-Sud XXI et Tiye International.


À partir de 11h30, le Conseil tiendra son débat général sur les questions relatives au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l'intolérance qui y est associée. Il sera saisi, dans ce cadre, du rapport du Comité spécial chargé d'élaborer des normes complémentaires visant à renforcer et mettre à jour les instruments internationaux de lutte contre le racisme.


Examen du rapport du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine

Présentation du rapport

MME VERENE SHEPHERD, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine, a présenté le rapport du Groupe de travail sur sa onzième session (A/HRC/21/60), qui a eu lieu du 30 avril au 4 mai 2012 à Genève. Le rapport propose notamment que la reconnaissance, la justice et le développement comme thèmes centraux de la Décennie internationale sur les personnes d'ascendance africaine 2013-2022. Les questions qui devraient être abordées en priorité dans le programme d'action de la Décennie seraient les suivants: droits des personnes d'ascendance africaine à l'égalité et à la non-discrimination; éducation et sensibilisation à l'histoire, aux cultures et aux contributions de ces personnes; participation et intégration dans tous les domaines de la société y compris le processus de décision. Le rapport contient également un projet de programme d'action pour la décennie des personnes d'ascendance africaine (A/HRC/21/60/Add.2 en anglais). Mme Shepherd a également évoqué la mission effectuée par le Groupe de travail au Portugal (A/HRC/21/60/Add.1).

Mme Shepherd a indiqué que la session avait été ouverte par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, qui a relevé qu'il s'agissait d'une occasion parfaite d'examiner les progrès réalisés pendant l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine, l'objectif étant d'établir les priorités pour l'avenir. Elle a noté que plusieurs États avaient reconnu les droits des personnes d'ascendance africaine.

Mme Shepherd a estimé que la Décennie devrait accorder une importance toute particulière aux femmes et aux enfants, tout en prenant en compte l'héritage de l'histoire. Les programmes d'enseignement scolaires devraient ainsi traiter de cette question. La justice devrait aussi être un des thèmes centraux, avec l'étude de mesures spécifiques en matière de mesures volontaristes pour trouver des remèdes aux disparités dans la jouissance des droits et pour surmonter les disparités structurelles et les inégalités résultant des circonstances historiques, notamment l'esclavage et la traite transatlantique. Le Groupe de travail se félicite des nombreuses mesures d'ores et déjà entreprises par un certain nombre d'États, tout en constatant qu'il reste encore beaucoup à faire.

Le Groupe de travail a aussi effectué une mission au Portugal, en mai 2011, au cours de laquelle il a constaté qu'en dépit des efforts du Gouvernement en faveur de l'intégration et pour combattre la discrimination, les immigrants et les minorités ethniques dans ce pays demeurent vulnérables, particulièrement en matière d'accès à l'emploi, au logement, à la santé et à l'éducation. Si le modèle portugais est souvent cité comme un modèle en matière d'intégration, il ne prend pas spécialement en compte les personnes d'ascendance africaine, même si les mesures prises en faveur des immigrants sont aussi susceptibles de leur bénéficier. Entre autres recommandations, le Groupe de travail préconise une révision des méthodes de collecte des données afin de pouvoir disposer de données ventilées en fonction notamment de l'origine raciale ou ethnique des populations étudiées.

Pays concerné

Le Portugal a remercié le Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine de sa visite et son l'inclusion, dans son rapport de mission exhaustif, de renseignements factuels et juridiques relatifs au Portugal. Aucun pays au monde ne saurait se targuer d'être exempt de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de toutes les formes d'intolérance qui y est associée, a affirmé la délégation: le Portugal, qui ne fait pas exception à cet égard, combat ce fléau sans relâche par le biais d'efforts concertés. La lutte contre ce problème est ancrée dans le cadre législatif et les politiques nationales. Le Portugal appuie en outre l'action du système des Nations Unies dans ce domaine, y compris ses procédures spéciales et les organes conventionnels; il est aussi très actif dans le processus de suivi de la Conférence de Durban.

La délégation a salué la reconnaissance, par le Groupe de travail, des efforts de son pays en vue de combattre le racisme et la discrimination. Elle s'est félicitée que la politique nationale d'intégration axée sur les groupes sociaux vulnérables ait recueilli l'assentiment des experts. Certaines mesures sont reconnues au plan international en tant que bonnes pratiques, comme par exemple la création de Centres d'appui aux migrants, qui offrent des services d'intégration comme l'aide juridique, l'accès à l'éducation ou des soins de santé. D'autres services, tels le «Programme de choix» favorisent l'intégration des enfants démunis, dont la plupart sont des descendants de migrants vivant dans des conditions difficiles. Répondant à l'une des observations du Groupe de travail (absence de politiques spécifiques aux personnes d'ascendance africaine), la délégation a affirmé qu'il n'existe, certes, aucune mesure spécifique: le Portugal est d'avis que toutes les formes de racisme et d'intolérance sont inacceptables et doivent être combattues de façon non discriminatoire, pour offrir à tous le même degré de protection. Le Portugal applique donc une approche globale focalisée sur les individus les plus vulnérables, indépendamment de leur origine ethnique, nationalité, croyances ou origine culturelle.

Débat interactif

Pour le Maroc de même que pour l'Algérie, la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine devrait être l'occasion de mettre en œuvre les dispositions fondamentales de la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale et de la Déclaration et Programme d'action de Durban. Plusieurs thématiques devaient par ailleurs être intégrées dans le programme de la Décennie, notamment le droit à l'égalité, le droit à l'éducation, la lutte contre la discrimination ou encore le droit au développement, a plaidé l'Équateur. Le Honduras a ajouté que la Décennie devrait viser la création de sociétés fondées sur la justice et sur l'inclusion.

La mobilisation de la communauté internationale ne doit pas être vaine: elle doit se traduire par des actions plus soutenues et cohérentes, à travers un cadre global, a poursuivi le Sénégal au nom du Groupe africain. Mais, pour tenir ce pari, il faudrait rompre avec les déclarations d'intention et agir résolument en faveur des personnes d'ascendance africaine. Les États-Unis ont regretté le manque de volonté politique dans la lutte contre la discrimination, observant que l'énergie déployée par la diplomatie devrait servir à la mise en œuvre des instruments déjà existants, et non en créer de nouveaux.

L'Union européenne a demandé que l'on évite la hiérarchisation des violations des droits de l'homme et la victimisation, de même que le relativisme culturel: le risque serait de renoncer au principe d'universalité des droits de l'homme. Pour l'Union européenne, les mesures globales de discrimination positive ne peuvent résoudre le problème de la discrimination, non plus que la rhétorique politique ne suffira à vaincre le racisme. L'Union européenne, qui aurait préféré que l'analyse porte sur la valeur ajoutée qu'aurait apportée l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine (2011), est sceptique en ce qui concerne l'utilité de la Décennie.

Le Brésil a rappelé que la proclamation d'une Décennie avait constitué l'une des propositions de la «Déclaration de Salvador» adoptée en novembre dernier à Salvador de Bahia lors de la réunion de haut niveau ayant commémoré l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine. Le Brésil souligne par ailleurs l'importance de la proposition contenue dans le projet de programme en faveur de la création d'une instance sur l'ascendance africaine dans le cadre des Nations unies qui permettrait de disposer d'un mécanisme de coordination, de suivi et de consultation pour les organisations représentatives des personnes d'ascendance africaine. La Chine s'est félicitée de l'action du Groupe de travail en faveur de l'éradication du racisme et a indiqué qu'elle participait activement à toutes les initiatives de la communauté internationale en ce sens.

Les délégations ont fait largement part de leurs propres démarches en vue de la reconnaissance des peuples d'ascendance africaine. Le Mexique a rappelé qu'il comptait quelque 450 000 personnes d'ascendance africaine au sein de sa population, un groupe qui a pâti d'une sorte d'invisibilité historique et culturelle aux effets irrémédiables, principalement dans les domaines éducatifs, sociaux et économiques. Pour répondre à ce défi, l'État a pris un certain nombre d'engagements ayant pour base un cadre législatif protecteur contre tout type de discrimination. Un Guide de l'action publique a par ailleurs été élaboré récemment par le Conseil national de prévention de la discrimination. Le Pérou a indiqué qu'un décret gouvernemental reconnaissait les efforts et la lutte du peuple afropéruvien dans l'affirmation de l'identité péruvienne, dans la diffusion de valeurs culturelles et dans la défense du pays. En outre, a été créé le Musée national afropéruvien, qui se veut un espace de réflexion autant qu'un hommage à l'apport inestimable des personnes d'ascendance africaine dans la formation de la société et de l'identité péruviennes.

Le Royaume-Uni applique la loi sur l'égalité d'octobre 2010 visant à renforcer la législation permettant de lutter contre la discrimination. L'Uruguay a indiqué que son parlement examinait un projet visant à attribuer 8% des postes vacants de la fonction publique aux personnes d'ascendance africaine. Le Venezuela a présenté la série de mesures qu'il a adoptées en faveur de la connaissance de l'histoire et du respect des droits de l'homme des personnes d'ascendance africaine. Cuba a énuméré ses initiatives en faveur de l'équité, de la justice sociale et de la reconnaissance de l'apport africain au reste du monde.

L'Afrique du Sud a exprimé sa préoccupation face aux «obstacles procéduraux» qui tendent à retarder les travaux de préparation de la Décennie.

Le Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies a regretté que le Haut-Commissariat n'ait pas encore pleinement appliqué les décisions de l'Assemblée générale et du Conseil en ce qui concerne le programme d'activités et la campagne d'information en vue d'une sensibilisation à la Décennie des personnes d'ascendance africaine. La Décennie internationale pour les personnes d'ascendance africaine offre une occasion rêvée pour le renforcement de la campagne mondiale contre le racisme. La Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme a prié le Conseil d'adopter le programme d'action préparé par le Groupe de travail et s'est alarmée des nouvelles formes de violences à l'encontre des personnes d'ascendance africaine. Tiye International s'est félicité de la proclamation de la Décennie et chaleureusement accueilli le programme proposé par le Groupe de travail, en étroite collaboration avec les organisations de la société civile.

L'Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands lacs, qui s'exprimait également au nom du Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CIRAC) a déclaré que si le Groupe de travail attire régulièrement l'attention sur l'effrayante montée du racisme, de la xénophobie et de l'intolérance dans le monde, bon nombre d'États restent sourds aux appels lancés en vue de renforcer la protection des personnes d'ascendance africaine. Nord-Sud XXI a souligné l'importance de reconnaître les préjudices causés et d'accorder des réparations aux victimes de siècles d'exploitation.

Conclusion de la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail

MME SHEPHERD a invité toutes les délégations à s'associer à la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine. Elle a relevé qu'un bilan de l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine a bel et bien été établi: il montre qu'il faut poursuivre les efforts. Le Groupe de travail demande par conséquent à tous les États de renouveler leur engagement dans la lutte contre les discriminations, surtout lorsque les pratiques ne correspondent pas aux exigences de la législation. La Décennie pourrait également permettre de lutter contre les défis qui doivent encore être relevés, tout en ne s'adressant pas seulement aux personnes d'ascendance africaine, a encore analysé la présidente. Cette Décennie n'entrerait en outre pas en conflit avec les instruments ou processus en cours. Mme Shepherd a enfin dit comprendre que cette question n'est pas facile à accepter par certains États, en particulier ceux qui ont un passé esclavagiste et négrier. Mais, pour mieux vivre ensemble, il faudra bien se résoudre à affronter les problèmes, a conclu la Présidente du Groupe de travail.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC12/120F