Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME CONCLUT LE DÉBAT SUR LE RACISME ET ENTAME L'EXAMEN DE LA SITUATION EN HAÏTI
Le Conseil des droits de l'homme a été saisi, cet après-midi, du rapport annuel de l'expert indépendant chargé d'examiner la situation des droits de l'homme en Haïti, avec lequel il a tenu un débat interactif. Il a en outre tenu son débat général sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, après avoir conclu le débat interactif entamé ce matin avec le Rapporteur spécial sur le racisme.
S'agissant de la situation en Haïti, l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme en Haïti, M. Michel Forst, a jugé encourageante la prise de fonction du nouveau gouvernement à la suite des dernières élections présidentielles en Haïti, où les choses ont avancé. Mais des menaces pèsent encore sur les droits de l'homme en Haïti, notamment les violences contre les femmes. Il faut, à cet égard, mieux connaître l'ampleur du phénomène pour mieux le combattre et lutter contre l'impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes. La situation de près de 400 000 personnes vivant encore dans des camps provisoires reste très difficile et le problème du logement social doit être considéré comme prioritaire dans les stratégies gouvernementales.
En tant que pays concerné, Haïti a dit reconnaître qu'en dépit des progrès constatés par l'expert, il peut encore améliorer la situation. Haïti est en ce moment même en train d'installer les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de professionnaliser la police en éliminant les éléments corrompus. Pour la première fois, le Gouvernement haïtien met en application la gratuité de l'éducation pour tous et il prévu de scolariser plus d'un million d'enfants d'ici à cinq ans.
Les délégations de l'Équateur, des États-Unis, de l'Union européenne, de la Norvège et de la France ont entamé le débat interactif, saluant les efforts déployés par les autorités haïtiennes pour les progrès d'ores et déjà enregistrés dans la reconstruction après le tremblement de terre de 2010 et sur la voie de l'édification d'un état de droit.
En début de séance, le Conseil a terminé le débat interactif entamé ce matin avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Mutuma Ruteere, en entendant les délégations de l'Autriche, du Luxembourg, de l'Iraq, de l'Italie, du Népal et du Bangladesh, ainsi que de cinq ONG: International Movement Against all Forms of Discrimination and Racism, Open Society Institute, International Education Development, Liberation, Organisation de défense des victimes de violence. Le Rapporteur spécial a répondu aux questions qui lui ont été posées et aux commentaires concernant son rapport annuel.
Le Conseil a ensuite tenu un débat général sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée auquel ont participé le Sénégal (au nom du Groupe africain), Chypre (au nom de l'Union européenne), Fédération de Russie (au nom d'un groupe d'États puis en son nom propre), Libye, Chine, Cuba, Qatar et Koweït. Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Liberation, European Union of Public Relations, Nord-Sud XXI, Mouvement indien «Tupaj Amaru», International Buddhist Relief Organization, Association of World Citizens, Centre for Human Rights and Peace Advocacy, International Humanist Ethical Union, International Committee for the Indians of the Americas (Switzerland), Comité international pour le respect et l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CIRAC), Society for Threatened Peoples, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM), International Association of Jewish Lawyers and Jurists, African Commission of Health and Human Rights Promoters, Indian Council of South America, UN Watch, Verein Südwind Entwicklungspolitik, International Youth and Student Movement for the United Nations, Organisation pour la communication en Afrique et de la promotion de la coopération économique internationale, Congrès musulman mondial.
Le Conseil poursuivra, demain matin à 10 heures, son dialogue interactif sur Haïti, avant de tenir son débat général sur l'assistance technique et le renforcement des capacités. À ce titre, le Conseil sera notamment saisi d'un rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur l'assistance technique et la coopération dans le domaine des droits de l'homme au Kirghizistan
Fin du débat interactif avec le Rapporteur spécial sur le racisme
L'Autriche a souligné, avec le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, M. Mutuma Ruteere, la nécessité d'intégrer les minorités à la vie publique et politique. L'Autriche dispense un enseignement aux droits de l'homme dans les programmes scolaires depuis 1918. Le Rapporteur spécial a été prié d'indiquer s'il entend s'intéresser aussi aux formes de discrimination multiples. Le Luxembourg a demandé au Rapporteur spécial s'il pense étudier de manière plus approfondie la question importante de l'éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l'homme. Le Luxembourg aimerait l'avis du Rapporteur spécial sur les stratégies les plus efficaces dans le combat contre les violences racistes et les appels à la haine raciale lors de manifestations sportives.
L'Iraq s'apprête à adopter une loi interdisant toutes formes de racisme, pour mettre un terme à une longue période de souffrance d'une partie de sa population du fait d'actes racistes. L'Italie a mis l'accent sur la création d'un nouveau ministère de la coopération internationale et l'adoption d'une politique d'intégration des Roms et Sinti. L'Italie collabore avec des organisations nationales, régionales et internationales à la mise en œuvre de ses obligations internationales. La prévention du racisme par le sport est une démarche particulièrement efficace. Depuis 2005, un bureau national coordonne la lutte contre le racisme par ce biais.
Pour le Népal, la lutte contre le racisme passe par une combinaison de prévention et de répression. Il faut aussi favoriser un esprit de fraternité pour éliminer les perceptions négatives d'autrui. Enfin, le Bangladesh regrette que les migrants et demandeurs d'asile soient confrontés au racisme et à la discrimination, la crise exacerbant ces manifestations. Les États riches opposent toujours plus d'obstacles à la jouissance de leurs droits par les migrants. Les États doivent assumer leur responsabilité dans l'élimination de la discrimination basée sur la race et l'origine ethnique.
Organisations non gouvernementales
International Movement Against all Forms of Discrimination and Racism (IMADR) a déclaré appuyer pleinement l'approche du Rapporteur spécial centrée sur les victimes, ainsi que l'accent qu'il a mis sur les pratiques optimales. Nous devons déployer des efforts avec les différentes parties prenantes concernées, des procédures spéciales aux partenaires de la société civile. IMADR a demandé au Rapporteur spécial s'il avait des recommandations particulières en ce qui concerne notamment la situation des migrants, ou encore la discrimination fondée sur la de caste. Open Society Institute a fait part de sa préoccupation face à l'augmentation du profilage ethnique, religieux ou national dans la lutte antiterroriste ou criminelle en Europe. Ce profilage stigmatise des groupes entiers de personnes, légitimant ainsi les préjugés raciaux. Les contrôles de police sont plus fréquents –14 fois plus fréquents selon certains chiffres – s'agissant des Noirs ou des Arabes que des Parisiens blancs.
International Education Development (IED) a rappelé, citant Kofi Annan, que le conflit ethnique pose la question du génocide. L'IED a créé plusieurs indicateurs, s'appuyant notamment sur le nombre d'actes de violence commis par la majorité contre une minorité sur une certaine période de temps, tel que cela s'est produit à Sri Lanka. De tels indicateurs permettent de mettre en lumière la diabolisation du groupe minoritaire, diaspora tamoule comprise. Cette lacune dans l'identification de symptômes explique aussi l'échec de l'ONU en la circonstance. Liberation a pour sa part a qualifié l'Inde de pays le plus raciste au monde, constatant que le déni face à la discrimination raciale ne concernait pas seulement les populations autochtones du nord-est du pays. Il a appelé le Conseil à faire appliquer les diverses dispositions du droit local et international afin de remédier aux actes d'agression dont sont couramment victimes les minorités dans ce pays.
Enfin, l'Organisation de défense des victimes de la violence a dénoncé l'aggravation du racisme et de l'antisémitisme en Europe. Elle appelle elle aussi le Conseil à accorder de l'importance à des thèmes tels que la promotion du dialogue interreligieux, afin de dissiper les ambiguïtés résultant d'interprétations erronées des religions monothéistes. Il s'agit de favoriser la cohabitation de personnes ayant des croyances différentes afin d'en finir avec les préjugés et le chauvinisme.
Conclusions du Rapporteur spécial
M. MUTUMA RUTEERE, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, a déclaré être prêt à examiner la question des discriminations multiples dans son prochain rapport, comme l'ont suggéré certaines délégations. Il se propose également de porter son attention en particulier sur les partis extrémistes et racistes. Il demande dans ce cadre aux États de lui fournir les informations pertinentes, notamment celles qu'il n'a pu inclure dans ce rapport et qu'il compte utiliser dans celui destiné à l'Assemblée générale. Par ailleurs, le Rapporteur spécial estime qu'il est nécessaire de se pencher sur les limites de la liberté d'expression ou d'opinion, lorsqu'elle est utilisée pour véhiculer des théories racistes. Le Rapporteur spécial s'est également déclaré conscient qu'il peut y avoir un débat quant à savoir si le cadre normatif actuel est suffisant, tout en soulignant que de nombreux textes internationaux portent déjà sur les questions liées au racisme, à la discrimination raciale ou à la xénophobie.
Débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée
Outre le rapport annuel du Rapporteur spécial chargé de la question et son rapport à l'Assemblée générale sur le caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, présentés ce matin, le Conseil est également saisi d'un rapport intérimaire du Secrétaire général, présenté à l'Assemblée générale, intitulé «Programme d'activités pour l'Année internationale des personnes d'ascendance africaine» (A/66/342 et Add.1).
Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a déploré la nette recrudescence des actes racistes commis contre les personnes d'origine africaine dans un contexte de crise économique, aboutissant à une banalisation du racisme. Les manifestations de discrimination raciale s'observent dans de nombreux domaines de la vie sociale et sont souvent alimentées par des discours haineux contre les personnes d'origine africaine. Les États doivent prendre des mesures préventives et répressives contre ces manifestations, notamment des actions concrètes pour la sensibilisation, par l'école, la culture et le sport, aux méfaits du racisme.
Le Pakistan, au nom de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), a déploré que la liberté d'expression soit utilisée de manière sélective: appliquée de manière restreinte en cas d'antisémitisme, mais avec toute latitude pour justifier des discours et publications islamophobes. L'OCI demande que les États prennent des mesures juridiques et administratives vigoureuses contre les actes d'intolérance religieuse, les crimes de haine et la discrimination.
Chypre a réitéré l'engagement sans faille de l'Union européenne contre le racisme et la xénophobie. Trop d'États n'ont malheureusement pas encore ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, instrument clé de la lutte contre ce fléau. L'Union européenne consacrera de nouveaux efforts en vue de l'accès par tous aux services de base. Elle collabore activement aux différents Groupes de travail chargés du suivi post-Durban.
La Fédération de Russie, au nom d'un groupe de pays, a rappelé l'agression allemande contre l'Union soviétique en 1941, évoquant l'opposition héroïque des peuples soviétiques. Un des symboles de la victoire sur le nazisme a été la création des Nations Unies. On assiste aujourd'hui à des tentatives cyniques de renvoyer dos à dos bourreaux et victimes. Il est préoccupant d'assister aux tentatives de transformer les nazis en héros, ce qui constitue une insulte envers les victimes. La Russie appelle les États à réaffirmer leur priorité à lutter contre le racisme, en rendant plus sévères les sanctions y compris en réprimant les discours de haine.
La Libye a constaté que de nouvelles formes d'intolérance étaient apparues, l'impuissance face à ce phénomène s'expliquant par une absence de volonté politique. Il y a plusieurs formes de racisme et plusieurs manières de l'exprimer publiquement. Mais ce sont en général les groupes les plus vulnérables qui sont ciblés, la pire des formes étant celle qui affecte les Palestiniens. Ceux-ci sont contraints de quitter leurs foyers et ne peuvent plus rentrer chez eux, ce qui constitue la pire forme de discrimination raciale, assimilable à l'apartheid. Parmi les nouvelles formes de discrimination raciale, se manifestent des tentatives de certaines cultures à imposer leur hégémonie sur les autres. La Libye appelle au renforcement des mécanismes de Durban.
La Chine a souligné que le racisme constituait une menace grave pour le développement humain. Si l'on entend éliminer le racisme, il convient d'abord de renoncer à la pratique de deux poids deux mesures. L'élimination de la discrimination raciale est liée à un droit humain fondamental, ce qui implique de renoncer à toute tentation de politisation. Le racisme doit être banni quel que soit la forme qu'il prend. La Chine appelle tous les pays à mettre en œuvre tous les instruments permettant de lutter contre le racisme.
À titre national, la Fédération de Russie a estimé qu'il faut se poser la question des origines, des conséquences et de la manière d'aborder le racisme et l'intolérance. Dans un certain nombre de pays en Europe, des mesures discriminatoires ont été adoptées à l'encontre de certains groupes ethniques, et le phénomène de l'apatridie de masse est apparu. La Russie est particulièrement préoccupée par les propos des autorités locales qui encouragent les activités de groupes radicaux néo-nazis. Le pays est préoccupé par le laxisme dont jouissent les mouvements néonazis dans les pays en Europe occidentale. Cette question doit être considérée comme prioritaire par le Rapporteur spécial.
Cuba a constaté avec préoccupation que la communauté internationale est encore très loin de la mise en œuvre totale de l'accord obtenu les documents de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Elle a dénoncé le renforcement en Europe des partis politiques xénophobes, rejoints par les partis traditionnels animés par des objectifs électoralistes. Cuba a relevé que les réseaux internet et sociaux sont de plus en plus souvent utilisés pour diffuser des messages discriminatoires. Les attaques contre les migrants, les traitements inhumains des minorités, la mise en œuvre de politiques racistes ayant conduit à des expulsions en nombre croissant, des lois antiterroristes s'appuyant sur des stéréotypes racistes se multiplient. La lutte contre ces phénomènes relève de la responsabilité de chacun.
Le Qatar s'est inquiété de la montée de mouvements et partis islamophobes qui ciblent les musulmans, les lieux saints de l'Islam et le Coran. Les femmes et les filles sont souvent victimes de discrimination et ont été marginalisées sur la base de la race, la nationalité et le sexe, dans les domaines de l'éducation, la santé et le travail. La communauté internationale doit s'unir pour vaincre ce fléau qui mine les efforts de promotion et de protection des droits de l'homme et de la dignité humaine.
Le Koweït a insisté sur le lien étroit entre le racisme et la pauvreté, un état de fait qui impose une action contre l'exclusion sociale. C'est pourquoi la Constitution du Koweït pose que les individus sont égaux dans leur dignité et leurs obligations. Le Koweït œuvre dans la lutte contre le racisme dans le monde entier et a assumé sa responsabilité envers la communauté internationale d'une manière responsable, notamment en fournissant une aide au développement représentant 0,7 % de son revenu national. Le développement économique et social est la pierre angulaire pour le développement des sociétés.
Observateurs
L'Algérie a regretté qu'à la faveur d'un discours électoraliste voire populiste, l'étranger et l'immigré riment avec insécurité, ce qui contribue indéniablement à la montée du sentiment raciste et xénophobe. L'Algérie appelle à l'adoption d'un nouvel instrument international qui prendrait en charge les nouvelles formes de racisme et de discrimination.
Dénonçant la montée de l'islamophobie, l'Iran a appelé les gouvernements des pays occidentaux à s'opposer avec détermination à la tendance au ciblage délibéré de l'islam et les musulmans et à prendre des mesures administratives et juridiques contre la discrimination et l'incitation à la haine religieuse.
L'Ukraine a indiqué avoir défini récemment une stratégie contre la discrimination en mettant notamment en place des mesures préventives. La dernière coupe d'Europe de football a montré que le pays avait réalisé d'importants progrès dans ce domaine. L'Ukraine rappelle par ailleurs l'invasion du pays par l'Allemagne nazie en 1941, dans une guerre qui a fait sept millions de morts parmi la population ukrainienne. Il faut tout faire pour empêcher que de telles tragédies se répètent.
Le Conseil de l'Europe a indiqué que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI), avait adopté le 22 juin dernier une recommandation de politique générale sur la discrimination raciale dans l'emploi. Celle-ci vise à faire en sorte qu'une législation appropriée et efficace soit édictée afin de combattre la discrimination raciale, dans un contexte de crise économique et de hausse du chômage. La crise économique ne doit pas justifier la discrimination.
Organisations non gouvernementales
Liberation a dénoncé la discrimination contre les populations autochtones du Nord-Est de l'Inde. L'État indien doit reconnaître la composition multiethnique du pays, le phénomène de discrimination raciale devant faire l'objet de poursuites en vertu de la législation en vigueur.
L'Union européenne des relations publiques a rappelé la position de la communauté internationale en ce qui concerne la lutte antiterroriste, à savoir qu'elle doit s'inscrire dans le cadre du droit international. Les restrictions au voyage ou au commerce international adoptées par certains États ont un impact négatif sur les droits de l'homme du citoyen ordinaire.
Nord Sud XXI a estimé que la mise en œuvre de la Déclaration et le Programme d'action de Durban est en soi insuffisante tant qu'il n'y aura pas de mécanisme de reddition de compte.
Le Mouvement indien «Tupaj Amaru» a accusé les forces du colonialisme de chercher à expulser cette organisation non gouvernementale de l'enceinte des droits de l'homme, dans la ferme intention de la priver d'accès aux sessions du Conseil, et ce, en violation des décisions du Conseil économique et social. Le représentant a appelé la Haut-Commissaire à «mettre de l'ordre dans sa propre maison».
L'International Buddhist Relief Organisation a souligné qu'il est indispensable d'interdire la discrimination fondée sur la caste. La communauté internationale devrait considérer cette forme de discrimination comme l'une des formes contemporaines du racisme. Le comité spécial du Conseil chargé d'élaborer des normes complémentaires à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale devrait être chargé de combler la lacune juridique à ce sujet.
L'International Center for Human Rights Advocacy a dénoncé les formes multiples de discrimination qui frappent les Dalits en Inde, en dépit des dispositions de la Constitution indienne de 1950 qui interdit la discrimination et le racisme. Le Conseil est prié de surveiller la situation en Inde afin d'assurer la protection des minorités.
L'Association of World Citizens a observé que la xénophobie semble désormais indistincte du racisme discriminatoire, une évolution qui s'accompagne d'une inquiétante banalisation de ces phénomènes. La représentante a demandé aux Nations Unies de créer un espace consacré aux formes contemporaines d'esclavage.
International Humanist and Ethical Union a elle aussi évoqué la question de l'esclavage, l'une des formes les plus radicales de la discrimination, citant le cas de la Mauritanie où près de 300 000 personnes sont exploitées dans ce cadre, leurs enfants devenant esclaves à leur tour. Cette pratique puise ses racines dans d'anciennes traditions racistes. Le Rapporteur spécial souligne que la diversité culturelle constitue un antidote à l'esclavage, a-t-elle observé. C'est le contraire qui est vrai, les sociétés esclavagistes devant avoir une approche entièrement nouvelle, en adoptant les droits fondamentaux de l'homme.
International Committee for the Indigenous Peoples of the Americas (Incomindios Switzerland) a dénoncé la discrimination envers les autochtones d'Hawaï. L'ONG a déclaré que la «version américaine» de l'autodétermination ne permettait pas la décolonisation et a mis en garde contre le risque de violences entre communautés hawaïennes, les programmes fédéraux faisant la différence entre populations dont les membres ont plus de 50% de sang hawaïen et les autres, ce qui est un ferment de discorde.
Le Comité international pour le respect de l'application de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CIRAC) a dénoncé la situation régnant au Cachemire pakistanais où les langues locales ne sont pas enseignées dans les écoles, l'ourdou étant imposé et les coutumes étant en voie d'éradication. La population du soi-disant «Azad Cachemire» est l'objet de discriminations sur une base ethnique.
La Society for Threatened Peoples a accusé la Chine de poursuivre et maintenir une politique et des pratiques discriminatoires à l'égard des peuples du Tibet, en dépit de ses obligations internationales en matière de droits de l'homme. La situation s'aggrave même depuis 2008 au lendemain des manifestations des Tibétains face au pouvoir chinois. Les immolations de moines tibétains sont un des aspects visibles de ces discriminations et l'ONG invite le Gouvernement chinois à se pencher sur les causes de ce phénomène.
International Human Rights Association of American Minorities, a déclaré que le racisme et la discrimination sont des pratiques séculaires en Inde, touchant particulièrement les Dalits. Le Conseil doit assumer ses responsabilités et mettre fin à ces discriminations, a demandé le représentant.
L'International Association of Jewish Lawyers and Jurists a déploré les déclarations du Vice-Président iranien qui accusait les juifs d'être à l'origine du trafic de drogue dans ce pays. Ces déclarations sont motivées par la haine et l'antisémitisme, a expliqué l'ONG, appelant le Conseil à condamner cette déclaration.
La Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme a déploré que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme n'ait fourni aucune explication à son refus d'adopter les décisions de l'Assemblée générale relatives à l'organisation d'une campagne de sensibilisation aux Déclaration et Plan d'action de Durban.
Pour l'Indian Council of South America, les causes profondes du racisme sont ignorées et persistent du fait de l'influence d'États puissants qui ne veulent pas que le Rapporteur spécial aborde ces questions particulières. En témoigne le fait que le Rapporteur spécial ne traite pas, dans son rapport, des effets de la participation des populations marginalisées aux discussions qui sont menées sur leur statut au niveau international. Pour sa part, l'ancien Rapporteur a fait une visite aux États-Unis sans poser une seule fois la question des violations graves des droits de l'homme des peuples autochtones.
UN Watch a cité une déclaration du Vice-Président de l'Iran, selon lequel le Talmud serait à l'origine de la consommation de drogues illégales. Est-il possible d'imaginer un autre pays dont les dirigeants invitent ouvertement au racisme lors d'une conférence internationale? Les États membres du Mouvement des pays non alignés devraient s'indigner du fait son Centre pour les droits de l'homme et la diversité culturelle ait son siège en Iran.
Verein Südwind Entwicklungspolitik a fait part de sa préoccupation face à l'augmentation de la xénophobie et de la discrimination raciale envers les Afghans en Iran, évoquant des attaques orchestrées contre cette population migrante. La République islamique d'Iran est appelée à ratifier tous les instruments protégeant tous les travailleurs migrants.
International Youth and Student Movement for the United Nations (ISMUN) pense que d'ici la prochaine session du Conseil, le Haut-Commissariat devrait s'expliquer sur l'absence de diffusion et de popularisation des documents de Durban, aucun effort notable n'ayant été fait en ce sens, alors que des résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil l'ont appelé à le faire, notamment à l'occasion du dixième anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. Plus que jamais, les Nations Unies doivent se mobiliser sur cette question.
L'Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale a dénoncé la discrimination visant les Dalits en Inde, qui concerne plusieurs millions de personnes. Bien que cette discrimination fondée sur le travail et l'ascendance existe partout dans le monde, elle ne figure pas dans les documents finals de la Déclaration et du programme d'action de Durban. OCAPROCE International demande à la communauté internationale de poursuivre ses efforts pour éliminer cette forme de discrimination.
Le Congrès musulman mondial a abordé lui aussi la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance, dénonçant plus particulièrement la situation régnant au Cachemire indien, ainsi que dans d'autres États, le Bihar notamment, citant plusieurs cas.
Droit de réponse
La Mauritanie a reconnu que son pays appartient à une région qui a malheureusement connu et pratiqué l'esclavage. Mais depuis de longues années, les autorités cherchent à combattre les séquelles de cette période. Aujourd'hui, grâce à de multiples stratégies nationales, des résultats palpables sont enregistrés. Aussi s'étonne-t-il qu'une organisation non gouvernementale parle au présent d'un phénomène qui appartient au passé. De plus, l'islam, en tant que religion de paix et de tolérance, ne peut donner une justification à cette pratique. La Mauritanie a invité cette ONG à prendre contact avec les acteurs de terrain en Mauritanie pour constater que cette pratique n'a plus cours dans le pays.
La Chine a rejeté toutes les allégations sur les pratiques discriminatoires évoquées par une organisation non gouvernementale. Le représentant a constaté que cette ONG ne connaît rien des réalités chinoises. La Chine, en tant que pays multiculturel et ethnique, respecte les droits de tous, y compris des minorités. Soulignant que la situation au Tibet n'est pas celle que décrivent certaines ONG, la Chine a souligné que des mouvements criminels agissent dans cette partie du pays, sont soutenues par une ingérence étrangère et que pour y remédier, les autorités n'ont rien fait d'autre que d'appliquer la loi.
Rapport sur la situation des droits de l'homme en Haïti
Présentation de rapport
Le rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Haïti (A/HRC/20/35) a été présenté par M. MICHEL FORST, Expert indépendant sur la question. Le rapport est consacré en particulier à la question des droits civils et politiques, notamment le fonctionnement des institutions judiciaires et de la police. L'expert soumet également (Add.1 en anglais seulement) un additif sur la question des retours forcés d'Haïtiens.
M. Forst a jugé encourageante la prise de fonction du nouveau gouvernement à la suite des dernières élections présidentielles en Haïti, où les choses ont avancé: la Cour de cassation a été installée par le Président de la République, les neuf membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire prêtent serment aujourd'hui même, 3 juillet, concrétisant la séparation tellement attendue des pouvoirs judiciaire et exécutif. Au-delà de la mise en place du Conseil, les autres institutions prévues par la Constitution et garantes de l'état de droit devront être créées. L'Expert indépendant s'est réjoui à cet égard des annonces faites la semaine dernière par le Président Martelly de sa volonté de mettre en place rapidement le Conseil électoral permanent chargé d'organiser les prochaines élections législatives et municipales. La dernière étape devrait être la création du Conseil constitutionnel. Quelques progrès ont aussi été réalisés dans le domaine pénitentiaire, notamment la construction de la prison de la Croix-des-Bouquets, mais les progrès sont lents. M. Forst reçoit régulièrement des informations qui montrent la gravité de la situation pénitentiaire non seulement à Port-au-Prince, mais aussi dans l'ensemble du pays. La solution passe par le traitement de la mise en détention préventive et l'adoption d'un plan stratégique global visant à la fois la condition carcérale et la détention préventive.
Mais des menaces pèsent encore sur les droits en Haïti. D'abord, les violences basées sur le genre, y compris des viols, persistent malgré l'arsenal de mesures prises par les organisations non gouvernementales nationales et internationales. Il faut, à cet égard, mieux connaître l'ampleur du phénomène, pour mieux le combattre; et lutter contre l'impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes. La section des droits de l'homme de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a publié un rapport la semaine dernière dans lequel elle conclut qu'en raison de nombreux blocages dans la chaîne pénale, pas un seul cas de viol enregistré dans cinq commissariats de la région de la capitale n'avait été jugé après 18 mois. L'Expert indépendant encouragera le Ministre de la condition féminine à mener à bien le travail de préparation de la loi-cadre qu'elle a entamé en concertation avec les organisations de femmes.
Autre problème, près de 400 000 personnes vivent encore dans des camps provisoires, dans des conditions très difficiles. Le problème du logement social doit être inscrit comme une priorité dans les stratégies des autorités afin de mettre un terme à la discrimination dans l'accès au logement. Par contre, la ratification du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par Haïti est une avancée majeure, permettant de consolider le socle sur lequel l'ensemble des droits sont rendus progressivement effectifs. Il est temps de passer d'une nécessaire logique d'assistance à une logique encore plus impératif d'accès aux droits. Ce concept n'est pas nouveau mais consiste simplement à prendre en compte le besoin d'assurer à tous les citoyens d'Haïti la satisfaction de leurs droits. M. Forst a proposé à plusieurs ministres d'organiser une série de séminaires thématiques sur les droits économiques et sociaux, impliquant des représentants de l'État, les agences des Nations Unies et les organisations de la société civile.
L'Expert indépendant a par ailleurs présenté l'annexe à son rapport consacrée au problème des retours forcés de Haïtiens, ceux que l'on appelle là-bas les «déportés». M. Forst a demandé une nouvelle fois aux États de suspendre tous les retours forcés vers Haïti ou, à tout le moins, de prendre en compte les facteurs humanitaires ou la vulnérabilité des personnes lors des décisions de renvoi.
Pays concerné
Haïti a noté que depuis la création du mandat d'Expert indépendant en 1995, son titulaire, quel qu'il eut été, avait toujours reçu un accueil chaleureux de la part des autorités de Port-au-Prince. Les titulaires ont fourni «un travail complet et de qualité sur la situation des droits humains en Haïti». Le rapport de M. Forst «atteste des avances significatives dans la protection de tous les droits de la personne», un bilan dont le pays peut s'enorgueillir. Haïti reconnaît toutefois que l'on peut encore améliorer la situation. À cet égard, «les réformes des institutions judiciaires et de la chaîne pénale battent leur plein». Haïti est en ce moment même en train d'installer les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, le CSPJ. La police haïtienne se professionnalise, les éléments corrompus ayant été mis à l'écart de l'institution. Désormais, la population a une perception positive à l'égard de sa police. Globalement, les institutions judiciaire et policière améliorent leur façon de fonctionner, même si «des poches de récalcitrants demeurent». Par ailleurs, le Gouvernement haïtien met pour la première fois en application la gratuité de l'éducation pour tous. Il est prévu de scolariser plus d'un million d'enfants d'ici à cinq ans. S'agissant de la santé, l'épidémie de choléra qui a éclaté il y a deux ans est maîtrisée. Des projets d'assurance sociale visent à alléger par ailleurs la souffrance des plus vulnérables et surtout des travailleurs du secteur informel.
Haïti partage les préoccupations de l'Expert indépendant au sujet des personnes vivant sous une tente suite au séisme de 2010; le Gouvernement n'épargne aucun effort pour trouver une solution aux problèmes des déplacés et leur nombre est en nette diminution. Les mesures de réhabilitation des quartiers détruits lors du tremblement de terre de 2010 permettront une fermeture graduelle et planifiée des camps: «De ce fait, les violences faites aux femmes et aux jeunes filles seront limitées». S'agissant de l'impunité, «l'un des fléaux qui entravaient la bonne marche de nos institutions», le Gouvernement entend affronter ces problèmes et sévir, particulièrement dans le cas des crimes de sang. En ce qui concerne enfin la place dévolue aux femmes, Haïti fait notamment valoir que l'actuel gouvernement est composé à 33% de femmes.
Débat interactif
L'Équateur s'est félicité des initiatives prises par le Gouvernement de Port-au-Prince avant d'encourager les autorités du pays à poursuivre dans cette voie; l'Équateur est disposé à apporter une assistance technique à Haïti. La Norvège a pour sa part estimé que la société civile devait participer plus activement au processus de reconstruction. Elle s'est félicitée de la ratification du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Elle a par ailleurs noté une amélioration de la situation régnant dans les camps. Elle a déploré que l'ancien Président Jean-Claude Duvalier n'ait toujours pas été traduit en justice.
La France a indiqué être mobilisée elle aussi en faveur de la reconstruction et de la consolidation de l'état de droit en Haïti, fournissant une aide financière destinée au rétablissement des capacités de l'État haïtien et au renforcement de ses administrations. La France souhaiterait que l'Expert indépendant indique les mesures les plus urgentes à mettre en œuvre face à la persistance des violences contre les femmes. Les États-Unis ont estimé que les défis institutionnels affectant les droits de l'homme et l'état de droit en Haïti étaient «difficiles mais pas insurmontables». Ils appellent l'Expert indépendant à collaborer étroitement avec les institutions haïtiennes. Les États-Unis souhaitent des précisions sur le renforcement des capacités des institutions clés en matière de lutte contre l'impunité et la corruption et attirent l'attention sur la gravité du problème posé par le travail des enfants. L'Union européenne partage l'avis de l'Expert indépendant sur la place centrale que devrait occuper la question de l'état de droit au cœur des réformes envisagées. Elle se félicite qu'il s'agit là d'une des quatre priorités identifiées par le Président Martelly.
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HRC12/088F