Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UN DÉBAT SUR LA PROTECTION DES FEMMES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME
Le Conseil des droits de l'homme a conclu ce matin son débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes, entamé hier après-midi, en examinant la question de la protection des femmes défenseurs des droits de l'homme.
Dans un message adressé au Conseil, la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Kyung Wa-Kang, a notamment relevé que, malgré la reconnaissance dont jouissent certains défenseurs des droits de l'homme, de nombreux autres demeurent anonymes; c'est en particulier le cas de nombreuses femmes. Les menaces sont courantes pour les femmes défenseurs des droits de l'homme, pour qui la famille ou la communauté peut être un espace dangereux où elles sont confrontées au risque de représailles. Le Haut-Commissariat a adopté un cadre global de protection des acteurs de la société civile, à commencer par la protection des défenseurs des droits de l'homme, parmi lesquels s'illustrent aussi des femmes.
Pour animer ce débat, quatre panélistes étaient invités à faire des présentations et à participer à un échange de vues avec les délégations. Il s'agissait de Mme Margaret Sekaggya, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme; de Mme Sunila Abeysekera, membre de la Coalition internationale des femmes défenseurs des droits de l'homme; de M. José de Jesús Orozco Henríquez, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme de la Commission interaméricaine des droits de l'homme; et de M. Nazar Abdelgadir, du Geneva Institute for Human Rights.
Au cours de débats, toutes les délégations ont exprimé leurs préoccupations face à la persistance et parfois l'aggravation des violences à l'égard des femmes défenseurs des droits de l'homme. Leur courage et leur bravoure ont été salués par les délégations. L'accent a été mis sur les mécanismes de protection qui doivent tenir compte des exigences et besoins spécifiques de ces militantes et de toutes les femmes qui défendent les droits de l'homme. La responsabilité de la protection des femmes défenseurs des droits de l'homme incombe essentiellement à l'État, ont reconnu les délégations; ils doivent adopter des législations spécifiques qui garantissent la pleine égalité devant la loi, l'accès à la justice et à des réparations. En la matière, la communauté internationale a également un rôle à jouer en s'attachant à renforcer l'efficacité des mécanismes existants et à combattre l'impunité qui protège les auteurs de ces actes. Enfin, si l'on entend répondre aux violations et à l'insécurité auxquelles elles sont confrontées, il est capital de reconnaître et de répertorier l'expérience des femmes se portant à la défense des droits de l'homme, a expliqué une autre délégation. Plusieurs délégations ont présenté les mécanismes et initiatives prises aux niveaux national ou régional pour assurer la protection des femmes défenseurs des droits de l'homme.
Les délégations suivantes ont pris part à ce débat: Australie, Slovénie, Sénégal (au nom du Groupe africain), Algérie, Chili, Lituanie, Syrie, Autriche, Argentine, Espagne, République tchèque, Cuba, Norvège, Kirghizistan, Irlande, Soudan, Suisse, Pays-Bas, Royaume-Uni, Sri Lanka, Union européenne, Pologne, Pakistan, France, Uruguay, États-Unis, Turquie, Canada et Allemagne. Cinq organisations non gouvernementales ont également pris la parole: Association pour la participation des femmes au développement, Human Rights Watch, Verein Sudwind Entwicklungspolitik, Association lesbienne et gay internationale - Europe (au nom également de Action Canada pour la population et le développement) et le Service international pour les droits de l'homme.
Le Conseil reprend, au cours d'une séance supplémentaire de la mi-journée, ses débats entamés hier matin avec les Rapporteuses spéciales chargées respectivement de l'indépendance de la justice et de la violence contre les femmes. Il tiendra dans l'après-midi son débat général sur la protection et la promotion de tous les droits de l'homme.
Journée annuelle de débats sur les droits fondamentaux des femmes: les femmes défenseurs des droits de l'homme
Déclaration liminaire
Dans une déclaration lue par Mme Mona Rishmawi du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, MME KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, souligne que si certains défenseurs des droits de l'homme ont été célèbres – Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi, Martin Luther King par exemple – de nombreux autres demeurent anonymes. C'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit de femmes. Malgré des progrès certains, nous continuons à vivre dans un monde où il règne toujours une grande inégalité dans les droits des femmes. Les menaces contre les défenseurs des droits de l'homme sont courantes et pour elles, la famille ou la communauté peut devenir un espace dangereux au sein duquel elles sont confrontées au risque de représailles.
Au début de l'année, après plusieurs mois de consultations, le Haut-Commissariat a adopté un cadre global de protection des acteurs de la société civile, à commencer par la protection des défenseurs des droits de l'homme, parmi lesquels s'illustrent aussi des femmes. Le Haut-Commissariat, qui est très sensible à l'action des femmes dans la promotion des droits de l'homme, organise des formations aux mécanismes des droits de l'homme. Dans certains pays, il est également impliqué dans une assistance juridique. Le Haut-Commissariat prévoit de demeurer profondément engagé dans la défense des femmes qui s'engagent dans la défense des droits de l'homme. Il s'agit, dans le débat d'aujourd'hui, d'envisager des stratégies plus efficaces pour appuyer celles et ceux qui sont en première ligne.
Exposés des panélistes
MME MARGARET SEKAGGYA, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, a souligné que si hommes et femmes sont victimes de violences et de violations des droits de l'homme, il y existe des différences. De son point de vue, les violations des droits fondamentaux des femmes peuvent être des violences verbales ou physiques, notamment dans les zones de conflits. Il faut également penser aux normes sociales, culturelles ou religieuses qui font peser sur les femmes des formes de violence réelle et symbolique. Les femmes qui remettent en cause ces normes sont à leur tour victime de violence, a poursuivi Mme Sekaggya, les cadres sociaux étant patriarcaux et souvent machiste, voire sexistes. En outre, la militarisation de la société, notamment dans les zones de conflits, accroît le risque de violence pour les femmes, a encore analysé la Rapporteuse spéciale, soulignant que ces violences peuvent être le fait des groupes armés ou des acteurs étatiques. Par ailleurs, le phénomène de mondialisation, en créant une compétition pour les ressources, marginalise davantage les groupes les plus vulnérables, dont les femmes. Dans ce contexte, la défense des défenseurs des droits de l'homme est une question de survie. Il est donc essentiel de prendre en considération ces différents facteurs de discrimination pour pleinement appréhender le phénomène de la violence faite aux femmes.
MME SUNILA ABEYSEKERA, de la Coalition internationale des femmes défenseurs des droits de l'homme, a déclaré qu'en 2012, plusieurs centaines de femmes militantes des droits de l'homme avaient été arrêtées dans des pays du Nord comme du Sud, certaines étant battues, menacées, tuées. Nos droits civils et politiques sont violés ainsi que nos droits économiques, sociaux et culturels. Les femmes défenseurs des droits de l'homme sont souvent stigmatisées, a-t-elle constaté, notant que ces mises en cause venaient à la fois d'acteurs étatiques comme non étatiques. Les pesanteurs patriarcales jouent un rôle important dans ces pratiques, en s'appuyant sur la tradition et sur les pratiques coutumières. La montée des fondamentalismes religieux et du nationalisme jouent aussi un rôle. Quant aux femmes qui s'efforçant de défendre les droits des peuples autochtones, le droit à la terre, à l'accès à l'eau en particulier, elles sont en butte aux menaces directes d'organisations paramilitaires. Les femmes militant pour le droit à l'avortement sont en butte elles aussi aux violences d'acteurs étatiques ou non étatiques. Celles qui défendent le droit de choisir son orientation sexuelle, celles qui font la promotion de l'usage du préservatif sont tout aussi menacées. Dans les pays en phase de transition, des femmes refusent de plus en plus que ces processus politiques soient contrôlés par des hommes. Les femmes sont trop souvent considérées comme des victimes alors qu'elles veulent être des actrices du changement et sont prêtes à prendre en mains leur destin, a conclu Mme Abeysekera.
M. JOSÉ DE JESÚS OROZCO HENRÍQUEZ, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a déclaré qu'il y avait un consensus en Amérique sur l'obligation des États à protéger les femmes, consensus réaffirmé dans plusieurs textes et cadres juridique dont une résolution de l'Assemblée générale des États américains. Pour suivre la situation, la Commission a mis en place un bureau permanent du Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme, mandat dont M. Orozco est le titulaire. Cependant, malgré ces mesures, la violence à l'égard des femmes n'a pas disparu, et certains phénomènes se sont même aggravés, en particulier certains stéréotypes et autres comportements sexistes et machistes, a reconnu le Rapporteur spécial. Il est donc devenu nécessaire de recueillir des informations sur cette violence afin de mieux l'aborder et préparer un cadre institutionnel plus performant, notamment en matière de justice. M. Orozco a ensuite présenté les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l'homme dont dispose la Commission interaméricaine des droits de l'homme et indiqué que la moitié des mesures prises en leur faveur des défenseurs des droits de l'homme concernaient des femmes. Le Rapporteur spécial a enfin souligné qu'il est important que les femmes connaissent l'ensemble de ces mécanismes, et souligné la détermination de la Commission à défendre les droits fondamentaux des femmes.
M. NAZAR ABDELGADIR, Geneva Institute for Human Rights (GIHR), a souligné le rôle des femmes au cours du printemps arabe; elles ont été l'un principaux moteurs du mouvement révolutionnaire. On ne parle pas seulement des femmes de «l'élite» mais aussi de celles du peuple qui sont descendues dans la rue pour s'ériger contre l'oppression. Ainsi, est apparue une image différente de la femme que celle stéréotypée qui est véhiculée par les médias. La femme s'est levée pour elle-même et pour l'avenir de ses enfants. Ce qui est nouveau, c'est le rôle joué par les femmes pour organiser des manifestations pacifiques, via Internet et les réseaux sociaux. En dépit de l'importance des défis à relever, en matière sécuritaire en particulier, elles ont dû avant tout affronter l'obstacle principal sur lequel reposent tous les autres, à savoir le pouvoir patriarcal. Les femmes ont-elles trouvé leur place, un an et demi après le début de ce printemps arabe? On constate malheureusement que les hommes monopolisent à nouveau le pouvoir, les femmes n'occupant guère plus de un à deux pour cent des postes, a constaté M. Abdelgadir.
Débat
Le Chili, au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, s'est dit préoccupé par les menaces et agressions dont sont victimes les femmes défenseurs des droits de l'homme et celles qui travaillent sur des questions liées aux droits de la femme. Les mécanismes de sécurité publique doivent tenir compte des exigences et besoins spécifiques de ces militantes. La délégation a demandé aux panélistes de donner des exemples concrets d'intégration de la notion de perspective de genre dans ces mécanismes de sécurité.
La Lituanie a noté que les femmes défenseurs des droits de l'homme, malgré les risques physiques qu'elles encourent, ainsi que leurs proches et leurs familles, n'en ont pas moins réussi à améliorer la situation des droits de l'homme dans bien des cas. L'Autriche a observé que les femmes journalistes sont exposées à des risques particuliers du fait de leurs activités. La Slovénie a rappelé que la responsabilité de la protection des défenseurs des droits de l'homme incombe aux États. L'Argentine a estimé nécessaire que les États légifèrent et garantissent l'accès à la justice des femmes victimes de violence. L'Argentine reconnaît l'importance des groupes de femmes dans le rétablissement des droits de l'homme, comme par exemple les «Mères de la Place de Mai». La Norvège, au nom de pays nordiques, a souligné la nécessité pour les femmes de participer à leur propre protection. La Norvège a demandé aux panélistes de dire comment venir en aide aux femmes défenseurs des droits de l'homme victimes de procédures juridiques abusives. L'Australie a salué la bravoure des femmes défenseurs des droits de l'homme partout dans le monde et condamné les États qui laissent se perpétrer, en toute impunité, des violences contre elles. L'Australie a fait valoir que quatre des six Commissaires aux droits de l'homme de l'Australie sont des femmes.
L'Espagne a indiqué disposer, depuis 1998, d'un système national de protection des défenseurs des droits de l'homme: il n'est pas toujours facile d'y intégrer la dimension sexospécifique du fait de son caractère réactif et non proactif, commun à nombre d'autres structures similaires. La République tchèque appuie pour sa part les défenseurs des droits de l'homme par le biais de ses programmes d'aide à la transition. La collaboration très étroite avec les acteurs de terrain lui permet de prendre en compte les besoins relatifs à la sexospécificité.
L'Algérie a indiqué avoir renforcé encore son action en vue d'une meilleure participation des femmes dans la vie politique. La loi interdit toute forme de violence physique et autre. Les femmes victimes de la discrimination ont accès à la justice et à des réparations. Le Kirghizistan a indiqué les mesures prises par le gouvernement pour lutter les discriminations faites aux femmes. La stratégie nationale prévoit en particulier un élargissement leurs possibilités de participer à la vie politique et économique.
La Syrie a dénoncé la situation subie par les femmes dans le Golan syrien occupé par Israël. Ces femmes sont soumises à une pression psychologique très forte du fait des violations des Conventions de Genève par Israël, en particulier la séparation forcée d'avec leurs proches, leur mise en détention arbitraire, voire le handicap ou la mort sous les balles israéliennes.
Cuba a dénoncé l'attitude de ceux qui prétendent défendre les droits de l'homme et qui, véritables mercenaires, se mettent au service d'États impérialistes qui tentent de provoquer des changements de régimes. Les défenseurs des droits de l'homme se comptent par millions à Cuba.
Le Sénégal, au nom du Groupe africain, a souligné le rôle prépondérant, et souvent bénévole, des femmes dans l'instauration des conditions matérielles nécessaires à la jouissance des droits de l'homme dans leurs communautés. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a désigné un Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, qui s'intéresse en particulier au cas des femmes défenseurs des droits de l'homme.
L'Union européenne a demandé aux experts s'ils avaient pu mettre en évidence des pratiques optimales suivies soit par les défenseurs des droits de l'homme afin d'assurer leur sécurité, soit par des États, des mécanismes régionaux ou internationaux afin d'assurer leur protection et traduire en justice les responsables de persécutions. L'Irlande a noté que l'expérience des femmes se portant à la défense des droits de l'homme était souvent ignorée ou déformée. Répertorier cette expérience et ce travail est capital si l'on entend répondre aux violations et l'insécurité auxquelles elles sont confrontées. L'Irlande souhaiterait que les panélistes énumèrent un certain nombre de bonnes pratiques qui ont été mises à l'épreuve pour recenser les violations subies par ces militantes. La Suisse a fait part de sa préoccupation quant au fait que le travail accompli en faveur des droits des femmes et sur les questions liées au genre soit souvent considéré comme une remise en question de certaines normes socioculturelles et de traditions, stigmatisation provenant tant des agents étatiques que non étatiques. La Suisse est convaincue qu'il faut faire davantage pour protéger les femmes militant en faveur des droits de l'homme. Les Pays-Bas apportent leur soutien à tout mécanisme, qu'il soit national, régional ou international, de soutien au travail et à la sécurité des femmes défenseurs des droits de l'homme. Ils se félicitent du rôle de havre joué par la ville de La Haye pour les défenseurs des droits de l'homme en quête d'un abri.
La Pologne s'est demandée de quelle manière le Conseil pouvait aborder le problème du recours répandu de la manipulation de la religion, de la culture ou de la tradition servant à justifier les violations des droits des femmes défenseurs des droits de l'homme. Elle a demandé à Mme Sekaggya, à laquelle elle a rendu hommage pour son engagement particulier dans ce dossier, quelles initiatives elle recommandait à cet égard. L'Allemagne, qui s'est félicitée de ce que les panélistes soient originaires de différentes régions du monde, leur a demandé de fournir des exemples des défis particuliers liés à leur région et, à l'inverse, des pratiques optimales permettant aux États parties comme aux acteurs non étatiques de répondre au défi de défendre les militantes des droits de l'homme.
La France a souligné que la communauté internationale devait s'attacher à renforcer l'efficacité des mécanismes de lutte contre les violences à l'encontre des femmes et à combattre l'impunité qui protège les auteurs de ces crimes. Il est souhaitable que des synergies soient recherchées entre les différents mécanismes des Nations Unies concernés et que les bonnes pratiques soient mises en valeur en matière de droits des femmes. La France réitère son soutien à ONU-Femmes avec laquelle elle a signé un accord de coopération le mois dernier. Le rôle de coordination et la visibilité de cette agence renforcent l'universalité des droits de l'homme, estime encore la France. Le Canada a souligné que le combat pour assurer l'imputabilité des responsables attaques contre les militantes des droits de l'homme était primordial si l'on entendait y mettre un terme. Sa représentante a souhaité qu'émerge de ce débat des recommandations pratiques et des efforts concrets et raisonnables pour prévenir de futures violations, se félicitant à l'avance des propositions des panélistes à cet égard. L'Uruguay a demandé aux panélistes si une législation commune, appliquée avec une perspective de genre, pouvait constituer une garantie suffisante, ou s'il conviendrait plutôt d'édicter des lois spécifiques pour protéger les femmes défendant les droits de l'homme.
Le Pakistan a affirmé que les Pakistanaises jouaient un rôle important dans la promotion et la protection des droits de l'homme, en faveur notamment des droits des femmes et des jeunes filles. Il a demandé aux panélistes de quelle manière on pourrait rendre hommage au niveau national aux défenseurs des droits de l'homme. Le Soudan a fait valoir que quelque 3000 organisations non gouvernementales étaient enregistrées sur son territoire, dont la vaste majorité sont soit dirigées par des femmes, soit fonctionnent au quotidien grâce à l'implication de femmes. Ces organisations travaillent en toute liberté, jouissant de la liberté d'expression reconnue par la Constitution intérimaire du pays. Des institutions pour les défendre ont été mises en place – le Conseil consultatif des droits de l'homme et sa commission des plaintes en particulier. Sri Lanka a expliqué que s'il n'existait pas de législation particulière en faveur des défenseurs des droits de l'homme, toute personne estimant que ses droits ou ceux de la collectivité sont lésés peut porter plainte auprès de la Cour suprême, de la cour d'appel ou de la Commission nationale des droits de l'homme. La Turquie a indiqué que, depuis une dizaine d'années, elle avait engagé une série de réformes pour promouvoir et protéger les droits des femmes, citant en exemple la loi sur la protection de la famille et la prévention de la violence à l'égard des femmes adoptée le 8 mars dernier. Les États-Unis ont expliqué qu'ils soutenaient les défenseurs des droits de l'homme, parmi lesquels nombre de femmes, en les subventionnant modestement pour leur permettre d'accomplir leur tâche ou en versant des fonds d'urgence à ceux et celles qui sont confrontés à une menace imminente. Le Royaume-Uni a noté que parmi les tactiques sournoises employées par les États contre les femmes défenseurs des droits de l'homme figurent en effet la limitation des financements. Leur défense doit figurer parmi les priorités du Conseil.
Organisations non gouvernementales
L'Association pour la participation des femmes au développement a dénoncé le manque de reconnaissance de l'action des femmes défenseurs des droits de l'homme dans plusieurs d'Amérique centrale. Cette situation s'explique par le manque de mécanismes de protection, les politiques militaristes de certains États et une criminalité très élevée. Tous ces facteurs expliquent l'impunité dont bénéficient les auteurs de violence contre les femmes défenseurs des droits de l'homme. Les États devraient mettre au point des programmes de protection basés sur les droits de l'homme et tenant compte des besoins de protection spéciaux des femmes. Human Rights Watch a appelé les gouvernements à reconnaître le statut des femmes défenseurs des droits de l'homme et de leur accorder une protection correspondant à leurs besoins; de garantir leur accès à la justice et à la protection, en particulier en diligentant des enquêtes sur les agressions dont elles et leurs enfants sont victimes; et à abolir les statuts de tutelle imposés aux femmes, ou d'autres restrictions similaires, afin d'assurer que les femmes âgées de 18 ans bénéficient de pleine personnalité juridique, de la pleine égalité devant la loi et de la pleine participation à la vie sociale et publique.
L'organisation Verein Südwind Entwicklungspolitik a attiré l'attention sur le sort de Mme Narges Mohammadi, défenseur des droits de l'homme condamnée, en Iran, et après un procès inique, à six ans de prison au motif de «collusion contre la sécurité nationale». Emprisonnée, en violation des règlements, hors de sa ville de résidence, elle court actuellement des dangers très graves pour sa santé. Une autre femme avocate et défenseur des droits de l'homme, Mme Nasrin Sotudeh, également emprisonnée en Iran, exige de pouvoir voir ses enfants, faute quoi, elle entamera une grève de la faim.
L'Association lesbienne et gay internationale - Europe (au nom également de Action Canada pour la population et le développement) a demandé aux États de reconnaître la réalité à laquelle sont confrontées les militantes des droits de l'homme, notamment celles qui militent en faveur de la liberté sexuelle. Ils doivent apporter un soutien matériel à leur action, tout en garantissant leur liberté de mouvement tant aux niveaux national qu'international. La représentante a demandé aux experts ce qu'il conviendrait de faire pour que les États rendent des comptes à cet égard. Le Service international pour les droits de l'homme a donné des exemples de violations des droits des femmes défenseurs des droits de l'homme, citant notamment des attentats commis contre des cliniques pratiquant l'avortement aux États-Unis. La représentante a estimé que les femmes devaient être placées au cœur des initiatives des Nations Unies en faveur des défenseurs des droits de l'homme. Elle a attiré l'attention sur le fait que les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) couraient des risques particuliers.
Réponses et conclusions des panélistes
M. OROZCO HENRÍQUEZ a déclaré que les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l'homme de la commission interaméricaine des droits de l'homme comprennent des audiences publiques, qui permettent d'obtenir des informations de la part des États. Rien qu'au cours de l'année dernière, la commission a tenu plus de quarante audiences publiques. En ce qui concerne les bonnes pratiques, le Rapporteur spécial a cité tout ce qui a été fait pour combattre l'impunité. Des enquêtes ont été mises en place de façon systématique dans certains pays. De plus la ventilation des données pas sexe a été rendue obligatoire par la commission. Certains pays ont en outre adopté des mesures spécifiques, comme la Colombie où un décret a été adopté pour la protection des défenseurs des droits de l'homme et qui fait bien une différence entre droits des hommes et ceux des femmes. Le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l'homme de la Commission interaméricaine des droits de l'homme a déclaré que les défenseurs des droits de l'homme sur le continent américain sont confrontés à de multiples obstacles liés en particulier à l'accès à la justice et aux lois qui pénalisent encore leur action – sans compter les menaces directes et les assassinats dont ils sont victimes. Les femmes défenseurs des droits de l'homme ont besoin d'une protection particulière. Les États doivent adopter à leur intention des mesures spécifiques de protection et lutter résolument contre l'impunité. Dans certains États des Amériques, des procureurs et des policiers sont spécialisés dans la protection des défenseurs des droits de l'homme.
M. SEKAGGYA a pour sa part indiqué que tous ses rapports ont insisté sur la nécessité de mettre l'accent sur les bonnes pratiques, de les reproduire et de sensibiliser les populations. Cela est fondamental en ce qui concerne les stratégies de protection, a-t-elle ajouté, soulignant la responsabilité des États en la matière. Il faut en outre mettre en place des mécanismes d'alerte et compiler des données ou mettre l'accent sur la prévention. Par ailleurs il faut allouer plus de ressources aux programmes de protection, assurer la formation des personnels qui interviennent dans ces processus et fournir aux victimes toute l'assistance voulue. Il est également nécessaire de mener des campagnes de sensibilisation et travailler avec les communautés afin de changer leur comportement et obtenir leur soutien, a encore plaidé la Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme. En fin de séance, elle a constaté qu'il y ait consensus sur la nécessité de protéger les femmes défenseurs des droits de l'homme. Ce consensus exige une action ferme des États contre l'impunité des auteurs – acteurs étatiques aussi bien que non étatiques – de violences contre ces femmes et pour l'accès des défenseurs des droits de l'homme aux voies de droit. La Rapporteuse spéciale collabore avec des mécanismes régionaux pour garantir la protection des femmes défenseurs des droits de l'homme.
M. ABDELGADIR a également estimé que la formation des acteurs étatiques et non étatique est fondamentale. Par ailleurs la primauté du droit international est à souligner, autant que la lutte contre l'impunité et l'allocation des ressources adéquates et souples. En outre, les femmes défenseures des droits de l'homme doivent s'impliquer plus activement dans les mécanismes et consultations de façon à renforcer l'approche sexospécifique dans les mécanismes de protection. Enfin, il faut faire s'inspirer des expériences régionales positives a-t-il aussi plaidé. Le représentant du Geneva Institute for Human Rights a insisté sur l'importance de la volonté politique et de l'action contre les stéréotypes sur les femmes. Il faut tenir compte des besoins des femmes et favoriser leur participation au dialogue national, sur un pied d'égalité avec les hommes. Les jeunes doivent avoir conscience que les femmes ont des droits. Il persiste un écart entre la législation et la réalité du terrain. L'absence de la femme dans les transitions démocratiques remet en cause la validité de ces transitions, a conclu M. Abdelgadir.
MME ABEYSEKERA a de son côté insisté sur l'importance des principes de l'état de droit et de la lutte contre l'impunité dans le cadre de la protection des défenseurs des droits de l'homme. Si l'impunité règne ou si l'état de droit n'est pas respecté, il est assez difficile de demander l'application des cadres juridiques, a-t-elle ajouté. Elle a ensuite noté qu'il est plus difficile pour une femme de s'engager activement dans les mécanismes, en raison de leur statut d'épouse ou de mère. Il faut tenir compte de ce contexte et de cet environnement, a-t-elle expliqué, soulignant que les meilleurs mécanismes au monde ne pourront pas fonctionner efficacement s'ils ne tiennent pas de ce contexte. La représentante de la de la Coalition internationale des femmes défenseurs des droits de l'homme a souligné l'importance d'assurer la visibilité de ces femmes, qui peut conférer un certain degré de protection. Les femmes qui interviennent au niveau strictement local sont davantage vulnérables. On doit s'inquiéter de la raréfaction des ressources consacrées aux femmes qui défendent les droits de l'homme. L'experte a demandé au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme de veiller à ce que les débats du Conseil continuent de tenir compte des besoins des femmes défenseurs des droits de l'homme. Les États doivent être redevables des violations des droits fondamentaux de ces femmes, y compris lorsqu'elles sont commises par des acteurs non-étatiques.
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HRC12/076F