Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES PRODUITS ET DÉCHETS DANGEREUX ET SUR LES FORMES CONTEMPORAINES D'ESCLAVAGE
Le Conseil des droits de l'homme a porté son attention, ce matin, sur les rapports annuels de M. Calin Georgescu, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, et de Mme Gulnara Shahinian, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage. Il a également entendu la Ministre des affaires étrangères du Bangladesh, Mme Dipu Moni.
La Ministre s'est félicitée de ce que le Conseil des droits de l'homme et ses mécanismes contribuent de manière déterminante à la promotion et à la protection des droits de l'homme et s'est a dit sa conviction que le dialogue est le meilleur moyen de promouvoir l'harmonie et la tolérance, le respect et la solidarité entre religions et cultures. Elle a aussi souligné qu'étant donné leur vulnérabilité économique et climatique, les pays les moins avancés ont besoin d'une aide particulière; si la responsabilité première du développement incombe aux autorités nationales, la communauté internationale a aussi la responsabilité de créer un environnement favorable au développement. Par ailleurs, les travailleurs migrants, qui contribuent aux économies à la fois des économies des pays hôtes et des pays d'origine, constituent une priorité pour le Bangladesh, et la Ministre a déploré que les préoccupations des ces populations migrantes ne fasse l'objet de trop peu d'attention, particulièrement dans les pays d'accueil. Évoquant enfin la situation dans son pays, elle a précisé que le Bangladesh est attaché à mettre un terme à la culture de l'impunité qui a prévalu pendant quatre décennies.
M. Georgescu a observé que, plus que toutes autres, les ressources hydriques sont sensibles à la gestion non rationnelle de substances dangereuses par les industries extractives. Le rapport relève que ces effets sont de moins en moins limités aux sites d'extraction, mais s'étendent désormais en aval, au point de poser des problèmes transfrontaliers. Le Rapporteur spécial a en outre rendu compte des missions qu'il a effectuées aux Îles Marshall et aux États-Unis, en mars et avril derniers, sur conséquences des essais nucléaires réalisés dans les atolls de Bikini et Eniwetok. Le Ministre des affaires étrangères des Îles Marshall, M. Phillip H. Muller, a fait une déclaration, ainsi que la délégation des États-Unis. Les autres délégations qui sont intervenues ont notamment relevé que le cadre normatif international n'est pas à la hauteur des défis qui se posent pour assurer une gestion écologiquement rationnelle des produits et déchets dangereux: cette carence, ajoutée à la quasi-absence de législations nationales, favorise la prolifération des produits et déchets dangereux. Il faudrait une réelle volonté politique et une approche globale intégrant la responsabilité des industries en cause, la prise en considération des intérêts des communautés locales et celle de la législation du travail.
Le rapport thématique de Mme Shahinian porte cette année sur la question des mariages serviles: cette pratique constitue une forme d'esclavage et ne doit pas être assimilée aux mariages arrangés, qui existent dans de nombreux pays et impliquent le consentement des deux parties. Ils doivent donc être explicitement interdits par la loi. La Rapporteuse spéciale a aussi rendu compte de sa mission au Liban, où elle s'est intéressée au sort des travailleurs domestiques. Mme Virginia Murillo, présidente du Conseil d'administration du Fonds fiduciaire volontaire des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, a également pris la parole, lançant en particulier un appel à contributions pour permettre au Fonds de s'acquitter des tâches qui lui ont été confiées. Le Liban a fait une déclaration en tant que pays concerné par le rapport de mission de la Rapporteuse spéciale. Les délégations qui ont participé au débat interactif ont regretté en particulier que, malgré les efforts des gouvernements et des parties concernées, l'éradication de l'esclavage reste malheureusement à l'ordre du jour. Au plan juridique, les États doivent légiférer contre l'esclavage et les pratiques qui y sont assimilées, punir les coupables et aider les victimes. Dans de nombreux cas, les efforts dans ce domaine doivent être coordonnés avec la lutte contre la violence sexuelle et la violence contre les femmes. Mais l'application des lois est déterminante et exige une collaboration entre toutes les institutions concernées, a-t-il été souligné.
Les États membres et observateurs suivants ont participé aux débats interactifs avec les Rapporteurs spéciaux: Sénégal, Saint-Siège, Uruguay, Autriche, Union européenne, Cuba, Thaïlande, Australie, Venezuela, Népal, Chili, États-Unis, Algérie, Allemagne, Arménie, Mauritanie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Maroc, Chine, Kirghizstan, Maldives, Argentine, Pérou, Indonésie, Royaume-Uni, Grèce, Équateur, Belgique, Malaisie, Roumanie, Guatemala et Côte d'Ivoire. Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance a aussi fait une déclaration, de même que plusieurs organisations non gouvernementales*.
Le Conseil tient, à la mi-journée, une réunion-débat sur la question des représailles dirigées contre les personnes ou les groupes qui coopèrent avec l'Organisation des Nations Unies et ses mécanismes.
Examen de rapports sur la gestion et l'élimination des produits et déchets dangereux et sur les formes contemporaines d'esclavage
M. CALIN GEORGESCU, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l'homme de la gestion et de l'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, a présenté son rapport (A/HRC/21/48) en observant que, plus que toutes autres, les ressources hydriques sont sensibles à la gestion non rationnelle de substances dangereuses par les industries extractives. Le rapport relève que ces conséquences néfastes sont de moins en moins limitées aux sites d'extraction, mais s'étendent désormais en aval, au point de poser des problèmes transfrontaliers, avec les conséquences juridiques que cela implique. Le rapport identifie à cet égard un certain nombre de lacunes juridiques dans les instruments juridiques en vigueur, notamment leur portée géographique restreinte et le nombre limité de signataires. Le Rapporteur spécial est néanmoins encouragé par les négociations en cours en vue de l'élaboration d'un instrument sur la pollution au mercure, qui devraient fournir l'occasion de dépasser la rhétorique pour parvenir à des engagements concrets. Au chapitre des recommandations, M. Georgescu préconise la promotion de la transparence au niveau des pays et des entreprises, y compris la publication des accords de partage de la production et des accords avec les pays hôtes.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte des missions qu'il a effectuées aux Îles Marshall, en mars dernier, et aux États-Unis, en avril (A/HRC/21/48/Add.1, disponible en anglais, arabe et russe seulement). La visite portait sur les conséquences des 67 essais nucléaires réalisés par les États-Unis sur les atolls de Bikini et d'Eniwetok entre 1946 et 1958. Évacuées, les populations concernées n'ont pu réintégrer leur domicile de manière permanente. Les essais ont eu des effets immédiats et à long terme sur la jouissance des droits de l'homme des habitants de l'archipel. Les radiations ont entraîné des décès et de graves problèmes de santé. Certes, les deux gouvernements ont pris des mesures dont il faut prendre acte. Mais d'autres dispositions sont nécessaires. Idéalement, les réparations concerner la restitution de ce qui a été perdu, soit un environnement propice aux modes de vie du Pacifique. Les États-Unis doivent continuer de collaborer avec les populations concernées en vue de l'amélioration de leurs conditions de vie. M. Georgescu, qui présente aujourd'hui son dernier rapport, a fait état d'un certain pessimisme quant à une éventuelle amélioration de la situation aux Îles Marshall dans un avenir proche.
Les problèmes environnementaux sont aujourd'hui d'une telle ampleur que le monde devra nécessairement changer, a averti M. Georgescu, en recommandant d'investir davantage dans les sciences et moins dans les armes et d'apprendre à valoriser plutôt la nature que la croissance économique.
MME GULNARA SHAHINIAN, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, présentant son rapport annuel (A/HRC/21/41) a souligné avoir toujours effectué ses visites dans les pays dans un esprit coopératif et ouvert, dans le but de comprendre et de recueillir les bonnes pratiques des États Membres et de les encourager à apprendre les uns des autres. Elle a donné un aperçu de ses missions au Liban en 2011, en Mauritanie et en Équateur en 2012, et en prévoit deux autres au Brésil et au Pérou à la fin de l'année. S'agissant de sa mission au Liban (A/HRC/21/41/Add.1), Mme Shahinian a constaté que les travailleurs domestiques migrants n'ont généralement pas de statut légal et où ils sont contraints de vivre au domicile de leur employeur. Soulignant les efforts importants du Gouvernement libanais pour remédier à ce problème, elle a indiqué qu'un projet de loi sur la question est en cours d'élaboration et une permanence téléphonique a été mise en place. La Rapporteuse spéciale a rappelé que les travailleurs domestiques migrants apportent une contribution indispensable à la société libanaise.
Portant son attention sur son rapport thématique, axé sur les mariages serviles, elle a souligné qu'il s'agit de mariage plus communément connu comme les «mariages forcés» ou «mariages précoces». Ces derniers constituent une forme d'esclavage et ne sauraient être assimilés aux «mariages arrangés», qui existent dans de nombreuses parties du monde et impliquent le consentement des deux parties. Les mariages serviles résultent de l'inégalité des hommes et des femmes et du manque d'éducation des filles, a-t-elle affirmé. Les victimes des mariages serviles sont assujetties à l'esclavage sexuel et à des formes de violence psychologique. Les normes internationales en matière de droits de l'homme exigent un âge minimum pour le mariage car un enfant n'est pas en mesure de consentir à un mariage. Mme Shahinian a appelé tous les États à s'assurer que les droits de l'enfant ne soient pas violés par les règles relatives au mariage. Les violations des droits de l'homme commises dans le cadre de mariages serviles ne se limitent pas aux filles et aux femmes, mais il existe encore trop peu d'informations au sujet de la situation des hommes dans ce contexte.
Les mariages serviles ne sauraient être tolérés ni justifiés pour des raisons culturelles, traditionnelles ou religieuses et doivent, en conséquence, être explicitement interdits par la loi, a-t-elle insisté. Cependant une approche strictement répressive ne suffira pas pour éradiquer ce fléau. Il faut également mettre en place des campagnes d'information publique et des programmes communautaires qui encouragent l'égalité d'accès à l'éducation pour les filles et les garçons. Finalement, la Rapporteuse spéciale a exhorté le Conseil à considérer les mariages forcés et précoces comme une forme d'esclavage, pour permettre aux États Membres, aux organisations internationales et à la société civile d'intervenir de manière stratégique et globale en vue de mettre un terme à cette pratique.
MME VIRGINIA MURILLO, Présidente du Conseil d'administration du Fonds fiduciaire volontaire des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, a rappelé que depuis sa création en 1991, le Fonds accorde des aides directes aux victimes de pratiques assimilées à l'esclavage dans tous les pays. Chaque année, des subventions d'un montant allant jusqu'à 15 000 dollars sont allouées aux organisations de la société civile qui apportent une assistance directe aux victimes. Le Fonds accorde la priorité aux projets qui lui sont signalés par la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage. Le Conseil d'administration exprime sa profonde reconnaissance aux pays membres qui ont contribué au Fonds depuis ses commencements. Mme Murillo a toutefois déploré que, dans le contexte de la crise actuelle, les contributions volontaires aient fortement diminué depuis deux ans. Le Conseil d'administration a par ailleurs attiré l'attention sur la réorganisation du Fonds en vue d'une plus grande efficacité. Elle s'est associée à l'appel du Secrétaire général aux États Membres pour qu'ils apportent leurs contributions au Fonds avant la fin de l'année, afin qu'il puisse s'acquitter de son mandat.
Pays concernés par des rapports de missions des experts
M. PHILLIP H. MULLER, Ministre des affaires étrangères des Îles Marshall, a déclaré que le programme d'essais nucléaires mené dans son pays a eu des conséquences incalculables sur la jouissance des droits de l'homme de la population. Deux résolutions des Nations Unies sur les essais nucléaires menés dans les Îles Marshall restent les deux seuls cas où les Nations Unies ont explicitement autorisé des essais d'armes nucléaires. Adoptées en 1954 et en 1956 afin de rejeter la pétition des Îles Marshall qui appelait à mettre un terme à ces essais, lesdites résolutions prévoyaient néanmoins des garanties d'équité, de justice et de respect des droits de l'homme qui n'ont jamais été respectées. Le déni de justice que le peuple des Îles Marshall continue de subir est absolument intolérable, a lancé le Ministre.
M. Muller a partagé les propos du Rapporteur spécial sur le caractère incertain des conséquences néfastes et des risques liés à une exposition à des radiations, y compris dans l'avenir. À cet égard, les efforts entrepris pour réhabiliter les terres contaminées doivent être poursuivis et étendus. Reconnaissant que les États-Unis ont déjà entrepris des efforts pour s'attaquer aux conséquences de leur programme d'essai d'armes nucléaires, il a cependant déclaré que beaucoup reste à faire en la matière. M. Muller a salué la série de recommandations formulées par le Rapporteur spécial, et appelé les États-Unis et la communauté internationale à les suivre. Le Conseil des droits de l'homme devrait assurer le suivi des recommandations du Rapporteur spécial au cours du prochain cycle de l'Examen périodique universel, a-t-il proposé.
Les États-Unis se sont félicités de la visite de M. Georgescu en avril dernier, pour des entretiens avec des experts de haut niveau chargés des programmes menés avec les Îles Marshall. Les États-Unis considèrent que la question des essais nucléaires ne relève pas de «la gestion et de l'élimination des produits et déchets dangereux», surtout quand elles sont qualifiées de «rationnelles» ou de «favorables à l'environnement». S'ils respectent l'indépendance des procédures spéciales des Nations Unies, les États-Unis n'en estiment pas moins que le rapport de M. Georgescu contient des affirmations contestables relatives aux droits de l'homme. Les États-Unis ont admis les effets négatifs des essais nucléaires et leur responsabilité à cet égard envers la population des Îles Marshall. Les États-Unis et ce pays ont conclu, en 1986, un accord définitif concernant les revendications au sujet des essais nucléaires. Le Gouvernement des États-Unis a ainsi accordé plus de six cents millions de dollars en dédommagements, fonds d'aide à la réinstallation, remise en état des atolls touchés et frais de santé liés aux radiations. Le programme de santé du Département de l'énergie consacre plus de six millions de dollars annuels au profit des atolls affectés, outre d'autres programmes publics de soins aux personnes touchées.
Le Liban a salué les efforts entrepris par la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, dont le rapport comporte une analyse approfondie de la question des travailleurs migrants. Cependant, certains passages du rapport sont mal documentés, comme l'allégation que tous les employeurs confisquent les passeports de leurs employés. Un grand nombre de travailleurs migrants arrivent chaque année et la servitude n'est pas une pratique courante au Liban. Les autorités ont déployé des efforts dans le souci de garantir les droits de l'homme des travailleurs migrants et ont notamment mis en place à leur intention une permanence téléphonique.
Débats interactifs
À l'occasion du débat interactif sur les produits et déchets dangereux, les intervenants ont mis l'accent sur la nécessité d'une gestion écologique, de la responsabilisation des États et des entreprises, ainsi que des réparations pour les dégâts causés à l'environnement et pour les populations touchées. Certains intervenants ont également souligné que, ce faisant, il faudrait prendre en considération le degré de développement économique des pays, voire d'appliquer le principe du «pollueur-payeur». D'autres ont également soulevé la question de l'élaboration de normes internationales contraignantes pour l'élimination des déchets des industries extractives et pour certains produits polluants comme le mercure.
Le Sénégal a ainsi déclaré que, face à un état des lieux très pessimiste en matière de gestion et d'élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, le Groupe africain partage la plupart des recommandations du rapport de M. Georgescu. En particulier, le cadre normatif international n'est pas à la hauteur des défis qui se posent. Cette carence, ajoutée à la quasi-absence de législations nationales, favorise la prolifération des produits et déchets dangereux. Il reste entendu qu'il faudrait, de plus, une réelle volonté politique, une approche holistique intégrant la responsabilité des industries en cause, la prise en considération des intérêts des communautés locales et celle de la législation du travail. Les lignes directrices relatives aux droits de l'homme et aux entreprises devraient constituer, aux yeux du Groupe africain, une source d'inspiration, outre de bonnes pratiques que pourrait proposer le nouveau Rapporteur spécial.
L'Union européenne a observé que le rapport de M. Georgescu souligne la nécessité de protéger les défenseurs de l'environnement, à ce titre souvent victimes de violations de leurs droits de l'homme. L'Union européenne relève que les entreprises transnationales du secteur minier sont de mieux en mieux conscientes de leurs responsabilités sociales d'entreprise. L'Union européenne a demandé au Rapporteur spécial si les difficultés au titre des droits de l'homme sont les plus grandes chez les entreprises locales ou nationales du secteur, ou chez les sociétés transnationales.
Cuba a observé que toute recommandation doit tenir compte du degré de développement économique des États concernés, tous n'ayant pas les moyens d'adopter les mesures nécessaires. La coopération internationale joue un rôle déterminant à cet égard, surtout dans le contexte de la responsabilité historique des pays industrialisés. Cuba soutient la position des Îles Marshall, exprimée par son Ministre des affaires étrangères, dont la population souffre toujours des effets des essais nucléaires: les États-Unis doivent en dédommager les victimes. L'Australie s'est félicitée du rapport de M. Georgescu en tant que contribution au dialogue constructif entre les Îles Marshall et les États-Unis, dans un esprit de compréhension et de réconciliation, au profit du peuple des Îles Marshall.
L'Uruguay a précisé que les négociations actuelles autour d'un instrument juridique contraignant sur le mercure, mentionné par le Rapporteur spécial, se tiennent justement en Uruguay. L'adoption de cet instrument permettrait de protéger des populations entières des risques particulièrement graves de cette substance, a noté la délégation. Le Chili a souligné la nécessité d'une règlementation au niveau mondial pour l'élimination des déchets des industries extractives. Cette réglementation, bien que contraignante, ne doit pas faire obstacle au développement notamment des pays du Sud, a poursuivi son représentant. L'Indonésie a salué les discussions en cours, à l'échelle internationale, aux fins d'un contrôle de l'usage du mercure, dans l'objectif ultime d'y mettre un terme. En revanche, l'Indonésie a estimé que le rapport n'examine pas assez la question du flux des déchets entre pays développés et en développement.
De leur côté, les États-Unis ont rappelé qu'il existe déjà un certain nombre d'instruments internationaux contraignants pour la gestion et l'élimination de déchets, que ce pays s'est engagé à respecter et appliquer, en particulier celle relative au mercure, a affirmé son représentant. La communauté internationale devrait, au contraire, chercher à mettre en œuvre ces instruments au lieu d'envisager de nouvelles réglementations, a déclaré le représentant. Néanmoins, la Nouvelle-Zélande a rappelé que le Forum des Îles du Pacifique n'a eu de cesse de demander aux États-Unis de remplir leurs obligations par l'adoption de mesures de compensation adéquates pour leurs responsabilités envers les Îles Marshall, qui ont été affectées par les essais nucléaires américains dans le Pacifique alors qu'ils administraient les Îles Marshall au nom des Nations Unies. Cette demande a été introduite au sein de tout le système des Nations Unies, a encore rappelé la délégation néozélandaise.
Pour l'Algérie, la nature multisectorielle de la question des déchets nécessite une coopération entre plusieurs titulaires de mandats, notamment ceux chargés de la santé, de l'environnement et de la question des entreprises transnationales. Le Maroc a souligné que la problématique des déchets exigeait davantage d'attention de la part de la communauté internationale. Il a souligné l'importance d'assurer l'assistance technique et financière nécessaire pour aider les pays en développement à mettre en place des systèmes de gestion adéquats et durables des déchets toxiques. Le Maroc s'est pour sa part doté d'une législation visant à instaurer une gestion écologiquement rationnelle des déchets.
Les Maldives estiment qu'il faut mettre un terme aux pratiques nuisibles à l'environnement, rappelant que l'entière population des Îles Marshall avait été affectée par la dégradation environnementale due aux essais nucléaires.
La Chine a pour sa part donné un aperçu de ses efforts tendant à une rationalisation de la gestion des déchets dangereux par l'adoption d'une série de mesures spécifiques. Ainsi, un travail de sensibilisation a été amorcé avec la collaboration de partenaires internationaux. La priorité est donnée à la gestion des déchets qui ont des retombées sur la santé de la population.
Le Pérou s'est penché sur les nouveaux problèmes générés par les activités d'extraction, non seulement en matière de gestion des déchets mais aussi d'esclavage et de travail des enfants dans les mines et les carrières. Ce pays s'est déclaré favorable à un régime complet et juridiquement contraignant, qui s'avère indispensable pour garantir la sécurité des populations. Le Guatemala a préconisé la tenue de débats supplémentaires sur les effets néfastes des industries extractives afin de parvenir à une solution commune et d'encourager à la mise en œuvre effective de la responsabilité civile des entreprises et du principe de «pollueur-payeur» La Malaisie, quant à elle, a recommandé une position modérée sur la question des traitements des déchets, arguant du droit légitime d'un État de bénéficier des progrès inhérents à cette industrie. S'agissant des Îles Marshall, le représentant malaisien s'est demandé à qui incombait la principale responsabilité: aux Nations Unies, qui ont donné mandat aux États-Unis pour administrer les Îles Marshall en leur nom, ou à ce pays pour les essais nucléaires pratiqués durant cette période?
La Côte d'Ivoire a déclaré que l'absence totale de législations spécifiques en matière de traitement de déchets expose les populations à des risques graves, comme son pays en a fait l'expérience. Dès lors, a affirmé sa représentante, une réglementation internationale contraignante s'impose. Faisant référence à la pollution occasionné par l'accident industriel de 2000 évoqué dans le rapport, la Roumanie a assuré que celle-ci n'affectera pas durablement l'écosystème, qui serait susceptible de se reconstituer dans dix ou vingt ans.
Intervenant à la fin du dialogue, plusieurs organisations non gouvernementales ont mentionné en particulier les répercussions des essais nucléaires des États-Unis dans les Îles Marshall, qui ont fait l'objet de témoignages de survivants. Nuclear Age Peace Foundation a déploré que les indemnisations et les mesures palliatives des États-Unis se soient révélées insuffisantes pour réparer les dégâts causés aux Îles Marshall. Son représentant appuie la proposition du Rapporteur spécial pour que des mesures stratégiques à long terme soient mises en œuvre pour garantir une réparation adéquate aux habitants des Îles Marshall. Amnesty International a rappelé le cas du Probo Koala en Côte d'Ivoire en 2006, déplorant l'absence d'informations de la part de la société responsable sur la nature des déchets dispersés, ce qui n'a pas permis de prendre médicalement en charge les victimes de manière appropriée.
Physicians for Social Responsibility a donné la parole à M. Jeban Riklon, un survivant des tests atomiques aux Îles Marshall, qui a témoigné que la population n'a pas été évacuée afin que de servir de cobayes sur les effets des radiations. Il a raconté les séquelles et les maux subis lors de ces expérimentations dont le caractère était ultrasecret. La population n'avait pas donné son assentiment, a-t-il encore précisé. Une représentante de Cultural Survival, Mme Lemeyo Abon, s'est également présentée comme une survivante des tests nucléaires dans l'archipel, alors qu'elle était fillette. Elle a raconté les souffrances endurées, notamment des brûlures douloureuses accompagnées d'une chute des cheveux. Évoquant des traitements inhumains, elle a expliqué que la prise en charge par des médecins n'avait pas consisté à soigner la population mais à recueillir des renseignements sur les effets des radiations dans un but expérimental et de recherche scientifique, notamment pour savoir comment protéger les militaires en cas de guerre. Elle a fait état des «conséquences extrêmement douloureuses», notamment pour les descendants des victimes irradiées qui souffrent couramment de malformations aussi diverses qu'atroces.
Dans le débat avec la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, toutes les délégations ont dénoncé la pratique des mariages serviles et exhorté à examiner les causes profondes de ce phénomène, en particulier la pauvreté et les pratiques culturelles préjudiciables. Le Saint-Siège a rappelé que la doctrine sociale de l'Église repose sur le principe que la famille doit être fondée sur l'union librement consentie des deux époux. Le Saint-Siège condamne donc la pratique du mariage servile et rappelle que tout être humain dispose d'une dignité propre et inaliénable. La persistance de l'esclavage est imputable à de nombreux facteurs, dont le manque d'éducation. L'Union européenne a rappelé que si les mariages forcés sont assimilés à l'esclavage depuis 1956, la communauté internationale ne s'est pas encore vraiment saisie de ce problème. La délégation a demandé à la Rapporteuse spéciale quelles sont, à son avis, les étapes prioritaires dans l'établissement de statistiques sur ce problème. L'Autriche a souligné l'importance des campagnes de sensibilisation des victimes, entre autres mesures de prévention. L'Autriche a fait réaliser des brochures et autres matériels pédagogiques, en collaboration avec des intervenants sur le terrain en Afrique, en particulier.
Pour le Venezuela, le fléau de l'esclavage découle de l'exploitation capitaliste qui sévit encore. Cuba a observé que ce problème se rencontre aussi dans les pays industrialisés. Elle note que les recommandations concernant l'éradication de l'esclavage doivent tenir compte des spécificités culturelles. Un effort d'éducation sera indispensable, quoi qu'il en soit.
La Thaïlande a noté que malgré les efforts des gouvernements et des parties concernées, l'éradication de l'esclavage reste malheureusement une tâche à accomplir. Au plan juridique, les États doivent légiférer contre l'esclavage et les pratiques qui y sont assimilées, punir les coupables et aider les victimes. Dans de nombreux cas, les efforts dans ce domaine doivent être coordonnés avec la lutte contre la violence sexuelle et la violence contre les femmes. Mais les lois ne sont pas une fin en soi: leur application est déterminante et exige une collaboration entre toutes les institutions concernées.
L'Allemagne a déploré la persistance des mariages serviles de par le monde, ce qui, selon la Norvège conduit à une exclusion et à la réduction des femmes à une marchandise. Ce à quoi les États-Unis ont ajouté qu'il s'agit là de violences sexistes, qualifiées par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance comme une grave violation des droits de l'homme, en particulier des femmes et des enfants. Dans ce contexte, les délégations ont appelé à la lutte contre ce phénomène, en s'attaquant en particulier à ses causes premières, que sont la pauvreté et l'ignorance ou encore des pratiques et croyances culturelles ou religieuses, citées par certaines délégations comme le Népal. Une des mesures envisageables consisteraient à relever l'âge minimum pour le mariage ou à promouvoir l'application des instruments pertinents en matière de droits de l'homme, a suggéré l'Arménie.
Le Maroc a souligné qu'il convenait de prendre en considération les causes profondes qui génèrent le phénomène du mariage servile, à savoir la pauvreté et la précarité dont l'élimination passe par une garantie de la jouissance du droit au développement. Le pays s'est doté d'une stratégie de promotion de la condition de la femme centrée sur la mise en place de dispositifs institutionnels et juridiques pour l'élimination des violences faites aux femmes.
La Mauritanie lutte énergiquement contre la pratique esclavagiste historiquement ancrée dans son pays, tout en se félicitant des résultats déjà obtenus. La Chine s'oppose à toute coercition exercée sur les femmes et les enfants, en particulier par le mariage et l'une des premières grandes réformes législatives entreprises par les autorités chinoises a consisté à interdire les mariages arrangés, tout comme le viol conjugal. Le Kirghizistan a déploré que la pratique d'enlèvements des fiancées ait été pratiquée massivement malgré le fait qu'elle soit interdite par la législation kirghize, ainsi que le souligne le rapport de Mme Shahinian; des campagnes d'information ont été menées sur le thème: «l'enlèvement de fiancées n'est pas une tradition, c'est un crime». L'Indonésie a souligné que le mariage servile réduisait la femme - trop souvent encore enfant - à l'état de «chose». Une ordonnance présidentielle de 1991 stipule que le mariage repose sur le consentement libre des deux conjoints; dans le cas contraire, il est susceptible d'être considéré comme nul et non avenu. L'Indonésie a appelé par ailleurs de ses vœux l'établissement d'un rapport sur le lien pouvant exister entre la situation des travailleurs migrants et les formes contemporaines d'esclavage. Le Royaume-Uni a indiqué de son côté que le Premier ministre britannique avait annoncé un projet de loi érigeant en crime le mariage forcé en Angleterre et au Pays de Galles.
Pour l'Argentine des politiques publiques actives des États étaient indispensables pour éradiquer cette pratique. La liberté des conjoints est essentielle en matière de mariage. L'Équateur a ajouté qu'en dépit de mesures prises par les États, la violence à l'égard des femmes est souvent profondément enracinée dans les cultures. Pour la Belgique, ce phénomène se fonde sur des pratiques discriminatoires multiples. Ce pays ainsi que la Grèce ont invité la Rapporteuse spécial d'approfondir la stratégie qu'elle suggère au Conseil et de recenser les bonnes pratiques sur la question des mariages serviles.
Le Pérou s'est félicité d'accueillir, en novembre prochain, un atelier visant à l'identification des obstacles majeurs et des pratiques optimales dans la prévention et l'élimination des formes contemporaines d'esclavage.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont pris part au débat pour exhorter les États à relever l'âge minimum du mariage et insisté sur le fait que tout mariage d'enfant est un mariage servile. Défense des enfants - international a affirmé que les mariages serviles s'apparentaient à l'esclavage et généraient diverses formes de violence. Aucune pratique culturelle, traditionnelle ou religieuse ne saurait être invoquée à cet égard. Les garçons peuvent aussi en être victimes, a-t-elle rappelé. Quant aux filles mariées précocement, elles risquent des séquelles physiques, a-t-elle déclaré. L'Union internationale humaniste et laïque a expliqué que le mariage des enfants était toujours un mariage forcé, expliquant que l'une des conséquences néfastes de cette pratique pouvait aller jusqu'à entraîner la mort en couches à cause du trop jeune âge des noces. Le représentant a aussi fait état de séquelles psychologiques et exhorté les États à tout mettre en œuvre pour abolir cette pratique.
La représentante d'Action Canada pour la population et le développement a indiqué qu'il était monnaie courante que l'âge minimum du mariage ne soit pas respecté, particulièrement pour les filles. Elle a cité les cas de l'Inde et du Pakistan en particulier. Franciscains International a fait remarquer que les conversions religieuses forcées de fillettes appartenant à des minorités religieuses étaient souvent liées aux mariages forcés, et qu'un tel problème était fréquent dans plusieurs régions du Pakistan. L'organisation a prié ce pays de consacrer davantage de moyens à la prévention et à la lutte contre les mariages serviles.
Conclusions des Rapporteurs spéciaux
M. GEORGESCU a estimé que la communauté internationale devrait mettre en place un système juridique pour la gestion du cycle des déchets industriels, notamment du mercure. S'agissant de la situation aux Îles Marshall, le Rapporteur spécial a déclaré que les déchets nucléaires continuent d'avoir un impact important sur les populations de l'archipel. La communauté internationale doit participer aux efforts pour venir en aide à ces populations car il ne s'agit pas seulement d'un problème bilatéral, a-t-il conclu.
MME SHANINIAN s'est déclarée satisfaite de la participation des délégations, qui témoigne de leur volonté de combattre le phénomène de l'esclavage. Au vu des bonnes pratiques qui se sont multipliées dans le monde, il s'avère que le problème demeure celui de la pénalisation, a noté la Rapporteuse spéciale, soulignant qu'une approche globale était de mise pour s'attaquer au phénomène des mariages forcés ou serviles. S'attaquer à la pauvreté ou mener des campagnes de sensibilisation ne suffit pas, a-t-elle souligné.
Allocution de la Ministre des affaires étrangères du Bangladesh
MME DIPU MONI, Ministre affaires étrangères du Bangladesh, s'est félicitée de ce que le Conseil des droits de l'homme et ses mécanismes contribuent de manière déterminante à la promotion et à la protection des droits de l'homme. Grâce à ses procédures spéciales, à son mécanisme de plainte et à l'examen périodique universel, le Conseil ne se contente pas de dénoncer les violations des droits de l'homme: il prodigue aussi des remèdes aux innombrables victimes de ces violations, partout dans le monde. C'est pourquoi le Bangladesh, qui achève en ce moment son mandat de quatre ans en tant que membre du Conseil, a renforcé sa collaboration avec le Conseil et ses mécanismes. La position de principe du Bangladesh est que tous les droits de l'homme sont égaux, indivisibles et interdépendants, et qu'ils se renforcent mutuellement. Le Bangladesh considère que le mécanisme de l'examen périodique universel est l'un des grands succès du Conseil. Il s'agit d'un exemple unique d'universalité, d'impartialité et de non-sélectivité. Il a suscité en environnement ouvert et constructif, réaffirmant que la promotion et la protection des droits de l'homme devraient être fondées sur les principes de coopération et de dialogue authentique. Le Bangladesh est convaincu que le dialogue est le meilleur moyen de promouvoir l'harmonie et la tolérance, le respect et la solidarité entre religions et cultures.
Au chapitre des défis pour les pays les plus pauvres, le changement climatique suit un cours irréversible qui impose un changement de comportement immédiat, a ajouté Mme Moni. Les crises économiques à répétition jettent les populations du monde dans la misère. Il devient dans ces conditions très difficile d'œuvrer dans le sens des trois piliers du développement durable: le progrès social, la croissance économique et la protection de l'environnement. Vu leur vulnérabilité économique et climatique, les pays les moins avancés ont besoin d'une aide particulière. Or, Mme Moni a déploré à cet égard que les partenaires au développement ne respectent pas leurs engagements en termes d'aide directe et que de nombreux marchés restent encore fermés au commerce des pays les moins avancés. Ces difficultés ne peuvent que mettre en relief l'importance du droit au développement. La Ministre a souligné que l'on pouvait convenir du fait que la responsabilité première du développement incombait aux autorités nationales. Toutefois, la communauté internationale a aussi la responsabilité de créer un environnement favorable au développement qui soit complémentaire aux efforts nationaux.
Les travailleurs migrants contribuent aux économies à la fois des économies des pays hôtes et des pays d'origine. Or, les droits et les préoccupations des ces populations migrantes font l'objet de trop peu d'attention, particulièrement dans les pays d'accueil. Les droits des travailleurs migrants constituent une priorité pour le Bangladesh, en tant qu'important pays de départ. Il est décevant de constater le très faible engagement international en faveur de la promotion et de la protection des droits des travailleurs migrants. La Ministre a dit vouloir profiter de cette occasion pour appeler les États hôtes d'assurer la sécurité et le bien-être de tous les travailleurs migrants.
Mme Moni a par ailleurs évoqué la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, rappelant les droits légitimes et inaliénables de cette population qui y sont actuellement couramment violés. Elle a constaté que l'on était témoin des changements importants au Maghreb et au Moyen-Orient. Si ces changements sont censés avoir un impact positif sur la jouissance des droits de l'homme, la poursuite de la violence en Syrie est un sujet de grave préoccupation. Le gouvernement bangladais souhaite qu'émerge une solution démocratique dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de ce pays.
Évoquant enfin la situation dans son pays, elle a précisé que la justice du Bangladesh aurait à juger les responsables de violations des droits de l'homme, son Gouvernement étant attaché à mettre un terme à la culture de l'impunité qui a prévalu pendant quatre décennies.
Organisations non gouvernementales*: Nuclear Age Peace Foundation, Amnesty International, Physicians for Social Responsibility, Cultural Survival, Défense des enfants - international, Union internationale humaniste et laïque, Action Canada pour la population et le développement et Franciscains International.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
HRC12/102F