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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES QUESTIONS RELATIVES AUX POPULATIONS AUTOCHTONES

Compte rendu de séance
Il entend les derniers orateurs dans le cadre du débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention

Le Conseil des droits de l'homme a entamé, ce matin, l'examen du rapport annuel du Rapporteur spécial sur les populations autochtones, ainsi que le rapport du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, après avoir entendu une trentaine d'organisations non gouvernementales dans le cadre du débat général, entamé hier, sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil, ainsi des délégations de pays exerçant le droit de réponse.

M. James Anaya, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, a indiqué que son rapport thématique concerne cette année la question de la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones, ainsi que le problème des relations entre les populations autochtones et les industries extractives opérant en territoire autochtone. Il a en outre rendu compte des missions qu'il a effectuées en Argentine et aux États-Unis. Il constate notamment que, si les autorités argentines ont pris des mesures importantes pour reconnaître les droits des peuples autochtones, il reste un écart important entre la protection juridique des peuples autochtones et son application concrète et le gouvernement doit donner la priorité aux droits de l'homme des peuples autochtones au niveau fédéral et provincial. Aux États-Unis, il a relevé des progrès importants, pouvant constituer autant de bonnes pratiques, en faveur des peuples autochtones, mais de nouvelles mesures devront être prises pour favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones et résoudre un certain nombre de problèmes hérités de l'histoire. L'Argentine et les États-Unis sont intervenus à titre de pays concernés par le rapport de M. Anaya, de même que le Défenseur du peuple de l'Argentine.

M. Wilton Littlechild, Président-Rapporteur du Mécanisme d'experts sur les droits de l'homme des peuples autochtones, a présenté les travaux de la cinquième session du Mécanisme d'experts, en juillet dernier, qui a notamment été l'occasion, pour la première fois, d'un dialogue interactif avec le Rapporteur spécial et le Président du Forum permanent sur les questions autochtones au sujet de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Une représentante du Fonds volontaire des Nations Unies pour les peuples autochtones a décrit le rôle du Fonds et lancé un appel aux donateurs publics et privés.

Le Guatemala, le Mexique et l'Union européenne ont été les premiers orateurs dans le cadre du débat interactif qui a suivi ces exposés et qui se poursuivra cet après-midi.

En début de séance, les organisations non gouvernementales* ont fait des déclarations dans le cadre du débat général sur les situations de droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil. L'Ouzbékistan, Cuba, la Chine, Bahreïn, l'Éthiopie, le Soudan, le Honduras et le Paraguay ont exercé le droit de réponse s'agissant de déclarations faites au cours de ce débat.


Le Conseil reprendra le débat avec M. Anaya et M. Littlechild vers 15 heures, après la réunion-débat qui se tient à la mi-journée sur la question de l'accès des peuples autochtones à la justice.


Situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent l'attention du Conseil

Fin du débat général (ONG)

Le Centre for Inquiry International a déploré les mesures d'exclusion des femmes de l'enseignement supérieur iranien, ce qui revient à perpétuer leur assujettissement en tant que citoyens de deuxième catégorie. La représentante a engagé le Gouvernement de l'Iran à respecter ses obligations en vertu du droit international.

Le Conseil mondial de l'environnement et des ressources a condamné la législation au Pakistan, dont les dispositions d'ordre discriminatoire à l'égard des minorités religieuses conduisent à des violences et à des assassinats, et prié ce pays de revoir ses lois et de traduire en justice les auteurs de ces violences.

Le Non-Violent Radical Party Transnational and Transparty a dénoncé la situation des droits de l'homme en Chine, en mettant l'accent sur le problème des transplantations d'organes prélevés sur des adeptes du Falun Gong détenus.

France libertés- Fondation Danielle Mitterrand a déclaré que la situation des droits de l'homme au Sahara occidental a été trop longtemps négligée par le Conseil des droits de l'homme. Lors de manifestations pacifiques en 2010, quelque 700 prisonniers politiques ont subi des mauvais traitements au cours d'interrogatoires. Ces prisonniers attendent toujours leur libération et certains d'entre eux seront jugés par des tribunaux militaires. Leurs conditions de détention sont inacceptables au regard du droit international.

La Commission to Study the Organization of Peace a relevé la situation désastreuse du peuple lhotshampa au Bhoutan. Un grand nombre de ces Bhoutanais du Sud s'est réfugié à l'étranger en raison des discriminations et du retrait de leur nationalité bhoutanaise.

L'Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale a défendu les droits des populations sahraouies vivant dans les camps administrés par des groupes séparatistes armés. La population de ces camps vit dans la précarité et le désarroi face aux violations quotidiennes de leurs droits de l'homme. Le Conseil doit œuvrer pour garantir les droits fondamentaux des Sahraouis.

La Fondation Pasumal Thaayagam a salué le travail de la Commission d'enquête sur la situation des droits de l'homme en Syrie et souhaité la reconduction de son mandat. La reddition de comptes pour les auteurs de crimes est cruciale, faute de quoi la nation syrienne demeurera paralysée par le conflit. L'ONG a par ailleurs dénoncé des violations graves des droits de l'homme à Sri Lanka, déplorant qu'une commission d'enquête ne soit pas mise sur pied afin de faire toute la lumière sur ces crimes.

Le Mouvement international de la réconciliation a montré du doigt la Suisse pour sa législation visant à l'exclusion des réfugiés et demandeurs d'asile, personnes qui ont justement fui des pays dont la Suisse a pourtant condamné les violations des droits de l'homme, comme l'Erythrée et la Turquie. En conséquence, le représentant a appelé le Conseil à faire pression sur la Suisse pour qu'elle renonce à ces lois.

Libération a déclaré que les huit États du Nord-Est de l'Inde et leurs populations autochtones sont confrontés à une immigration clandestine massive en provenance de l'étranger. Le Gouvernement indien n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire face à cette menace, a regretté le représentant. Dans ce contexte, Libération lance un appel à l'Inde afin qu'elle protège ses populations autochtones et s'abstenir de pratiques discriminatoires.

L'International Buddhist Relief Organisation a elle aussi dénoncé les conditions de vie difficile des populations autochtones du nord-est de l'Inde, dont les droits économiques et sociaux sont bafoués par les autorités indiennes et par des entreprises étrangères, alors que les forces militaires et paramilitaires commettent des exactions.

La World Barua Organization a dénoncé les violations des droits de l'homme des personnes appartenant à des castes, les dalits en particulier. Elle a recommandé l'instauration d'un enseignement public gratuit pour les dalits, qui sont actuellement contraints de fréquenter des écoles privées, très chères et difficiles d'accès.

Le Iranian Elite Research Center s'est érigé contre les atteintes aux droits de l'homme, notamment des agressions sur des femmes et des viols, commises par le Gouvernement de Bahreïn et par ses agents de l'ordre depuis les manifestations pacifiques réclamant des réformes. Le Conseil doit examiner objectivement la violation flagrante des droits de l'homme au Bahreïn.

Nord-Sud XXI a attiré l'attention du Conseil sur des questions qui ne sont pas inscrites à l'ordre du jour du Conseil. Depuis l'invasion illégale de l'Iraq en 2003, des violations des droits de l'homme sont commises quotidiennement. Il faut mettre un terme à cette situation catastrophique. Elle a en outre préconisé l'établissement d'un mandat de Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et le changement climatique.

Le Conseil indien d'Amérique du Sud a déclaré que les peuples autochtones rencontrent des difficultés dans le cadre des consultations avec les autorités gouvernementales, surtout en Bolivie et au Pérou. Ces populations désirent garantir la protection de leurs territoires et de leur environnement, en les mettant à l'abri de l'exploitation. L'Alaska et Hawaii continuent de s'opposer à leur annexion illégale par les États-Unis. L'Alaska a été retiré de la liste des territoires non-autonomes par l'Assemblée générale suite à la présentation d'informations fallacieuses, a-t-il conclu.

L'Union internationale humaniste et laïque a affirmé que la circoncision non thérapeutique des nourrissons mâles est une atteinte aux droits de l'homme d'enfants vulnérables en raison des croyances de leurs parents. Consciente des divergences de vues et des susceptibilités autour de cette question pour certains groupes religieux, l'Union a réitéré que cette position ne vise qu'à permettre aux enfants de prendre une décision éclairée à ce sujet lorsqu'ils deviennent adultes.

L'International Human Rights of American Minorities a souligné que la culture de l'impunité est responsable des violences à l'égard des femmes et d'enfants en Inde où une loi protège les forces militaires et paramilitaires présentes au Jammu-et-Cachemire contre toutes poursuites judiciaires. La liberté d'expression et d'association a été muselée, des dirigeants politiques arbitrairement détenus et des journalistes harcelés, a dénoncé l'organisation.

Le Congrès du monde islamique a lui aussi accusé les forces militaires et paramilitaires indiennes présentes au Jammu-et-Cachemire de bénéficier d'une impunité totale pour les violations des droits de l'homme dont elles se rendent coupables, alors que l'Inde siège au Conseil. L'organisation a déploré le refus de l'Inde de résoudre cette situation ainsi que l'inaction du Conseil.

La Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme a déploré que, plus de vingt ans après l'adoption par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme d'une résolution sur la situation au Tibet, les droits de l'homme en Chine, ceux des minorités mongole, tibétaine et ouighour, soient constamment violés par la colonisation chinoise.

L'International Educational Development a dénoncé le placement forcé et l'assassinat, par la Chine, d'adeptes du Falun Gong dans des institutions de santé. De tels actes barbares sont destinés à alimenter le marché d'organes destinés à la transplantation illégale, a affirmé cette organisation.

L'Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands Lacs a dénoncé l'exploitation des droits de l'homme à des fins politiques et déploré la couverture médiatique des manifestations de janvier 2010 au Maroc par les médias espagnols. L'ONG a salué le jugement rendu à ce propos par la justice belge en sa faveur et a demandé à la communauté internationale de se saisir de la question.

L'Agence internationale pour le développement a déclaré que le mouvement rebelle du Polisario, qui contrôle les camps de réfugiés sahraouis, interdit aux institutions des Nations Unies d'en recenser la population, alors que la base de toute assistance humanitaire est le recensement, qui permet de déterminer les besoins. Cette situation unique au monde est illégale, a affirmé l'agence.

L'Internationale démocrate de centre a déclaré que l'aide humanitaire destinée aux camps de réfugiés au Sahara occidental est détournée par le Front Polisario, qui les revend sur les marchés des pays voisins. Il a recommandé de procéder au recensement de la population des camps et d'autoriser sa liberté de mouvement.

Le Center for Environmental and Management Studies a souligné qu'au lendemain de la chute du régime des taliban en 2001, on espérait une amélioration de la condition de la femme en Afghanistan, mais aujourd'hui encore, dans les zones sous contrôle taliban, les femmes ne jouissent par d'une égalité des chances, en particulier s'agissant de l'accès à l'éducation.

L'Association internationale des écoles de service social a souligné l'importance de l'éducation aux droits de l'homme, qui permet aux individus de jouir de leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la santé, à l'autodétermination et à la paix.

Women's Human Rights International Association a rappelé que, selon le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le camp de la Liberté en Iraq est comparable à un centre de détention et les personnes qui y vivent sont privées de leurs droits fondamentaux. Dans ce contexte, la représentante a demandé au Gouvernement iraquien d'examiner cette question et au Haut-Commissariat aux droits de l'homme de se rendre dans ce camp.

L'Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud a alerté le Conseil sur la «talibanisation» sociale au Pakistan, alors que les attaques contre les femmes se multiplient, notamment en aspergeant leur visage d'acide. Pour le représentant, cette stratégie délibérée vise à la violation du droit du peuple de la province du Baloutchistan à l'autodétermination.

The Democracy Coalition Project a déclaré que les attaques contre la société civile iranienne, et l'opposition politique se poursuivent, notamment contre la minorité arabe. Les femmes sont également de plus en plus visées, le port du voile leur étant de plus en plus imposé, a-t-il poursuivi. En conséquence, cette organisation non gouvernementale invite le Gouvernement iranien à renoncer à ces représailles et à réviser le code pénal.

Droit de réponse

L'Ouzbékistan a répondu aux déclarations fallacieuses et à caractère politique des États-Unis et de la Belgique à son encontre. L'Ouzbékistan déplore la multiplication des actes et propos de discrimination religieuse aux États-Unis, dont certains sont le fait de représentants de l'État. De même, la Belgique ne respecte pas ses obligations internationales en matière de liberté religieuse ni d'accès à l'éducation. De surcroît, selon le Haut-Commissariat, ce pays n'aurait répondu qu'à cinq des 26 questionnaires soumis par les procédures spéciales. L'Ouzbékistan est fermement engagé à la protection de la liberté religieuse, pleinement garantie par sa Constitution.

Cuba a déclaré que les États-Unis et ses alliés, notamment la Suède, n'ont pas à s'arroger le droit de la critiquer. Les États-Unis doivent cesser les violations des droits de l'homme commises en période de conflit dans plusieurs pays et poursuivre les auteurs de violations des droits de l'homme vivant sur leur sol. Quant aux autorités de la Suède, elles doivent remédier à la recrudescence de comportements à caractère raciste, discriminatoire et xénophobe sur leur territoire.

La Chine a rejeté les allégations des États-Unis et de l'Allemagne, et répliqué qu'elle garantit pleinement le droit de culte et de liberté de religion, comme en témoigne le nombre élevé de lieux de culte en Chine. Il revient aux habitants de la région du Tibet de décider de leur destin, et non à des intervenants extérieurs qui ne s'y sont jamais rendus et tentent d'y réintroduire le féodalisme. Quant au Falun Gong, il ne s'agit pas d'une religion mais bien d'une secte pernicieuse dont les déclarations mensongères ont été considérées comme telles par plusieurs missions d'observateurs étrangers.

Le Bahreïn, réagissant aux interventions de plusieurs pays européens dont il a jugé les commentaires infondées et inacceptables, a énuméré les efforts importants qu'il a déployés conformément aux recommandations de la Commission nationale. La justice est indépendante, les tribunaux garantissent un procès juste et équitable et des avocats compétents ont été sélectionnés pour assurer la défense des personnes incriminées. Le Bahreïn examine avec sérieux les allégations de torture et une unité spéciale a été créée au sein du Parquet. Aucun acte de torture ne saurait être toléré et le Bahreïn est fier de l'indépendance de sa justice.

L'Éthiopie a réagi, pour sa part, aux déclarations de plusieurs organisations non gouvernementales, assurant que nul ne saurait être poursuivi pour avoir critiqué les politiques ou les résultats du Gouvernement. La société civile jouit d'une grande liberté et de nombreuses organisations sont créées chaque jour. Les journalistes arrêtés l'ont été en raison de leur participation à des actes terroristes. Leur poursuite et condamnation n'ont rien à voir avec des propos qu'ils auraient tenus. Les tribunaux sont indépendants et la loi antiterroriste a pour seul objectif de protéger la population contre la menace du terrorisme sous toutes ses formes, a-t-il souligné.

Le Soudan a rejeté les propos irrespectueux de certaines organisations non gouvernementales au cours du débat, avant de réitérer la volonté du Gouvernement soudanais d'assurer la protection et de garantie des droits de l'homme pour tous à l'intérieur de ses frontières. Le conflit interne est en cours de règlement, mais le pays reste menacé. Le Gouvernement soudanais favorise la liberté d'expression, sauf en cas de menace à l'ordre public. Les manifestations mentionnées par les orateurs n'ont pas été aussi pacifiques qu'on le prétend. Des groupes armés ont participé à ces manifestations, ce à quoi le Gouvernement a apporté une réponse immédiate dans un souci de protection de la population. Les efforts de rétablissement de la paix et de l'État de droit ne sauraient être ignorés. Du reste, le Soudan ne ménagera aucun effort pour garantir les droits fondamentaux de ses citoyens.

Le Honduras a réfuté l'existence d'une politique nationale allant à l'encontre des droits de l'homme. Bien au contraire, le Gouvernement s'emploie au renforcement de tous les mécanismes de promotion et de protections des droits de l'homme, notamment par la création d'un ministère de la justice et des droits de l'homme, d'un ministère de la sécurité chargé d'enquêter sur tous les cas présumés de violations des droits de l'homme, ou encore par l'établissement d'une commission de la réforme de la sécurité publique composée d'experts indépendants nationaux et internationaux.

Le Paraguay a réfuté l'existence de politiques répressives et de prisonniers politiques dans le pays et a regretté que des organisations abordent la situation des droits de l'homme au Paraguay sans se fonder sur une documentation fiable. Le Paraguay réitère son engagement en faveur des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme et rappelle qu'il a lancé des invitations ouvertes aux titulaires de mandats du Conseil afin qu'ils effectuent des missions dans l pays.


Droits des populations autochtones

Présentation de rapports

M. JAMES ANAYA, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, a présenté son rapport annuel (A/HRC/21/47), traitant également de ses visites aux États-Unis (A/HRC/21/47/Add.1, en anglais et russe – à paraître en français) et en Argentine (A/HRC/21/47/Add.2). Alors que l'Assemblée générale vient de célébrer le cinquième anniversaire de l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, M. Anaya a souligné l'importance de travailler à son application concrète tant au niveau des États qu'au sein des Nations Unies. Cette démarche est fondamentale pour ce qui a trait à la partie du mandat axée sur la réponse aux allégations de violations des droits de l'homme des peuples autochtones, allégations qui parviennent quotidiennement au Rapporteur spécial et qu'il retransmet aux autorités concernées. Dans certains cas, M. Anaya se déplace pour vérifier la situation dans les pays incriminés. Lors de sa visite au Costa Rica, en mars dernier, il a eu des entretiens avec des chefs autochtones et des fonctionnaires pour un suivi de ses prises de position antérieures concernant la situation de communautés autochtones potentiellement affectées par la construction d'un projet hydroélectrique.

Outre ce travail sur des cas spécifiques, le Rapporteur spécial a examiné la situation des peuples autochtones aux États-Unis et en Argentine, dans des rapports qu'il présente ce jour. D'autres rapports sur ses visites à El Salvador et en Namibie seront publiés à une date ultérieure. M. Anaya a constaté, avec satisfaction, que les autorités de l'Argentine, où il s'est rendu à l'automne 2011, ont pris des mesures significatives en vue de la reconnaissance des droits des peuples autochtones, comme l'inclusion dans la Constitution de dispositions pertinentes. À titre indicatif, il a cité l'adoption d'une législation légitimant les droits fonciers des peuples autochtones et la ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples autochtones et tribaux. En revanche, un écart important demeure entre la protection formelle et juridique des droits des peuples autochtones et son application concrète. Le gouvernement doit aussi accorder la priorité aux droits de l'homme des peuples autochtones au niveau fédéral et provincial. En outre, les conditions sociales et économiques, l'accès à la justice et la protection des droits des peuples autochtones à disposer de leurs ressources naturelles figurent parmi les autres aspects qui nécessitent une amélioration.

Aux États-Unis, le Rapporteur spécial a relevé des progrès importants, susceptibles de déboucher sur des bonnes pratiques au profit des peuples autochtones. Par contre, il conviendrait d'améliorer les programmes fédéraux et de les mettre en œuvre d'une manière plus rationnelle, a-t-il suggéré. Il s'agira en particulier d'adopter de nouvelles mesures favorisant la réconciliation avec les peuples autochtones et de résoudre un certain nombre de problèmes historiques, de politiques manquées et d'obstacles persistants à la pleine de réalisation des droits des peuples autochtones. Le Rapporteur spécial a constaté, lors de sa visite, que les peuples autochtones des États-Unis (Amérindiens, habitants de l'Alaska et de Hawaii, entre autres) forment des communautés dynamiques ayant grandement contribué à la vie du pays.

Les questions abordées dans le rapport thématique de M. Anaya concernent la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones et le problème des relations entre les industries extractives opérant en territoire autochtone ou à proximité et les populations autochtones. Le Rapporteur spécial prépare également une étude sur les industries extractives, qui contiendra un éclairage sur plusieurs modèles d'exploitation des ressources naturelles accordant une plus grande place aux populations autochtones, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Le Rapporteur spécial soumet également un additif dans lequel figurent des communications entre le Rapporteur spécial et des États, ainsi que les mesures de suivi (A/HRC/21/47/Add.3, en anglais).

M. WILTON LITTLECHILD, Président-Rapporteur du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, a présenté le rapport du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones sur sa cinquième session (A/HRC/21/52, à paraître en français), ainsi que la synthèse d'une étude sur le rôle des langues et de la culture dans la promotion et la protection des droits et des identités des peuples autochtones (A/HRC/21/53). Il a rappelé que cette année marque le cinquième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et de la création du Mécanisme d'experts, soulignant que ces deux évènements ont permis de poser des jalons significatifs pour la réalisation des droits de ces peuples. M. Littlechild a affirmé que les solutions au problème des politiques d'assimilation, qui menacent les cultures et les langues des peuples autochtones, passent obligatoirement par des efforts de revitalisation de ces langues. Il importe également que les États reconnaissent l'importance des droits économiques, sociaux, culturels et spirituels des peuples autochtones.

Le rapport du Secrétaire général sur les moyens de promouvoir la participation des peuples autochtones aux travaux de l'ONU portant sur des questions les intéressant (A/HRC/21/24), présenté vendredi dernier, correspond à l'appel du Mécanisme d'experts visant à la mise en place de nouvelles procédures qui permettraient aux représentants des peuples autochtones de participer pleinement aux travaux des Nations Unies, a poursuivi M. Littlechild. Dans le même esprit, il a appelé le Conseil à inclure les peuples autochtones dans tous les aspects de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones, y compris au cours du processus préparatoire et du document final, afin d'assurer son succès. De même, les représentants des peuples autochtones doivent être encouragés à participer aux sessions du Conseil, a-t-il souligné. Enfin, le Mécanisme d'experts a effectué un sondage des pratiques des États relatives à la mise en œuvre de stratégies pour atteindre les objectifs de la Déclaration. Bien que déçu du peu de réponses reçues, le Mécanisme d'experts a été impressionné par la qualité de celles qui lui ont été adressées. Le potentiel de cette enquête est considérable car elle fournit des orientations précieuses sur les meilleures stratégies de mise en œuvre de la Déclaration, de concert avec les peuples autochtones.

La cinquième session du Mécanisme d'experts, tenue à la mi-juillet 2012 a été unique à plus d'un titre, a estimé M. Littlechild. Le premier dialogue interactif a été organisé avec le Rapporteur spécial et le Président du Forum permanent sur les questions autochtones au sujet de la Déclaration des Nations Unies. Ce dialogue a été très positif puisqu'il a favorisé une compréhension accrue de toutes les parties prenantes de la question des droits des peuples autochtones. Le Président-Rapporteur du Mécanisme d'experts a conclu sur une note de satisfaction quant au thème retenu pour l'étude de l'année prochaine focalisé sur l'accès à la justice pour les peuples autochtones, conformément au projet de résolution du Conseil qui reprend la proposition du Mécanisme d'experts.

M. Littlechild a également présenté le résumé des réponses des États au questionnaire sur les meilleures pratiques concernant les mesures appropriées à la mise en œuvre de stratégies pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur le droits des peuples autochtones (A/HRC/21/54, à paraître en français), ainsi que le rapport de suivi sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions, l'accent y étant mis sur les industries extractives (A/HRC/21/55).

MME DALEE SAMBO DOROUGH, Représentante du Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les populations autochtones, a souligné que ce fonds a été créé en 1985 pour soutenir la participation des peuples autochtones et de leurs représentants aux rencontres et activités des Nations Unies qui les concernent directement. Depuis lors, plus de 1 450 contributions financières ont été apportées, tandis que le mandat du fonds a été élargi pour inclure la participation de représentants autochtones aux sessions du Conseil des droits de l'homme, y compris au mécanisme de l'Examen périodique universel et des organes conventionnels. En 2012, le Fonds a reçu 330 demandes de financement, mais n'a pu en satisfaire que 52 pour permettre la participation de représentants autochtones aux sessions du Forum permanent, du Mécanisme d'experts, de la troisième session de l'Examen périodique universel et de la vingtième session du Conseil des droits de l'homme.

Après avoir rappelé que le Fonds n'est financé que par des contributions volontaires, la représentante a chiffré à 289 500 dollars le montant des contributions à la date d'août 2012, soit un diminution de 46% par rapport à 2008, avant l'élargissement du mandat. Ce déclin dramatique des contributions est directement ressenti par les peuples autochtones qui sont parmi les plus marginalisés, a fait remarquer Mme Dorough, qui a ajouté qu'il faudra garantir la participation de leurs représentants à la Conférence mondiale des peuples autochtones de 2014. Le Fonds ne pourra remplir sa tâche que si des ressources suffisantes sont disponibles, a-t-elle averti en concluant sur un appel aux donateurs publics et privés.

Pays concernés

Les États-Unis se sont félicités de la visite de M. Anaya en avril et mai derniers. Les communautés autochtones aux États-Unis souffrent de taux de pauvreté, de maladie, de suicide et d'incarcération plus élevés que la moyenne nationale, tandis que leur niveau scolaire est relativement faible, a admis la délégation. Partant de ce constat, le projet budgétaire fédéral 2013 alloue plus de 19 milliards de dollars à des programmes d'éducation, de transports et d'accès à la justice au profit des communautés autochtones. Une loi adoptée en 2009 consacre plus de trois milliards de dollars à la rénovation des établissements scolaires dans les réserves, tandis que la législation sur l'«accès abordable aux soins de santé» contient des dispositions facilitant l'accès des autochtones à la santé, avec une augmentation potentielle de 29% du budget de l'Indian Health Service (IHS). D'autre part, les autorités œuvrent en collaboration avec les tribus à la lutte contre la violence dont les femmes autochtones sont victimes de manière disproportionnée. Au cours des deux années écoulées, environ 120 millions de dollars ont été alloués par le Ministère de la justice à la formation et à l'assistance technique dans ce domaine. La délégation a assuré de l'attachement des États-Unis à sa collaboration avec le Rapporteur spécial.

L'Argentine a souligné l'intérêt accordé par le Rapporteur spécial aux mesures prises qu'elle a prises en vue de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. À ce titre, une série de réformes législatives a permis de régler la situation des territoires autochtones. Trois projets de lois sans précédent ont été adoptés sur l'éducation interculturelle bilingue, la communication audiovisuelle et la propriété foncière des communautés autochtones. Ce dernier établit le statut des terres occupées traditionnellement par les peuples autochtones et permet à ces derniers l'accès à la propriété communautaire. Un Conseil chargé des questions autochtones a été créé afin de mettre en place les outils nécessaires à la réalisation des droits des communautés autochtones et de concrétiser la loi sur le terrain. D'autre part, en cas d'exploitation des territoires autochtones par des tiers, les communautés autochtones concernées participent aux consultations. Des mesures de mise en œuvre de la recommandation du Rapporteur spécial, qui invite à redoubler d'efforts pour rétablir les droits des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales, sont également en cours d'exécution.

Dans une déclaration lue en son nom, le Défenseur du peuple d'Argentine a pour sa part souligné l'importance capitale pour les populations autochtones de la question de la propriété de la terre. Toutefois, la déforestation, par les industries extractives, d'un grand nombre de zones boisées, et la non-application de la législation ont conduit à une augmentation du nombre de plaintes enregistrées. Face à cette situation, il serait opportun d'aborder cette question sous une optique interculturelle, notamment par le biais de consultations élargies avec les représentants des peuples autochtones.

Débat interactif

Pour le Guatemala, un renforcement de la participation des peuples autochtones au travail des Nations Unies est crucial pour apporter une réponse efficace aux défis qui persistent en la matière. Ces défis comprennent notamment les discriminations et la violence à l'égard des femmes et des enfants, qu'il faudrait aborder d'une manière globale, a plaidé le Mexique. L'Union européenne s'est pour sa part félicitée de l'accent mis sur la violence contre les femmes et les filles autochtones.

L'Union européenne salue également l'examen par le Rapporteur spécial de la question des rapports entre les autochtones et les industries extractives, soulignant qu'une nouvelle politique européenne sur la responsabilité sociale des entreprises a été adoptée qui couvre des domaines tels que l'amélioration de l'autorégulation et la corégulation, la divulgation des informations sur la société, et son intégration dans l'éducation, la formation et la recherche.

Le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones est celui, par excellence, qui permet une participation des peuples autochtones et leur interaction avec l'État pour lui soumettre leurs doléances, a souligné le Mexique, l'Union européenne soulignant que le Mécanisme est une source importante de recommandations pour le Conseil.

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*Organisations non gouvernementales: Centre for Inquiry International, Conseil mondial de l'environnement et des ressources, Nonviolent Radical Party, Transnational and Transparty, France libertés- Fondation Danielle Mitterrand, Commission to Study the Organization of Peace, Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale, Fondation Pasumal Thaayagam, Mouvement international de la réconciliation, Libération, International Buddhist Relief Organisation, World Barua Organization, Iranian Elite Research Center, Nord-Sud XXI, Conseil indien d'Amérique du Sud, Union internationale humaniste et laïque, International Human Rights Association of American Minorities, Congrès du monde islamique, Fédération internationale d'Helsinki pour les droits de l'homme, International Educational Development, Action internationale pour la paix et le développement dans la région des Grands Lacs, Agence internationale pour le développement, Internationale démocrate de centre, Center for Environmental and Management Studies, Association internationale des écoles de service social, Women's Human Rights International Association, Agence des cités unies pour la coopération Nord-Sud, and The Democracy Coalition Project.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC12/108F