Fil d'Ariane
LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME EST SAISI DU RAPPORT ANNUEL SUR LES FORMES CONTEMPORAINES DE RACISME
Le Conseil de droits de l'homme a tenu, à la mi-journée, un dialogue interactif avec M. Githu Muigai, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et l'intolérance qui y est associée, qui a présenté son rapport annuel.
Le rapport de M. Muigai est axé, cette année, d'une part sur la discrimination contre les Roms et d'autre part sur la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance. Il a notamment relevé que des plans nationaux d'action avaient été mis en œuvre par certains États pour traiter des questions intéressant les Roms, mais les atteintes graves aux droits des Roms se poursuivent. La dimension structurelle du racisme contre les Roms doit absolument être prise en compte, car elle alimente leur marginalisation économique. Les discours racistes et xénophobes à l'encontre des Roms doivent être condamnés, tout particulièrement lorsqu'ils sont formulés par des responsables politiques. Abordant la question de la ségrégation fondée sur la caste, qui cantonne certaines populations à des activités professionnelles généralement considérées comme dégradantes, M. Muigai a également souligné qu'un grand nombre de pays ont adopté des législations interdisant la discrimination fondée sur le travail, mais ils doivent assurer l'application de ces textes et lutter effectivement contre la discrimination. Des mesures de sensibilisation aux questions de discrimination fondée sur l'ascendance doivent aussi s'adresser aux agents de la fonction publique et aux personnels de la police et de justice.
S'agissant de la visite qu'il a effectuée à Singapour en avril 2010, le Rapporteur spécial a noté que les autorités s'étaient efforcées de promouvoir la cohésion sociale, la coexistence religieuse et l'harmonie raciale, mais il a constaté une certaine restriction de la liberté d'expression et de la liberté d'assemblée, ainsi que le fait que chacun porte le poids de son identité ethnique. Singapour a fait une déclaration à titre de pays concerné.
Au cours du débat avec le Rapporteur spécial, de nombreuses délégations ont relevé que les défis auxquels sont confrontées les communautés roms révélaient un grave problème de racisme en Europe. Elles ont déploré les expulsions et les démolitions de camps roms sous prétexte de raisons de sécurité, soulignant que les délits commis par quelques-uns ne sauraient justifier que l'opprobre soit jeté sur un groupe entier. Des délégations ont déploré que la population en général soit hostile aux Roms et recommandé des actions positives pour promouvoir la tolérance, le respect et la compréhension mutuelle. Des délégations ont commenté les parties du rapport qui les concerne s'agissant en particulier de la situation des Roms dans leur pays. S'agissant de la discrimination fondée sur l'ascendance, plusieurs délégations ont souligné que le problème des castes ne relevait pas uniquement de l'attitude des autorités mais aussi de réalités sociales profondément enracinées jusque dans les castes elles-mêmes.
Les États suivants ont participé au débat avec le Rapporteur spécial: Hongrie (au nom de l'Union européenne), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), Fédération de Russie, France, Sénégal, Autriche, Nigéria (au nom du Groupe africain), Cuba, Bolivie, Algérie, Inde, Iran, Palestine (au nom du Groupe arabe), Italie, Suisse, République tchèque, Brésil, Pakistan, Norvège, Venezuela et Afrique du Sud. Trois organisations non gouvernementales sont aussi intervenues : Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et Pax Romana.
À 15 heures, le Conseil entame le débat général sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée. Après quoi, il tiendra une réunion-débat sur les moyens de favoriser la promotion d'une culture de tolérance et de paix.
Examen du rapport sur les formes contemporaines de racisme
Présentation du rapport
M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui y est associée, a indiqué que son rapport était axé cette année sur les Roms mais a souligné que cela ne signifiait aucunement qu'il établissait une quelconque hiérarchie dans les atteintes aux droits de l'homme relevant de son mandat. Les Roms ont été victimes d'injustices depuis des siècles, a-t-il rappelé, constatant que des plans nationaux d'action avaient été entrepris par certains États pour traiter des questions intéressant les Roms. Tout en reconnaissant l'importance des ces initiatives positives, il a constaté que des atteintes graves aux droits des Roms se poursuivaient. Les Roms continuent de faire l'objet de discrimination dans le domaine de l'emploi, notamment, a-t-il précisé. Le manque de participation des Roms dans les décisions politiques les concernant, y compris au niveau local, est profondément regrettable, a-t-il ajouté. La dimension structurelle du racisme contre les Roms doit absolument être prise en compte, car elle alimente leur marginalisation économique, a-t-il souligné. Les discours racistes et xénophobes à l'encontre des Roms doivent être condamnés, tout particulièrement lorsqu'ils sont formulés par des responsables politiques, a-t-il rappelé.
M. Muigai a ensuite abordé la question de la ségrégation fondée sur la caste, qui cantonne certaines populations à des activités généralement considérées comme dégradantes, tel que le tri des déchets, voire à la prostitution, pour les filles. Cette situation favorise en outre l'endogamie, les mariages entre membres de castes différentes étant alors généralement interdits. Un grand nombre de pays ont adopté des législations interdisant la discrimination fondée sur le travail, a poursuivi le Rapporteur spécial, insistant sur la nécessité d'appliquer ces textes lorsqu'ils existent et de lutter effectivement contre la discrimination là où cette question est ignorée ou négligée. Des mesures de sensibilisation à l'égard de la discrimination fondée sur l'ascendance doivent aussi être appliquées à l'intention de la fonction publique, des personnels de la police et de la justice, a recommandé M. Muigai.
S'agissant de la visite qu'il a effectuée à Singapour en avril 2010, le Rapporteur spécial a noté que les autorités de cet État s'étaient efforcées de promouvoir la cohésion sociale, la coexistence religieuse et l'harmonie raciale. Toutefois, il a indiqué avoir constaté une certaine restriction de la liberté d'expression et de la liberté de s'assembler, ainsi que la pesanteur de l'identité ethnique. Il a recommandé au Gouvernement d'adopter une loi spécifique sur l'interdiction de la discrimination raciale.
Le rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance qui y est associée (A/HRC/17/40 disponible en anglais seulement) prend pour angle privilégié les victimes en présentant une analyse du racisme et de la discrimination raciale contre les Roms et de la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance. Un rapport additionnel concerne la mission que le Rapporteur spécial a effectuée à Singapour (A/HRC/17/40/Add.2). Les échanges avec les États font l'objet d'un troisième document (A/HRC/17/40/Add.1).
Pays concerné
M. STEVEN PANG CHEE WEE (Singapour) s'est réjoui que lors de la visite qu'il a effectuée dans son pays en avril dernier, M. Muigai ait remarqué la «coexistence pacifique» des diverses communautés qui composent Singapour. Le représentant a tenu à rappeler que le système de Singapour est basé sur le mérite et l'égalité des chances et que, par conséquent, aucune disposition n'empêche les membres des minorités ethniques de travailler dans les institutions publiques. Dans le secteur judiciaire, par exemple, 42,5% des 40 juges de la Cour suprême nommés depuis l'indépendance du pays appartenaient à des minorités ethniques, a-t-il fait valoir. De même, dans les forces armées, le nombre d'officiers d'origine malaise reflète les résultats académiques de cette catégorie de population.
Singapour accepte ouvertement les différences ethniques et est fière de sa diversité culturelle, qu'elle considère comme une force, a déclaré le représentant. En outre, si l'égalité devant la loi est garantie par la Constitution, cela ne signifie pas pour autant que le pays nie les différences ethniques. C'est pour des raisons pratiques que l'origine ethnique est mentionnée dans les documents d'identité: cette information permet aux autorités d'adapter ses interventions aux besoins des différents groupes ethniques, a expliqué le représentant. Commentant la recommandation du Rapporteur spécial relative à la suppression des dispositions législatives qui restreignent le débat public sur l'appartenance ethnique, Singapour est d'avis que cette question, tout comme la question religieuse, est particulièrement sensible car elle touche à l'identité humaine fondamentale. C'est particulièrement vrai à Singapour, petite cité-État pas plus grande que la ville de New York, qui se doit de maintenir un certain équilibre entre liberté d'expression et préservation de l'harmonie entre les races et les religions. Cela ne signifie pas pour autant que les problèmes liés à l'appartenance ethnique et à la religion ne puissent être abordés à Singapour, a assuré le représentant.
Le représentant singapourien a par ailleurs fait observer que si les dispositions de la loi sur le travail sont perfectibles s'agissant de la protection des travailleurs domestiques, les droits de ces personnes sont néanmoins couverts par la loi sur l'emploi des travailleurs étrangers, qui prend en compte leurs conditions de travail spécifiques. D'autre part, le Gouvernement de Singapour a pris des mesures pour faciliter le dépôt de plaintes par ces personnes, tandis que les agents de l'inspection du travail mènent plus de mille inspections chaque année, sur les lieux de travail mais aussi au domicile des travailleurs. Enfin, le représentant a fait savoir que Singapour envisage de ratifier davantage d'instruments internationaux de droits de l'homme, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées, à laquelle elle devrait accéder en 2012.
Débat interactif
MME JOËLLE HIVONNET (Hongrie au nom de l'Union européenne) s'est réjouie que le Rapporteur spécial ait mis l'accent sur la manière dont l'Union européenne lutte contre la discrimination raciale et le racisme à l'encontre des Roms. L'année dernière, a-t-elle rappelé, l'Union a adopté des textes à cet égard, qui sont mis en œuvre par tous ses membres. En outre, des campagnes de sensibilisation, d'encouragement à la tolérance et au respect mutuel sont menées et un dialogue est engagé avec les Roms eux-mêmes. Un certain nombre de projets en matière d'éducation et de logement sont également mis en œuvre.
M. SAEED SARWAR (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a noté que les défis auxquels sont confrontées les communautés roms révélaient un sérieux problème de racisme en Europe. Il a déploré les expulsions qui ont été menées ici et là en invoquant des raisons de sécurité, soulignant que les délits commis par quelques-uns ne sauraient justifier que l'opprobre soit jeté sur un groupe entier. S'agissant du problème des castes, le représentant pakistanais a souligné, tout comme le reconnaît le Rapporteur spécial, que le problème ne relevait pas uniquement de l'attitude des autorités mais aussi de réalités sociales profondément enracinées jusque dans les castes elles-mêmes.
M. SERGEY KONDRATIEV (Fédération de Russie) a indiqué que son pays avait étudié attentivement le rapport de M. Muigai et a jugé étrange que certains pays européens chassent systématiquement les Roms – un comportement qui évoque des événements fâcheux de l'histoire du continent. La Fédération de Russie demande au Rapporteur spécial d'aborder son mandat en tenant compte de toutes les directives du Conseil des droits de l'homme, notamment en veillant à soumettre des informations sur des questions d'actualité telles que la glorification d'anciens nazis.
M. JACQUES PELLET (France) est revenu sur les éléments du rapport de M. Muigai concernant la situation des Roms en France, en affirmant que plusieurs de ces éléments ne reflètent pas la réalité sur le terrain, notamment le passage faisant état d'une ségrégation à l'encontre des Roms dans les établissements scolaires. Le représentant a souligné que le système choisi par la France pour les enfants ne parlant pas la langue française n'est pas exclusif aux Roms. Il a par ailleurs attiré l'attention sur le fait que des campements illicites ont été fermés pour des raisons de salubrité. Il a en outre remis en question les données avancées par le Rapporteur selon lesquelles quelque 8000 Roms auraient été reconduits aux frontières. Le représentant a défendu la politique française à l'égard des Roms en l'inscrivant dans les efforts de lutte contre la traite des personnes et dans le contexte des mesures de soutien et de protection aux groupes vulnérables. Il s'est enfin prononcé en faveur de l'intégration des Roms.
M. ABDUL WAHAB HAIDARA (Sénégal) a exprimé la «profonde déception» de sa délégation quant aux points du rapport de M. Muigai qui font référence à son pays. Il a contesté l'existence au Sénégal d'une quelconque forme de discrimination fondée sur la caste qui serait le fait des pouvoirs publics. La société sénégalaise est «ouverte et tolérante», a-t-il assuré. Il a rappelé que l'ancien Président Léopold Sédar Senghor était issu de l'ethnie sérère, qui est loin d'être majoritaire et qui est de confession catholique – une religion minoritaire dans le pays. La ségrégation est interdite au Sénégal, l'égalité de tous les citoyens devant la loi étant inscrite à l'article premier de la Constitution, a insisté le représentant.
M. JOHANNES STRASSER (Autriche) s'est félicité de l'accent mis par le Rapporteur spécial sur le sort des Roms et a confirmé qu'ils font encore l'objet de discrimination en Europe. Il a attiré l'attention sur les mesures par l'Autriche pour la formation des Roms, notamment au niveau linguistique et aux fins de la lutte contre l'abandon scolaire des jeunes Roms par le biais de l'intervention de médiateurs scolaires. Les autorités autrichiennes mènent également des activités de sensibilisation du public à la situation des Roms, en vue d'améliorer leur perception par la population en général.
M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria au nom du Groupe africain) a noté que le Rapporteur spécial a adopté une démarche fondée sur la victime dans son analyse des atteintes aux droits des Roms. Sans aucun doute, les problèmes auxquels cette communauté est en butte, notamment en Europe, mettent en lumière le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie dans les pays de cette région, a-t-il souligné. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant qu'il s'agit de pays avancés qui se sont dotés de mécanismes de protection des droits de l'homme et des minorités, a-t-il fait observer. Il a jugé déplorable que la population en général soit franchement hostile aux Roms et le marque à travers différentes formes de discrimination, notamment dans l'accès à l'éducation, au logement et aux soins de santé. Il a recommandé des actions positives pour promouvoir la tolérance, le respect et la compréhension mutuelle.
MME JANET ROMÁN ARREDONDO (Cuba) a constaté que les minorités en butte au racisme étaient installées dans de nombreux pays du Nord, qui font proliférer les lois spécifiques visant certaines communautés sous couvert, entre autres, de lutte antiterroriste. La délégation cubaine partage les préoccupations du Rapporteur spécial indiquant que toute discrimination fondée sur l'ascendance doit être combattue. L'ampleur des réformes entreprises par Cuba pour combattre les reliquats de la domination coloniale lui a permis de lutter efficacement contre le racisme, a souligné la représentante.
M. MAYSA UREÑA MENACHO (Bolivie) a souligné que la Constitution de son pays interdit toute forme de discrimination, cette exigence étant en outre concrétisée par les dispositions de la Loi contre le racisme et leurs règlements d'application. Ces normes juridiques, élaborées en concertation avec la société civile et avec l'aide du bureau bolivien du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, ont été saluées par les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, lors de la présentation du rapport périodique de la Bolivie en février dernier, a rappelé la représentante.
M. BOUALEM CHEBIHI (Algérie) s'est déclaré très inquiet que dix ans après l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, la situation des Roms en Europe continue de se poser avec acuité. Les pays d'accueil et de séjour des Roms sont pour la plupart des pays développés qui ont les moyens de se pencher sur cette question et de lui apporter une solution durable. Il aurait souhaité que le Rapporteur spécial examine également la question pressante de la montée du racisme et de la xénophobie envers les migrants, notamment dans le contexte de la crise économique et financière internationale et de ses effets. En effet, dans ce contexte, les migrants sont les premiers à faire l'objet de stigmatisation, d'abus et de discrimination, notamment dans le domaine de l'emploi. La montée des attitudes populistes et xénophobes à l'encontre des travailleurs migrants qui accompagne, en Europe, l'atonie économique est inquiétante et mériterait une attention urgente de la part du Rapporteur spécial, a insisté le représentant algérien. Il a en outre attiré l'attention de ce dernier sur le sort dramatique des migrants en partance d'Afrique du Nord dans le contexte des événements en cours dans certains pays de la région.
M. GOPINATHAN ACHAMKULANGARE (Inde) a rejeté catégoriquement les observations du Rapporteur spécial sur la question de la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance, les jugeant erronées pour des raisons procédurales, conceptuelles et juridiques. Le mandat du Rapporteur spécial ne couvre pas la question de la discrimination fondée sur le travail et l'ascendance, a-t-il insisté, ajoutant qu'il est plus que discutable d'affirmer, comme le fait M. Muigai, que ce type de discrimination équivaut à la discrimination raciale. L'Inde n'a jamais refusé de débattre de la question des castes mais pas de la façon dont le Rapporteur spécial tente de le faire avec mauvaise foi et de manière profondément offensante, a conclu le représentant indien.
M. SEYED HOSSEIN ZOLFAGHARI (Iran) a rappelé que les Roms avaient été victimes d'un génocide pendant la Deuxième Guerre mondiale et qu'ils subissent, depuis cette époque, différentes formes de racisme et de discrimination en Europe. L'année écoulée a ainsi été marquée par une vague d'expulsions de Roms de plusieurs pays européens, en particulier de la France. Ces expulsions, qui ont entraîné des violations des droits de l'homme des Roms, sont une fois de plus condamnées par la communauté internationale, a fait observer le représentant iranien, appelant les pays concernés à étudier attentivement le rapport de M. Muigai et ses recommandations. Le représentant iranien s'est dit particulièrement préoccupé par les propos racistes émanant de politiciens voire de ministres. Il a demandé au Rapporteur spécial de dire quelle mesure il préconise pour combattre cette forme de racisme, ainsi que l'islamophobie.
M. IMAD ZUHAIRI (Palestine au nom du Groupe arabe) a observé avec une vive préoccupation que, malgré les efforts déployés par les instances pertinentes, les cas de racisme fondés sur l'idée de supériorité raciale sèment la haine et forcent à la marginalisation de certaines communautés. Certains aspects de la religion musulmane, notamment le livre sacré et le caractère saint du Prophète, sont parfois bafoués, a-t-il déploré, avant d'apporter son soutien aux conclusions et recommandations du Rapporteur spécial ayant trait aux mesures d'éducation et de sensibilisation.
M. ROBERTO NOCELLA (Italie) s'est félicité du rapport de M. Muigai. Il a assuré que son pays est résolument engagé en faveur de l'intégration sociale des Roms, laquelle exige une action renforcée dans le domaine de l'éducation. C'est pourquoi une commission interministérielle est chargée de préparer et d'appliquer les plans d'action dans ce domaine, a-t-il précisé. D'autre part, la loi italienne punit les auteurs d'incitations à des actes racistes et discriminatoires, a rappelé le représentant.
M. MARTIN ROCH (Suisse) a indiqué que son pays salue les recommandations contenues dans le rapport de M. Muigai et se félicite de l'accent qui y est mis sur les victimes. La Suisse rappelle que la question de l'intégration durable des populations roms et des Gens du voyage demeure un problème actuel, qui doit être considéré avec davantage d'attention. Le représentant suisse a par ailleurs insisté sur la nécessité d'établir un dialogue entre ces populations et les autorités locales des pays d'accueil et d'origine, afin de faire cesser les discriminations dont elles sont victimes et d'améliorer leurs conditions de vie, leur accès à l'éducation et le respect de leurs droits civils et politiques. Tout en se réjouissant que le rapport de M. Muigai présente des bonnes pratiques, le représentant suisse s'est enquis auprès du Rapporteur spécial des mesures concrètes qui, selon lui, permettraient de lutter contre la discrimination structurelle dont est victime la communauté rom.
MME VERONIKA STROMŠÍKOVÁ (République tchèque) a dit partager les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial s'agissant de la discrimination contre les Roms et a assuré que son pays n'était pas passif sur cette question, un plan national d'action y ayant été adopté qui comprend des mesures inclusives, y compris en termes d'accès des enfants roms à l'éducation. La représentante tchèque a par ailleurs évoqué les erreurs du passé du Ministère de la santé de son pays, relativement aux stérilisations des femmes issues de la communauté rom, et a rappelé qu'il y a quelques années, le Gouvernement avait présenté ses excuses, en reconnaissant les faits.
M. FRANKLIN RODRIGUES HOYER (Brésil) a indiqué que son pays partageait les préoccupations exprimées dans le rapport de M. Muigai et a souscrit au point de vue selon lequel il est nécessaire d'adopter une approche centrée sur les victimes. La discrimination et le racisme ont des effets sur tous les aspects de la vie des personnes touchées, a rappelé le représentant brésilien. Il s'est dit préoccupé par la stigmatisation de groupes de population spécifiques, notamment les Roms, surtout quand elle est relayée par des discours politiques. Faisant état des difficultés éprouvées par les Gitans dans son propre pays, le représentant du Brésil a assuré que les autorités prennent des mesures, notamment pédagogiques, en vue de leur meilleure intégration.
M. SAEED SARWAR (Pakistan) a souligné que son pays accordait une très grande importance au mandat du Rapporteur spécial sur le racisme. Il a souligné que les formes de discrimination à l'égard de la communauté rom sont d'autant plus préoccupantes qu'elles empêchent la réalisation des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des Roms. Le représentant a souligné par ailleurs que la discrimination reposant sur le système de castes est l'une des pries formes de racisme et de discrimination raciale. Le représentant a déploré la persistance et l'enracinement profond du racisme dans de nombreuses sociétés. Le système de castes est injuste et marginalise plus particulièrement les «intouchables» au sein de la société, a souligné le représentant, qui a invité les États à s'attaquer aux causes de cette discrimination, estimant que le problème ne relève pas uniquement des États et des autorités locales, mais également des mentalités et des comportements sociaux.
M. BAARD HJELDE (Norvège) a rappelé la nécessité d'élaborer des stratégies nationales et locales ciblées pour mieux lutter contre le racisme. Le représentant a observé que la situation des Roms demeure précaire en dépit des nombreuses initiatives prises en leur faveur. C'est pourquoi les États doivent s'attaquer aux causes de la discrimination. Le représentant norvégien a souligné l'importance de la recommandation de M. Muigai relative à l'éducation, notamment l'éducation des filles. Les écoles doivent fournir un enseignement dénué de stéréotypes à l'encontre de telle ou telle catégorie de population. Le représentant norvégien a souligné que les droits de 250 millions de personnes dans le monde sont compromis à cause de leur appartenance à une caste, cette forme de discrimination représentant une violation flagrante de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
M. EDGARDO TORO CARREÑO (Venezuela) a souligné que le rapport de M. Muigai juge insuffisants les efforts en faveur des Roms. Le représentant vénézuélien a regretté en particulier que certains pays abordent la situation des Roms dans une optique de sécurité publique. La Constitution du Venezuela jette quant à elle les bases de l'établissement d'une société multiethnique et pluriculturelle, a assuré le représentant. Dans ce contexte, les autorités vénézuéliennes examinent notamment un projet de loi aggravant les peines prononcées contre les auteurs d'actes racistes, discriminatoires ou intolérants.
MME SUSAN WILDING (Afrique du sud) a déclaré que son pays aurait espéré que le rapport de M. Muigai fût davantage conforme à la résolution créant le mandat, qui priait le Rapporteur spécial de faire connaître les meilleures pratiques dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, dans le contexte du dixième anniversaire de l'adoption de la Déclaration et du Programme d'action de Durban. La représentante a déclaré se garder de vouloir dicter sa conduite au Rapporteur spécial, mais elle a affirmé que son pays, qui dénonce le racisme sous toutes ses formes, refuse l'approche qui consiste à montrer certains pays du doigt.
Organisations non gouvernementales
M. DAISUKE SHIRANE (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a déploré que, malgré les efforts consentis, la discrimination contre les Roms persiste en Europe. Tout en saluant le rôle des initiatives régionales contre les discriminations, le représentant a rappelé que la responsabilité première dans lutte contre les discriminations incombait aux États. Or, l'IMADR observe des «tendances négatives en Europe», dont certains responsables politiques «utilisent une rhétorique anti-rom» tandis que des crimes haineux continuent d'être commis contre les Roms. Depuis 2008, par exemple, des Roms, ont été assassinés et victimes d'agressions dans de nombreux villages hongrois; les tensions n'ont d'autre part cessé d'augmenter entre populations rom et non-rom, malgré les mesures prises par les États concernés. En dernier lieu, le représentant a invité Sri Lanka à accepter la demande de visite formulée par le Rapporteur spécial.
M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a observé que près de onze ans après l'adoption, par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, de sa Recommandation générale n°27 concernant la discrimination raciale à l'égard des Roms, force est de constater que les États ne se sont pas empressés d'appliquer les mesures préconisées par ledit Comité en vue de la protection contre la violence raciale, tant dans le domaine de l'éducation que des médias, pour améliorer les conditions de vie et la participation à la vie publique des Roms. Le représentant du MRAP a dit partager l'analyse du Rapporteur spécial sur les dimensions structurelles du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. Ce sont ces mêmes causes qui expliquent, en très grande partie, les phénomènes de racisme, de discrimination raciale et xénophobie qui frappent les autres minorités ethniques ou religieuses. Le représentant a remarqué que toutes ces minorités ne sont que trop marginalement représentées au sein des structures politiques, administratives et économiques. Le représentant a déploré enfin que ces minorités fassent l'objet d'attaques dans les discours publics de responsables de partis politiques, voire des plus hauts représentants de certains États.
MME LAWRENCE KWARK (Pax Romana) a observé, avec le Rapporteur spécial, que si le cadre juridique régissant la lutte contre la discrimination sur la base de la caste est théoriquement efficace, il est mal appliqué et ne peut donc remédier aux nombreuses violations des droits de l'homme commises à ce titre en Inde, au Népal, au Bangladesh et à Sri Lanka, entre autres pays. La représentante a estimé que la première étape de l'élimination de ce problème doit être la reconnaissance, par les États, que la discrimination basée sur le travail et l'ascendance est une forme de discrimination raciale interdite par la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Conclusion par le Rapporteur spécial
M. GITHU MUIGAI, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, a remercié les États pour leurs commentaires et recommandations sur son travail et assuré qu'il ne manquera pas de les intégrer à ses rapports de suivi. Il a annoncé qu'il s'apprêtait à achever son mandat. Le Rapporteur spécial a dit comprendre les sentiments associés à certains des problèmes en jeu. Il a affirmé qu'en prenant ses positions et en interprétant la loi, il a agi en toute conscience et n'a agi au nom de personne. Assumant la responsabilité de ses analyses, M. Muigai a mis l'accent sur l'objectivité de son travail, en particulier pour ce qui est de la question des castes et de l'emploi, estimant que ces aspects relèvent pleinement de son mandat. Concernant la situation des Roms, il a renvoyé aux recommandations contenues dans son rapport. En réponse aux questions posées sur l'islamophobie en Europe et ailleurs dans le monde, le Rapporteur spécial a rappelé ses rapports soumis au Conseil sur ces sujets graves. Au reproche de l'Afrique du Sud de stigmatiser certains pays, il a répondu qu'il lui aurait été difficile de traiter d'une communauté sans faire mention explicite du pays où elle vit, s'agissant des Roms en particulier. M. Muigai a aussi assuré à la délégation de l'Afrique du Sud qu'il n'élaborera pas de rapport sans avoir eu des entretiens préalables avec les victimes, dans les pays concernés.
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HRC11/087F