Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION-DÉBAT SUR LES MESURES DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE À L'ÉGARD DES FEMMES
Le Conseil des droits de l'homme tenu, ce matin, une réunion-débat sur les pratiques optimales et les lacunes qui subsistent dans la prévention de la violence à l'égard des femmes, dans le cadre de sa journée annuelle de débats consacrés aux droits fondamentaux des femmes, qui se poursuivra dans l'après-midi avec une seconde réunion-débat, qui portera sur la violence contre les femmes dans le cadre de conflits armés.
Le débat de ce matin a été ouvert par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, qui a notamment présenté un rapport du Haut-Commissariat sur les meilleures pratiques dans les actions visant à prévenir la violence contre les femmes. La Haut-Commissaire a souligné qu'un tiers des femmes dans le monde avaient subi ou subiraient une forme de violence au cours de leur vie, alors que, dans certains pays, jusqu'à deux tiers des femmes affirment avoir subi des violences physiques. Si la plupart des États ont transcrit dans leur législation nationale le cadre international des droits de l'homme pour combattre la violence faite aux femmes, ils doivent maintenant s'attacher à mener des actions concrètes.
Mme Michelle Bachelet, Directrice exécutive de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation de la femme (ONU-Femmes) a affirmé que la meilleure façon de lutter contre la violence à l'égard des femmes est de la tuer dans l'œuf. Cette forme de violence est conditionnée par la culture et peut dès lors être modifiée en commençant par la promotion de la prévention primaire, direction stratégique essentielle, a-t-elle préconisé. La violence est un mécanisme de contrôle sur la liberté des femmes, sur leur intégrité et sur leurs choix, a affirmé la Directrice d'ONU-Femmes, invitant les médias à modifier leur manière de traiter la violence à l'égard des femmes ainsi que les rôles et l'image respectifs des hommes et des femmes. L'ancienne présidente du Chili, qui intervient pour la première fois devant le Conseil des droits de l'homme depuis sa nomination à la tête d'ONU-Femmes en septembre dernier, a aussi observé que chaque fois plus d'hommes s'investissent dans ce combat, mais a souligné que les efforts consentis restent faibles compte tenu de l'ampleur du problème.
Mme Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a pour sa part rappelé que la prévention de la violence à l'égard des femmes est de la responsabilité des États. Dans ce contexte, les États doivent adopter des sanctions pénales, civiles et administratives pour réprimer les violences et faire en sorte que les femmes victimes aient accès aux mécanismes de justice et de dédommagement pour les torts subis. Mme Manjoo a ajouté que cette approche ne doit pas être uniquement législative, mais également préventive, particulièrement en matière d'élimination des causes structurelles qui conduisent à la violence à l'égard des femmes.
Mme Dubravka Šimonović, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a attiré l'attention sur les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et a observé que la violence à l'égard des femmes constitue une forme de discrimination systématique et une violation des droits de l'homme à laquelle les femmes sont encore confrontées partout dans le monde.
M. Jimmie Briggs, Directeur de l'organisation Man Up Campaign, a estimé que la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles est l'un des plus graves problèmes de notre temps, qui n'est pas une simple manifestation de l'opportunisme violent des hommes, mais aussi une véritable arme de guerre. M. Briggs a estimé qu'il sera impossible de parvenir à l'égalité entre les sexes et de prévenir la violence aussi longtemps que l'on ne changera pas la vie des jeunes garçons et des hommes. Il faut des initiatives visant la responsabilisation des hommes et comprendre qu'ils font partie de la solution; il faut que les hommes soient au centre des stratégies de prévention et d'intervention.
Venue partager une expérience spécifique à son pays, Mme Yuniyanti Chuzaifah, Présidente de la Commission nationale indonésienne sur la violence faite aux femmes, a indiqué que son institution avait été créée à la suite des violences sexuelles visant des femmes d'origine chinoise lors des émeutes de 1998 en Indonésie. Elle a constaté que l'un des problèmes qui se posaient dans les contextes de guerre ou de troubles sociaux était celui de la responsabilité des forces de l'ordre dans les violences sexuelles.
Au cours des échanges, il a été souligné que le combat contre la violence à l'égard des femmes ne devait pas rester du seul ressort des femmes et de nombreux intervenants ont partagé des exemples d'actions concrètes incluant les hommes dans la recherche de solutions à ce fléau mondial. La représentante de l'UNICEF a notamment fait état de certains programmes menés avec la participation des hommes et des jeunes garçons. À l'instar de Mme Pillay, plusieurs délégations ont mis en relief le rôle et la responsabilité des médias dans la modification des stéréotypes. La plupart des délégations de pays ont fait état de mesures qu'ils ont prises pour lutter contre la violence à l'égard des femmes
Les délégations des pays suivants ont participé au débat: Chili, Canada, Brésil, Costa Rica (au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes), Maldives, Union européenne, Japon, Cuba, Pakistan, Belgique, Cuba, Pakistan, Belgique, Paraguay (au nom du MERCOSUR), Slovaquie, Pérou, Finlande, Honduras, Indonésie, République populaire de Chine, Slovénie, Allemagne, Australie, Azerbaïdjan, Royaume-Uni, Norvège, Turquie, Lituanie, Espagne, Singapour, République islamique d'Iran, Thaïlande et Pologne.
La représentante du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (au nom également du Fonds des Nations Unies pour la population a également pris la parole, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Worldwide Organization for Women et Women's, Human Rights International Association, Association pour la communication progressive (au nom également de Association lesbienne et gay internationale - Europe) et Verein Südwind Entwicklungspolitik.
Le Conseil des droits de l'homme poursuivra à 15 heures ses travaux dans le cadre de la journée de débats consacrés aux droits fondamentaux des femmes en tenant une deuxième réunion-débat, qui portera sur le thème de la violence à l'égard des femmes dans les situations de conflit armé. À la mi-journée, le Conseil tient un débat organisé par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme dans la Jamahiriya arabe libyenne.
Réunion-débat sur les droits fondamentaux des femmes
Déclaration liminaire
MME NAVI PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a souligné que la plupart des États membres ont transcrit dans leur législation nationale le cadre international des droits de l'homme pour combattre la violence faite aux femmes. Elle a relevé qu'un tiers des femmes dans le monde avaient subi ou subiraient une forme de violence au cours de leur vie. Dans certains pays, jusqu'à deux tiers des femmes affirment avoir subi des violences physiques. Il s'agit d'une des pires manifestations de la discrimination qui frappe les femmes, estiment diverses instances de l'ONU, au premier rang desquelles l'Assemblée générale. Il convient de se concentrer sur des actions concrètes, a-t-elle souligné, la vocation du présent panel étant de tracer des pistes à cet égard.
Mme Pillay a indiqué que le Haut-Commissariat présente aujourd'hui, à l'occasion de cette journée consacrée aux droits fondamentaux des femmes, un rapport sur les bonnes pratiques dans la prévention des violences envers les femmes. Ce document s'appuie sur les contributions de près d'une centaine d'entités dont 42 États membres. Une analyse générale de ces contributions montre que la prévention implique toute une gamme de stratégies et d'interventions qui doivent être accompagnées d'engagements politiques et financiers. De nombreux États ont adopté un cadre juridique pour protéger les femmes et pour dissuader la violence de certains hommes. Toutefois, ces cadres ne sont pas toujours globaux, adaptés et accessibles aux femmes; quant à leur volet de prévention – quand il existe –, il n'est pas toujours clairement articulé. La prévalence de la violence contre les femmes est si élevée qu'aucun État n'est en mesure de faire face à l'étendue des violations ni d'aider toutes les victimes. C'est la raison pour laquelle la prévention doit être au centre de toute stratégie visant à éliminer la violence envers les femmes. D'autres problèmes ont trait à l'absence générale de mesures de suivi et d'évaluation attachées aux diverses initiatives dans ce domaine et à la précarité des financements.
Mme Pillay a indiqué que le Haut-Commissariat contribuait aux actions en faveur de la lutte contre la violence faite aux femmes, à la fois depuis Genève et sur le terrain. Elle a cité des projets menés par le Bureau régional du Haut Commissariat en Amérique centrale, à l'intention des magistrats, des personnels de santé ou des forces de l'ordre; ou encore le projet du Bureau en Afrique centrale qui a contribué, par exemple, à l'élaboration d'une «politique nationale du genre» au Cameroun.
Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme sur les meilleures pratiques dans les actions visant à prévenir la violence contre les femmes (A/HRC/17/23, en anglais et en chinois) fournit un aperçu analytique des pratiques considérées comme optimales ou prometteuses, ainsi que les défis à relever dans ce domaine. Le rapport présente notamment des exemples de bonnes pratiques, articulées autour de trois catégories: mesures juridiques, mesures politiques et mesures opérationnelles. Il identifie certains des défis majeurs à relever en matière de prévention de la violence contre les femmes sur la base de l'analyse des informations fournies.
Interventions des panélistes
MME RASHIDA MANJOO, Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, a déclaré que la prévention de la violence à l'égard des femmes est de la responsabilité des États; elle fait partie de leurs obligations internationales relatives au devoir de diligence, comme en dispose par exemple la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Dans ce contexte, les États doivent adopter des sanctions pénales, civiles et administratives pour réprimer les violences et faire en sorte que les femmes victimes aient accès aux mécanismes de justice et de dédommagement pour les torts subis. Mme Manjoo a ajouté que cette approche ne doit pas être uniquement législative, mais également préventive, particulièrement en matière d'élimination des causes structurelles qui conduisent à la violence à l'égard des femmes. De plus, cette prévention doit prendre en compte les formes multiples de la violence et de la discrimination, avec pour objectif d'adopter des stratégies ciblées. Mme Manjoo a ensuite rappelé les recommandations déjà formulées en 1999 par le premier Rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes, dont la ratification des instruments internationaux pertinents, la sensibilisation des systèmes de police et de justice ou encore la récolte de données statistiques. Mme Manjoo a ajouté qu'il existe une corrélation entre la prévalence de la violence faite aux femmes et les mesures de responsabilisation: les enquêtes, la traduction en justice des auteurs de violence et les mesures de protection ont un impact direct sur le taux de prévalence. L'absence d'authentique responsabilisation conduit à une culture d'impunité et fait croire à ses auteurs que la violence à l'égard des femmes n'est pas un crime grave, voire qu'elle est autorisé par l'État.
Revenant sur les causes structurelles de la violence à l'égard des femmes, Mme Manjoo a déclaré que l'objectif ultime de l'État, dans son processus d'enquête et de répression, doit être la transformation de la société et l'autonomisation des femmes. Cette autonomisation passe notamment par le soutien à l'éducation et à la formation des femmes de façon à leur donner confiance en elles. Les femmes qui ont acquis une autonomie comprennent qu'elles ne sont pas destinées à la subordination, à la violence; elles résistent à l'oppression, développent leur propres capacités et négocient les termes de leur existence dans les sphères publiques et privées, a observé Mme Manjoo. Les États doivent en outre engager des «négociations culturelles» permettant de dégager les causes profondes de la violence et la nature oppressive de certaines pratiques sociétales. Cette négociation culturelle doit aussi permettre d'identifier et de contester la légitimité de ceux qui monopolisent le droit de parler au nom d'une culture ou d'une religion, a ajouté Mme Manjoo. La Rapporteuse spéciale a estimé que les État peuvent démystifier les constructions sociales et combattre les tabous: cela exige cependant une volonté politique et la mise à disposition des mêmes ressources pour la prévention, la répression de la violence à l'égard des femmes que pour les autres politiques de lutte contre toute autre forme de violence.
MME MICHELLE BACHELET, Directrice exécutive de l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes), a affirmé que la meilleure façon de lutter contre la violence à l'égard des femmes est «de la tuer dans l'œuf». Cette forme de violence est conditionnée par la culture et peut dès lors être modifiée. C'est pourquoi la prévention primaire est une orientation stratégique essentielle, a ajouté Mme Bachelet. La violence est un mécanisme de contrôle de la liberté des femmes, de leur intégrité et de leurs choix. Après avoir évoqué les coûts de la «pandémie de la violence faite aux femmes», Mme Bachelet a observé qu'il n'y a pas d'interventions uniques qui vaillent pour toutes les situations: il faut donc appliquer des approches intégrées et adaptées. Celles-ci commencent avec la petite enfance et l'éducation des fillettes. Il importe d'adopter des stratégies ciblant les groupes à risque, par exemple les enfants vivant dans des foyers caractérisés par la violence. L'école représente également un lieu privilégié pour l'apprentissage de la prévention de la violence et d'une culture de non violence. Surtout, a insisté Mme Bachelet, les médias doivent changer leur manière de dépeindre la violence à l'égard des femmes ainsi que les rôles et l'image respectifs des hommes et des femmes.
Si la prévention primaire est le moyen le plus efficace à long terme, les programmes de prévention sont embryonnaires dans nombre de pays et il reste «de nouvelles frontières à conquérir», a commenté Mme Bachelet. Elle a cité plusieurs programmes qui ont connu des succès en Afrique; ainsi, l'organisation SASA, en Ouganda, œuvre dans plusieurs pays et met l'accent sur le respect aux femmes et sur le coût de la violence à l'égard des femmes. La campagne «Ring the Bell» («sonnez l'alarme»), en Inde, intervient dans le même sens auprès des médias; cette campagne a touché 124 millions de personnes et le nombre de dirigeants religieux et communautaires sensibilisés ne cesse d'augmenter. Mme Bachelet a remarqué que toujours plus d'hommes s'investissent dans le combat contre la violence à l'égard des femmes. Mais elle a aussi souligné que les mesures prises sont trop faibles compte tenu de l'ampleur du problème, qui dépasse de loin la capacité de réaction de la communauté des donateurs.
MME DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, experte du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a rappelé qu'elle a été l'ancienne co-présidente du Comité d'experts ayant présidé à l'élaboration de la Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, adoptée le 7 avril 2011. Mme Šimonović a observé que, dans l'approche fondée sur les droits de l'homme, la violence à l'égard des femmes constitue une forme de discrimination systématique et une violation des droits de l'homme à laquelle les femmes sont encore confrontées partout dans le monde.
Après avoir fait une synthèse des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes relatives à la violence, Mme Šimonoviæ a observé que la Convention est le seul traité international interdisant la discrimination à l'encontre des femmes dans tous les domaines de la vie civile, politique, économique, sociale et culturelle, dans les sphères tant privée que publique. La Convention repose sur les principes de non-discrimination et d'égalité entre hommes et femmes. L'experte a montré comment les dispositions des deux premiers articles de l'instrument constituent le cadre de la prévention de la violence à l'égard des femmes. L'article 1 donne en effet une définition large de la discrimination, tandis que, dans l'article 2, les États «conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes».
Mme Šimonović a précisé qu'en 1992, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a réaffirmé l'importance de ces clauses dans sa recommandation générale n°19 sur la violence à l'égard des femmes. Celle-ci donne une interprétation de l'obligation qu'ont les États parties de lutter contre la violence en vertu de la Convention. La recommandation précède la Déclaration des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes, adoptée en 1993. D'autre part, les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ont été renforcées par l'adoption de son Protocole facultatif, ratifié à ce jour par 101 États, qui a créé deux procédures distinctes: les communications ou procédures de plaintes, et la procédure d'enquête.
Mme Šimonović a enfin présenté les grandes lignes de la Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, ouverte à la signature le 11 mai 2011 à Istanbul et signée par 13 États du Conseil de l'Europe. Le principal apport de cet instrument est qu'il fournit, au niveau européen, une série de normes juridiquement contraignantes pour combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Il établit aussi un mécanisme spécifique de suivi visant à garantir son application effective.
M. JIMMIE BRIGGS, Directeur et cofondateur de l'organisation Man Up Campaign, a déclaré que la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles est l'un des plus graves problèmes de notre temps. Cette violence n'est pas une simple manifestation de l'opportunisme violent des hommes, mais une véritable arme de guerre. On le constate en particulier dans le cadre des guerres ethniques, où le viol systématique est souvent utilisé pour déstabiliser les populations et pour humilier, démoraliser et détruire les communautés. Très souvent, des hommes sont forcés d'assister au viol de leurs femmes et de leurs filles, a rajouté M. Briggs. Citant une étude menée en 2008 par l'Université de Johannesburg sur les conséquences individuelles et collectives des abus et violences à l'égard des adolescentes et jeunes femmes, M. Briggs a souligné que toutes les personnes interrogées avaient déclaré avoir fait des tentatives de suicide; elles disaient en outre que la violence avait un impact négatif sur le développement et l'estime de soi, notamment dans le cadre des relations interpersonnelles. Une autre conclusion de l'étude est que lorsque les adolescentes et jeunes femmes victimes sont encouragées à prendre leur vie en main et à choisir leur destin individuel et collectif, elles considèrent leurs actes comme importants et réparateurs.
Il sera impossible de parvenir à l'égalité entre les sexes et de prévenir la violence aussi longtemps que l'on ne changera pas la vie des jeunes garçons et des hommes, a poursuivi M. Briggs. Depuis trop longtemps, l'absence des hommes et des garçons des programmes de lutte contre la violence à l'égard des femmes empêche tout progrès dans ce domaine. Citant une étude de Institut international de recherche et de formation des Nations unies pour la promotion de la femme (INSTRAW), M. Briggs a déclaré que dès lors que les initiatives se focalisent sur la responsabilisation des hommes, il devient possible de les envisager comme faisant partie de la solution et de les mettre au centre des stratégies de prévention et d'intervention. Citant une étude de l'Organisation mondiale de la santé, M. Briggs a constaté que ces stratégies ont des résultats quantifiables et positifs, notamment une diminution de la violence dans le cadre privé, un traitement plus équitable des garçons et des filles et une meilleure communication entre partenaires concernant la santé des enfants et la prise de décision en matière de procréation.
MME YUNIYANTI CHUZAIFAH, Présidente de la Commission nationale indonésienne sur la violence faite aux femmes (Komnas Perempuan), a indiqué que son institution avait été créée à la suite des violences sexuelles visant des femmes d'origine chinoise lors des émeutes de 1998 en Indonésie. La Komnas Perempuan (KP) est une institution nationale indépendante, créée par décret présidentiel et dont le mandat s'appuie sur la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ainsi que sur la Convention contre la torture.
Mme Chuzaifah a d'abord constaté que l'un des problèmes qui se posaient dans les contextes de guerre ou de troubles sociaux était celui de la responsabilité des forces de l'ordre dans les violences sexuelles, une question généralement perçue comme relevant de cas individuels ou isolés. La conséquence est qu'il est très difficile d'obtenir des réparations par les mécanismes de justice transitionnelle mis en place lorsque la paix civile est rétablie. Mme Chuzaifah a souligné la vulnérabilité des travailleuses domestiques migrantes et des travailleuses du sexe. Elle a demandé de quelle manière le Conseil des droits de l'homme avait tenté de traiter la question de l'impunité des employeurs, ainsi que la responsabilité des États - d'origine ou d'accueil. Un effort important doit être consenti en faveur de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, un instrument souvent perçu de manière erronée et mal interprété. Pour éviter un processus complexe d'examen devant les Nations Unies, certains États estiment qu'il vaut mieux adopter la substance de la Convention plutôt que de la ratifier, a regretté Mme Chuzaifah.
La panéliste s'est aussi penchée sur la question de la violence justifiée par des motifs politiques, moraux ou religieux. Mme Chuzaifah a noté à cet égard que la démocratie n'entraîne pas automatiquement une amélioration de la situation des femmes. En Indonésie, la régionalisation et l'émergence de pouvoirs locaux ont bénéficié aux tenants d'un certain ordre moral, dans un contexte de montée de l'intégrisme. Ainsi, en 2011, la Komnas Perempuan a-t-elle compté 199 lois locales à caractère discriminatoire. Mme Chuzaifah a souligné l'importance de reconnaître et de renforcer les institutions nationales des droits de l'homme. Elle a plaidé en faveur de la création de systèmes de suivi et de réhabilitation des victimes. Enfin, elle a conclu à la nécessité de briser le silence et de rechercher des mécanismes judiciaires alternatifs.
Aperçu des déclarations
Ouvrant le débat, le représentant du Chili s'est enorgueilli qu'une ancienne présidente de son pays, Michelle Bachelet, dirige les efforts de promotion et de la prise en compte des droits de la femme dans toute l'action du système des Nations Unies. Le représentant chilien affirmé que l'indifférence est inacceptable face à l'accroissement de la violence à l'égard des femmes. Problème mondial de société, cette forme de violence ne peut être exclusivement résolue par des mesures de réparation aux victimes ou par un accès accru à la justice, a-t-il affirmé, soulignant l'importance des mesures préventives. La représentante Canada a également salué la consolidation du travail de l'ONU sur les questions liées à la femme et s'est félicitée qu'ONU-Femmes projette d'accroître sa présence sur le terrain, ce qui ne manquera pas d'améliorer l'impact des efforts visant à l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Elle a exprimé le vœu qu'ONU-Femmes joue un rôle accru dans la coordination avec les autres entités des Nations Unies et dans l'intégration des bonnes pratiques dans la prévention de la violence à l'égard des femmes. Pour le Canada, cette prévention s'articule autour de la lutte contre les comportements, coutumes, pratiques et stéréotypes favorisant cette violence. Elle doit aussi reposer sur la vigilance obligatoire, l'analyse transversale de la violence à l'égard des femmes et la modification des lois discriminatoires, ainsi que le rôle incontournable que les femmes et la société civile jouent dans la mise en place de réponses sur le terrain.
Mme Iriny Lopes, Ministre des politiques de la femme du Brésil, a partagé l'expérience de son pays en la matière et évoqué le Pacte national de lutte contre la violence faite aux femmes qui comporte quatre axes principaux. Il s'agit du renforcement des réseaux de soins, de la mise en œuvre la Loi Maria da Pena, de la protection de la santé sexuelle, de la lutte contre l'exploitation des femmes et de la protection des femmes détenues. Elle a aussi déclaré qu'il importe de consacrer un budget plus substantiel à la lutte contre cette forme de violence et d'identifier ses causes profondes. La ministre brésilienne a mis l'accent sur la résistance institutionnelle à aborder cette thématique et sur le rôle fondamental de la société civile, qui a réussi à faire échec à la croyance selon laquelle cette violence relève du domaine privé.
S'exprimant au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, la représentante du Costa Rica a quant à elle abordé la lutte contre la violence faite aux femmes dans le contexte de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Le rapport du Haut-Commissariat sur les bonnes pratiques contient des exemples concrets de et de mesures contre ce type de violence. Elle a jugé fondamentale la création d'ONU-Femmes, sous la houlette de Mme Michelle Bachelet, et insisté sur le rôle concret que le Conseil des droits de l'homme peut jouer dans la mise en place de mesures solides sur le terrain.
Pour sa part, la représentante des Maldives a souligné la gravité de la question, produit des inégalités flagrantes fondées sur le sexe au sein des sociétés. La clé de voûte de la solution réside dans l'identification des causes de cette violence. Elle a catégoriquement rejeté les thèses attribuant cette violence à la religion, soulignant par contre les effets d'une interprétation fondamentaliste d'un clergé patriarcal. Elle a précisé que son pays ne saurait approuvé des textes de loi qui portent atteinte à la dignité des femmes et basés sur une interprétation biaisée de la religion. Il n'y a aucun avantage à discuter avec des États qui ne supportent pas les idées d'égalité entre les sexes, de parité et de dignité de la femme, a encore affirmé la déléguée maldivienne.
Le représentant de la Hongrie, au nom de l'Union européenne, a expliqué que sans données fiables, il est impossible de travailler sur un sujet aussi important et a posé trois questions aux panelistes: quelles initiatives prendre pour améliorer les connaissances acquises sur la violence faite aux femmes et comment partager ce savoir; quel est le rôle des organisations internationales et intergouvernementales dans ce contexte? Son homologue du Japon a axé son intervention sur l'aide apportée par son pays aux programmes de lutte contre la violence à l'égard des femmes en Afghanistan et dans d'autres pays. Au plan national, le Gouvernement japonais organise des campagne de sensibilisation, mène des recherches sur des contre-mesures efficaces.
La délégation de Cuba a relevé que ce sont les femmes qui sont les plus touchées par les divers fléaux affectant le monde. Il a condamné «l'acte de génocide» constitué par l'embargo américain contre Cuba, notant que là encore ce sont les femmes et les petites filles qui en souffraient le plus. Néanmoins, Cuba se situe au premier rang des pays du monde en ce qui concerne la condition féminine, notamment en matière de participation politique. Pour sa part, la représentante du Pakistan a mentionné la question des crimes d'honneur, précisant que ceux-ci sont désormais passibles d'une peine de dix ans de prison. Le fléau de la violence ne peut être éliminé sans une autonomie pleine et entière des femmes, a-t-elle ajouté.
Le représentant de la Belgique a indiqué que son pays s'efforçait de s'adresser aux groupes les plus vulnérables, les femmes migrantes plus particulièrement. Notant que les campagnes d'information visaient presque exclusivement les femmes alors qu'il conviendrait de s'adresser aussi aux hommes, il a demandé aux panélistes s'ils avaient connaissance de campagnes en direction des hommes ayant donné des résultats intéressants. La délégation de la Slovaquie a également souligné l'importance de mener des campagnes de sensibilisation de la population, celle-ci n'étant pas toujours consciente de l'étendue du problème, évoquant à cet égard la question des femmes roms vivant dans des communautés marginalisées.
La délégation du Paraguay, qui s'exprimait au nom du MERCOSUR, a rappelé que cette organisation tenait des réunions sur la condition féminine depuis un quart de siècle, indiquant qu'une table-ronde se tenait même actuellement dans ce cadre à Asunción. La délégation du Pérou a indiqué que les réseaux sociaux étaient utilisés dans son pays afin de sensibiliser la population sur la question de la violence domestique et sexuelle. Le représentant du Honduras a indiqué que son pays avait mis sur pied un Institut national de la femme chargé d'appliquer la politique du pays en faveur des femmes.
Celle de la Finlande a noté l'importance des défis en matière de financement, ce qui implique en premier lieu une volonté politique affirmée. Les médias ont un rôle à jouer dans la modification des stéréotypes, a-t-elle ajouté par ailleurs. Elle a demandé aux panélistes quelles étaient les trois pratiques les plus efficaces dans la prévention de la violence.
La représentante du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), qui s'exprimait aussi au nom du Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP), a dénoncé la culture du silence entourant la violence contre les fillettes et les femmes. Il existe néanmoins de nombreux exemples de bonnes pratiques, outre l'autonomisation. Certaines actions sont menées de concert avec des hommes et des jeunes garçons, a-t-elle indiqué.
Worldwide Organization for Freedom, qui s'exprimait au nom de plusieurs organisations non gouvernementales, a appelé les États à faire de cette question une priorité, recommandant la mise sur pied de programmes solides prenant en compte les questions de santé et de sexualité. Women's Human Rights International a noté l'aspect pluridimensionnel des violences envers les femmes, rappelant qu'elles ne dépendaient ni de la race, ni de la religion. La violence sexuelle doit être éliminée prioritairement, sans oublier les mutilations génitales, dont les auteurs doivent être traduits en justice.
Les délégations de l'Indonésie et de l'Autriche ont souligné qu'une approche globale et holistique est indispensable lorsque l'on aborde la question des discriminations à l'égard des femmes. Pour la Chine, il faut tout simplement interdire les violences faites aux femmes et éliminer toutes les violences qui les frappent. Dans son cadre national mis en place un cadre législatif répressif ainsi que des unités de prévention et des centres médicaux. La délégation de la République islamique d'Iran a quant à elle présenté l'éventail de mesures prises dans le cadre de la lutte contre ces violences, dont des mesures en faveur de l'éducation et pour le suivi des victimes.
La diversité des efforts montre bien qu'il n'y pas de panacée a déclaré la Slovénie. Dans ce cadre l'Australie a demandé aux panelistes de bien vouloir présenter au Conseil, des exemples de bonnes pratiques qui ont permis d'éliminer les violences faites aux femmes. L'Azerbaïdjan a pour sa part estimé qu'il est difficile de généraliser les bonnes pratiques. Cependant un échange d'informations et d'expériences serait utile. La représentante a demandé aux panelistes comment ils voyaient le rôle d'un système judiciaire sensible. La délégation du Royaume-Uni a estimé qu'il fallait mettre en place des programmes novateurs dans les pays où se pratiquent ces violences.
La délégation de la Norvège a quant à elle souligné que le phénomène touche toutes les classes sociales et toutes les cultures. Les stéréotypes qui font croire aux jeunes garçons et aux hommes que les femmes sont soumises se répandent face au silence qui entoure ces questions. Dans ce contexte, elle a plaidé pour une mobilisation des hommes et des changements profonds de la société. On ne peut pas vouloir avancer sans un large consensus sociétal. Comment les Nations Unies peuvent aider à parvenir à cet objectif, a interrogé la représentante.
S'exprimant au nom de la communauté des démocraties, la Lituanie a rappelé que la communauté internationale traite depuis longtemps de ce phénomène. Différentes mesures ont été prises aux niveaux nationaux et cela montre qu'il est nécessaire d'examiner les situations particulières de chaque État. Cependant il faut donner une autonomie aux femmes afin qu'elles puissent participer à la construction d'une société stable.
L'Espagne a aussi souligné que la violence à l'égard des femmes était une question structurelle que son pays traite en priorité par la prévention grâce notamment à un programme qui détecte des situations à risques dans lesquelles se trouvent les femmes. Des unités de prévention s'ajoutent à ce dispositif.
Sur le territoire de Singapour, la violence à l'égard des femmes n'est pas tolérée, a déclaré son représentant. Son pays croit que l'éducation est une des clefs de la lutte contre ce phénomène. Il a été rejoint en cela par le représentant de la Thaïlande, qui a estimé que le plus important est d'empêcher que la violence ne se produise. Beaucoup de stéréotypes sont véhiculés par les médias et il faut donc éviter que de tels stéréotypes ne soient diffusés, a-t-il poursuivi. La formation et la sensibilisation des forces de sécurité est aussi nécessaire.
La délégation de l'organisation non gouvernementale Verein Südwind Entwicklungspolitik a pour sa part déclaré que les deux facteurs de violence à l'égard des femmes sont les lois en vigueur et les pratiques culturelles.
Réponses et conclusions des experts
MME BACHELET a indiqué qu'ONU-Femmes se mobilisait sur tous les fronts et qu'en tant qu'agence, elle disposait d'un avantage comparatif face aux lacunes politiques. Il importe de veiller à l'autonomie culturelle et économique des femmes, a-t-elle poursuivi. ONU-Femmes veillera à favoriser l'indépendance économique des femmes, car lorsqu'elles jouissent d'autonomie économique et politiques, les femmes sont plus à même de défendre leurs droits. La Directrice exécutive d'ONU-Femmes en a voulu pour exemple la situation des femmes dans la période post-apartheid en Afrique du sud. Comment inclure davantage de femmes dans les efforts de négociations de la paix, s'est-elle interrogée en soulignant que les femmes veulent façonner cet aspect de la prise de décisions politiques qui a tant de répercussions sur leur vie et celle de leur famille.
ONU-Femmes œuvre aussi en vue d'un aménagement urbain et rural sûr pour les femmes. D'autre part, ONU-Femmes prépare un matériel regroupant les bonnes pratiques se rapportant à la situation des femmes dans les conflits. Les meilleures expériences et les leçons apprises ont aussi été compilées, a-t-elle informé en invitant les délégations à consulter le site Internet d'ONU-Femmes. Traitant du mariage précoce, elle a souligné le fossé entre les textes de lois et leurs mises en œuvre pour sortir de la rhétorique dans ce domaine. L'accès à la justice et la lutte contre l'impunité sont au cœur de ces efforts, a déclaré Mme Bachelet, qui s'efforce aussi de demander aux dirigeants de parler à leurs compatriotes masculins et de mener campagne auprès d'eux pour infléchir les tendances et modifier les comportements et les modes de pensée discriminatoires à l'égard des femmes. D'autres efforts sont axés sur les responsables et chefs communautaires pour prévenir les mariages précoces, les mutilations génitales féminines et autres pratiques préjudiciables aux femmes et aux fillettes. Les filles doivent également être à l'abri des abus et être scolarisées sans risque d'abandon scolaire pour des motifs d'ordre social ou économique, a conclu la Directrice exécutive d'ONU-Femmes.
MME MANJOO a déclaré que la réponse aux problèmes, dans ce domaine comme dans d'autres réside dans l'éducation à tous les niveaux. On doit se mettre d'accord pour reconnaître que la violence faite aux femmes est une violation des droits de l'homme, ce qui entraîne la nécessité d'aider les victimes et de prendre des mesures de prévention qui s'attaquent à la racine du problème. Il importe aussi de sensibiliser au problème de la violence contre les femmes et d'inscrire ce phénomène dans un continuum, a souligné la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes. La vulnérabilité des femmes à la violence s'explique enfin par le sentiment d'impunité des auteurs de cette violence et l'idée selon laquelle il s'agirait là d'un phénomène normal.
MME ŠIMONOVIĆ a informé le Conseil que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes travaille à la mise en place d'un instrument sur les femmes dans les conflits armés. Elle a par ailleurs souligné que l'accès à la justice est un élément de la lutte contre les violences que subissent les femmes. Elle a pris note des déclarations ayant souligné que la prévention et la protection des victimes sont liées, autant que la nécessité d'une approche globale pour combattre ce phénomène.
M. BRIGGS a relevé qu'un consensus semblait se dessiner à l'horizon autour de la nécessité de mettre fin une bonne fois pour toutes à la violence à l'égard des femmes, mais qu'il restait la question de la mise en œuvre. Le rôle des hommes et des garçons dans ce processus ne saurait être négligé et il existe un certain nombre de programmes de par le monde visant à engager les hommes et les garçons à changer leurs comportements et leurs visions des rôles des femmes et des hommes au sein de la société. Le Directeur de Man Up Campaign, a aussi plaidé en faveur d'une éducation comportant des éléments sur l'identité des femmes et des hommes, notamment autour des questions liées à la masculinité et à la signification d'«être un homme».
MME CHUZAIFAH a déclaré que les médias jouent un rôle important dans l'incitation à la violence. La Commission indonésienne sur la violence faite aux femmes assure une surveillance de la publication d'informations à caractère misogyne et met en garde les médias concernés. Il faut en outre combattre et corriger les perceptions traditionnellement contraires au respect des droits fondamentaux des femmes. Mme Chuzaifah a appelé en outre les États à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, en vue de mieux protéger les droits des femmes migrantes.
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HRC11/083F